Parmi le cortège des organismes nuisibles des plantations arbustives et arborées en espaces verts, onze nécessitent une vigilance particulière en 2011 parce qu'ils représentent un risque avéré de dissémination. À cette liste, non exhaustive, il conviendrait d'ajouter certains organismes émergents dans les pays frontaliers de la France (exemple : le psylle Glycaspis brimblecombei sur eucalyptus en Italie) susceptibles de s'introduire via les échanges commerciaux.
1 LE CAPRICORNE ASIATIQUE, DIFFICILE À CONFINER
Anoplophora glabripennis, longicorne xylophage de quarantaine, s'attaque à de nombreux feuillus à bois tendre. Le risque majeur serait un développement de l'insecte dans les productions forestières et, de ce fait, des mortalités massives d'arbres et une dévalorisation des grumes. La précocité des détections conditionne le confinement de l'insecte. Un arrêté national de lutte émis le 28 mai 2003 rend obligatoire la destruction des adultes, l'incinération des arbres infestés et prévoit l'instauration de périmètres de surveillance autour des foyers, ainsi que des restrictions de circulation du matériel végétal contaminé. L'adulte se nourrit de l'écorce des jeunes rameaux qu'il décape jusqu'au bois sur des surfaces de plusieurs centimètres carrés. Les galeries des larves entraînent une mauvaise circulation de la sève, caractérisée par un jaunissement précoce du feuillage et un ralentissement de la croissance chez le sujet atteint. À terme, on assiste à la mort des branches hautes, puis de l'arbre.
2 CHALARA FRAXINEA, MORT ANNONCÉE DU FRÊNE
Depuis sa découverte en 2008 dans le département de la Haute-Saône, l'aire de répartition du champignon Chalara fraxinea, responsable du flétrissement des frênes, s'est étendue et la maladie est fréquemment détectée dans le nord-est du pays.
Le manque d'éléments disponibles sur la biologie du parasite freine la mise en oeuvre d'une lutte collective. Il est nécessaire de surveiller l'état phytosanitaire des alignements de bord de route et les jeunes plants de pépinière susceptibles de participer à la dissémination du parasite. Chalara fraxinea induit tout d'abord des nécroses sur les branches, le plus souvent à l'embranchement de jeunes rameaux. Le feuillage situé au-delà de la zone nécrosée se dessèche et on observe une descente de cime avec parfois le développement anarchique de pousses à partir de bourgeons dormants. Sous l'écorce, le bois prend une teinte grisâtre qui s'étend longitudinalement à partir du point d'infection.
3 L'AGRILE DU FRÊNE, UN ÉRADICATEUR INTERDIT DE RÉSIDENCE
Absent à ce jour du territoire européen, l'agrile du frêne Agrilus planipennis (coléoptère bleu-vert métallique, étroit, allongé, de 8,5 à 14 mm de long), est capable de tuer les frênes sains, quels que soient l'espèce, l'âge et les conditions environnementales (forêt, plantation urbaine...). À titre d'exemple, les autorités canadiennes ont pu comptabiliser plusieurs millions de frênes morts à cause de l'agrile. Son introduction sur le territoire américain s'est opérée par des matériaux d'emballage inadéquatement traités en provenance d'Asie. Malgré d'importants efforts de recherche et de contrôle, l'espèce s'est propagée sur de nouveaux territoires par voie naturelle et par les échanges commerciaux, notamment le transport de matériel de pépinière ou de bois de chauffage contaminé. En cas de doute et de détection, il est indispensable d'en informer les services en charge de la protection des végétaux.
4 DES DÉPÉRISSEMENTS DU CYPRÈS DE LAWSON DUS À PHYTOPHTHORA LATERALIS
La présence de Phytophthora lateralis a été confirmée dans le Finistère en 2009, où il provoque des mortalités de cyprès de Lawson, Chamaecyparis lawsoniana, au sein des haies brise-vent et des plantations forestières. Tout dépérissement de Chamaecyparis dans les jardins et les espaces verts, les zones périurbaines frontalières des zones naturelles nécessite un suivi et un signalement auprès des services en charge de la protection des végétaux. La dispersion du pathogène sur de longues distances est liée aux déplacements de terre collée sur les roues des véhicules ou les semelles de chaussure, d'où une nécessaire vigilance lors de la fréquentation de sites potentiellement infestés. La maladie se manifeste par un jaunissement qui évolue progressivement vers un brunissement puis vers le dépérissement assez rapide de l'arbre. Ces symptômes sont uniformes à l'ensemble du feuillage lorsque l'infection est exclusivement localisée au niveau du système racinaire. Le pathogène peut se développer sur les parties aériennes du végétal en formant des chancres sur le tronc et les branches. Dans ce cas, le dépérissement du houppier est partiel. Ces symptômes sont similaires à ceux des autres phytophthoras rencontrés sur Chamaecyparis.
5 LA CYLINDROCLADIOSE DU BUIS, MENACE SUR LES JARDINS À LA FRANÇAISE
Depuis 2006, les détections de Cylindrocladium buxicola se multiplient. Une attaque aboutit à une défoliation massive, puis au dépérissement total des buis : Buxus sempervirens et ses cultivars, Buxus sinica var. insularis 'Justin Brouwers', Buxus microphylla var. japonica. Compte tenu du risque potentiel de dissémination au sein des plantations ornementales et des populations naturelles, il convient de prêter une attention particulière à tout dépérissement de buis et à la qualité sanitaire des plants, quelle que soit leur origine. Parmi les mesures de prévention, les principales consistent à vérifier le réseau d'irrigation du jardin et à s'assurer que la fréquence d'arrosage n'est pas trop élevée. Éviter d'irriguer la partie aérienne – l'infection est favorisée par la présence d'eau pendant 5 à 7 heures –, éclaircir par la taille pour favoriser la circulation d'air et le séchage, enlever tous les rameaux et feuilles malades (les chlamydospores se conservent plusieurs années sur les débris). Une expérimentation allemande (Brand, 2006) a montré l'effet inhibiteur total du mancozèbe, du chlorothalonil, de fludioxonil + cyprodinil sur la germination conidienne, et l'annulation de la croissance mycélienne par le prochloraze, le thiophanate-méthyl et le propiconazole. En cas de remplacement de plants décimés, préférer les espèces de buis peu sensibles (Buxus microphylla 'Faulkner', Buxus balearica, Buxus riparia).
6 LA PYRALE DU BUIS, LOCALE MAIS GOURMANDE
Découverte en 2008 dans des jardins d'Alsace puis en 2009 en Île-de-France, Diaphania perspectalis, d'origine asiatique, provoque d'importants dégâts localement. Outre l'impact esthétique sur les plantations de buis et les contraintes économiques engendrées, le risque d'introduction au sein des populations naturelles de buis est à craindre. Les fortes attaques peuvent provoquer une défoliation totale et le dépérissement des sujets de petite taille. En Europe, l'espèce a été observée sur Buxus microphylla, Buxus microphylla var. insularis, Buxus sempervirens, Buxus sinica, mais aussi sur houx à feuilles pourpres (Ilex purpurea), fusain du Japon (Euonymus japonicus) et fusain ailé (Euonymus alata). Les applications de spécialités commerciales à base de Bt (Bacillus thuringiensis) n'engendrent qu'une efficacité limitée, au regard d'autres substances actives chimiques (pyréthrinoïde de synthèse, diflubenzuron...). Des applications d'une spécialité autorisée (sur les chenilles phytophages ou ravageurs divers, en traitement des parties aériennes), dès l'observation des premiers signes devrait permette de limiter les populations.
7 LES PROCESSIONNAIRES, FRÉQUENTES URTICANTES
Le risque sanitaire dû à la processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa et la processionnaire du chêne Thaumetopoea processionea justifie d'apporter la plus grande attention dans le suivi de leurs populations et la mise en oeuvre de techniques de lutte appropriées. Les personnes qui sont exposées aux poils urticants de ces chenilles peuvent en effet présenter des démangeaisons, des rougeurs, voire développer de l'asthme ou une allergie grave. La processionnaire du chêne, fréquente dans la moitié nord de la France, engendre de très forts risques chez les élagueurs non protégés. L'aire de répartition de la chenille processionnaire du pin s'est étendue, avec une montée des populations vers le nord et en altitude, et un spot récent en Alsace qui mérite une attention toute particulière. Si les femelles adultes sont incapables de se déplacer sur de longues distances, leur transport sous forme d'oeufs sur les végétaux ou de chrysalides dans le sol au travers d'échanges commerciaux n'est pas improbable. Le suivi des vols s'effectue à l'aide de pièges à phéromones et la présence de chenilles par observations visuelles. Le choix d'une méthode de lutte doit être motivé par une analyse parcellaire du niveau de la population et des stades de développement des chenilles, de la superficie de la zone à traiter, des réglementations liées à l'usage d'aéronefs, du budget disponible... Pour la processionnaire du chêne, les applications de Bt ont lieu généralement au printemps lorsque les chenilles ont atteint le troisième stade larvaire. Si l'infestation a été découverte à un stade avancé, il peut se révéler nécessaire d'enlever les nids et de les détruire par le feu. En ce qui concerne la processionnaire du pin, plusieurs méthodes de lutte peuvent être combinées : le piégeage massif (pendant la durée de l'accouplement des papillons, entre juin et septembre selon les régions), l'écopiège (à disposer avant que les chenilles descendent du tronc pour se nymphoser dans le sol), l'échenillage en cas de détection en période hivernale et l'application de spécialités commerciales à base de Bt (à positionner entre septembre et octobre, sur des chenilles de troisième stade larvaire). Le piégeage massif est insuffisant pour éradiquer une population mais permet une réduction significative à moyen terme.
8 LE CHANCRE COLORÉ DU PLATANE, VIGILANCE DE RIGUEUR SUR LESTERRITOIRES INDEMNES
La répartition du chancre coloré, Ceratocystis platani, tend à se développer d'Est en Ouest et dans la vallée rhodanienne. Les foyers du Canal du Midi s'étendent fortement malgré les actions de lutte engagées. La lutte contre cette maladie de quarantaine repose sur des mesures prophylactiques (essentielles), ainsi que sur la détection précoce et l'élimination des foyers (abattage). Les départements du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône sont les territoires les plus contaminés, avec une moyenne de 2 000 platanes à abattre par an. La majorité des communes très infestées dans ces deux départements se situent sur des réseaux hydrographiques importants. La surveillance est à renforcer sur les territoires pas ou peu infestés de manière à contrer la progression de la maladie. Le cultivar Platanor® 'Vallis Clausa' peut être planté sur des sols contaminés, en remplacement des platanes abattus, ou dans des zones saines pour de nouvelles plantations.
9 LE CHARANÇON ROUGE DU PALMIER (CRP), LIMITER L'EXTENSION DES FOYERS
La problématique du charançon rouge Rhynchophorus ferrugineus, encore très localisé au littoral méditerranéen, a pris une dimension nationale, compte tenu de l'extension des plantations de palmiers. Les foyers de ce nuisible inféodé aux palmiers se développent, malgré les actions de lutte engagées. En France, l'arrêté du 21 juillet 2010 relatif à la lutte contre le CRP prévoit un périmètre de lutte autour du foyer, comportant une zone contaminée (de 100 mètres minimum) autour du foyer, une zone de sécurité (de 100 mètres minimum) autour de la zone contaminée et une zone tampon (de 10 kilomètres minimum) autour de la zone de sécurité. Des mesures obligatoires de surveillance et de lutte sont mises en place dans ces trois zones pour les propriétaires de palmiers, et pour les producteurs et revendeurs. Le propriétaire a l'obligation de faire procéder à l'éradication de l'organisme nuisible soit par la destruction de la seule partie contaminée du végétal atteint, suivie d'un programme de traitements préventifs, soit par la destruction totale du végétal. Tout propriétaire se situant dans la zone contaminée est tenu de protéger ses palmiers en réalisant des traitements préventifs en alternant l'application de préparations à base de Steinernema carpocapsae et d'imidaclopride.
10 LE PAPILLON PALMIVORE, RISQUE RÉEL D'INTRODUCTION SUR LA CÔTE OUEST
Détecté en 2001, Paysandisia archon s'attaque à de nombreuses espèces de palmier. Chamaerops humilis, Trachycarpus fortunei et le palmier des Canaries (Phoenix canariensis) sont très sensibles. Depuis 2009, des observations montrent que les chenilles peuvent engendrer la mort de grands Phoenix canariensis et amoindrir la résistance mécanique de leurs palmes qui peuvent chuter. Les détections au sein des départements de la moitié Ouest n'ont, semble-t-il, pas eu de suite. Cependant, le risque de contamination lié à la plantation de plants infestés reste élevé. Il apparaît indispensable de vérifier la qualité sanitaire des palmiers lors de leur achat ou de leur plantation et de déclarer tout doute ou détection aux services en charge de la protection des végétaux. Les symptômes, occasionnés par les chenilles, s'observent au niveau du feuillage et du stipe. Palmes perforées, agglomérats de sciure, exuvies de chrysalide accrochées à la base des palmes ou du stipe, galeries et dessèchement de palmes doivent susciter un approfondissement du diagnostic. Détruire tout sujet très infesté et faire, pour les moins infestés et ceux apparemment sains situés autour, des traitements curatifs précoces et préventifs, biologiques ou chimiques, avec des préparations à base de Beauveria bassiana, Steinernema carpocapsae ou diflubenzuron.
<p>(1) Rapporteur national « Plantations, arborées, arbustives et à massifs, ZNA ».</p> <p>(2) Expert référent national « Zones non agricoles – Cultures ornementales ».</p>
La présence des larves xylophages du capricorne asiatique, qui se développent dans le tronc et les branches de plus de 5 cm, est signalée par des écoulements de sève. PHOTO : CHRISTOPHE BRUA, SAE
Dépérissement des branches hautes dû à une attaque de larves de capricorne asiatique. PHOTO : CHRISTOPHE BRUA, SAE
Une attaque de charançon rouge du palmier s'exprime par des encoches, un affaissement et un dessèchement de palmes partiel ou total. PHOTO : ÉRIC CHAPIN, FREDON-PACA
Chalara fraxinea provoque le dessèchement des rameaux juste après le débourrement ou pendant la période estivale. PHOTO : FRANÇOISXAVIER SAINTONGE, SRAL-CENTRE
Le champignon Cylindrocladium buxicola se développe principalement sur les buis fréquemment taillés et placés à proximité des gazons d'ornement dont l'irrigation est mal gérée. PHOTO : FREDON-BOURGOGNE
En été, les exuvies de chrysalide de Paysandisia archon indiquent l'émergence des adultes et par conséquent renseignent sur le risque de contamination par les pontes. Une période qui nécessite un programme de traitements préventifs. PHOTO : ÉRIC CHAPIN, FREDON-PACA
Au niveau du chancre cortical dû à Phytophthora lateralis, un écorçage permet d'observer une ligne de démarcation entre les tissus infectés brunâtres et les tissus sains. PHOTO : GILBERT DOUZON