L'étude a été réalisée par Fanny Tisseront, une étudiante en Master 2 « écologie biodiversité évolution ». Il s'agissait d'abord de faire une synthèse bibliographique mettant en lumière les atouts des différentes techniques de végétalisation de toitures. Dans un deuxième temps, le projet s'est attaché à effectuer un état des lieux des réalisations du département et à comprendre dans quelle mesure celles-ci contribuaient à la trame verte urbaine et au maintien de la biodiversité.
1 DES ATOUTS MULTIPLES SUR LE PAPIER.
La synthèse bibliographique réalisée au cours de cette étude, à partir d'une trentaine de publications scientifiques, a souligné les multiples services écologiques rendus par les toitures végétalisées. Le premier atout concerne la régulation des eaux pluviales avec une capture partielle de l'eau par les toitures et un étalement dans le temps du ruissellement. La végétalisation permet de diminuer les phénomènes d'îlots de chaleur en augmentant la capacité de réflexion du rayonnement solaire et le piégeage de l'énergie par les plantes. En matière d'isolation thermique, il semble que ce soit davantage le substrat que les végétaux qui joue un rôle. La végétalisation prolonge aussi la durée de vie des membranes d'étanchéité, soumises à des écarts de température moindres en présence d'une couverture végétale. Les végétaux ont la capacité de fixer les particules et le CO2. Les toitures végétalisées participent donc à la réduction de la pollution atmosphérique. Elles contribuent également à diminuer les vibrations et les nuisances sonores à l'intérieur des bâtiments.
Ces effets positifs sont fortement liés à la nature et à l'épaisseur du substrat ainsi qu'aux espèces végétales présentes et à la qualité de la réalisation de l'aménagement. Les toitures extensives, développées sur des supports minces, ne semblent pas les plus performantes de ce point de vue. En ce qui concerne la contribution des toitures végétalisées à l'amélioration du cadre de vie, la question reste délicate. Elles peuvent avoir un impact visuel très fort, mais ne sont pas toujours visibles et/ou accessibles au public. D'autre part, le résultat obtenu est parfois loin des attentes esthétiques des citoyens.
2 UNE CONTRIBUTION MÉCONNUE VIS-À-VIS DE LA BIODIVERSITÉ.
Les travaux de recherche sur la contribution des toitures végétalisées vis-à-vis de la biodiversité urbaine sont encore peu nombreux, en particulier en France. De plus, ils se sont plutôt intéressés à la richesse faunistique (oiseaux, insectes, arthropodes) et n'ont pas abordé l'aspect fonctionnel de la biodiversité, ni son évolution dans le temps. C'est ce qui a motivé le conseil général pour développer une étude spécifique sur son territoire.
Le recensement des toits verts a été réalisé sur la base d'une enquête diffusée auprès des 40 communes du département, des directions départementales de l'eau et de l'assainissement, de l'éducation et des espaces verts. Les entreprises spécialisées dans la végétalisation de toitures ont également été destinataires. Si l'inventaire n'est pas exhaustif, notamment du fait des contraintes de temps pour l'étude, il peut néanmoins être considéré comme représentatif de l'ensemble du territoire étudié. Au total, 134 toitures ont été répertoriées avec une large majorité de type extensif (94 %) et très peu pour les autres catégories (semi-intensif 2 %, intensif 1 %). Seulement 16 % ont été conçues avant 2000, 19 % entre 2001 et 2006, 59 % entre 2007 et 2009. Cette récente accélération est probablement à mettre en relation avec les engagements politiques du Grenelle de l'environnement. La répartition des toitures sur le territoire semble suivre le gradient d'urbanisation. Elles sont plus présentes dans les communes les plus urbanisées du département.
3 PAS MOINS DE 64 ESPÈCES VÉGÉTALES SUR LES TOITURES INTENSIVES.
Sur le plan de la biodiversité végétale, 29 toitures ont fait l'objet d'une analyse approfondie en se basant sur un protocole utilisé par le Muséum. Les espèces ont été répertoriées et leur abondance a été évaluée. La composition du substrat a fait l'objet d'une étude à partir de critères établis par le Conservatoire botanique national du Bassin parisien. Sur les toitures extensives (19), on a pu observer 49 espèces végétales dont 13 sont des sedums, représentant 87 % des surfaces végétalisées. Pour les toitures semi-intensives (4), le même nombre d'espèces a été recensé mais les sedums ne constituent plus que 25 % de la surface végétalisée. Avec les toitures intensives (5), 64 espèces ont été relevées, dont aucun sedum. L'indice de biodiversité (indice de Simpson) tient compte à la fois du nombre d'espèces présentes et de leur abondance. Si l'on considère les espèces, l'indice n'est pas significativement différent selon les types de toitures.
En revanche, si l'on s'intéresse au genre, les toitures extensives se révèlent beaucoup moins riches du point de vue de la biodiversité végétale. En effet, elles sont réalisées sur la base d'un seul genre. L'étude a abordé la question de la présence des plantes spontanées sur les différentes toitures. Mais les résultats sont difficiles à interpréter du fait que dans le cadre des opérations d'entretien, elles sont généralement enlevées. Ce critère serait intéressant à prendre en compte pour une étude effectuée sur plusieurs années, en intégrant des toitures sur lesquelles on laisserait volontairement les espèces spontanées s'installer.
4 UN POTENTIEL À VALORISER DANS UN CONTEXTE TERRITORIAL LARGE.
Les surfaces de toitures inertes sont encore largement majoritaires en France avec près de 22 millions de mètres carrés pour seulement un million de toitures végétalisées. En Seine-Saint-Denis, les toits verts représentent 0,1 % des surfaces bâties disposant d'un toit plat et 0,03 % de la surface du département.
Pour créer des surfaces végétalisées à la fois esthétiques et fonctionnelles, les études doivent se poursuivre pour mettre au point des techniques plus diversifiées. Les effets bénéfiques sur la biodiversité doivent être validés par des analyses scientifiques sur plusieurs années et en tenant compte du mode d'entretien des surfaces. Il faudrait replacer ces toits verts dans un contexte plus large, en lien avec les autres types d'aménagements végétalisés, faute de quoi leur contribution dans la trame verte restera faible. Il faut aussi s'intéresser aux zones tampons entre les espaces naturels et les milieux urbains, afin que les villes ne constituent pas des « îles ». On sait que la diversité y est moindre que sur un continent, où les échanges sont plus importants. Dans cette perspective, il serait bon de regarder du côté des zones d'activités et des zones industrielles qui se situent souvent à la périphérie des villes et qui disposent de grandes surfaces de toitures potentiellement aménageables.
Les toitures extensives, largement majoritaires dans le département de Seine-Saint-Denis, sont composées essentiellement de sedums. PHOTO : CG93
Les systèmes intensifs sont peu représentés en Seine-Saint-Denis et dans l'étude sur l'intérêt des toitures végétalisées sur la biodiversité urbaine.
Trois partenaires impliqués dans cette démarche
Le conseil général de Seine-Saint-Denis (CG93) s'est engagé dans un projet en faveur du développement durable de longue date. En 2005, il a créé l'observatoire départemental de la biodiversité urbaine (Odbu), qui repose sur un partenariat entre scientifiques, associations, aménageurs et collectivités territoriales. L'Odbu est un centre de ressources sur le patrimoine naturel départemental et la biodiversité destiné aussi bien aux spécialistes qu'au grand public. Ses objectifs sont de mettre en partage la connaissance, d'accompagner des actions de préservation et de valorisation, d'impulser une dynamique de réflexion sur la biodiversité urbaine. Il anime un réseau via des groupes de travail, un site internet, des publications, des manifestations.
Le département « écologie et gestion de la biodiversité » du Muséum national d'histoire naturelle (MNHM), à Paris, s'attache à créer un lien entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Le Muséum gère l'ensemble des données patrimoniales nationales sur les inventaires des espèces et des espaces. Il étudie le fonctionnement des écosystèmes et propose des scénarios d'évolution et des protocoles de gestion adaptés. L'un de ses programmes de recherche est consacré aux trames vertes urbaines.
Quant à l'entreprise Jardins de Gally (Yvelines), elle regroupe différentes activités dans le secteur horticole et paysager à destination du grand public et des professionnels. Elle constitue l'entité chargée de la conception et de l'aménagement de jardins d'intérieur ou d'extérieur. Depuis 2008, elle collabore avec le CG93 pour la mise en place d'expérimentations de terrain sur le thème de la biodiversité et des nouvelles techniques de végétalisation. Le stage de Fanny Tisseront a été encadré par Antoine Roulet, du CG93-Odbu, Philippe Clergeau, du MNHM, et Pierre Darmet, des Jardins de Gally.