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Technique

La fleur coupée méditerranéenne travaille sa compétitivité

Martine Passot et Laurent Ronco (2) - Le Lien Horticole - n°742 - mars 2011 - page 10

Le Scradh cherche à optimiser l'itinéraire cultural et l'outil de production d'une fleur coupée « modèle », l'arum, en valorisant le plus possible le climat méditerranéen.

Le Scradh, station d'expérimentation membre de l'Institut technique horticole Astredhor, participe depuis 2009 au programme européen Flormed. Ce projet, qui associe des partenaires français, italiens, espagnols et grecs, vise à améliorer la compétitivité de la fleur coupée méditerranéenne. À partir d'un produit connu, l'arum (Zantedeschia aethiopica), le Scradh travaille à définir un itinéraire technique modèle, optimisé et respectant l'environnement, qui pourrait être transféré à de nouvelles espèces de la même gamme, étudiées à l'avenir. Chez les autres partenaires Flormed, les plantes modèles sont le pavot, le statice, le Strelitzia ou le gardénia. Les objectifs du Scradh, définis par la profession (producteurs et diffuseurs locaux) à partir des acquis des essais précédents sur la culture de l'arum, se résument en quatre points : diminution de la mortalité en culture ; maîtrise du calendrier de production ; développement des clones à forte valeur ajoutée (coloris blanc pur, haut rendement, qualité supérieure) ; maîtrise de la production de plants (bulbes et semis).

1 ABRI DE CULTURE « MÉDITERRANÉEN »

Le Scradh expérimente un abri de culture répondant aux exigences de l'arum, et plus généralement aux besoins de production de fleurs coupées de type « méditerranéen ». La station étudie son impact sur la floraison et la qualité de la culture (vigueur, problèmes pathologiques aériens ou racinaires). L'abri, entièrement découvrable, avec double couverture – plastique et aluminette (1) –, a été construit durant l'été 2009. Une pompe à chaleur air-air permettant un chauffage localisé basse température ou le refroidissement du sol (puissance absorbée de 10,8 kW pour 400 m2 d'abri) a été installée en 2010. La gestion relativement simple des différentes couvertures propose aux cultures, tour à tour, un maximum de lumière correspondant à de la culture plein air, un ombrage durant l'été, un abri contre la pluie, une protection modérée contre le froid, une aération optimale quand le taux d'hygrométrie est trop élevé et un forçage des températures notamment pendant l'hiver.

Sans chauffage, l'abri fermé avec le plastique et l'aluminette a permis de gagner deux à trois degrés sur les températures minimales durant l'hiver 2009-2010, mais le gel n'a pu être évité. Un système antigel reste donc indispensable, même en région méditerranéenne. Pendant le printemps et l'été 2010, l'usage de l'aluminette a permis d'abaisser d'un degré la température moyenne journalière par rapport à l'extérieur, mais a surtout limité les amplitudes thermiques journalières. Par ailleurs, un écart de 10 °C a été constaté entre les températures maximales aériennes sous abri (+/- 40 °C) et celles relevées en plein air (+/- 50 °C) ; l'effet est supérieur à celui observé sous un tunnel ombré. L'ombrage apporté par l'aluminette est renforcé par celui d'un filet retenant les films en cas de vent (troisième couverture), pour atteindre 60 %. Cet outil apparaît très intéressant, même s'il faut souligner un risque d'aplatissement par grand vent (> 90 km/h) qui contraint à ouvrir la serre quelles que soient les conditions de températures et de pluviométrie. Seules des cultures peu sensibles et peu exigeantes (types cultures Flormed) sont donc à envisager sous cette structure.

2 MAÎTRISE DU CALENDRIER DE FLORAISON

Dans les conditions méditerranéennes, la floraison de Zantedeschia aethiopica connaît un pic de production en mars, avril et début mai. Un allongement de la période de production permettrait de redynamiser cette culture par une meilleure valorisation. Le Scradh travaille deux thèmes principaux : d'une part, la maîtrise de la floraison précoce (production hivernale) et, d'autre part, la maîtrise de la floraison tardive (production en juin/juillet). De précédents essais ont montré que la culture hors-sol pose moins de problèmes phytosanitaires que la culture traditionnelle en plein sol, d'où son adoption par la profession et pour la totalité de nos essais. Plusieurs facteurs sont étudiés :

– les dates de plantation, échelonnées de début juillet à fin mars ;

– le type de matériel végétal, avec la comparaison de plants issus de rhizomes ou de semis, la production de graines d'arum et la maîtrise du semis ;

– l'âge du matériel végétal, avec des rhizomes reposés (de 1 an) et non reposés (de l'année) ;

– l'hormonage des plants et des rhizomes (concentration et durée) ;

– les conditions de fabrication des rhizomes, par arrachage en sec ou en vert ;

– les conditions de conservation des rhizomes, à température ambiante ou chambre froide à 10 °C ;

– l'emploi de biostimulants dans le but de favoriser la croissance de la plante pour éviter les maladies dites de faiblesse notamment dues à la bactérie Erwinia carotovora ;

– la prégermination des rhizomes pour un matériel végétal homogène et de qualité à la plantation.

Les premiers résultats permettent de constater qu'il est difficile d'obtenir une floraison précoce conséquente même si des plantations de début juillet engendrent un début de production sur la fin d'automne. Un éclairage et un léger chauffage pourraient améliorer nettement les résultats. Les plants issus de semis offrent les mêmes potentialités en termes de croissance et de délais de floraison que les cultures issues de rhizomes, à condition de planter du matériel végétal déjà bien développé. Ils ont l'avantage de garantir un matériel sain en début de culture. La période estivale reste une période critique où la prolifération des agents pathogènes (notamment Erwinia carotovora), liée aux fortes chaleurs, cause des pertes très importantes. La prégermination des rhizomes ou l'élevage des plants issus de semis en ambiance contrôlée pourraient être la voie à explorer.

Parallèlement à ces différents essais, le Scradh réalise une collection de variétés d'arum. La station en dispose ainsi d'une douzaine, résultant de sélection massale chez les producteurs français et italiens.

3 INNOVATION ET DÉVELOPPEMENT DE NOUVELLES CULTURES

L'élargissement de la gamme méditerranéenne passe par une phase d'innovation immédiate résultant de la concertation avec les producteurs, les techniciens locaux et les partenaires du négoce (Sica Marché aux fleurs d'Hyères et grossistes locaux). Dès 2009, deux espèces ont été retenues : Amaryllis belladonna et le narcisse (Narcissus spp.). Pour ces deux plantes, le Scradh a commencé à établir une collection regroupant des variétés de référence. Pour le narcisse, l'urgence était de sauvegarder les variétés traditionnelles en voie de disparition alors que, pour l'Amaryllis, le travail se résumait à compléter une collection déjà existante et à identifier de façon rigoureuse des lots issus de semis. La seconde étape consiste à moderniser l'itinéraire technique sur un schéma très proche de ce qui a été réalisé avec l'arum et développer pour cela la culture hors-sol. L'étude des comportements observés orientera les futurs essais dont le but sera de maîtriser la production de fleurs.

L'innovation à plus long terme nécessite une partie bien plus exploratoire. Celle-ci va se concrétiser cette année avec la réalisation d'une étude botanique dont le but est de dresser une liste de végétaux potentiellement intéressants pour la fleur coupée et susceptibles de rentrer dans l'optique Flormed (cultures peu exigeantes en eau et en énergie, respectueuses de l'environnement et bien adaptées au climat méditerranéen). Le cahier des charges de cette étude est en cours de finalisation par le Scradh et les stations d'expérimentation partenaires du programme.

À terme, les végétaux repérés seront introduits sur la parcelle d'étude de comportement pour valider ou non leur intérêt horticole et l'itinéraire technique des plantes ayant satisfait à tous les critères sera alors étudié et optimisé dans le cadre de l'outil et des stratégies de production définies précédemment.

4 CRÉATION D'UN RÉSEAU DE RECHERCHE SUR LES CULTURES MÉDITERRANÉENNES

Comme dans toutes les stations partenaires Flormed, les programmes du Scradh concernent les cultures méditerranéennes ou l'adaptation aux conditions méditerranéennes locales d'autres produits horticoles. En favorisant les liens ou en renforçant ceux existants, le programme Flormed crée une dynamique entre les différents centres. Outre des échanges d'informations, de savoir-faire et de matériel végétal, certains travaux sont réalisés en commun. Des essais techniques de production sous abri découvrable sont ainsi menés au Scradh sur le pavot, en lien avec l'Institut Régional pour la Floriculture (San Remo, Italie), dont c'est la plante modèle. L'étude technico-botanique, également commune, permettra une réflexion d'ensemble sur les nouvelles fleurs coupées produites autour de la Méditerranée.

<p>(1) Film de couverture constitué d'un film d'aluminium, ayant un effet thermique et d'ombrage (50 %).</p> <p>(2) Scradh.</p>

L'abri découvrable mis au point par le Scradh doit permettre de valoriser le climat doux méditerranéen, en offrant à tout moment la possibilité d'adapter le climat de l'abri aux besoins de la plante. PHOTO : SCRADH

L'abri découvrable mis au point par le Scradh doit permettre de valoriser le climat doux méditerranéen, en offrant à tout moment la possibilité d'adapter le climat de l'abri aux besoins de la plante. PHOTO : SCRADH

L'abri comporte une couverture plastique et une couverture aluminette, dont la gestion permet de proposer tour à tour des conditions de culture de plein air, de l'ombrage, un abri contre la pluie, une protection modérée contre le froid... PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

L'abri comporte une couverture plastique et une couverture aluminette, dont la gestion permet de proposer tour à tour des conditions de culture de plein air, de l'ombrage, un abri contre la pluie, une protection modérée contre le froid... PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Le Scradh a choisi l'arum Zantedeschia aethiopica comme plante « modèle » méditerranéenne. PHOTO : SCRADH

Le Scradh a choisi l'arum Zantedeschia aethiopica comme plante « modèle » méditerranéenne. PHOTO : SCRADH

Amaryllis belladonna a été retenu, avec le narcisse, pour son statut de culture traditionnelle méditerranéenne en perte de vitesse malgré un intérêt commercial avéré, nécessitant donc une modernisation de l'itinéraire technique, comme cela a été fait sur l'arum. PHOTO : SCRADH

Amaryllis belladonna a été retenu, avec le narcisse, pour son statut de culture traditionnelle méditerranéenne en perte de vitesse malgré un intérêt commercial avéré, nécessitant donc une modernisation de l'itinéraire technique, comme cela a été fait sur l'arum. PHOTO : SCRADH

Un partenariat transfrontalier pour la fleur coupée méditerranéenne

Le marché européen des fleurs coupées doit faire face à une forte concurrence mondiale provenant de grandes entreprises et de pays à faible coût de main-d'œuvre. Au sein même de l'Union européenne, les pays de l'Europe du Nord tiennent une place prépondérante. C'est dans le but d'améliorer la compétitivité de la fleur coupée méditerranéenne que Flormed, programme d'actions sur trois ans, a débuté en juin 2009. Trois objectifs principaux ont été fixés afin de développer l'horticulture méditerranéenne :

– l'innovation végétale, en étudiant des nouvelles techniques de production, en recherchant et en expérimentant des cultures peu exigeantes en eau et en énergie, respectueuses de l'environnement et bien adaptées au climat méditerranéen ;

– un travail en réseau des places de marché méditerranéennes pour des approches commerciales communes ;

– la promotion et le développement de la floriculture méditerranéenne. Outre des partenaires français – Hyères Hortipole (porteur de Florisud Var Méditerranée), le département du Var, le Scradh (1), le Creat (2), la Sica Marché aux fleurs d'Hyères –, le programme fait intervenir des partenaires italiens – Région Ligurie, IRF (3), District floricole du Ponent (région ouest de Ligurie) –, un partenaire espagnol – IVIA (4) – et un partenaire grec – Région de Thessalie. Flormed est cofinancé par le fonds européen de développement régional et par le programme Interreg MED (www.programmemed. eu), la chambre d'agriculture du Var, la Région Paca et le conseil général du Var.

(1) Syndicat du centre régional d'application et de démonstration horticole.

(2) Centre de recherches économiques et d'actions techniques.

(3) Institut Régional pour la Floriculture (San Remo).

(4) Institut de recherche en agriculture de Valence.

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