Le mur végétal du musée du quai Branly à Paris Cette réalisation illustre parfaitement le marché : un site d'exception pour lequel le coût n'est pas un frein, quelques soucis techniques, notamment en sortie d'hiver 2009/2010 où le froid a été vif, sans oublier un problème au niveau de l'irrigation. Mais, globalement, depuis son installation en 2006, il se porte plutôt bien... PHOTO : JEAN-CLAUDE GRELIER/GFA
Malgré quelques déboires techniques et des coûts élevés, pas toujours faciles à faire passer dans le contexte économique actuel, les murs végétaux continuent de faire rêver. Certes, les réalisations restent l'apanage de grandes villes ou bien d'entreprises privées plutôt solides financièrement, et les produits grand public peinent à s'imposer dans les jardineries et chez les particuliers. Mais globalement, le nombre de créations que l'on peut découvrir un peu partout en France est assez important. Au détour d'un parc de stationnement, au sein même d'une jardinerie, dans les bureaux d'une entreprise privée, il est désormais possible de voir une réalisation récente. Le grand public reste friand de fresques végétales murales et préfère incontestablement observer un mur vert plutôt que minéral, fut-ce avec le plus sophistiqué des revêtements...
Les points techniques qui posaient problème se sont bien améliorés
Les quelques déboires techniques du début de l'aventure verticale ne semblent par avoir laissé de traces trop profondes sur le marché. D'autant qu'ils ne sont pas toujours directement imputables à la conception, mais souvent à un problème de suivi. C'est fréquemment l'arrosage qui peut être incriminé. Encore récemment, à Toulouse, un mur situé en centre-ville (Il Campo Marengo) et composé de deux faces différemment exposées a souffert de la sécheresse en fin d'été dernier sur l'une de ses parties. Elle doit être regarnie ce printemps. Un fournisseur du secteur de l'irrigation, Netafim, s'est penché sur la question et propose des kits spécifiques pour les murs végétaux qui ont déjà été installés sur différents procédés disponibles sur le marché. Le produit est décliné en différentes versions (présentation complète dans une prochaine édition en rubrique « Nouveautés »), selon que l'on a affaire à un système à toile ou à gabion rempli de sphaigne ou de substrat (lire p. 14). Mais globalement, l'irrigation est aujourd'hui maîtrisée, de même que les choix de végétaux : les fournisseurs ont affiné leurs techniques et leur palette végétale.
Les frais d'entretien mieux anticipés, mais attention aux murs à l'extérieur
Autre point qui a été considérablement amélioré : l'entretien. Souvent négligé sur les premiers chantiers, il est aujourd'hui mieux pris en compte en amont des créations, via des contrats passés le plus souvent avec l'entreprise ayant réalisé la mise en œuvre du mur. Anticiper un budget pour ces opérations d'entretien est indispensable : intervenir sur un mur nécessite le plus souvent une nacelle, et le coût de revient est très vite élevé. Par contre, tous les gestionnaires et concepteurs s'accordent sur le fait qu'il est plus facile de gérer une réalisation d'intérieur que d'extérieur. Dans le premier cas, il est possible de faire appel à une gamme végétale large et bien maîtrisée, en évitant les écarts thermiques importants de l'extérieur. C'est particulièrement vrai pour le procédé de Patrick Blanc, dans lequel les racines des végétaux ne sont protégées du froid que par une simple couche de feutre. À l'extérieur, en cas de grands froids, les dégâts peuvent vite être importants. Les systèmes lourds, dotés de substrat élaboré, sont moins sensibles à cette contrainte.
Le principal facteur limitant : les coûts d'installation et d'entretien
Mais le marché des murs végétalisés reste aujourd'hui élitiste, trop souvent réservé à des chantiers d'exception, même s'il est parfois porté par l'obligation d'intégrer des œuvres d'art dans les bâtiments nouveaux et que, à ce titre, certaines réalisations échappent totalement aux règles classiques des marchés publics.
Globalement, l'investissement de départ demeure lourd et génère en outre des coûts d'entretien qui ne sont pas négligeables. Or, aujourd'hui, les collectivités sont généralement devenues très regardantes d'une part à la dépense immédiate et d'autre part à celles qui seront induites, demain, par les investissements décidés dans l'instant.
Les fournisseurs l'ont tous compris. Le développement à grande échelle du marché des murs végétaux passe donc par une diminution drastique des coûts, qui se situent pour l'heure dans une fourchette allant d'un peu moins de 500 euros à plus de 800 par mètre carré, en fonction de plusieurs critères comme la difficulté de réalisation du chantier, son accessibilité, la surface considérée, le matériel à mettre en œuvre...
L'argumentaire actuel doit évoluer pour ne pas se cantonner au seul « développement durable »
Diviser les coûts par deux permettrait vraisemblablement de dégager l'horizon de ce marché des murs végétaux. Mais l'essentiel des coûts des murs provient de la mise en œuvre, les fournitures étant relativement limitées.
Une entreprise franco-chinoise se lance actuellement sur le marché français en vendant des kits de murs constitués de coussins garnis de sphaigne du Chili, les Végébags. Fabriqué en feutre géotextile et d'autres matières premières recyclées, bon marché et facile à travailler (la confection étant très bien maîtrisée par les Chinois), le produit est proposé aux professionnels autour de 90 euros le mètre carré. Cela permettra-t-il de diminuer les coûts de manière significative ? L'avenir le dira.
Les fournisseurs vont aussi devoir surveiller attentivement la manière dont leurs arguments de vente seront reçus à l'avenir. Nous venons de traverser une période au cours de laquelle toute notion de vert rimait de facto avec développement durable. Le mur végétal signifiait donc « développement durable correct ». Mais nombre de clients deviennent plus avertis, et raisonnent au-delà des apparences, en terme de bilan carbone, par exemple. Et là, les systèmes lourds risquent de se trouver pénalisés, en raison du poids et du volume de matériaux à transporter et de l'importance des travaux de mise en place, alors qu'ils présentent les meilleurs atouts en termes de capacité à isoler un bâtiment du froid ou à créer un habitat favorable à la faune locale.
Affiner l'argumentaire et optimiser les coûts sont aujourd'hui les deux contraintes auxquelles les fournisseurs doivent s'atteler pour assurer à leur produit, qui plaît incontestablement, une place au soleil...
Le Point de vue de
OLIVIER RIAUDEL, INGÉNIEUR D'EXPÉRIMENTATION AU GIE FLEURS ET PLANTES DU SUD-OUEST, QUI A TESTÉ PLUSIEURS PROCÉDÉS DE MURS À VILLENAVE-D'ORNON, PRÈS DE BORDEAUX
« Les paysagistes sont incontestablement à la recherche d'informations »
De nombreux systèmes de murs végétaux sont disponibles sur le marché. Comment le maître d'œuvre peut-il choisir le système qui lui convient le mieux ?
Il faut distinguer trois points : la structure, le substrat et les plantes. Pour la structure, la garantie décennale reste un gage de sécurité au niveau de la solidité et de la durabilité des matériaux. Observer les réalisations existantes permet aussi d'apprécier la résistance des ancrages et des supports.
Ensuite, pour le substrat, si l'on excepte le système de Patrick Blanc, on a le choix entre des supports de culture à un seul composant, le plus souvent de la sphaigne du Chili ou parfois de la laine de roche ou de la fibre de coco, ou bien des substrats élaborés. La sphaigne du Chili présente de nombreuses qualités, en particulier une grande facilité de réhumectation après une période sèche. Mais elle a l'inconvénient de rester humide l'hiver, avec des risques d'asphyxie racinaire pour les plantes sensibles. Se pose aussi le problème de sa disponibilité : elle vient de très loin et son extraction est-elle bien durable dans le temps ? Quoi qu'il en soit, il existe une telle diversité de substrats élaborés, avec des éléments très utilisés en horticulture comme la fibre de bois, l'écorce, l'argile... que l'on se demande pourquoi prendre autre chose. Bien sûr, les murs obtenus sont plus lourds, mais ils sont aussi plus faciles à gérer dans le temps.
Pour ce qui concerne les végétaux, la gamme des vivaces persistantes et tapissantes capables de donner des murs garnis toute l'année n'est pas extensible. Une vingtaine ont aujourd'hui vraiment fait leurs preuves, pour les autres, il faut continuer à tester. Donc, soit le client fait le choix d'avoir un mur moins couvert en hiver mais plus coloré en été, et il a un choix infini, soit il veut une réalisation belle toute l'année et il doit sécuriser au maximum sa gamme végétale.
Quels sont actuellement les moteurs et les freins au développement de ce marché ?
Les moteurs du développement sont l'apport esthétique, certains aspects techniques et l'argument de la biodiversité. Les murs végétalisés plaisent beaucoup au public, les réalisations récentes sont toujours largement plébiscitées. En été, un mur végétalisé au sud permet de bien limiter la surchauffe des murs, grâce à l'arrosage et l'évaporation. Par contre, pour ce qui concerne l'isolation en hiver, le substrat étant humide et la lame d'air n'étant jamais parfaitement étanche, les systèmes disponibles aujourd'hui sont peu efficaces. Enfin, pour ce qui concerne la biodiversité, dans des milieux très urbanisés, les murs sont incontestablement de bons refuges pour la vie animale.
Quant aux freins, ils sont sans conteste financiers, surtout dans la durée. Le prix des murs, autour de 700 euros/m², les cantonne à des clients aisés. Et si les structures tiennent bien dans le temps, les difficultés à gérer l'irrigation et surtout les alternances été/hiver, avec des besoins très différents, font qu'il faut souvent remplacer des végétaux et que les coûts d'entretien ne sont pas négligeables.
Où en sont les expérimentations du GIE (groupement d'intérêt économique) et quels sont les enseignements qui en ont été tirés ?
Elles sont aujourd'hui terminées. Elles ont permis de mettre en évidence certaines difficultés techniques, en particulier au niveau de l'irrigation, comme on l'a déjà évoqué. Des sondes de pilotage permettent de bien gérer le problème au niveau technique, mais le coût reste élevé et difficilement acceptable pour de petites surfaces. Nous sensibilisons les fournisseurs à l'intérêt de mettre sur le marché des systèmes fiables et bon marché à partir de produits déjà disponibles...
Mais surtout, nous avons mis au point une formation en collaboration avec un CFPPA (centre de formation professionnelle pour adultes) référent. En trois jours, nous abordons les murs pérennes, les systèmes légers qui permettent de faire de l'événementiel pour un prix très bas, autour de 150 euros par mètre carré pour un mur pouvant être réutilisé trois années de suite, avec à chaque fois la mise en pratique d'installation de mur, puis un bilan effectué six mois après la formation. La demande est importante, les paysagistes sont incontestablement à la recherche d'informations...