Retour

imprimer l'article Imprimer

Marchés

Campagne 2011 : le printemps des remises en cause

Brand Wagenaar - Le Lien Horticole - n°758 - juin 2011 - page 10

La fête des Mères en demi-teinte n'a pas redynamisé les ventes d'un printemps en panne depuis le début mai. Malgré la bonne avance de mars et d'avril, le bilan de la campagne 2011 s'annonce décevant.
Les ventes ont été meilleures en zone rurale qu'en zone urbaine, et ce sont surtout les petits prix qui ont été demandés.

Les ventes ont été meilleures en zone rurale qu'en zone urbaine, et ce sont surtout les petits prix qui ont été demandés.

L'indicateur des tendances Lien horticole/Médioflor pour la campagne des plantes fleuries de printemps et des plantes en pots de la fête des Mères relève un ensemble de causes qui se sont conjuguées pour faire de ce printemps 2011 une saison moyenne. Après un début d'hiver rigoureux fin 2010 et des fêtes de fin d'année sous la neige, le mois de janvier était doux, le mois de février prometteur et le mois de mars très encourageant. Un printemps précoce sur tout le territoire avait permis aux ventes de bien démarrer et tous les acteurs du marché reprenaient confiance. Les ventes ont commencé à ralentir à compter de la semaine 16, alors que le soleil brillait toujours. Au 1er mai, qui n'a pas tenu ses promesses habituelles de ventes de fleurs et plantes en accompagnement du traditionnel muguet, les ventes ont décroché pour passer en dessous du niveau de celles de l'an passé. Le commerce de végétaux pour la fête des Mères n'a pas relancé ce marché atone.

Les trois principales causes du décrochage

La première cause est économique. Quel que soit leur revenu, les ménages se fixent un budget pour l'aménagement de la maison et du jardin et ce budget n'est pas extensible. S'il fait beau temps en avant-saison, les dépenses se font dès que le soleil s'installe, cette année en février, mars et jusqu'à la troisième semaine d'avril pour les fêtes pascales. Cette limite économique avait été masquée ces deux dernières années par un retournement météorologique défavorable aux mois de mai et juin.

La deuxième cause est climatique. Les premières annonces de restriction d'arrosage sont tombées selon les régions dès le début du mois de mai, ce qui a calmé l'ardeur des initiés au jardinage qui avaient attendu début mai pour effectuer leurs dépenses et celle des quelques non-initiés qui n'avaient pas encore dépensé. Les ventes de plantes de terrasse en ont été affectées et les ventes de plantes à massif sont au point mort depuis le 15 mai.

La troisième cause est le chevauchement de plusieurs récoltes de fleurs coupées et de plantes en pot qui sont arrivées à maturité plus tôt que prévu. Pour certaines espèces de fleurs coupées, les arrivages sur les marchés hollandais étaient en augmentation de 70 à 80 %. Les plantes en pot pour la fête des Mères se vendent bien quand les fleurs coupées sont chères. Or, cette année, les bouquets étaient disponibles en grande quantité pour un prix très attractif. Les pivoines, par exemple, en provenance de Hollande ou du midi de la France, ont été mises en marché en grande quantité, perturbant même le commerce des roses qui traditionnellement sont bien demandées en cette période. Des quantités très importantes de fleurs et plantes ont été mises en marché au moment où la demande hésitait et, de ce fait, les prix moyens ont baissé, sans relancer pour autant la demande.

Contrastes selon les circuits de distribution

Les fleuristes franchisés ou indépendants parlent d'une fête des Mères « normale à bonne » en ce qui concerne le commerce des fleurs coupées, surtout le samedi et le dimanche. En revanche, les ventes de plantes en pot sont plutôt en retrait. Les horticulteurs détaillants sont relativement satisfaits des ventes de plantes, en particulier celles destinées aux terrasses et balcons, tout en indiquant une baisse globale des paniers moyens.

Dans l'ensemble, les points de vente jardineries spécialisées parlent d'une fête des Mères en demi-teinte. La fréquentation était en baisse comparativement à ce que l'on attendait pour cette fête traditionnellement favorable au végétal. Les paniers moyens sont en baisse, ce qui confirme le poids de la crise économique sur le budget des ménages.

Les GSA (grande surface alimentaire) et GSB (grande surface de bricolage) qui avaient bien planifié leurs opérations se disent satisfaites des résultats en ce qui concerne la fête des Mères. Les intermédiaires grossistes et Cash and Carry ressentent une baisse de chiffre d'affaires qu'ils évaluent en moyenne entre 10 et 15 %. Baisse due en partie à la diminution des prix moyens et en partie à la diminution de la demande sur les plus gros sujets.

Les ventes sont meilleures en zone rurale que dans les zones urbaines et la partie nord de la France a été particulièrement affectée par ce mois de mai difficile. Globalement, ce sont surtout les petits prix qui ont été demandés, contrairement à l'an passé où le haut de gamme et les produits d'exception avaient aussi assuré une partie des ventes.

Les plantes traditionnelles sont à la peine

En dehors des très belles plantes qui ont trouvé preneur en petites quantités, la demande a boudé les bégonias Elatior et les géraniums en grosses potées quel que soit le prix. L'offre de bégonias n'était pourtant pas excessive. Les impatiens NG se sont mieux comportées. L'offre a considérablement diminué et la demande étant stable, la production restante s'est écoulée normalement. Les kalanchoés ont retenu l'attention des consommateurs quand ils étaient présentés en assemblage de plantes de plusieurs couleurs à prix attractif.

Les plantes de terrasse et balcon s'imposent

Les plantes classiques comme les rosiers en pot ont souffert de la chaleur. Ceux qui ont pu être mis en marché au bon stade de floraison ont trouvé preneur sans difficulté pour le prix demandé. Les hortensias ont également fleuri plus tôt en saison et la floraison de ceux destinés à la fête de Mères était bien avancée. Par le passé cette plante bénéficiait des communions du mois de mai, un évènement religieux qui demandait beaucoup de plantes de couleur claire. Cette année la demande était quasi nulle pour cet usage. Dans une moindre mesure les campanules, les zantédeschias en pot et les alstromérias en pot ont conforté la place qu'ils ont prise progressivement ces dernières années.

Les plantes méditerranéennes ont fait meilleure figure dans l'ensemble. Les dipladénias s'imposent comme la plante de cette fête des Mères. Les ventes ont démarré très tôt en saison, vers le début avril. La demande a failli provoquer des ruptures d'approvisionnement en provenance d'Espagne. Résistante au temps chaud et sec, cette plante, dont le prix de vente a considérablement diminué, prend la part de marché des géraniums. Pour l'hibiscus, la mention est honorable, mais le seuil du panier moyen qui est en baisse cette année est vite atteint. Il en est de même pour les bougainvilliers et les lantanas.

Les plantes exotiques ont réalisé une prestation très moyenne, alors que cette catégorie de plantes était en progression depuis plusieurs années. Malgré une qualité qui s'est améliorée, la demande n'a pas été aussi forte que les saisons précédentes, en particulier pour les anthuriums. En ce qui concerne les phalaénopsis, le seuil du panier moyen acceptable était très vite atteint.

L'urgence d'une remise en cause

Tant que le budget des ménages sera soumis à de fortes tensions du fait de la diminution du pouvoir d'achat disponible, la part du budget consacré aux fleurs et plantes stagnera. Du côté de l'offre, la concurrence sur ce marché non extensible va rester très forte et nos voisins du Nord et du Sud sont bien déterminés à étudier notre marché dans ses moindres détails pour pouvoir en tirer le meilleur parti possible. Parmi les assortiments de plantes et fleurs proposés, ce sont les meilleurs rapports volume/résistance/prix qui seront privilégiés. La baisse structurelle de la demande pour les gammes traditionnelles impose une remise en question urgente. Les producteurs et organisations de ventes doivent aller dès maintenant au-devant de la demande, avant de programmer les mises en culture de la prochaine saison. Demander ce qui va se faire et faire ce qui va se demander, même si ce questionnement bouleverse les habitudes et savoir faire établis. L'enjeu est de sauvegarder une production nationale. Par ailleurs, la mutualisation des moyens et une communication forte de la production française ne seront pas de trop pour résister face aux ambitions des autres opérateurs européens.

Le point de vue des professionnels

Dans le cadre du sondage réalisé par le Lien horticole et Médioflor pour la campagne des plantes fleuries de printemps et des plantes en pots de la fête des Mères, nous avons recueilli les réactions et les commentaires d'horticulteurs et de pépiniéristes. Morceaux choisis...

Des bisannuelles « encombrantes »

« De janvier à mars, les trois premiers mois de l'année ont été soutenus par un chiffre exceptionnel avec les bisannuelles qui ont même parfois “encombré” le début de saison des annuelles. »

La production plus rapide que le marché

« En raison d'un printemps précoce et rapidement chaud, le marché a démarré avec de l'avance, mais très vite les quantités disponibles à la vente ont été plus importantes que la demande du marché. Dès que les séries se suivent de trop près, elles deviennent coûteuses en main-d'œuvre de manutention, d'arrosage et de nettoyage, donc plus de frais et moins de rendement. Le décalage entre la production et le marché a provoqué une situation de surproduction et au final une panique sur les prix... avec jusqu'à 50 % de remise sur les tarifs. »

Les entreprises qui se développent sont les plus pénalisées

« Les conséquences des prix non tenus sont faibles pour les entreprises “en roue libre”. Elles n'ont pas d'investissement, des salaires a minima et elles équilibrent leurs comptes avec une marge très faible. Elles peuvent casser les prix sans trop de dommages. Mais les conséquences sont graves pour les entreprises qui investissent dans les hommes et les équipements. Elles ont besoin de marge pour payer leurs efforts et pour garder le rythme. »

Pas de chauffage l'hiver

« Presque personne ne chauffe ses serres en hiver. Résultat : toute la production arrive en même temps. Avec un printemps précoce et chaud, cette concentration de la production devient très vite source de surproduction. Depuis le début de l'année, on a une livraison de fioul en moins que l'an dernier, mais le prix ayant augmenté de 20 %, la dépense est la même. Heureusement qu'on a eu cette livraison en moins. »

Pas de coordination entre producteurs

« L'effet d'une surproduction dans une région serait atténué si l'information circulait avec les régions voisines qui peuvent être moins bien pourvues en végétaux prêts à la vente. »

La limite de la valeur ajoutée

« Les plantes bien développées et les compositions à thème ont du succès mais attention au prix affiché sur le point de vente qui, au-delà d'un certain seuil, limite les achats. »

Toujours plus de produits du Sud

« L'augmentation des approvisionnements du sud de l'Europe dès le début de la saison avec des produits de forte taille pèse sur le marché. La majorité des enseignes se dotent de centrales d'achats puissantes. Elles accèdent à des quantités et des prix qui pèsent sur leurs fournisseurs français. »

Stratégie gagnante

« Pas de salut hors de la vente directe, en affichant clairement un engagement sur un approvisionnement local ! »

Apprendre à arroser

« On ne va pas rester sans agir face aux effets des annonces de restriction de l'arrosage qui deviennent systématiques. Il faut informer les consommateurs qu'ils peuvent fleurir avec un minimum d'eau, sans devenir des délinquants. Arrosage parcimonieux au goutte à goutte, le matin, avec un paillage du sol. Il est possible de faire fleurir un désert avec très peu d'eau et beaucoup d'intelligence. Il faut monter au créneau pour diffuser les bonnes informations. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :