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Solution

“J'expérimente la déshumidification dans une longueur d'avance”

Valérie Vidril - Le Lien Horticole - n°741 - février 2011 - page 12

Lionel Chauvin, responsable des établissements Chauvin, participe à un programme de recherche afin de tester une solution innovante de déshumidification, tout en étant entouré de compétences.
Participer au projet d'expérimentation permet à Lionel Chauvin (à droite) de bénéficier de multiples compétences, comme celles de Gérard Chassériaux, d'Agrocampus Ouest-Centre d'Angers.

Participer au projet d'expérimentation permet à Lionel Chauvin (à droite) de bénéficier de multiples compétences, comme celles de Gérard Chassériaux, d'Agrocampus Ouest-Centre d'Angers.

Les gaines en suspension et surpression envoient des jets d'air chaud et sec (29 °C en moyenne à 38 % d'humidité) vers les plantes. Transparentes, elles n'occasionnent pas de problème d'ombrage, mais une déperdition de chaleur s'effectue entre le début et la fin de chaque gaine plastique.

Les gaines en suspension et surpression envoient des jets d'air chaud et sec (29 °C en moyenne à 38 % d'humidité) vers les plantes. Transparentes, elles n'occasionnent pas de problème d'ombrage, mais une déperdition de chaleur s'effectue entre le début et la fin de chaque gaine plastique.

La prise d'air, située en hauteur, aspire l'air chaud et humide qui s'élève. De part et d'autre, les conduits redistribuent l'air sec et réchauffé à des gaines réparties sur toute la longueur de la serre.

La prise d'air, située en hauteur, aspire l'air chaud et humide qui s'élève. De part et d'autre, les conduits redistribuent l'air sec et réchauffé à des gaines réparties sur toute la longueur de la serre.

Initialement, Lionel Chauvin, responsable du groupe Chauvin, en Pays de la Loire, souhaitait mettre en œuvre une énergie alternative pour faire face à la hausse du coût de l'énergie. « En 2006, nous avions décidé d'installer une pompe à chaleur », raconte le producteur. « Nous nous sommes donc renseignés auprès d'EDF, mais nous restions sans certitude sur les potentialités d'une telle installation dans nos serres. En parallèle, nous participions au club énergie du BHR (1). C'est là que nous avons entendu parler du gain d'énergie possible apporté par la déshumidification. » La réflexion entamée par le BHR fin 2006 aboutit au démarrage du projet Plantinov'ser en avril 2009.

Lionel Chauvin choisit d'intégrer ce programme d'expérimentation, pour tester une solution innovante par son caractère multifonction : un équipement capable soit de déshumidifier la serre, soit de la chauffer. Sur le site pilote de Chauvin production, à La Flèche (Sarthe), l'appareil d'ETT (Énergie Transfert Thermique, Finistère) est installé en mars 2010 et expérimenté durant le printemps 2010 et l'hiver 2010-2011. L'expérimentation doit valider l'efficacité de l'installation en modes déshumidification et chauffage, et développer un logiciel de gestion permettant d'en optimiser l'utilisation. « Elle doit nous aider à diminuer notre consommation énergétique et limiter les problèmes phytosanitaires », explique l'horticulteur. « Participer au projet nous permet par ailleurs d'apprendre dans quelles conditions précises nous pouvons utiliser l'équipement. » Le producteur soulève un autre bénéfice à participer à un tel projet : les échanges fructueux lorsque les différents partenaires se réunissent. Les uns apportent leurs connaissances sur la physiologie des plantes, les autres leurs compétences en termes de pilotage informatique, d'hydraulique... Enfin, un intérêt non négligeable réside dans le financement du projet par la Région, l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et FranceAgriMer : la partie matérielle – supportée par l'entreprise – est subventionnée à 40 % ; la partie recherche et développement (Agrocampus Ouest) est financée à 100 %.

L'équipement multifonction cumule un module déshumidificateur et un module pompe à chaleur air-air (PAC). Dans le premier cas, l'air humide de la serre est refroidi et asséché en traversant la batterie froide du déshumidificateur (l'évaporateur), puis réchauffé en traversant la batterie chaude (le condenseur). Dans le second cas, l'équipement soutire des calories à une source froide – l'air extérieur – pour les transmettre à l'air de la serre et le chauffer. La PAC se substitue alors au chauffage classique (ici, gaz). L'appareil, unité fixe, est placé à l'extérieur de la serre ; des gaines diffusent l'air sec et réchauffé à l'intérieur. « Il s'agit d'un matériel pilote, plus sophistiqué qu'il ne devrait l'être en production », précise Gérard Chassériaux, de l'unité de recherche Ephor (Environnement physique de la plante horticole) d'Agrocampus Ouest-Centre d'Angers. Le chercheur supervise le suivi scientifique et technique du projet, ainsi que l'interprétation des données. Un plateau de pesée et diverses sondes permettent à l'unité de recherche d'affiner ses données sur l'évapotranspiration. L'ensemble de l'équipement prototype (PAC, pilotage informatique, sondes, gaines, installation électrique...) a coûté près de 110 000 euros HT, hors subvention. Ce prix ne préfigure pas celui de la machine qui serait commercialisée à la fin du projet.

C'est la serre plastique Vermako double paroi gonflable de 2 300 m² mise en place en 2008 qui bénéficie de l'installation. « Dès le premier hiver, nous avons eu un dépôt d'humidité sur poinsettia », explique Lionel Chauvin. Pour l'horticulteur qui conduit le climat de ses serres avec intégration de températures, la déshumidification permettrait d'écourter la phase de relance, très consommatrice en énergie. Cette phase consiste à relancer la montée en température une heure et demi à deux heures avant le lever du soleil. Elle est nécessaire pour éviter une condensation sur des plantes restées plus froides – du fait des températures basses la nuit – que la température ambiante. En limitant cette condensation, le producteur limite le risque sanitaire lié au développement du botrytis.

Autre avantage de la déshumidification soulevé par Lionel Chauvin : une gestion des températures facilitée en climat sec. « Si l'installation fonctionne ici, elle fonctionnera partout », affirme Gérard Chassériaux, en souriant. En effet, la serre réunit des conditions favorables aux problèmes d'humidité. L'arrosage s'effectue par nappe d'irrigation, « mais elle n'évapore pas tant que cela », relativise le chercheur. L'essai est conduit sur hortensia et sur cyclamen, cette dernière étant très sensible à l'humidité. Par ailleurs, du fait de son orientation, la serre reçoit le rayonnement du soleil couchant, ce qui augmente l'humidité à l'intérieur juste avant la nuit, en accentuant l'évapotranspiration. Gérard Chassériaux soulève une autre difficulté rencontrée : « L'entreprise est située juste à côté du Loir ; lorsque les ouvrants sont ouverts, le producteur ne fait pas forcément entrer de l'air froid et sec, mais du brouillard ! »

Le mode déshumidification, étudié cet automne et cet hiver, a fait ses preuves. L'installation permet de récupérer par condensation 32 litres en moyenne par heure pour 2 300 m². En automne, la machine fonctionne la nuit pendant environ dix heures et soutire 320 kg de vapeur d'eau. L'eau est récupérée dans un puits pour l'irrigation. L'installation consomme 10 kW, tous les auxiliaires compris (ventilateurs, sondes, informatique...). Le rendement de déshumidification est intéressant : il atteint 3,2 litres par kWh consommé.

« Il faut parvenir à trouver un équilibre ente la déshumidification et l'évapotranspiration », indique Gérard Chassériaux. Pour l'essai, l'équipe a fixé un seuil de déclenchement arbitraire de 3 g/m3 de déficit de saturation (2) en dessous duquel la machine se met en marche : plus ce déficit diminue, plus l'ambiance de la serre s'approche de la saturation. « L'essentiel est de s'éloigner du point de rosée », rappelle le chercheur. « Chercher à trop diminuer l'humidité relative – en dessous de 70 % par exemple – revient à augmenter l'évapotranspiration et les besoins d'énergie pour déshumidifier. Le producteur ne doit pas consommer plus avec l'équipement que sans. » Ce n'est pas le cas avec l'installation : « Quand l'entreprise ouvre les ouvrants, elle dépense quatre fois plus de kilowatts de chauffage que de kilowatts électriques liés à la consommation de l'appareil ETT, pour obtenir le même résultat de déshumidification. » Même en considérant un coût du kWh gaz près de deux fois inférieur à celui du kWh électrique, l'équipement reste plus économique que l'ouverture des ouvrants. « Il ne faut pas utiliser le déshumidificateur en journée », avertit toutefois Gérard Chassériaux. « La machine n'est pas assez puissante pour compenser une forte évapotranspiration diurne et la majorité des problèmes surviennent de nuit. »

Conséquence indirecte, l'air issu du déshumidificateur permet de chauffer la serre. « Lorsqu'on lui soutire de la vapeur d'eau, l'air s'échauffe et, a contrario, lorsqu'on en ajoute il se refroidit », explique Gérard Chassériaux. Lionel Chauvin a ainsi pratiqué une culture d'automne de cyclamen sans autre mode de chauffage : l'air à 18 °C (92 % HR) ressort à 29 °C (38 % HR). En divisant la quantité de chaleur apportée par la machine pour chauffer l'air par sa consommation électrique, le rendement obtenu est de l'ordre de 3,5. L'équipement en mode déshumidification peut assurer des besoins énergétiques en automne par exemple, mais pas en plein hiver. La PAC en mode chauffage doit prendre le relais. L'expérimentation s'attache depuis janvier à en vérifier l'intérêt, « en sachant d'ores et déjà qu'une PAC air-air n'offre pas toujours un rendement intéressant, celui-ci étant dépendant des conditions extérieures », prévient Gérard Chassériaux.

<p>(1) Réunions d'information à destination des producteurs adhérents organisées et animées par le Bureau horticole régional (49).</p> <p>(2) Différence entre la quantité d'eau que contient un mètre cube d'air et celle que contiendrait ce mètre cube d'air s'il était saturé, et ce pour une même température.</p>

Un projet collaboratif interfilière

Plantinov'ser est un projet collaboratif interfilière financé par la région Pays de la Loire en majeure partie, par l'Ademe (Agence de développement et de la maîtrise de l'énergie) et par FranceAgriMer. Il a pour objectif la maîtrise d'équipements innovants pour des serres horticoles et maraîchères économes en énergie, et le développement de logiciels de gestion de ces équipements. La validation des outils s'effectue sur des sites de production pilotes. Il est copiloté par le CTIFL (Centre technique interprofessionnel de la filière fruits et légumes) de Carquefou (Loire-Atlantique) et le Bureau horticole régional, et fait intervenir de nombreux partenaires : scientifiques (dont l'Inra et Agrocampus Ouest-Centre d'Angers), équipementiers (ETT, CMF, Aria, Dimac et Hortimax) et entreprises. Initié en 2009, il prendra fin en 2012.

Le Point de vue de

GÉRARD CHASSÉRIAUX, PROFESSEUR À AGROCAMPUS OUEST-CENTRE D'ANGERS

« Une solution économe en énergie pour gérer l'hygrométrie de la serre »

« Dans les années 1980, des déshumidificateurs basés sur un cycle frigorifique avaient déjà été mis en place, en particulier chez des rosiéristes, avec de très bons résultats », rappelle Gérard Chassériaux, professeur à Agrocampus Ouest-Centre d'Angers. « Mais la baisse du prix des énergies en a diminué l'intérêt : les serristes ont préféré gérer l'humidité en évacuant l'air humide par les ouvrants. Cette aération s'accompagne de pertes thermiques. Avec la hausse du coût de l'énergie, les appareils de déshumidification redeviennent avantageux. Plusieurs paramètres caractérisent l'efficacité de l'équipement. Le rendement de déshumidification s'exprime en litres d'eau condensée par kilowatt heure électrique consommé. Par ailleurs, l'appareil utilise l'énergie de condensation de la vapeur d'eau – appelée chaleur latente –, en plus de celle du refroidissement de l'air, et la restitue sous forme de chaleur sensible : plus l'air de la serre est humide, plus l'air renvoyé est chaud. Même si l'objectif premier n'est pas de chauffer, on peut donc calculer un “rendement de conversion en chaleur sensible” en divisant la quantité d'énergie apportée en chaleur sensible par la consommation électrique. Dans le cas présent, ce rendement est de 3,5. Contrairement au fonctionnement d'une pompe à chaleur en mode chauffage (*), l'appareil fonctionne en boucle fermée : la chaleur sensible captée au niveau de l'évaporateur est prélevée à l'air de la serre puis lui est restituée au niveau du condenseur. Il n'y a pas de source froide extérieure et on ne parle pas de coefficient de performance. Le rendement thermodynamique, qui correspond à la quantité de chaleur échangée au condenseur sur l'énergie électrique fournie au compresseur, est très bon ; il atteint 6,90 en mode déshumidification (4,8 une fois déduite la consommation du ventilateur et des autres accessoires). »

(*) Voir le Lien horticole n° 721 du 29 septembre 2010, « La pompe à chaleur a sauvé mon entreprise », pages 8 et 9.

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EN CHIFFRES

GROUPE CHAUVIN : Chauvin diffusion (49), Chauvin production (72), Chauvin horticulture (49).

CHIFFRE D'AFFAIRES : 5,9 millions d'euros (55 % du CA à l'export et 45 % en France – Rhône-Alpes, Sud et Sud-Ouest).

CLIENTÈLE : horticulteurs producteurs (60 % du CA), grande distribution (10 %), grossistes (15 %), jardineries (10 %), divers (pépiniéristes..., 5 %).

SURFACES : 4,5 hectares de serres en verre et en plastique double paroi ; 18 ha de plate-forme.

MAIN-D'ŒUVRE : 53 salariés permanents, environ 40 saisonniers.

ACTIVITÉS : hortensia en vert et jeune plant (60 % du CA), plantes en pot fleuries d'appartement et de jardin (40 %).

L'essentiel de l'offre

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