Retour

imprimer l'article Imprimer

Solution

“Une nappe d'irrigation pour éviter le dépérissement des santolines en été”

Valérie Vidril - Le Lien Horticole - n°748 - avril 2011 - page 12

Jean-François Schwob et David Zuccolo, des pépinières Rey, dans le Var, ont installé une nappe d'irrigation sur un des sites de production pour répondre à une problématique de dépérissement des santolines cultivées en été.

La nappe d'irrigation installée sur L' Apié, un site de production de dix hectares des pépinières Rey, ne répond pas à la nécessité d'économiser l'eau d'arrosage, comme pourrait le laisser supposer la situation du site, dans le département du Var. La parcelle bénéficie de l'eau du Canal de Provence, disponible pour quelques centimes le mètre cube. « Nous avons cherché à résoudre un problème de dépérissement sur la culture d'une plante de terrain sec », explique Jean-François Schwob, adjoint du directeur de production.

Le problème concerne deux planches de santolines rempotées fin de printemps pour une vente à l'automne. « La santoline est une plante de terrain sec de moyenne altitude », souligne David Zuccolo, le responsable du site. « Des plantes de ce type stoppent leur croissance durant le plus fort de l'été », continue Jean-François Schwob. Pour répondre à une demande automnale, des séries sont malgré tout rempotées en pot de 2 litres de mi-mai à mi-juin et placées sur aire hors-sol traditionnelle en plein air. Mais, jusqu'en 2005, les deux hommes étaient confrontés à un problème de taille : le dépérissement de 80 % de leur production entre mi-juillet et mi-août. « En été, la température dans les pots dépasse 40 °C, et nous devons multiplier les aspersions pour irriguer et rafraîchir la culture », explique le responsable du site. « D'où ces dépérissements liés aux excès d'humidité. Beaucoup de plantes résistantes à la sécheresse, comme Helichrysum italicum ou Lavandula, posent ce problème de dépérissement en culture hors-sol. Dans la nature, leurs racines vont chercher la fraîcheur en profondeur. » Une solution aurait pu être d'installer un goutte-à-goutte, mais avec 12 000 pots par planche, la mise en oeuvre aurait été compliquée et coûteuse. En 2005, les deux hommes ont eu l'idée de recourir à une nappe d'irrigation.

Le Scradh (*) menait des essais sur le sujet depuis 2000. « L'objectif initial n'était pas la réduction de l'irrigation mais bien son contrôle, afin d'éviter les pertes en culture de lavande subies par nos adhérents pépiniéristes, dues à l'aspersion du feuillage qui engendre des maladies aériennes et des dépérissements par excès d'eau, précise Laurent Ronco, directeur de la station d'expérimentation varoise. L'application chez les pépinières Rey constitue la suite logique de nos travaux. » Les deux producteurs ont choisi la nappe retenue par le Scradh d'autant plus facilement que la station avait utilisé pour ses essais le même substrat, les mêmes conteneurs et les mêmes plants que la pépinière. Ils ont équipé deux planches de 700 m2 chacune. Le terrain a été nivelé, avec deux pentes de drainage perpendiculaires à 1,5 %. La couverture hors-sol comporte trois couches séparées : une bâche imperméable, la nappe proprement dite - Florimat 2 - constituée de fibres hydrophiles capables de retenir l'eau et une toile hors-sol. La nappe, distribuée par Flowering Plants Ltd (FPL, Buckingham, Royaume-Uni), est conçue pour les plantes en pot de plein air – il existe aussi des variantes pour cultures sous abri, jardinerie, gros litrages, culture de multiplication. D'une densité de 250 g/m2, Florimat 2 offre une capacité de rétention en eau de 3 l/m2. « Sa structure permet le développement d'une microflore antagoniste », précise Francis Richardson, responsable de FPL. Sa durée de vie est d'environ 7-10 ans, selon le fabricant.

Résultat : 90-95 % de réussite en culture. L'eau tombée entre les pots remonte par capillarité dans le substrat. L'évaporation de l'eau sur toute la surface de la nappe permet le rafraîchissement des conteneurs, avec pour conséquence un espacement des aspersions et la disparition du dépérissement. Le positionnement des plantes à « touche touche » maintient la fraîcheur. Moins d'adventices se développent à la surface des conteneurs. Vu la petite taille des plantes à cette période (début d'été), il est difficile de constater un effet sur l'homogénéité de la culture. « De toute façon, dès les premières pluies de septembre-octobre et la baisse des températures, un rééquilibrage se met en place rapidement », remarque le responsable du site. Du fait du climat méditerranéen, l'installation ne souffre pas de développement d'algues. La bonne qualité de l'eau du canal évite le colmatage et la diminution des propriétés capillaires liés à la présence de calcaire.

Les producteurs ont choisi de continuer l'aspersion sur la nappe. « Pour utiliser la nappe avec un apport d'eau par goutte-à-goutte, il faudrait que le nivelage du terrain soit plus homogène », affirme David Zuccolo. L'aspersion permet d'éviter une hétérogénéité d'arrosage. Sur l'année, la nappe permet une économie d'eau d'environ 25-30 %, mais en période estivale son effet ‘‘tampon'' prévaut. Le responsable du site continue de gérer l'irrigation à vue. Il utilise le même substrat que celui des autres cultures, assez drainant, spécialement conçu pour les conditions méditerranéennes, composé à 25 % d'écorce, 10 % de « pomice » (pierre ponce italienne), et le reste de tourbes blonde et brune. Ni la fertilisation – par engrais enrobés – ni le type de pot n'ont été modifiés.

La nappe d'irrigation a permis la vente des santolines dès septembre, avec un gain non négligeable : quelque 24 000 pots vendus (santoline et autres plantes de terrain sec) 2,35 euros HT l'unité à l'automne, à destination du marché du paysage et des collectivités. « L'investissement réalisé a été amorti dès la première saison de vente », souligne Jean-François Schwob. Le surcoût de l'aménagement comparé à une simple toile tissée posée à même le sol correspond au prix de la bâche étanche (sous-couche imperméable en EVA longue durée à 0,30 euro/m2) et de la nappe (2,33 euros/m2) pour 1 400 m2 de culture –soit 3 682 euros HT –, auquel il faut ajouter l'installation du goutte-à-goutte et le transport de la nappe (900 euros HT). Pour estimer l'investissement global pour l'aménagement de l'aire de culture, il faut ajouter le coût du nivelage (1 euro/m2), de la toile en polypropylène tissée (0,46 euro/m2), des fers à béton pour fixer l'ensemble...

La nappe n'est pas toujours utilisée à hauteur de son potentiel – soit plus de 20 000 plantes vendues à l'automne –, tout dépend des possibilités de libérer les planches avant fin mai. Par ailleurs, le programme de production a légèrement diminué sur ces séries vendues à l'automne. « Le système serait intéressant à utiliser sur des séries de 200-300 plantes de terrain sec réalisées sur d'autres parcelles, assure David Zuccolo. Mais le contexte économique difficile du secteur du paysage et des collectivités depuis trois ans crée un frein aux investissements et à l'innovation ». Le responsable du site de L'Apié soulève une autre possibilité amorcée par la nappe, mais non envisagée dans le court terme : la récupération de l'eau pour le recyclage.

<p>(*) Syndicat du centre régional d'application et de démonstration horticole, membre du réseau Astredhor.</p>

Pour Jean-François Schwob, adjoint du directeur de production (à droite), et David Zuccolo, responsable du site de L'Apié, la nappe d'irrigation n'a pas soulevé de contraintes particulières.

Pour Jean-François Schwob, adjoint du directeur de production (à droite), et David Zuccolo, responsable du site de L'Apié, la nappe d'irrigation n'a pas soulevé de contraintes particulières.

EXPOSITION AU SUD        Conséquence de l'ensoleillement méditerranéen : le côté de la motte qui bénéficie d'une exposition au sud présente moins de racines...

EXPOSITION AU SUD Conséquence de l'ensoleillement méditerranéen : le côté de la motte qui bénéficie d'une exposition au sud présente moins de racines...

EXPOSITION AU NORD        ...que le côté exposé au nord. En été, la température dépasse 40 °C dans les pots, nécessitant de multiplier les aspersions pour rafraîchir les cultures.

EXPOSITION AU NORD ...que le côté exposé au nord. En été, la température dépasse 40 °C dans les pots, nécessitant de multiplier les aspersions pour rafraîchir les cultures.

L'installation se compose ici de trois couches séparées : une bâche imperméable, la nappe proprement dite et une toile tissée sur le dessus. Il existe également des nappes deux en un ou trois en un.

L'installation se compose ici de trois couches séparées : une bâche imperméable, la nappe proprement dite et une toile tissée sur le dessus. Il existe également des nappes deux en un ou trois en un.

Le Point de vue de

LAURENT RONCO, DIRECTEUR DU SCRADH

« Un mode d'arrosage souple et peu contraignant »

Le Scradh (1), à la demande de ses adhérents pépiniéristes, a étudié les nappes d'arrosage dès 2000, pour trouver une alternative à l'aspersion des lavandes. La technique paraissant efficace, la station a évalué jusqu'en 2006 les changements de pratiques culturales qu'elle impliquait : substrat, gestion des irrigations, forme et volume des conteneurs, gamme de végétaux, fertilisation (engrais enrobés ou fertirrigation), désherbage, recyclage des solutions...

« Ce mode d'arrosage s'avère souple et peu contraignant. Il est nécessaire de partir d'une surface nivelée et bien damée afin d'éviter la formation de flaques sur l'aire, en prévoyant un point bas pour l'évacuation du drainage et la collecte en cas de recyclage... Selon la nature du revêtement en dessous, le passage d'engins lourd sera possible ou non. La condensation sous le plastique peut provoquer un ramollissement et transformer une argile dure en molle. L'installation des trois couches (bâche étanche, feutre, toile hors-sol) s'effectue aisément. Une fois en place, l'aire reste opérationnelle longtemps : au Scradh, les surfaces équipées datent de 2001. La station ne réalise pas d'entretien particulier, si ce n'est le balayage en fin de culture. En circuit ouvert (non recyclé), la nappe de type feutre (2) permet d'économiser l'eau par rapport à une aspersion. L'irrigation est plus homogène (même en présence de vent) et les fréquences sont diminuées. Les maladies aériennes ou baisses de qualité liées au feuillage mouillé sont limitées. Il faut travailler à dose fixe et fréquence variable, et veiller à ne pas mélanger des cultures ayant des besoins en eau trop différents. Le recyclage des solutions se justifie moins qu'en aspersion, car l'aire peut être gérée avec un drainage très faible (15 %), mais il est facilement réalisable. Lorsque l'irrigation s'effectue uniquement par remontée capillaire, il existe une hauteur de pot à ne pas dépasser. La station a pu cultiver dans des conteneurs de 12 l bas. Le Scradh a opté pour une capacité de rétention de 3 l/m2 permettant une faible fréquence d'arrosage : la nappe sèche entre deux irrigations, ce qui empêche le développement des algues et permet de cultiver sur un "sol sec". Les seules modifications notables ont concerné les fréquences d'apports d'engrais dans le cadre d'une fertirrigation. Il faut tenir compte de l'accumulation lente des éléments et procéder par vagues. Deux limites apparaissent : les plantes ayant des systèmes racinaires charnus soulèvent les pots et empêchent la remontée capillaire ; et comme il n'est plus possible de trouer l'aire de culture, il faut disposer d'un système de tenue au vent adapté. L'amélioration de l'irrigation rend très intéressant l'emploi d'une nappe d'irrigation pour les cultures sensibles aux excès d'eau, celles à forte valeur ajoutée ou dans les zones à faible ressource en eau. Les avantages justifient un investissement pour l'ensemble des cultures de pépinière. Les points de vente peuvent aussi utiliser cette technique qui permet d'arroser discrètement, sans les inconvénients du goutte-à-goutte. »

(1) Syndicat du centre régional d'application et de démonstration horticole, membre du réseau Astredhor.

(2) Les nappes de type « feutre » absorbent l'eau d'arrosage et la restituent par capillarité ; les nappes de type « plastique » permettent d'irriguer grâce à un film d'eau qui ruisselle.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

EN CHIFFRES

SURFACE TOTALE DE PRODUCTION : 110 ha (72 ha de cultures de conteneurs – dont 15 ha sous serre –, 25 ha de pleine terre et 13 ha de pieds-mères).

SITES DE PRODUCTION : dix sites de production dans le Var et le Vaucluse (trois secteurs de multiplication, six d'élevage de conteneurs – intérieur et extérieur – et un secteur de production pleine terre).

CHIFFRE D'AFFAIRES : 27 900 000 €.

CLIENTÈLE : 50 % auprès des particuliers ; 30 % pour le paysage, 20 % pour la distribution spécialisée et grande distribution.

MAIN-D'OEUVRE : 320 salariés, dont 70 équivalents temps plein saisonniers.

PRODUCTION : 4 730 000 jeunes plants et 3 950 000 conteneurs par an.

CATALOGUE : plus de 300 espèces ornementales et fruitières méditerranéennes.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :