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Technique

Contrôler la conductivité et le pH du substrat des plantes en pot

Valérie Vidril - Le Lien Horticole - n°759 - juin 2011 - page 10

Le suivi de la conductivité et du pH d'une culture hors-sol nécessite d'extraire un échantillon de solution du substrat. Si différentes « recettes » existent, l'essentiel repose sur la régularité et la reproductibilité des mesures.

Le contrôle du pH et de la salinité du substrat en pépinière hors-sol permet au producteur d'ajuster au plus près l'apport d'engrais aux besoins des plantes. Le pH affecte la solubilité des éléments nutritifs, et donc l'assimilabilité de ces éléments par la plante ; si la valeur du pH d'un substrat dépasse 6,5 par exemple, des carences peuvent se produire. La conductivité, exprimée couramment en milli-Siemens/cm (mS/cm) (1), est reliée à la quantité totale d'ions minéraux en solution. Une valeur trop basse signale un manque d'éléments nutritifs. En cas de valeur élevée, indiquant une grande quantité d'ions en solution, la plante aura du mal à absorber l'eau et les éléments nutritifs, et il peut y avoir un risque de brûlure des racines.

1 POUR SUIVRE « SUR SITE » LE PH ET LA CONDUCTIVITÉ D'UN SUBSTRAT, DIFFÉRENTES MÉTHODES EXISTENT,

l'important étant de toujours conserver la même procédure, afin de pouvoir comparer les résultats obtenus d'une analyse à l'autre et d'être ainsi en mesure d'observer les tendances. Objectif : pouvoir réagir rapidement en cas de changement. Le prélèvement de substrat doit s'effectuer à intervalles fixes au moins toutes les 2 semaines, une heure (méthode « PourThru ») ou deux heures (méthodes de la dilution ou du « Saturated Media Extract ») après une irrigation. Prélever un même volume de substrat – dans la zone où les racines sont présentes –, sur 5 à 10 pots d'une culture, et mélanger les échantillons. En cas d'utilisation d'engrais à libération contrôlée, le prélèvement doit être rigoureux : il faut veiller à ne pas prélever ou écraser un granule d'engrais avec l'échantillon de substrat, sinon les résultats d'analyse seront complètement faussés. L'interprétation des résultats dépend de la méthode de préparation de la solution utilisée, de la plante cultivée, de son plantes s'enracinent mieux dans un substrat contenant peu d'éléments nutritifs)... Il est toutefois possible d'établir des ordres de grandeur pour chaque méthode (voir le tableau ci-contre).

2 LA MÉTHODE CLASSIQUE CONSISTE À DILUER UN VOLUME DE SUBSTRAT

dans plusieurs volumes d'eau distillée, puis à réaliser les mesures à l'aide d'un pHmètre et d'un conductimètre. Depuis 2000, fabricants de supports de culture et laboratoires doivent appliquer la norme 1:5 (un volume de substrat pour cinq volumes d'eau) en Europe. Le producteur peut réaliser cette dilution ou conserver la méthode en vigueur en France avant 2000, c'est-à-dire la dilution 1:1,5. Il lui faut simplement pouvoir donner une signification à ces valeurs (voir le tableau ci-contre), en sachant que les mesures de pH et de conductivité réalisées sur des extraits aqueux de substrat donnent une image déformée des conditions du milieu. « En ajoutant de l'eau à un substrat, on dilue sa phase liquide et on diminue donc la concentration en ions H3O+ et en ions nutritifs issus des engrais », explique le laboratoire LCA dans son guide pratique. « Les mesures du pH et de la conductivité de cette suspension de substrat, appelée aussi “extrait”, sont donc différentes de celles qui pourraient être réalisées directement dans la phase liquide : le pH est plus élevé (...). La conductivité est plus faible. » La méthode de la dilution est en outre dommageable pour la motte racinaire. Il faut bien agiter le mélange, le laisser reposer vingt minutes, agiter de nouveau et prendre après quelques minutes la mesure dans le surnageant – sans omettre de calibrer les instruments au préalable.

3 LA TECHNIQUE SME (« SATURATED MEDIA EXTRACT »)

s'effectue aussi sur un extrait aqueux. Également appelée « Saturated Paste Extract » ou encore « Saturated Substrate Extract », elle consiste à préparer une pâte saturée d'eau, de laquelle, après un repos d'environ une heure, on extrait le liquide aux fins d'analyses. Cette méthode, assez complexe à exécuter, permet d'avoir un portrait de ce qui est immédiatement disponible dans la solution de sol pour la plante et est utilisée en laboratoire aux États-Unis et au Canada. La totalité du profil du substrat est représentée dans l'extrait. Comme la dilution, elle est destructrice pour la motte de racines et la solution obtenue est modifiée par rapport à celle réellement présente dans le substrat.

4 UNE TROISIÈME MÉTHODE, « POURTHRU » (PT),

génère une solution de substrat non altérée, contrairement aux deux approches précédentes. La procédure PT est menée une heure après l'irrigation. Un volume donné d'eau est appliqué à la surface du substrat pour « pousser » la solution du substrat par le fond du conteneur et la collecter dans un récipient positionné sous le pot. Le percolat ainsi obtenu n'est pas représentatif de la totalité du substrat (il ne prend pas en compte la partie supérieure du conteneur), car on limite le volume d'eau appliqué afin d'éviter de diluer l'extrait de sol. La méthode n'est pas destructrice, mais il faut tenir compte de l'apport d'eau supplémentaire réalisé pour l'irrigation suivante.

5 DES CHERCHEURS AMÉRICAINS ONT TESTÉ UNE NOUVELLE MÉTHODE

intitulée « Rhizon Soil Moisture Sampler » (RS) et l'ont comparée aux différentes méthodes courantes d'extraction de solution (2). L'outil d'extraction utilisé est le microlysimètre Rhizon en polymère poreux (distribué en France par SDEC France). La RS n'interromprait pas la culture, serait rapide et facile à utiliser, et ne modifierait pas la solution de substrat. Le tube d'extraction en plastique poreux (quelques millimètres de diamètre sur plusieurs centimètres de longueur) est inséré dans le substrat, à la verticale ou en diagonal, avec le bas du tube positionné près du fond du conteneur. Il est relié par une courte longueur de tuyau en plastique souple à un flacon collecteur. La solution est extraite en appliquant une dépression au micropréleveur, à l'aide d'une seringue ou d'un tube sous vide (relié à une pompe à vide actionnée manuellement).

L'outil est placé dans des pots à différents endroits (au moins cinq) pour avoir un aperçu représentatif de la culture. Il peut être laissé dans le pot et utilisé de façon répétée tout au long de la culture. Il serait donc adapté aux cultures longues nécessitant des prélèvements réguliers et aux cultures en grands conteneurs. Selon l'étude, les ordres de grandeur de salinité qui existent déjà pour la méthode PT (voir le tableau ci-dessus) pourraient servir à la méthode RS.

<p>(1) Les normes européennes analytiques, spécifiques des amendements organiques et supports de culture, préconisent le mS/m comme unité de mesure : 1 mS/cm = 100 mS/m.</p> <p>(2) Source : Greenhouse Product News, février 2011, vol. 21, n° 2.</p>

Le suivi régulier du pH et de la conductivité du substrat permet au producteur d'éviter toute dérive préjudiciable à sa culture.

Le suivi régulier du pH et de la conductivité du substrat permet au producteur d'éviter toute dérive préjudiciable à sa culture.

Pour les fabricants et les laboratoires, une seule méthode

Les fabricants et les laboratoires d'analyses doivent respecter des procédures normalisées pour caractériser les supports de culture. En France, jusqu'en février 2000, la méthode française en vigueur (NF U 44- 172) pour mesurer le pH et la conductivité consistait à ajouter un volume et demi d'eau à un volume de substrat préalablement amené à pF1 (capacité maximale de rétention en eau du substrat). Dans le cadre d'une nouvelle normalisation européenne des supports de culture, de nouvelles normes analytiques ont été établies en 2000. La détermination de la conductivité (NF EN 13038) et du pH (NF EN 13037) est maintenant réalisée à partir d'un extrait aqueux dilué cinq fois. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de modifier au préalable l'humidité du substrat. Le référentiel de valeurs que les professionnels avaient l'habitude d'utiliser a donc été modifié. Pour la plupart des supports de culture, le pH mesuré selon la méthode européenne est plus élevé de quelques décimales par rapport au pH mesuré selon la méthode française. La conductivité selon la méthode européenne est plus faible (divisée par 2 à 2,9). Des tests interlaboratoires (*) ont permis de déterminer des coefficients de transfert : CE méthode française = CE méthode européenne x 2,6455 et pH méthode française = pH méthode européenne x 0,9563. Selon le laboratoire LCA : « Les méthodes utilisées avant février 2000 permettaient de bien comparer les terreaux entre eux, car la mesure se faisait à humidité constante, alors que la méthode européenne se fait à humidité variable, l'humidité du produit lors du prélèvement, qui peut varier au cours de l'année lors de la fabrication du substrat et au cours de la culture selon le moment où est réalisé le prélèvement. » Les deux normes (détermination de la conductivité électrique et du pH) sont actuellement en cours de révision et devraient être réactualisées d'ici mars 2012.

(*) Morel P., « Mesures du pH et de la conductivité des substrats : normes européennes », p. 46-50, PHM-Revue horticole n° 452, novembre 2003.

L'interprétation des mesures de salinité (en mS/cm) dépend notamment de la méthode de préparation de la solution de substrat

Adapté de “On-site testing of growing media and irrigation water”, 1996, British Columbia Ministry of Agriculture.

* Mélange d'un volume de substrat à 2 volumes d'eau distillée.

** La valeur varie en fonction de l'humidité du substrat.

Source : IQDHO et laboratoire LCA.

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