Philippe Peiger a créé son entreprise du paysage en 1996, Jade, qui a connu un développement régulier. Après avoir compté jusqu'à dix salariés, il a pris la décision, l'an dernier, de se séparer d'eux et de repartir sur une structure plus modeste avec son épouse. « Nous avons choisi de rebondir sur la base solide du marché des toitures végétalisées », explique-t-il. Après des années de confidentialité, ce marché est en train de décoller, et Jade profite pleinement de ses potentialités, avec des réalisations remarquables comme le bâtiment de l'association WWF France et de Goodplanet de Yann Arthus-Bertrand, à Paris.
Un tout récent chantier réalisé par Jade vient d'être inauguré à Épône (78). Dans un cadre industriel banal, voire franchement peu esthétique, un commerce très tendance a vu le jour. Sous l'enseigne Biocoop, il s'agit de vendre de l'alimentation bio à partir de productions locales et de circuits de distribution courts. Le bâtiment a été construit en bois, avec de grandes ouvertures pour capter un maximum de rayonnement solaire et... la toiture a été végétalisée dans le courant du mois de janvier. « L'isolation a été réalisée en sarking, par l'extérieur, explique Philippe Peiger. La laine de roche a été recouverte d'une membrane d'étanchéité. Nous avons posé dessus des membranes souples alvéolées assurant le drainage et la rétention en eau. Nous travaillons par avancement, en marchant sur les plaques mises en place, de manière à ne jamais marcher sur l'étanchéité. Bien sûr, avant d'intervenir, il faut que les travaux de toiture aient été réceptionnés. »
Un feutre est placé sur les plaques, puis le substrat, fait maison à partir de pouzzolane et de terreau de compost de copeaux de bois, est amené par big bag et épandu à raison de 10 cm d'épaisseur. Il ne reste plus ensuite qu'à installer. « Je plante soit en micromotte, soit en godet, précise Philippe Peiger. Dans le premier cas, il faut environ vingtcinq plantes/m2, sept à huit suffisent si elles sont en godet. Mais s'il fait froid, les godets vont avoir tendance à se déchausser, alors que les micromottes non. » Côté coût, les godets sont achetés de 1,10 à 1,70 euro, tandis que les micromottes coûtent de 30 à 50 centimes l'unité. Soit un coût pour les végétaux assez comparable dans les deux cas, autour de 9 à 12 euros/m².
Dans le cas du magasin Biocoop, des micromottes ont été choisies. Dans cette gamme végétale, la structure racinaire est suffisamment douce pour ne pas poser de problème au système d'étanchéité. Vingt-huit espèces ont été installées : saxifrages, Artemisia, Sempervivum, Sedum, Dianthus (deux espèces), Thymus, Achillea, Artemisia, Matricaria, Geranium sanguineum... « La plantation a été faite en mélangeant les espèces mais par paquet, précise Philippe Peiger. Les parties les plus basses et les plus visibles du toit ont un aspect plus “déco”, alors que le haut est plus rustique. » Pendant toutes leurs interventions, Philippe Peiger et son épouse ont été assurés à partir d'un harnais et d'une corde reliés à un point d'ancrage fixé sur la structure du bâtiment.
Comme pour les autres chantiers qu'il réalise, ce chef d'entreprise a proposé un contrat d'entretien de la toiture d'un an. « Il faut compter six à huit passages en première année pour désherber, contrôler le développement des espèces très vigoureuses... Sur cette terrasse de près de 400 m², il faudra compter quinze à vingt jours de travail pour une personne. » Le plus gros problème concerne les merles qui déterrent les plantes pour chercher leur nourriture dans le substrat... Si pendant des années les toitures végétalisées ont été vendues avec un argumentaire axé, entre autres, sur le « zéro entretien », aujourd'hui, tout le monde a compris qu'elles ne peuvent être pérennisées dans de bonnes conditions et bien valorisées qu'avec un suivi, certes limité, mais néanmoins respecté.
L'entreprise Jade ne réalise pas que des toitures plates et plantées de végétation de type Sedum. Elle adapte son offre aux caractéristiques du bâtiment qu'il doit coiffer. Philippe Peiger ne choisit pas la même gamme végétale et la même technique de mise en oeuvre selon que la toiture est plate ou inclinée (il utilise dans ce cas des tapis prévégétalisés), orientée au nord ou au sud, accessible ou non par le client. « D'autres paramètres doivent être pris en considération : la réverbération des UV par les vitres et glaces d'autres bâtiments, les couloirs de vent qui peuvent entraîner d'importantes différences de température et des dessèchements. Sans compter le couvert par la végétation ou par les bâtiments qui peuvent empêcher le passage de la lumière, la présence de conifères qui entraîne des accumulations d'aiguilles et peuvent être toxiques pour les plantes... »
Ce chef d'entreprise suit par ailleurs de près les travaux menés par Plante & Cité au niveau interprofessionnel pour diversifier la gamme végétale utilisable (voir le Lien horticole n° 706 du 19 mai 2010). Il travaille également à la mise en place d'un colloque sur la végétalisation de toiture sous le titre « un aménagement individuel pour un bien commun ». La rencontre devrait avoir lieu le 17 mai à Paris, en partenariat avec le WWF Goodplanet, la ville de Paris, la région Île-de-France, sous l'égide de Plante & Cité... Pas de doute, cette fois-ci, la toiture végétalisée s'est bel et bien implanteé !
Philippe Peiger met uniquement en place des toitures végétalisées. Il suit donc de près le travail de diversification de la gamme végétale réalisé par Plante & Cité.
Ce chantier a été réalisé il y a quelques mois par l'entreprise Jade. Le type de végétaux utilisés dépend de la demande du client, mais également des contraintes techniques comme l'orientation du toit.
Des subventions au cas par cas
Selon les régions, des subventions peuvent être accordées à la réalisation de toitures végétalisées. En Île-de-France, 45 euros par mètre carré sont alloués à ce type de réalisation. D'autres villes ont également mis en place des incitations financières. C'est le cas de Lille où les projets peuvent être financés à hauteur de 30 euros le mètre carré dans le cadre de « primes pour l'habitat durable ».