“Acquérir une image de marque de pépinière citoyenne !”

Marc-Henri Doyon, directeur de la pépinière Végétal 85, applique une stratégie de différenciation de la gamme tout en poursuivant une profonde remise en cause des pratiques culturales pour tendre vers un « sans-faute » en matière d'environnement.

Section de la Société coopérative de production CAJEV (Coopérative d'aménagement des jardins et espaces verts), les Pépinières Végétal 85, installées depuis 1976 à La Chaize-le-Vicomte en Vendée, ont longtemps orienté leur production d'arbres et d'arbustes pour répondre aux besoins de l'activité paysage de la coopérative. Sous l'impulsion de Jean Giraudet, à partir de 2003, puis de Marc-Henri Doyon, directeur depuis 2008, la pépinière a élargi son activité de production d'arbres et arbustes en conteneurs pour le marché de la distribution « jardin ». La mission confiée à Marc-Henri Doyon, à son arrivée à la direction, a été double : trouver de la marge en rationalisant la production et diversifier les débouchés en trouvant de nouveaux clients.

Le travail sur la productivité est passé par une augmentation des surfaces et un investissement dans les équipements de production, deux conditions de base pour rationaliser la production et atteindre un niveau de qualité assurant un bon taux de produits commercialisables. « Il nous fallait plus d'aire de culture pour répondre au pic d'activité qui est apparu à cause du développement des ventes de printemps. Traditionnellement, les conteneurs étaient mis en culture de février à début août pour être “récoltés” dès l'automne suivant pour les petits litrages ou après un an ou plus pour les conteneurs plus gros. Actuellement le plus fort des ventes se déroule au printemps, au même moment que les rempotages, ce qui oblige à avoir plus de surface de culture et des équipements plus performants pour gérer simultanément les mises en place et les expéditions de conteneurs. La seconde mesure a consisté à limiter le nombre de litrages différents avec les 3 litres pour les grandes séries (les 20/80) et les 5 et 10 litres pour les plus courtes. »

La recherche de nouveaux clients était possible soit par une politique de prix bas, soit par une diversification. La première option n'était pas envisageable car, malgré la modernisation, la pépinière est loin d'atteindre la dimension industrielle qui permettrait d'envisager de se positionner sur une stratégie de production de masse écoulée à bas prix. « Vu notre dimension et le projet d'entreprise porté par les salariés actionnaires, l'option retenue a été de travailler sur la qualité, l'innovation en matière de végétaux et de valeur ajoutée, tout en poussant très loin la démarche d'écoproduction pour acquérir une image de marque de pépinière citoyenne. » La première avancée a été la mise en place d'un conteneur en fibre de coco biodégradable commercialisé sous le nom de Pot nature. Ce type de contenant permet de planter avec le pot en assurant une reprise plus rapide et l'absence de déchets. Composé de fibre de coco et de latex naturel, le pot est entièrement biodégradable. Forte de cette première expérience sur le terrain de la valorisation de la gamme, le travail s'est poursuivi avec l'apport des soirées thématiques du Bureau horticole régional (BHR) et l'appui de l'Agence Canelle (Catherine Garnier et Jean-René Debaisieux).

Sur l'axe de la biodiversité, la réflexion a abouti à la création de Biodiversit'haies®, une gamme d'arbustes de haies conçue pour favoriser la préservation de la biodiversité. Composée d'une quarantaine d'arbustes, mellifères et/ou attractifs pour les oiseaux, cette gamme a été imaginée spécialement pour la distribution spécialisée. Les plantes, présentées en conteneur de 3 litres, sont accompagnées par un chromo spécifique. Une ILV accompagne les végétaux et fournit des exemples de haies qui peuvent être facilement transposables.

En réponse aux attentes des nouveaux jardiniers souhaitant aménager leur pièce à vivre extérieure, la gamme Design Végétal rassemble des végétaux « graphiques » dans un environnement marketing très épuré. Cette gamme présente des plantes sélectionnées pour leur ligne, leur feuillage persistant et leur facilité d'entretien. Elles sont particulièrement adaptées pour la culture en pot sur les balcons ou terrasses. Des chromos spécifiques présentés sur piquet facilitent la théâtralisation. Équipés de QR codes, ces chromos permettent d'obtenir des idées et conseils en flashant le code avec un smartphone. La gamme Design Végétal bénéficie d'ILV présentant des idées de compositions en pot.

La démarche « développement durable » très ambitieuse a été construite en réponse aux attentes du personnel en matière d'engagement social. Le statut de société coopérative de production (Scop) permet de mettre en phase les orientations de l'entreprise avec les attentes des salariés actionnaires. « La Scop fonctionne sur la base de principes qui assurent un équilibre entre les salariés et les actionnaires, entre impératifs économiques et ambition sociale. La question du respect de l'environnement et de la santé des salariés s'est très vite imposée comme un objectif fondamental », précise Marc-Henri Doyon. Fort de cette volonté, un état des lieux a été réalisé et des solutions à court, moyen et long termes ont été mises en place en s'appuyant sur les conseils du Bureau horticole régional et de Vendée Eau.

Le poste stratégique de la gestion phytosanitaire a été totalement repensé. Les traitements phytosanitaires systématiques ont été abandonnés au profit de l'observation et du maintien des populations de ravageurs à des niveaux acceptables. Cette démarche a nécessité une formation du personnel à la reconnaissance des ravageurs pour une détection plus précoce des attaques. L'option protection biologique intégrée a amené à prendre des mesures pour favoriser le développement des auxiliaires : produits phytosanitaires respectueux, notamment d'origine végétale et homologués en agriculture biologique ; introduction d'auxiliaires ; plantations de haies avec des essences indigènes hébergeant les auxiliaires autochtones ; introductions de plantes fleuries parmi les cultures afin d'attirer les auxiliaires autochtones vers l'intérieur des parcelles. Les précautions lors des traitements chimiques ont été renforcées : pas de pulvérisation à partir d'un vent de force 3 (19 km/h), réalisation des traitements le soir ou le samedi matin en dehors du temps de présence des salariés. La gestion des adventices a pour objectif final la suppression des traitements chimiques sur les zones non cultivées. Ainsi certaines allées ont été enherbées et sont entretenues par des tontes régulières. Concernant le désherbage des conteneurs, la technique du paillage du substrat est généralisée avec du paillis issu du délignage des pins des Landes. Ce mulch mis automatiquement en surfaçage lors du rempotage permet de supprimer les désherbants chimiques qui représentaient la plus grosse partie des molécules présentes dans les eaux de drainage.

Rare et très contrôlée, l'eau est économisée et recyclée. Les apports sont gérés avec un souci d'efficience maximum grâce à la généralisation du paillage des pots et de l'arrosage par goutte à goutte pour les gros litrages. La configuration en pente de la pépinière permet le recyclage des eaux de drainage. Les rejets dans le milieu naturel sont purifiés par passage dans un bassin de traitement des eaux de drainage assurant l'absorption des résidus d'engrais par des plantes. Ce bassin a été réalisé en 2009 en partenariat avec Vendée Eau qui analyse régulièrement les eaux de drainage. La fertilisation est optimisée avec l'utilisation d'engrais à libération programmée. Les doses sont gérées au plus près avec une réduction de 20 % des apports d'engrais au rempotage pour les plantes à croissance rapide. La fertirrigation a été remplacée par un surfaçage manuel car elle générait une pollution importante des eaux de ruissellement. La gestion des déchets passe par un tri très strict. Les déchets organiques sont valorisés par compostage en partenariat avec un voisin agriculteur. Les déchets plastiques sont recyclés par une société agréée. La réutilisation des conteneurs de culture est devenue systématique. Afin de faire connaître ses engagements, Végétal 85 adhère à l'écolabel MPS depuis avril 2008. La pépinière est classée MPS A depuis juillet 2009.

Les mesures prises en matière d'écoproduction ont permis de construire un argumentaire commercial qui est présenté aux acheteurs de la distribution. Marc-Henri Doyon constate que le message peut parfois trouver une oreille attentive. « La présentation de l'ensemble des mesures a un bon impact auprès de certains acheteurs qui sont sensibles à la notion d'entreprise citoyenne. Mais le sujet n'est pas encore primordial et, si on devait faire un bilan, c'est plutôt en interne que l'on retrouve le véritable bénéfice de nos efforts. » Face aux acheteurs, les sujets abordés concernent le court terme avec notamment le décrochage des ventes d'automne. Sur ce sujet délicat, Marc-Henri Doyon estime que les producteurs ont leur part de responsabilité. « C'est à nous de mieux mettre en avant une vraie gamme d'automne en évitant de se laisser entraîner par la demande pour des plantes attractives qui sont fragiles et vont décevoir les clients dès le premier coup de froid. Il faut valoriser une gamme rustique, garantie résistante au gel. »