Nombre d'entre nous sont déjà passés par Maisons-Alfort. Souvent sans le savoir, mais surtout sans deviner que se trouve là une ville montrée en exemple pour la gestion de ses espaces verts. Il faut dire que, de la ligne TGV Paris-Lyon qui longe la ville sur quelques kilomètres ou du viaduc des autoroutes A 4 ou A 86, la traversée n'est pas particulièrement spectaculaire, voire un peu aride ! Et pendant des années, les automobilistes locaux ont traversé la ville par les bords de Marne, sur une route assez rectiligne pour gagner du temps par rapport aux grands axes, mais ne présentant pas de grand intérêt pour la cité. Cette époque est désormais révolue : la route a été entièrement végétalisée sur 4,2 km, limitant la vitesse et sécurisant les piétons comme les vélos dans l'une des premières « zones partagées » de France, aujourd'hui plébiscitées. Cet aménagement témoigne de l'évolution « verte » de cette collectivité qui n'est séparée de la capitale que par quelques kilomètres.
Pour Nicolas Fritz, directeur général des services techniques de la Ville, le succès repose essentiellement sur une grande cohérence : « Une politique verte concertée entre élus et techniciens ! » Arrivé à Maisons-Alfort il y a huit ans, il estime ne « jamais avoir connu une telle écoute de la part des élus », alors qu'il a déjà occupé des postes similaires dans d'autres collectivités. « Ici, quand un élu s'engage en réunion, on peut lancer les travaux, il n'y a pas de retour en arrière. Les travaux sont planifiés sur six ans, dès le début du mandat municipal, ce qui permet d'avoir une visibilité en termes budgétaire et d'organisation du travail. »
– Cette cohérence de vue se retrouve dans la démarche administrative, en particulier au niveau du Plan local d'urbanisme, utilisé comme outil de planification. Révisé entre 2008 et fin 2010, il intègre les études patrimoniales qui ont permis à la ville de poser sa candidature au statut de ville d'art et d'histoire (dossier en cours d'instruction), ou l'inscription au titre des monuments historiques de certains monuments remarquables. Mais surtout, le PLU conforte les 75 hectares d'espaces verts publics de la cité. Il intègre aussi les 3 400 jardins privés de la commune. Enfin, un important maillage de liaisons piétonnes, inscrit en tant que tel dans une trame verte elle-même intégrée au PLU, permet aux habitants de se déplacer quasiment partout dans la ville avec des moyens de circulation doux.
– Le PLU garantit la place du végétal dans la ville. Il protège les cœurs d'îlots verts en limitant l'emprise au sol des constructions, à l'arrière des terrains, en particulier en zone pavillonnaire. Il définit les grands espaces paysagers à préserver, ainsi que les végétaux d'intérêt patrimonial privés. Ces derniers sont recensés dans un tableau qui précise les critères d'identification (beaucoup d'arbres, quelques arbustes et grimpantes) et une note d'intérêt liée à la rareté de l'essence en ville, une autre portant sur le développement du sujet et une troisième sur l'état phytosanitaire. Chaque plante est photographiée, porte le numéro de parcelle cadastrale et l'adresse postale du jardin.
Le PLU affirme aussi la volonté de privilégier les plantations en pleine terre, pour conserver une certaine perméabilité des sols. Il précise qu'un arbre « de haute tige » doit être planté pour 50 m² d'espaces verts. Il classe en zone N, naturelle, les parcs et jardins publics (37 hectares en tout) et incite à la plantation d'espèces locales adaptées aux conditions climatiques... Les dispositions prises vis-à-vis de l'architecture font parfois aussi place au végétal. Ainsi, un article précise la hauteur autorisée pour les bâtiments, mais un mètre de plus est accordé en cas de réalisation d'une toiture végétalisée. Des études de ruissellement sont demandées pour limiter le rejet des eaux pluviales et favoriser leur infiltration localement. De nombreux travaux récents traduisent dans les faits ces dispositions administratives. L'aménagement des bords de Marne, par exemple, déjà évoqué pour le ralentissement des voitures, a permis aux habitants de redécouvrir les bords de la rivière, ses canards, cygnes et autres animaux sa u vages, en particulier depuis une circulation en bois construite au-dessus de l'eau, tout au long de la rivière qui se jette dans la Seine à quelques centaines de mètres. La RD 40, qui longe l'eau, a été déclassée, ce qui a permis à la ville de réaliser un terre-plein central planté d'arbres et d'arbustes. L'axe a été passé en « zone 30 » (vitesse maximale autorisée de 30 km/h) pour en faire une véritable desserte locale et non plus seulement une artère de transit. Quelque 3 millions d'euros ont été investis dans ce chantier. Prévu pour durer trois ans, il a finalement été mené à bien en un an seulement, et s'est achevé en décembre dernier.
Plus près du centre-ville, l'avenue du Général-de-Gaulle a fait l'objet d'un autre aménagement : la voie, large et bordée de marronniers blancs sous lesquels se garent les voitures, a vu sa largeur réduite. Sur les côtés, la surface gagnée sur la chaussée a été plantée d'arbustes permettant de masquer les voitures en stationnement et d'assurer la sécurité des piétons. Un second alignement de marronniers, rouges cette fois, pour limiter les problèmes de mineuse, renforce encore cette séparation entre la voirie et le parking.
Les moyens de la commune ne lui permettent pas d'assumer seule des travaux de grande envergure. Encore que le fait de « réaliser les études en interne permet de limiter les coûts », explique Nicolas Fritz. Grâce à des aides substantielles, la ville ne finance parfois qu'à peine 20 % des dépenses d'investissement. « Pour les bords de Marne, par exemple, sur l'enveloppe de 3 millions d'euros dédié au projet, le Département en a financé la moitié, la Région a participé à hauteur de 600 000 euros et 200 000 euros ont été pris sur la réserve parlementaire. » Ce dernier point est rendu possible par le fait que le maire de la ville, Michel Herbillon, est également député de la circonscription. Globalement, « le niveau d'imposition des Maisonnais est relativement faible, et nous travaillons avec un personnel limité. Les services techniques de la Ville emploient 240 personnes, alors que la moyenne dans les collectivités de dimension comparable est de 290 », poursuit Nicolas Fritz.
– Le fleurissement proprement dit prend une place importante dans cette structure paysagère forte. Laurence Depaepe, qui dirige le service des espaces verts, veille à la bonne mise en œuvre de la charte du fleurissement adoptée en 2005. Cette charte classe les quartiers de la ville en sept entités urbaines reconnaissables à leur fleurissement. À ces secteurs, s'ajoutent des entités particulières, les nationales qui traversent l'agglomération, par exemple, ou les entrées de ville. Une gamme chromatique est décidée pour chaque entité. Pour cela, Maisons-Alfort produit chaque année 125 000 annuelles, plus de 6 000 automnales et plus de 100 000 bisannuelles pour assurer son fleurissement, soit un budget de 235 000 euros. Mais au final, ce n'est peut-être pas ce qui a le plus séduit le jury du Conseil national des villes et villages fleuris (CNVVF) qui, en 2010, a décerné la « Fleur d'or » à la ville.
Laurence Depaepe, directrice des espaces verts, et Nicolas Fritz, directeur général des services techniques de Maisons-Alfort (94), ville promue « Fleur d'or » en 2010, bénéficient, avec l'ensemble de leurs équipes, d'une grande écoute de la part des élus.
Les arbres « remarquables » de la ville ont été intégrés au PLU. Comme ce peuplier, en bord de Marne, l'un des arbres les plus âgés de Maisons-Alfort.
Les Maisonnais ont pu redécouvrir les bords de Marne grâce à l'aménagement de la voirie qui a ralenti le flux des voitures et à un platelage de bois permettant de se promener « sur l'eau ».
En centre-ville, un écran végétal pris sur la voirie permet de masquer les voitures en stationnement.
L'École nationale vétérinaire, un espace vert à part entière
La ville de Maisons-Alfort est connue dans la France entière pour son École nationale vétérinaire. Celle-ci fait l'objet d'une grande attention de la part du service des espaces verts. Sans être public, le parc de l'École est néanmoins ouvert aux personnes désirant se rendre au musée Fragonard ou à l'hôpital vétérinaire... La présence végétale y est forte, avec une collection remarquable de plantes médicinales et toxiques, ainsi que de nombreux arbres - Gymnocladus dioicus, Celtis occidentalis et Celtis orientalis, par exemple. Des plantes mellifères - robinier, tilleul, thym - favorisent la production de miel dans les ruches implantées sur le site. Mais le parc arboré est vieillissant et des élagages drastiques ont nui à la santé de marronniers. D'où l'idée émise par la Ville de réaliser un cahier des prescriptions architecturales, urbaines et paysagères (CPAUP), document précisant les mesures volontaristes qui doivent désormais accompagner tout projet : plantation d'arbres pour rajeunir la population, diversifi cation de la palette végétale, abattage des arbres dépérissants... Le sol du site étant très sableux et drainant, mais aussi composé de remblais et mâchefer suite aux inondations de 1910, il est par ailleurs préconisé de réaliser des fosses de plantation en terre végétale de 6 m3 au minimum. Autre proposition : planter des arbustes, largement absents du site. Enfi n, l'étiquetage des taxons permettrait une meilleure connaissance des végétaux au sein de l'école comme au dehors. Tous les travaux qui seront désormais réalisés par l'École dans le parc respecteront les recommandations inscrites dans le CPAUB.