En 1979, quand Bernard Soupe et son épouse ont créé leur entreprise horticole, produire du jeune plant de légume pour les jardineries n'était guère dans l'air du temps. Le produire en bio aurait certainement relevé de l'utopie ! C'est pourtant le pas que s'apprête à franchir en partie aujourd'hui l'entreprise, sous la houlette du fils, Lionel, qui prend progressivement les rênes de l'établissement, après l'avoir intégré en 2007 fort d'un BTS « productions horticoles », d'une licence de commerce et d'une expérience de deux ans avec la chaîne de jardineries Botanic. C'est l'an dernier que l'entreprise a senti que les choses changeaient : « Nous voulions devancer l'intérêt pour les produits biologiques et diversifier ainsi notre activité. La demande est contrastée, mais existante », souligne Lionel. Sans compter qu'un autre élément a orienté le choix du jeune responsable d'entreprise : « Les plants de tomates cultivés en bio l'an dernier ont été globalement plus beaux que ceux menés en culture conventionnelle ! » Au cours de la saison 2009/2010, les cultures étaient réalisées en barquette thermoformée ou en pot de 0,5 litre. Cette année, des mottes maraîchères remplacent les barquettes thermoformées et les pots sont reconduits pour certaines variétés. Les plants sont cultivés en barquette de six mottes pour les tomates et les choux, et en barquette de douze pour les salades...
« Le plus compliqué pour passer au bio, c'est de se faire certifier et d'adapter ses installations à cette pratique culturale. Cela prend du temps. Pour la certification, nous avons choisi Ecocert, déjà présent dans la région. La décision a été prise de tester le bio en décembre 2009 et nous avons eu l'agrément en mars suivant pour les premières mises en culture », précise Lionel Soupe. Les cultures de jeunes plants concernées étant peu importantes, il a fallu les isoler des cultures conventionnelles. Une serre en plastique a été adaptée sur 450 m2, soit la moitié de sa surface. Une cloison étanche a permis de séparer les différentes cultures. Cette année, cette cloison n'est plus indispensable en raison de la montée en puissance des cultures bio. La cloison étanche a toutefois été laissée en place : elle permet de créer deux climats différents dans la serre. « On ne peut pas pour autant cultiver le double de plants dans cet abri : nous distançons les cultures dès la mise en place pour assurer une bonne aération, ce qui permet de limiter les risques de maladies et de ravageurs », explique le jeune producteur.
D'un point de vue technique, le premier élément à prendre en compte pour passer au bio est le choix du substrat, qui doit être labellisé. Lionel Soupe a choisi le Klassmann 91, à base de tourbe blonde, noire et compost. Les points forts de ce terreau sont multiples : il est adapté à des cultures qui ont besoin d'être contenues car il possède un effet compactant et permet une bonne rétention de l'eau avec une bonne réhumectation. Ceci autorise des arrosages copieux en début de culture pour plomber le plant et des stress hydriques sur la fin pour le rendre plus trapu. « Il rallonge un peu la durée de la culture, une semaine de plus pour les tomates. Mais il permet d'obtenir des plantes plus fortes et c'est ce qui nous importe. »
Second point technique, la fertilisation. Elle est effectuée avec un engrais liquide à base d'algues et de vinasse certifié bio. « L'an dernier, nous appliquions cet engrais au rempotage sur tomates par exemple. Nous faisions nos semis en terrine puis nous repiquions. Cette année, nous avons investi dans un semoir pour semer nos plants d'annuelles et de légumes en plaques alvéolées, nous faisons un apport d'engrais systématique sur jeunes plants à faible dose », poursuit Lionel Soupe. « Globalement, les plants de légumes en serre ont un cycle court et la fertilisation n'est pas excessivement difficile à gérer. Des carences n'apparaissent que si les plantes restent un peu trop longtemps en culture. Cette année, nous avons d'ailleurs prévu d'incorporer à chaque arrosage l'engrais liquide. »
Toujours en raison de la faible longueur des cycles de culture, le suivi phytosanitaire n'est pas très lourd. Après le repiquage, un traitement est effectué à la bouillie bordelaise, à mi-culture si les conditions climatiques sont propices aux maladies. L'altise sur les choux est contenue grâce à un traitement avec Bacillus thuringiensis, mais le fait de distancer les barquettes de culture « en laissant un pouce entre chaque barquette » limite aussi la pression des ravageurs. Reste que cette faible densité de culture entraîne des surcoûts de chauffage, d'où la nécessité de choisir une énergie bon marché pour les chaudières (voir l'encadré ci-contre).
Il est encore un peu tôt pour dresser un bilan définitif du passage des établissements Soupe au bio. Parmi les points positifs relevés figure, entre autres, la qualité du substrat utilisé. Le terreau choisi en 2010 pour la culture bio a été généralisé à toute la production en 2011, que ce soit pour les légumes bio, les légumes traditionnels, et même pour certaines annuelles cultivées en motte pressée. Ce qui permet de généraliser le terreau à beaucoup de cultures est la souplesse de remplissage des contenants : « En effet, nous remplissons tous nos pots et nos barquettes d'avance. La machine de remplissage n'a pas besoin d'être nettoyée entre des séries destinées à la culture bio et d'autres à la culture traditionnelle comme nous y oblige le cahier des charges. Cela représente un gain de temps important et une organisation plus simple du chantier, ce qui permet en partie d'absorber le surcoût de ce terreau. »
Quant à passer l'ensemble des cultures en bio, cela ne semble pas à l'ordre du jour...
« Le plus compliqué pour passer au bio, c'est de se faire certifier et d'adapter ses installations à cette pratique culturale. Cela prend du temps », souligne Lionel Soupe.
Pour le bio, les contenants sont d'une couleur différente des autres afin de mieux les repérer, que ce soit en culture ou sur le lieu de vente.
Des chromos portant la mention du label AB (agriculture biologique) ont été spécialement étudiés pour les cultures bio des établissements Soupe.
Pour le rempotage, les barquettes de culture ont été remplies à l'avance, avant la saison, afin d'optimiser le travail pendant les semaines les plus chargées.
Du chauffage au fioul et au gaz à celui au bois
Assurant l'essentiel de ses semis, l'entreprise Soupe a des besoins en chauffage importants. La serre en verre est chauffée dès octobre et les tunnels généralement à partir de novembre. Les besoins les plus importants sont en janvier et février. Les semis sont maintenus à 23 °C, les cultures à 16 °C, surtout en fin de cycle pour l'endurcissement. Jusqu'en 2006, ces besoins en chauffage étaient assurés par un cocktail énergétique basé sur du fioul lourd, du gaz propane et du fioul domestique. Mais le renchérissement des énergies fossiles a amené l'entreprise à se tourner vers le bois. Deux chaudières ont été installées, l'une d'une puissance de 1,4 MWh, à Châtillon-sur-Chalaronne, établissement le plus grand mais dont les besoins en chauffage sont moins importants, l'autre de 1,7 MWh à Bourgen-Bresse. Une chaudière de sécurité a été conservée sur chaque établissement, l'une au gaz, l'autre au fioul. Chaque chaudière à bois dispose d'un open buffer de 200 m3 permettant de lisser les besoins en chauffage, mais aussi de fournir des calories pendant les opérations d'entretien, en particulier les ramonages, qui doivent être faits tous les quinze jours. Le chauffage est arrêté à 6 h et rallumé le soir. Deux personnes sont mobilisées pour cette journée de maintenance, mais la faiblesse du coût du bois permet de conserver la rentabilité de l'activité de l'entreprise. Le mâchefer issu des chaudières, pouvant contenir du métal parfois présent dans le bois, est récupéré par la pépinière voisine, Daniel Soupe, frère de Bernard, pour améliorer l'état des chemins des carrés de culture. Hormis quelques pannes mécaniques (une chaudière bois comprend beaucoup de moteurs électriques) pas toujours faciles à réparer en raison de l'éloignement du fournisseur, les équipements de chauffage donnent entièrement satisfaction. Il faut entre 2 000 et 2 500 tonnes de bois pour chauffer les deux établissements. Ce sont les chauffeurs de l'entreprise qui assurent les livraisons de bois, après la saison, quand ils ont fini de livrer les clients. Celui-ci est stocké dans des abris en plastique.
Le Point de vue de
EN CHIFFRES
SITES :
– 2,2 ha à Châtillonsur-Chalaronne ;
– 1,2 ha à Bourg-en- Bresse, y compris les serres en verre.
SURFACE DE CULTURE :
– 3 hectares couverts, dont 1 ha de verre et 2 ha de plastique ;
– 4 000 m2 de culture hors sol en extérieur.
PRODUCTION :
– plus d'un million de plantes à massif en godet et pot ;
– 320 000 pensées et 80 000 primevères en godet et pot ;
– 750 000 plants de légume en godet, motte et pot.
MAIN-D'ŒUVRE :
– 24 emplois à plein temps ;
– 25 saisonniers de mars à mai et au mois d'octobre.
CHIFFRE D'AFFAIRES :
2 millions d'euros.