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Solution

“Des binettes pour limiter le désherbage chimique !”

Pascal Fayolle - Le Lien Horticole - n°759 - juin 2011 - page 8

Bernard Chevallier est le responsable du service « cadre de vie » de Fleury-les-Aubrais. Dans cette ville du Loiret, la municipalité préfère distribuer des binettes aux habitants et les inciter à désherber manuellement devant leur maison plutôt que d'imposer un utopique « zéro phyto »...

Bernard Chevallier, responsable du service « cadre de vie » de la ville de Fleury-les-Aubrais (45), limitrophe d'Orléans, explique que sa collectivité a souvent été parmi les pionnières. Pour passer en PBI dans les serres de production, il y a une douzaine d'années ; pour le paillage des massifs, à la même époque ; ou pour stopper l'usage des insecticides, il y a environ 10 ans. Mais, en ce qui concerne le « lâcher de binettes », la ville s'est révélée tellement pionnière qu'elle n'a pas encore été imitée... « Nous avons eu l'idée d'équiper les habitants de binettes pour limiter le désherbage ! », explique-t-il. Ce lâcher un peu particulier a eu lieu en juin 2009. Depuis, il s'est transformé en distribution ciblée, en mairie, mais avoir préféré cette action au sacro-saint discours environnementaliste sur le « zéro phyto » reste pour Bernard Chevallier le bon choix.

Jusqu'au milieu des années 2000, 70 % des trottoirs de la ville (qui en compte 160 kilomètres linéaires, dont une grande partie stabilisée) étaient traités au désherbant total. Un mélange de foliaire systémique et d'antigerminatif avec un passage en mars et des retouches avec le seul foliaire en août. « Depuis 6 ou 7 ans, ces traitements n'étaient plus systématiques par souci d'économie », poursuit le technicien. D'où la réflexion lancée avec les élus pour trouver la solution qui conjuguerait moyens limités et propreté. Partant du principe qu'un arrêté de voirie oblige chaque propriétaire à nettoyer le linéaire de trottoir situé devant sa maison, y compris pour le désherbage, la décision a été prise d'impliquer les habitants. Tout en évitant qu'ils aient recours au chimique. D'où l'idée de distribuer gratuitement des binettes ou grattoirs à ceux qui en font la demande...

En échange de son outil, le citoyen habitant de Fleury-les-Aubrais signe un engagement : la charte du Fleuryssois écoresponsable. Le document ne porte pas que sur le désherbage. Il rappelle au signataire, en préambule, qu'il est urgent de protéger la planète et d'adopter des pratiques écologiquement responsables. « J'adhère à l'idée qu'il est nécessaire de recourir à des méthodes biologiques naturelles, respectueuses de notre environnement, à chaque fois que c'est possible », spécifie la charte. Considérant que chacun peut agir à son niveau, les signataires s'engagent donc à « entretenir manuellement, en ayant le moins possible recours aux produits chimiques, le(s) trottoir(s) attenant à leur domicile ». Chacun est aussi invité à promouvoir la démarche auprès des voisins. Signer permet d'obtenir une binette... « Au départ, notre élue au développement durable voulait que le signataire s'engage dans une démarche “zéro pesticides”. Mais cela était difficilement réalisable, et la ville aurait dû montrer l'exemple », poursuit Bernard Chevallier. La première fois, une grande opération de distribution a été organisée dans un parc de la ville, c'était le fameux lâcher de binettes, mais à présent, les personnes intéressées viennent au service « cadre de vie », signent la charte après un échange oral avec un technicien et récupèrent leur outil. À condition de fournir un justificatif de domicile (une seule binette par foyer).

Outre le fait d'avoir des trottoirs propres, l'opération présente des avantages en terme de lien social : « En plus de leur environnement respectif, certains n'hésitent pas à nettoyer celui du voisin si c'est une personne âgée, et parfois s'il s'agit d'une personne peu disponible. Ici, à Fleury, nous avons un nombre très important d'habitant qui vont tous les jours à Paris pour leur travail, ce n'est qu'à une heure de train. Ces gens partent tôt et rentrent tard, et ont donc peu de temps à consacrer à leur environnement. Du coup, ce sont parfois des retraités qui binent devant leur porte », précise Bernard Chevallier. Il envisage même d'aller plus loin : la ville a décrété, il y a peu, une opération ville propre, en organisant le ramassage des déchets, avec pesée des immondices collectés pour déterminer le meilleur ramasseur... Pourquoi ne pas transposer cette démarche au désherbage ? Une manifestation en ce sens est prévue en 2012.

Par ailleurs, l'implication des habitants permet une certaine équité de tous face à l'entretien de la ville. « La gestion différenciée entraîne une équité très relative des habitants face à la qualité de leur environnement. Là, au moins, le niveau d'entretien effectué est le même partout.

À ce jour, 525 binettes ont été distribuées. Un chiffre inespéré au départ. L'opération n'a pas un coût énorme sur les finances municipales : « Nous avons lancé une consultation et choisi le meilleur prix, 6,90 euros l'outil, mais avec une qualité suffisante pour qu'il dure », explique Bernard Chevallier. En cas de détérioration, les binettes sont échangées. Ce n'est arrivé qu'une fois.

L'implication des habitants n'est toutefois pas synonyme d'inaction du service des espaces verts dans le désherbage urbain : « Nous ne touchons pas aux trottoirs situés dans des zones résidentielles, par contre nous intervenons toujours dans les quartiers les moins favorisés, parce que l'on sait que si on ne le fait pas, personne ne le fera. À moins qu'une personne, à force de culpabiliser, ne sorte le pulvérisateur et applique n'importe quel produit, à n'importe quelle dose, ce qui irait à l'encontre de notre démarche. » La ville utilise toujours des désherbants chimiques, mais en moindre quantité. En 2010, sa consommation a été réduite de moitié. Elle aurait pu repartir à la hausse cette année, car dans certains endroits l'herbe s'était considérablement développée. La sécheresse s'en étant mêlée, a priori, ce ne sera pas le cas. La ville pratique aussi l'usage de la binette, en particulier en faisant appel à une entreprise d'insertion. L'an dernier, cette prestation a coûté 40 000 euros pour des interventions printanières et des retouches à partir de la mi-août. Sans toutefois contenir totalement le développement de l'herbe, d'où le recours à un peu de traitement chimique localement. Cette année, le coût de cette prestation devrait être comparable à celui de 2010.

Le bilan de l'opération « Avec ma binette, ma ville est chouette » est jugé positif. « L'an dernier, la ville était globalement assez propre », estime Bernard Chevallier, même si, en visitant les quartiers, on voit vite qui désherbe devant chez lui et qui ne désherbe pas ! Quant à l'étape suivante, ce pourrait être la distribution de graines de plantes à fleurs, pour faire des trottoirs des points fleuris attractifs...

Bernard Chevallier, responsable du service « cadre de vie » de Fleury-les-Aubrais, dans le Loiret (45), préfère impliquer les habitants dans le désherbage de leurs trottoirs plutôt que de promettre un « zéro phyto » pas facile à tenir.

Bernard Chevallier, responsable du service « cadre de vie » de Fleury-les-Aubrais, dans le Loiret (45), préfère impliquer les habitants dans le désherbage de leurs trottoirs plutôt que de promettre un « zéro phyto » pas facile à tenir.

Les habitants de la ville reçoivent une binette ou un grattoir à condition de signer une charte les engageant à désherber devant chez eux, entre autres...

Les habitants de la ville reçoivent une binette ou un grattoir à condition de signer une charte les engageant à désherber devant chez eux, entre autres...

Une entreprise de réinsertion intervient au printemps et en fin d'été pour désherber les espaces publics.

Une entreprise de réinsertion intervient au printemps et en fin d'été pour désherber les espaces publics.

Globalement, l'opération est pour l'instant positive. Même si on voit vite que certains désherbent et d'autres pas...

Globalement, l'opération est pour l'instant positive. Même si on voit vite que certains désherbent et d'autres pas...

Des prospectus sont systématiquement distribués dans les boîtes aux lettres des maisons de Fleuryles-Aubrais devant lesquelles le désherbage n'est pas réalisé.

Des prospectus sont systématiquement distribués dans les boîtes aux lettres des maisons de Fleuryles-Aubrais devant lesquelles le désherbage n'est pas réalisé.

Tous les moyens de communication dont dispose la ville sont utilisés pour optimiser la mise en œuvre de cette opération.

Tous les moyens de communication dont dispose la ville sont utilisés pour optimiser la mise en œuvre de cette opération.

Raisonner l'utilisation du chimique

L'agglomération orléanaise propose une charte incitant les communes à aller vers le « zéro phyto », mais Bernard Chevallier n'est pas convaincu : « Certaines villes la signent et communiquent sur le “zéro phyto” alors qu'elles n'ont signé qu'une orientation vers cet objectif. Pour certaines autres, seul un quartier est sans pesticides, alors qu'on traite partout ailleurs... » Pour lui, le cas des gazons permet de pointer les contradictions d'une gestion dite écologique : « Un gazon sans dicotylédones, c'est un gazon qui pousse moins vite et pour lequel moins de tontes sont nécessaires. Tondu plus haut, il dispose d'un meilleur appareil racinaire et supporte mieux la sécheresse, consommant moins d'eau. Il est préférable, en centre-ville, d'avoir un agent qui traite par petites touches là où c'est nécessaire. Cela ne nous empêche pas d'avoir de magnifiques pelouses avec des pâquerettes dans certaines zones, ou d'avoir des bulbes acclimatés en centre-ville. Il faut raisonner au cas par cas et pas rejeter tout en bloc. »

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EN CHIFFRES

POPULATION :

22 000 habitants, soit environ 8 000 foyers et 30 % de logements sociaux.

SURFACE D'ESPACES VERTS :

76 hectares, dont 28 de pelouse.

BUDGET D'ENTRETIEN :

297 400 euros, soit 3,4 % du budget total de la ville sans les salaires et 4,82 % avec.

NOMBRE D'AGENTS :

18 personnes.

FLEURISSEMENT :

Seules 37 000 annuelles ont été plantées cette année sur les emplacements équipés d'arrosage automatique en raison de la sécheresse.

L'essentiel de l'offre

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