Au revers d'une feuille mouchetée de déjections noires luisantes, larves et adultes du tigre du platane.
Chenille de la zeuzère du poirier creusant sa galerie dans la zone sous-corticale d'une branche de platane.
Lésion corticale sur la face supérieure d'une charpentière horizontale occasionnée par Massaria platani.
Carpophore desséché de couleur noire du polypore hérissé développé sur une zone chancreuse sur le tronc d'un platane.
PORTRAIT DE L'ARBRE
Le platane à feuilles d'érable (Platanus × acerifolia), espèce la plus commune de nos régions, a récemment vu son origine hybride confirmée. Il a pour parents le platane d'Orient (Platanus orientalis), provenant du bassin oriental de la Méditerranée (Turquie, Bulgarie, Afghanistan...), et le platane d'Occident, originaire de l'est du continent nord-américain (de la Louisiane au Canada). Le premier a été introduit en Europe de l'Ouest par les Romains vers 300- 360 ans avant J.-C., le second au XVIIe siècle. La cohabitation des deux espèces pendant plus d'une centaine d'années a permis de nombreuses hybridations qui ont donné deux types assez proches : Platanus × acerifolia et Platanus × pyramidalis.
Le platane à feuilles d'érable développe des feuilles aux lobes marqués et présente un tronc régulier et lisse ; P. pyramidalis se remarque par ses limbes foliaires aux lobes plus atténués, une écorce écailleuse dont les rhytidomes restent adhérents et de nombreux renflements marqués dans la partie basse du tronc.
Le platane d'Orient a été fortement hybridé et il ne reste aujourd'hui que peu d'espèces type. Il se caractérise cependant par son port massif et étalé, et ses limbes foliaires très découpés (caractère très marqué chez la variété Platanus orientalis 'Digitata'). Le platane d'Occident, quant à lui, a subitement disparu au début du XIXe siècle à la suite de très fortes attaques d'anthracnose. Mieux adaptés aux conditions climatiques, ce sont surtout les hybrides qui ont été plantés dès le XVIIIe siècle dans les parcs où le platane était une essence exotique très appréciée. Les grandes politiques de plantation d'alignement le long des routes et des canaux pour procurer de l'ombrage, ou à la périphérie des villes pour l'aménagement des premiers boulevards, remontent au milieu du XIXe siècle.
Longévité, hauteur... et allergies
Le platane hybride est un arbre doté d'une grande longévité ; les plus vieux sujets en France atteignent 300 ans. Dans leur zone géographique d'origine, certains platanes d'Orient auraient près de 2 000 ans. Le platane hybride peut atteindre une grande hauteur (45 à 50 m) et sa croissance est très rapide lorsqu'il se trouve dans des conditions favorables. Son écorce fine et lisse se détache par plaques au printemps, laissant apparaître des zones de coloration différentes, du jaune au vert. L'importance de la chute du rhytidome est directement liée à l'activité de l'assise génératrice de l'écorce et de l'intensité de la lumière reçue. Son bois rougeâtre sans duramen distinct est dur (comparable à celui du hêtre) ; il servait autrefois à la confection de moyeux de roues et d'étals, ou de billots de boucher. C'est un excellent combustible.
En raison de sa grande capacité à émettre des rejets et à recouvrir rapidement les plaies, le platane parvient à supporter la taille et à se remettre même de sévères élagages et étêtages. Il se prête bien aux tailles en rideau et surtout à une conduite sur « têtes de chat ». Cette gestion courante dans les villes et les villages du Sud-Est se pratique également dans des mails des landes de Gascogne. Là, des soudures de rameaux et de branches sont volontairement réalisées pour former un maillage des plateaux d'ombrage très régulier.
Le platane est réputé pour les gênes et les allergies qu'il génère : son pollen libéré d'avril à juin est allergène, ses jeunes feuilles émettent des poils foliaires agressifs et ses capitules femelles (les « boules de platanes ») se désagrègent en fin d'hiver libérant des poils acérés.
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Arbre de ripisylve, le platane s'épanouit le mieux au bord de l'eau, au fil de laquelle il développe abondamment son système racinaire tapissant ainsi les berges qu'il stabilise. Il est capable de s'adapter à des conditions sèches, mais il reste alors chétif. De par ses origines méditerranéennes, il apprécie les températures élevées et les régions ensoleillées. Il résiste toutefois aux grands froids. Lors d'hiver rigoureux (températures de - 20 à - 25 °C), son tronc peut éclater dans sa partie inférieure ; la cicatrisation s'effectue rapidement même si ces nervures longitudinales persistent plusieurs années. Des gelées tardives peuvent en revanche endommager les jeunes pousses printanières. Le platane a de grands besoins en lumière et ne peut absolument pas se développer harmonieusement sous le couvert d'un grand sujet ; ainsi, les renouvellements « pied à pied » dans des alignements aboutissent souvent à des échecs.
C'est dans les sols profonds alluvionnaires que cet arbre pousse le mieux et il est en difficulté dans les terrains secs et superficiels. Il s'adapte aux sols urbains car il sait conquérir des ressources en eau dans les multiples interfaces sol/ouvrage et sous les revêtements imperméables... au prix parfois de spectaculaires déformations des enrobés ou de soulèvements de murs. Un pH du sol neutre à basique lui convient ; il supporte la présence de calcaire, mais peut souffrir de chlorose (jaunissement des limbes foliaires, plus marqué sur les jeunes pousses) en cas de fortes teneurs en calcaire actif dans le sol.
Enfin, le platane résiste relativement bien aux pollutions urbaines. Il arrive tout de même que certains sujets succombent à de fortes teneurs en chlorures dans la solution du sol (sels de déneigement utilisés pour l'entretien hivernal de la voirie) ; des nécroses marginales et des dessèchements de feuilles pendant l'été sont caractéristiques de ce type d'intoxication.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
Le platane hybride est sensible aux affections parasitaires connues et spécifiques de chacun de ses parents. Au cours du XXe siècle, les échanges internationaux ont grandement facilité les introductions accidentelles de parasites et de ravageurs provenant d'Amérique du Nord notamment. Il est actuellement menacé par le développement de la redoutable maladie du chancre coloré (Ceratocystis platani). Une situation que la présence avérée en Europe des capricornes asiatiques (Anoplophora sp.) risque d'empirer.
Affections des feuilles et des rameaux
Un oïdium spécifique au platane (Microsphaera platani) originaire du continent nord-américain est arrivé en France dans les années 1980. Le champignon affectionne les ambiances chaudes et sèches. Les jeunes feuilles en croissance qu'il colonise se couvrent d'un épais feutrage blanc puis, contrariées dans leur croissance, se racornissent et se déforment. Le platane ne s'en trouve guère perturbé.
Une autre pathologie s'observe sur ses feuilles dès le début du printemps, l'anthracnose (Apiognomonia errabunda), mais elle ne s'exprime que lorsque les températures sont basses (moyennes journalières inférieures à 10 °C) au moment du débourrement de l'arbre. Inféodée au platane d'Orient – qui lui résiste très bien –, elle entraîne sur le platane à feuilles d'érable des dessèchements épars de jeunes pousses feuillées, très tôt en saison. Plus tard, des nécroses de forme angulaire se forment sur les nervures. Les feuilles atteintes tendent à se dessécher et chutent tout au long de la saison. Les jeunes rameaux portent des petits chancres éphémères au sein desquels le champignon hiverne. Spectaculaire par les dessèchements qu'elle provoque, cette maladie ne peut pas inquiéter un platane bien développé. Les sujets conduits en tête-de-chat restent épargnés, car le champignon n'a plus de site pour hiverner.
Le tigre du platane (Corythucha ciliata) a fait son apparition dans les années 1970. Originaire des États-Unis, il est insuffisamment régulé sur notre territoire et il pullule souvent sur les arbres urbains placés en conditions échauffantes. Ces petites punaises aux hémélytres foliacées hivernent sous les rhytidomes du tronc et s'installent au revers du feuillage au printemps. Sous l'effet des prélèvements qu'elles effectuent dans les tissus épidermiques, une décoloration gagne le limbe jusqu'à affecter toute la feuille en fin de saison. Suspecté à tort de piquer l'homme, cet insecte n'en reste pas moins désagréable en été à l'ombre des platanes, mais il tracasse peu ses hôtes.
Parasites et ravageurs des branches et du tronc
La chenille de la zeuzère du poirier (Zeuzera pyrina) creuse des galeries sous-corticales de forme parfois annulaire dans certaines branches de platanes. Fragilisées, celles-ci se cassent facilement, générant des problèmes de sécurité dans les lieux publics. Lors des tailles d'entretien des arbres, ces axes défectueux portant des bourrelets sont à éliminer systématiquement.
Les chancres à Massaria (Massaria platani = Macrodiplodiopsis desmazieresii) se forment sur les branches et les charpentières de fort diamètre de jeunes arbres en difficultés. Les nécroses corticales se développent préférentiellement sur leur face supérieure et progressent rapidement. Une altération gagne le bois profond, fragilisant alors l'axe touché et provoquant sa casse.
L'affection la plus grave pour le platane est le chancre coloré (Ceratocystis platani), introduit dans le sud de la France, à Marseille à la fin de la Seconde Guerre mondiale, par des caisses en bois renfermant des marchandises provenant des États-Unis. Le champignon s'installe dans les vaisseaux du xylème ; des traînées colorées apparaissent alors sur le tronc et les charpentières. Les arbres infectés, qui meurent rapidement en 3 à 6 ans, dépérissent sans émettre le moindre rejet. Le parasite s'introduit à la faveur de blessures ; il est véhiculé par les outils utilisés par l'homme et facilement transporté par l'eau courante. Présente dans la région lyonnaise, dans le sud-est et le sud-ouest de la France, cette redoutable pathologie touche depuis 2006 les platanes du Canal du Midi. Incurable, cette maladie ne peut qu'être limitée dans son extension par la mise en œuvre de mesures prophylactiques dans le respect des arrêtés préfectoraux pris dans les régions contaminées. Un platane résistant au chancre coloré est aujourd'hui disponible en pépinière (Platanus Platanor®'Vallis Clausa').
Champignons lignivores
Le cortège des macromycètes lignivores défilant sur le platane est important. Sur sa partie aérienne, c'est le polypore hérissé (Inonotus hispidus) qui est le plus fréquent. Il provoque un faciès chancreux visible autour des fructifications mais ses dommages restent souvent limités. Le champignon le plus redouté est certainement le phellin tacheté (Phellinus punctatus). En sa présence, de vastes chancres pérennants de forme fusoïde se dessinent sur le tronc et les charpentières colonisés, entraînant fréquemment leur rupture. L'arbre peut également héberger l'amadouvier officinal (Fomes fomentarius) qui se détecte facilement grâce aux grandes nervures longitudinales dessinées sur les écorces.
Les mâts racinaires et le collet du platane sont la cible des ganodermes à croûte résineuse (Ganoderma resinaceum) et européen (G. adspersum). Ils peuvent être aussi colonisés par l'haplopore du frêne (Perenniporia fraxinea), un actif décomposeur du bois profond que l'on confond souvent avec les espèces précédentes.