En matière de fleurissement, quelles sont les clés de la réussite des villes bien placées au palmarès national ? Pour répondre à cette question, nous avons choisi de rendre visite en 2011 à plusieurs collectivités ayant décroché la Fleur d'Or en 2010. Après Château-Gontier (voir le Lien horticole n° 740 du 16 février dernier), voici l'exemple de Mâcon, en Saône-et-Loire. Celle ou celui qui découvre cette ville pour la première fois entre la mi-novembre et la fin décembre peut avoir un curieux pressentiment. À observer les décors des fêtes de fin d'année installés sur les ronds-points, assez tape-à-l'œil bien qu'attendus par un public très large, on pourrait craindre le pire pour le fleurissement estival et la gestion des espaces verts !
Quelque chose qui ne serait pas compatible avec l'engagement de la ville dans le comité de pilotage des premières initiatives de gestion différenciée, dès le milieu des années 1990 (*)... Mais la visite estivale rassure. Elle a d'ailleurs donné pleinement satisfaction au jury du Concours national des villes et villages fleuris, qui a accordé à Mâcon une « Fleur d'Or » au palmarès 2010.
Tout ne prédestinait pas forcément Christian Douvre, qui partira prochainement à la retraite, et Pierre-Jean Carpentiero, son futur successeur, à ce parcours lorsqu'ils sont arrivés, ensemble, dans le service en 1978. Le service comptait alors une centaine d'agents de formation ultra horticole, chargés de réaliser vingt-trois mosaïques et « pâtisseries » horticoles qui donnaient « immédiatement de la gueule à la ville », se souviennent les responsables techniques. Une période qui a permis à Mâcon d'être « 4 fleurs » au palmarès national du fleurissement dans les années 1980, Grand Prix en 1989, Prix européen de l'Entente florale en 1995.
Aujourd'hui, la ville fait encore un peu vivre ce passé : une mosaïque est réalisée chaque année près de la gare, il reste quelques « tartes aux fleurs », comme les désigne Pierre-Jean Carpentiero. Quant aux massifs fleuris, ils s'étendent encore sur 6 200 m² partout dans la ville. Le ralentissement a toutefois été progressif car « la demande était forte », précise Christian Douvre. Mais les impératifs économiques ne sont plus les mêmes.
Par ailleurs, en 2001, un changement de majorité à la tête de la ville a fortement modifié la manière de fonctionner du service. Après quatre mandats assurés sans discontinuer depuis 1977 par Michel-Antoine Rognard, le sénateur maire Jean-Patrick Courtois conquiert la mairie et demande une meilleure gestion, donc une réduction des coûts, tout en donnant au service une approche plus environnementale.
« La demande de notre maire, et de Michel Pacaud, l'adjoint chargé des espaces verts, est claire. Nous fleurissons pour les habitants et la volonté politique est de réaliser des aménagements en respectant les trois leviers du développement durable : économique, social et environnemental », explique Christian Douvre. Une logique qui s'applique à tout, y compris au choix des matériaux utilisés.
Le fleurissement de la ville-étape de la route des vacances (avant la création de l'autoroute vers les Alpes via Bourg-en-Bresse, la moitié nord du pays se rendant à la montagne quittait l'autoroute à Mâcon et traversait la ville) devient donc petit à petit un fleurissement à destination des Mâconnaises et Mâconnais. Sans que ce soit forcément contradictoire : les milliers de bulbes plantés à l'attention des touristes se dirigeant vers la montagne pour les vacances de Pâques restent plébiscités par les habitants et conservent donc toute leur place dans le paysage de la ville au printemps.
Depuis 2001, le budget consacré aux espaces verts est resté à peu près constant, mais la part des travaux réalisés en régie a augmenté. Tous les travaux demandant peu de qualification et de souplesse dans les interventions sont confiés à des entreprises, via des passations de marché renouvelées tous les trois ans. Ainsi, le nombre d'agents du service est descendu à environ quatre-vingts. Dans le même temps, la quantité de plantes utilisées a baissé. En 1978, par exemple, le nombre de plantes produites était bien supérieur à ce qu'il est aujourd'hui mais seuls une quarantaine de taxons étaient représentés. Aujourd'hui, il y en a pas moins de cent soixante. La gamme monochrome et les séries infinies d'oeillets d'Inde ont également pris fin. Jusqu'en 1992, la culture en châssis imposait de limiter les choix de végétaux. Depuis, la construction de serres municipales a permis une plus grande liberté d'action.
C'est peut-être au niveau de la production que réside la plus grande originalité du service des espaces verts de Mâcon. Treize personnes y travaillent, sous la houlette de Philippe Vachet et de Gérard Adoir. C'est beaucoup au regard des surfaces en culture, mais les agents de la production sont aussi ceux qui s'occuperont de la plantation des massifs, et de leur suivi tout au long de l'année. « Nous avons la chance d'avoir un responsable de la production qui a un bon sens de la composition florale, estime Christian Douvre. Il est donc logique de lui confier, avec son équipe, la réalisation des massifs. L'emplacement des massifs, sur le terrain, est décidé avec les équipes des espaces verts. »
Autre clé de la réussite du service : la confiance. « Au sein du service, les échanges sont nombreux. Tout le monde peut dire ce qu'il veut, explique Pierre-Jean Carpentiero. Lors des réunions, chacun met son ego dans sa poche et la hiérarchie est lissée pour que chacun exprime son point de vue. Après, nous tranchons évidemment lorsqu'il faut prendre les décisions. » Le système permet de bien faire fonctionner les équipes. Le service de la propreté a été intégré aux espaces verts il y a quelques années. Ses responsables et ceux des espaces verts se réunissent régulièrement pour mieux travailler ensemble. Ainsi, les balayeurs ne poussent rien sur les pelouses, mais les responsables des espaces verts peuvent, au besoin, demander l'intervention du service du nettoyage : lorsqu'ils entretiennent un rond-point, par exemple, ils jettent les déchets sur la voirie intérieure et une machine vient tout ramasser.
Tout en conservant une forte identité fleurie, la ville a voulu éviter le saupoudrage : « Nous avons lutté pour éviter de créer des massifs fleuris dans les espaces verts périurbains », n'hésite pas à dire Christian Douvre. En revanche, une cinquantaine de grands bacs ainsi que des plantes sont mis à la disposition des habitants des quartiers pour qu'ils puissent créer eux-mêmes leurs décorations florales. La ville compte d'ailleurs un millier de bacs répartis dans la ville, mais pas une suspension.
Des quartiers périphériques gérés de manière extensive, avec des noues paysagères, ainsi que 300 hectares d'espaces forestiers complètent la panoplie des espaces mis à disposition des 38 000 habitants de la ville, qui vit du tertiaire et qui est largement tournée vers Lyon, à une demi-heure de voiture ou de train. « Dès que nous avons une création nouvelle, nous cherchons autant que possible à limiter l'entretien, conclut Christian Douvre. Par contre, les secteurs réservés au fleurissement traditionnel doivent être parfaits, les pelouses scarifiées, le désherbage effectué... » Un cocktail qui, pour l'instant, réussit parfaitement à la collectivité, qui est incontestablement une référence régionale : « Nous sommes plus copiés que nous ne copions », constatent les responsables du service, qui vont assurément tout faire pour que la situation perdure.
<p>(*) Christian Douvre faisait partie du Comité de pilotage des colloques sur la gestion différenciée de Strasbourg, en 1995 et 2001.</p>
De gauche à droite : Gérard Adoir et Philippe Vachet, responsables de la production horticole, Christian Douvre, directeur du service du cadre de vie et des espaces verts, et Pierre-Jean Carpentiero, son futur successeur.
En trente ans, le nombre d'annuelles cultivées a baissé mais les massifs fleuris représentent encore 6 200 m². Pour éviter le saupoudrage, le service refuse de planter dans les espaces périurbains.
Le service de production réalise lui-même les plantations. Les espèces et variétés sont mises en place autour des serres pour surveiller les maladies.
Cocktail printanier pour « sœurs jumelles »
La ville bourguignonne de Mâcon est jumelée avec celle de Macon, en Géorgie, aux États-Unis. Cette dernière, appelée la ville des cerisiers à fleurs, offre un type de fleurissement éclatant, spectaculaire et peu onéreux. Cette idée séduisante a été largement reprise par la « jumelle » française. À la sortie de l'hiver, les cerisiers répondent à la demande d'un public en attente de fleurs, de couleurs, de renouveau. Les premiers, de la variété 'Accolade', ont été plantés il y a de nombreuses années. À leur pied, des bulbes en mélange avec des myosotis ou des pensées renforcent l'effet explosif des floraisons printanières. Cet évènement, au départ conçu pour les touristes, est désormais très attendu par les habitants de la ville. À tel point que le modèle a été copié dans plusieurs quartiers de l'agglomération.