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Technique - Maladies et ravageurs

L'érable champêtre

Pierre Aversenq - Le Lien Horticole - n°740 - février 2011 - page 12

Petit arbre peu exigeant, l'érable champêtre convient d'autant mieux aux alignements urbains et petits jardins qu'il ne craint guère les affections parasitaires. Cependant, depuis quelques années, la maladie de la suie le frappe à son tour.
 PHOTO CENTRALE : PÉPINIÈRES MINIER

PHOTO CENTRALE : PÉPINIÈRES MINIER

Nécrose marginale des feuilles intoxiquées par des émanations de chlore.

Nécrose marginale des feuilles intoxiquées par des émanations de chlore.

Larve vivement colorée du bombyx à livrée (Malacosoma neustria).

Larve vivement colorée du bombyx à livrée (Malacosoma neustria).

Chenilles du dernier stade larvaire du bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea).

Chenilles du dernier stade larvaire du bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea).

Sous l'écorce de cet arbre mort, une plaque noire charbonneuse signe la présence de la maladie de la suie.

Sous l'écorce de cet arbre mort, une plaque noire charbonneuse signe la présence de la maladie de la suie.

Fructification en forme de sabot de l'amadouvier officinal sur un tronc nettement fissuré.

Fructification en forme de sabot de l'amadouvier officinal sur un tronc nettement fissuré.

Taches nécrotiques de forme anguleuse sur les feuilles d'un érable affecté par l'anthracnose.

Taches nécrotiques de forme anguleuse sur les feuilles d'un érable affecté par l'anthracnose.

Dégât foliaire de la tenthrède mineuse de l'érable.

Dégât foliaire de la tenthrède mineuse de l'érable.

Larves du flatide pruineux au printemps sous une feuille d'érable.

Larves du flatide pruineux au printemps sous une feuille d'érable.

Lors de la coupe d'une branche desséchée, un anneau nécrotique sombre caractéristique d'une infection par Verticillium se remarque dans les vaisseaux conducteurs.

Lors de la coupe d'une branche desséchée, un anneau nécrotique sombre caractéristique d'une infection par Verticillium se remarque dans les vaisseaux conducteurs.

Lésion corticale laissant entrevoir une galerie creusée par la larve de la zeuzère.

Lésion corticale laissant entrevoir une galerie creusée par la larve de la zeuzère.

PORTRAIT DE L'ARBRE

L'érable champêtre (Acer campestre) ou « petit érable » est une essence indigène très largement répandue en France, excepté sur le pourtour méditerranéen, les Landes de Gascogne et les zones montagneuses (à partir de 1 000 mètres d'altitude). Cette essence spontanée occupe une place privilégiée dans les haies bocagères et les boisements. Sa longévité peut atteindre un à deux siècles.

Généralement de petite taille (12 à 15 mètres), l'érable champêtre a une cime arrondie et un feuillage très léger. Ses feuilles – les plus petites rencontrées chez les Acer (4 à 7 cm de large) – sont découpées en trois à cinq lobes inégaux. D'un vert soutenu, elles prennent des couleurs jaune cuivré à l'automne. L'écorce est claire, crevassée et assez écailleuse. Les jeunes rameaux se couvrent fréquemment de surprenantes crêtes liégeuses longitudinales. La floraison, discrète, survient tôt au printemps au moment de la mise à feuilles. Les fleurs nectarifères attirent en nombre les abeilles. Les fruits sont des samares à ailes rougeâtres. L'érable champêtre possède un bois dur au grain fin, de teinte crème à légèrement rougeâtre. De croissance lente, cet arbre supporte correctement la taille (il offre un bon recouvrement des plaies) et il émet facilement des rejets.

Appréciés en alignement

En raison de leur frugalité, de leur faible développement et de l'absence de nuisances liées à leurs racines, les érables champêtres sont appréciés en alignement urbain. Excellents arbres d'ombrage dans les petits jardins, ils constituent un « bourrage » intéressant pour les haies bocagères et brise-vent, et trouvent leur place dans des haies panachées taillées. Il existe différentes variétés à feuilles panachées ou dorées ('Albo-maculatum', 'Carnival', 'Postelense'...) des formes naines ou des petits gabarits ('Nanum', 'Pulverulentum'...). Ce sont également des arbres prisés pour la confection de bonzaïs. Autrefois, ils servaient de support pour les pieds de vigne (1). Les érables champêtres se montrent accueillants pour l'entomofaune régulatrice. Visités par des colonies de pucerons très tôt au printemps, ils voient débarquer des névroptères, des syrphes et des coccinelles. Plus tard, ce sont des psylles qui attirent des mirides (2).

SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES

Les érables champêtres sont globalement assez peu exigeants en matière d'autoécologie. Ils préfèrent la pleine lumière mais s'accommodent d'un peu d'ombrage. Ils trouvent essentiellement leur place dans les forêts ouvertes et les lisières. Dotés d'une bonne rusticité, ils supportent des températures hivernales de - 30 °C, et résistent aux épisodes caniculaires et aux sécheresses estivales. Ils exigent des terres saines bien drainantes et sans excès d'eau. Tolérant les sols secs et superficiels, et la présence de calcaire actif, ils se trouvent en difficulté dans des terres acides ; un pH neutre à basique (pH 7,5 à 8,5) leur convient davantage. Ce sont des arbres peu sensibles aux pollutions urbaines et seuls des excès de chlorure de sodium dans la solution du sol résultant d'épandages hivernaux de sels de déneigement peuvent les inquiéter. Les sujets intoxiqués voient alors la périphérie de leurs feuilles se nécroser régulièrement. Ces nécroses marginales se remarquent à l'arrivée des premières chaleurs estivales. Des symptômes identiques peuvent apparaître sur des arbres exposés à des embruns salés ou à des émanations de chlore provenant de piscines.

GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES

L'érable champêtre héberge en cours de saison de nombreux champignons parasites ou ravageurs animaux, mais rares sont ceux qui le mettent en péril. Depuis quelques années cependant, des dépérissements localisés et ponctuels liés à la maladie de la suie ont été constatés.

Affections foliaires

Tous les ans, très tôt en saison, le puceron du sycomore (Periphyllus testudinaceus) colonise les jeunes pousses en croissance puis gagne le revers des feuilles étalées. La particularité de cet aphide est la production d'une grande quantité de miellat attirant un attroupement de fourmis et générant des salissures sous la frondaison des arbres. La régulation naturelle de ces colonies est efficace, mais elle arrive parfois un peu tardivement.

Plus discrètement débarque au milieu du printemps un autre insecte piqueur-suceur, le psylle de l'érable (Rhinocola aceris). Ce petit psylle (2,5 mm de long) spécifique des Acer fait l'objet d'une active régulation et aucun dégât ni nuisance ne sont à ce jour rapporté.

Dans la moitié sud de la France, les larves du flatide pruineux ou « cicadelle blanche » (Metcalfa pruinosa) colonisent au printemps le revers des feuilles et les jeunes pousses qu'elles tapissent de filaments cotonneux blancs. Au cours de l'été, les adultes se positionnent sur les rameaux. De fortes attaques entraînent d'importants écoulements de miellat. Dans certaines zones, la régulation à l'aide de Neodryinus typhlocybae – un parasitoïde récemment acclimaté – se montre efficace.

Très discrète, la tordeuse des érables (Croesia forsskaleana) s'installe au printemps sur quelques feuilles qu'elle enroule méticuleusement dans le sens longitudinal pour se confectionner un gîte. Le lépidoptère phyllophage n'occasionne aucun dommage sérieux.

Des attaques du bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea) ou du bombyx à livrée (Malacosoma neustria) s'avèrent beaucoup plus dommageables, car les chenilles agissent en colonies très populeuses. Le bombyx cul-brun hiverne sur les arbres dans des nids constitués de feuilles sèches en bout de branches, alors que le bombyx à livrée tisse un nid collectif constitué de filaments soyeux au cours du printemps. Dans les lieux publics, des mesures d'éradication ou des traitements à base de Bacillus thuringiensis sont justifiés.

Occasionnellement, la tenthrède à larve mineuse des feuilles d'érable (Heterarthrus aceris) fait son apparition. La mine qu'elle creuse forme une tache brune sur la feuille attaquée et un opercule circulaire évoque sa sortie.

Quelques espèces d'acariens choisissent les feuilles des érables champêtres pour séjourner. Un phytopte (Artacris cephaloneus) génère d'abondantes petites perles colorées de rouge sur les feuilles de jeunes érables en particulier. Ces attaques parfois spectaculaires ne les perturbent en aucun cas. Sous l'effet de ses prélèvements nutritionnels dans les cellules épidermiques des feuilles, le tétranyque de l'érable (Oligonychus aceris) provoque une dépigmentation. Ces dégâts restent très localisés et n'entraînent jamais de chutes de feuilles.

Peu d'affections cryptogamiques sont à redouter sur les feuilles des érables champêtres. L'oïdium (Uncinula aceris) s'installe sur les jeunes pousses au printemps lors des périodes chaudes et couvre les tissus d'un feutrage blanc compact. Les jeunes feuilles parfois déformées se dessèchent. Lors des périodes humides, c'est l'anthracnose (Gloeosporium campestre) qui peut se manifester. Quelques feuilles basses ou couvertes sont parsemées de taches plutôt anguleuses et finissent par tomber.

Parasites et ravageurs des branches et du tronc

La maladie de la suie (Cryptostroma corticale) peut entraîner la mort rapide d'un érable champêtre adulte. Le champignon particulièrement actif lors d'années chaudes infecte la base des troncs. L'écorce se détache aisément et laisse apparaître une plaque noire charbonneuse rappelant de la suie. C'est dans les boisements denses et confinés que d'importants dépérissements ont été constatés ces dernières années. En raison de risques de pneumopathies pour l'Homme, les abattages d'arbres malades nécessitent une protection particulière des opérateurs.

Des cas de verticilliose (Verticillium alboatrum et Verticillium dahliae) sont parfois signalés sur les érables champêtres. Ces affections très ponctuelles affectent essentiellement les jeunes sujets récemment plantés. Cette trachéomycose résulterait essentiellement d'infections contractées dans les pépinières de production. Des dépérissements et des dessèchements sectorisés de rameaux s'observent. Sur la coupe, un anneau discontinu sombre confirme la présence de l'infection. Souvent, l'arbre malade parvient à surmonter l'infection et retrouve l'année suivante un état physiologique satisfaisant.

Dans les branches et parfois le tronc, il arrive que les chenilles de la zeuzère du poirier (Zeuzera pyrina) prennent place. Elles forent une galerie longitudinale qui peut fragiliser la branche affectée.

Pathologies racinaires

Même si les atteintes par le pourridié des racines (Armillaria mellea) sur les érables champêtres sont rares, elles demeurent possibles. Elles surviennent plutôt sur des vieux sujets subissant des excès d'eau, notamment trop d'arrosages en été. Le champignon propage sur les racines et au collet un rhizomorphe sous-cortical de couleur blanche caractéristique.

Champignons lignivores

À la faveur de plaies étendues (élagages drastiques ou plaie accidentelle), des agents lignivores se propagent dans les tissus ligneux. Sur le tronc, l'amadouvier officinal (Fomes fomentarius) développe des fructifications en forme de sabot caractéristique. Il génère une intense fissuration du bois accompagnée d'une pourriture blanche fibreuse. Dans les lieux publics, les arbres atteints doivent être isolés. À la base des troncs, le phellin à bourrelet (Phellinus torulosus) étale de volumineuses fructifications coriaces en forme de consoles aplanies. L'hyménophore (3) est finement poré et de teinte ochracée. Cet agent lignivore est peu dommageable pour la structure de l'arbre.

<p>(1) La culture de la « vigne en hautain » – ou « vigne perchée » – remonte à l'Antiquité. Elle consiste à faire monter la vigne dans un petit arbre vivant régulièrement taillé qui lui sert de tuteur. Les échalas ont remplacé aujourd'hui les arbres.</p> <p>(2) Insectes appartenant à la famille des miridés ; ces punaises font partie de l'ordre des hémiptères.</p> <p>(3) Chez les macromycètes, surface fertile se trouvant sur la face inférieure du chapeau.</p>

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