La dernière édition des Journées des plantes de Courson a permis de relever la montée en puissance de l'offre de fruitiers formés.
Graphique Les formes fruitières permettent par exemple d'habiller un mur, en jouant avec les différentes dimensions.
Le développement des arbres fruitiers dans les jardins est à mettre en parallèle avec l'engouement actuel pour le jardin potager. Les facteurs du succès sont similaires avec, en premier lieu, l'envie pour les jardiniers de produire leurs propres fruits, en culture biologique ou non, d'une façon plus naturelle avec le minimum d'intrants. Il s'agit aussi de découvrir ou redécouvrir des saveurs et des textures oubliées par l'uniformisation des cultures fruitières industrielles actuelles. La dernière édition des Journées des plantes de Courson a permis de relever la richesse des gammes proposées avec les variétés traditionnelles et le retour de plus anciennes et locales chez quelques pépiniéristes passionnés.
Un marché en progression
Aujourd'hui, les jardins sont de plus en plus réduits en surface, ce qui laisse peu de place aux arbres « tige » ou « demi-tige ». L'un des principaux intérêts des formes fruitières telles que les palmettes et les cordons est leur faible développement aussi bien en largeur qu'en hauteur. À condition d'assurer une taille régulière, les pommiers ou poiriers formés en palmette ne dépassent pas 2 m à 2,50 m de hauteur et les cordons peuvent ne pas dépasser 50 cm. Avec des troncs espacés de 1,20 m, on peut placer quatre palmettes en « U » double sur 5 m linéaires, ce qui permet de multiplier les variétés. Cette diversité n'est pas sans intérêt : goûts différents, dates de cueillette et de maturation échelonnées, sans oublier les pollinisations croisées indispensables pour la plupart des espèces fruitières.
L'aspect décoratif entre aussi largement en ligne de compte. Les potagers et vergers n'étant plus systématiquement relégués au fond des jardins, ces formes fruitières travaillées permettent de souligner des allées ou d'habiller un mur en jouant avec les différentes hauteurs et formes.
Trois pépiniéristes rencontrés à Courson (*) précisent que le marché des formes fruitières est depuis une quinzaine d'années en forte progression, tout en soulignant que cela reste un micro-marché qui peut vite se saturer en cas d'augmentation trop forte de la production. Cette prudence se justifie d'autant plus que la production a un coût de revient élevé : il s'agit d'un cycle long et très exigeant en main-d'œuvre qualifiée. Par contre, cette culture longue apporte une bonne valeur ajoutée puisque ces arbres peuvent fructifier dès l'année de plantation. Vendus en conteneur, ils peuvent même être présentés avec les fruits sur les points de vente. Au niveau du paysage, il existe aussi un marché pour des sujets de grande taille, jusqu'à 30/35 pour les « hautes tiges » (greffées sur un porte-greffe intermédiaire), comme pour les palmettes utilisées par exemple en bac en centre-ville.
L'importance du porte-greffe
Le choix du porte-greffe est l'élément clé de la pérennité des formes fruitières. Pour les tenants de la tradition, une structure de faible vigueur est incontournable et il faut au minimum cinq à six années pour obtenir une palmette, alors que d'autres pépiniéristes les obtiennent en trois ans et demi en utilisant un porte-greffe plus vigoureux. Dans ce cas, le prix de vente sera moindre. On aura souvent un meilleur développement racinaire, critère important pour une vente à racine nue, mais par la suite les arbres exigeront plus de taille pour conserver leur forme, ce qui peut décourager les jardiniers et conduire à des échecs.
La taille reste incontournable pour la pérennité des formes fruitières. Le but pour le pépiniériste est d'obtenir des coursonnes bien réparties. Ensuite, c'est au jardinier d'assurer le maintien de la forme. Sans taille celle-ci disparaît.
« Contrairement aux idées reçues, cette taille n'est pas compliquée pour l'amateur et la technique s'acquiert très vite », souligne Christophe Desjardin, des pépinières Delbard. Si chaque opération est réalisée au bon moment, les palmettes, cordons, colonnes... donnent de bien meilleurs résultats en termes d'esthétique et de production que les arbres « tige ». À côté de la taille trigemme hivernale, la taille en vert est indispensable, tout comme l'éclaircissage des fruits après la chute physiologique naturelle.
Choix du porte-greffe et de la variété, taille, éclaircissage... sont autant de sujets qui n'ont rien d'inaccessible et peuvent intéresser des consommateurs exigeants, à condition toutefois d'accompagner la vente de conseils avisés.
<p>(*) Laurent Chatelain, Pépinières Chatelain, 95500 Le Thillay. Isabelle et Thierry Garnier, Pépinières du Clos Normand, 50600 Saint-Hilaire-du-Harcouët. Pépinières et Roseraies Delbard, 03600 Malicorne.</p>
Regain d'intérêt pour les variétés locales
Le retour des arbres fruitiers dans les jardins s'accompagne d'un nouvel intérêt pour les variétés locales et anciennes. Les pépiniéristes travaillent en lien avec les associations des croqueurs de pommes. Ainsi, les pépinières Chatelain (Val-d'Oise) multiplient une centaine de variétés de pommes dont près de cinquante formées en palmettes ou cordons. Les pépinières du Clos Normand (Manche) proposent une quarantaine de variétés de pommes à couteau, de la très classique Golden aux variétés purement locales comme Grasseland ou Bénédictin. Toutefois pour ce pépiniériste, Reine des Reinettes et Belle de Boskoop, considérées comme des valeurs sûres, restent de loin les variétés les plus demandées. Particularité régionale pour ces pépinières, les pommes à cidre déclinées en une quarantaine de variétés d'origine locale (Normandie ou Bretagne) à saveur douce, amère, acidulée ou aigre. Ces variétés sont proposées soit en haute tige, forme traditionnelle des paysages normands, soit en basse tige pour la culture fruitière intensive.