Retour

imprimer l'article Imprimer

dossier - Bonnes pratiques phytosanitaires après les traitements

Gestion des effluents phytopharmaceutiques, le panorama

Marianne Decoin* - Phytoma - n°626 - octobre 2009 - page 30

Les 12 procédés reconnus, leurs champs d'application, modes d'action et le cadre réglementaire
Héliosec (ph. M. Decoin)

Héliosec (ph. M. Decoin)

 ph. P. Plompen, Bayer CSF

ph. P. Plompen, Bayer CSF

BF Bulles. Ce procédé « technologique » sépare les effluents de l'eau, qu'il rejette épurée sous sa forme liquide. ph. Agrovista

BF Bulles. Ce procédé « technologique » sépare les effluents de l'eau, qu'il rejette épurée sous sa forme liquide. ph. Agrovista

Phytocat installé sur une aire de remplissage-lavage du pulvérisateur. Ce procédé « technologique » dégrade les effluents par photocatalyse. ph. Résolution

Phytocat installé sur une aire de remplissage-lavage du pulvérisateur. Ce procédé « technologique » dégrade les effluents par photocatalyse. ph. Résolution

Héliosec dans l'Eure-et-Loir en juillet 2009. Ce procédé « rustique » agit par évaporation naturelle. ph. M. Decoin

Héliosec dans l'Eure-et-Loir en juillet 2009. Ce procédé « rustique » agit par évaporation naturelle. ph. M. Decoin

Après un traitement phytosanitaire, il faut gérer les effluents qu'il a générés. Pour rincer les fonds de cuve juste après le traitement, le rinçage à la parcelle est chaudement recommandé sous réserve de respecter certaines règles (1). Mais comment faire avec les effluents issus du nettoyage des appareils revenus à la ferme, et aussi souvent de leur vidange (2) ? Pour cela, il existe des procédés de traitement des effluents. Douze d'entre eux, dont deux nouveaux, sont désormais officiellement reconnus par le MEEDDM (3) autrement dit le ministère chargé de l'Environnement. Avant d'évoquer les évolutions de ces procédés et de leur accompagnement dans l'article suivant, voici un point général, réglementaire et classificateur pour mieux s'y retrouver.

Notre précédent dossier bonnes pratiques (4), annonçait au printemps 2008 qu'il existait « huit plus trois et un probable » procédés reconnus de traitement des effluents phytopharmaceutiques à la ferme, et citait ces douze procédés. Quelques semaines plus tard, la reconnaissance « probable » est devenue officielle, c'est celle de l'Héliosec. Il est désormais dûment reconnu sous le numéro d'enregistrement 06007 pour traiter les effluents issus de la viticulture, l'arboriculture, les grandes cultures, les cultures légumières et les zones non agricoles (ZNA). De plus, un autre procédé nommé Cascade Twin a été reconnu en avril 2009 sous le n° 08001 pour traiter les effluents issus de la viticulture (détails dans l'encadré 2).

Mais il y a toujours 12 procédés reconnus !

En effet, un procédé reconnu alors par le MEEDDAT (5) de l'époque sous le n° 05 002 mais pour un an seulement n'a pas vu sa reconnaissance confirmée. Il s'agit de l'Epumobil. En pratique on ne peut donc plus l'utiliser en France.

Pourquoi une reconnaissance officielle

Est-ce à dire que cette reconnaissance officielle est une autorisation indispensable pour avoir le droit de vendre et d'utiliser un procédé de traitement des effluents phytosanitaires ? En terme légal, non, pas forcément. Alors pourquoi écrire que l'Epumobil n'est plus utilisable en pratique en France ?

Et aussi : Pourquoi, parmi tous les moyens possibles et imaginables de traiter ces effluents, ce dossier n'évoque-t-il que des procédés officiellement reconnus ?

Un procédé n'est pas un produit phyto

En effet un tel procédé n'est pas un produit phytopharmaceutique. Pour ces derniers, tout ce qui n'est pas autorisé est interdit. Autrement dit, tout produit qui n'a pas ou pas encore d'AMM (autorisation de mise sur le marché) ne peut être vendu ni même offert (6). En revanche, un dispositif incluant un procédé qui n'a pas ou pas encore de reconnaissance officielle peut parfaitement être utilisé sans risque de procès verbal... Mais il y a une condition ! Et celle-ci est limitante. Très limitante.

L'épineuse question du déchet classé dangereux

Car tant qu'un procédé n'est pas officiellement reconnu, tout ce qui sort du dispositif qui le met en œuvre est classé légalement comme un déchet dangereux : même l'eau purifiée ou le substrat solide dépollué.

Pour avoir le droit de laisser l'eau partir dans la nature ou d'épandre le substrat, il faut avoir la reconnaissance officielle du fait que le procédé purifie l'une et/ou dépollue l'autre.

Des reconnaissances provisoires données sur la base de premiers tests ont pu être données mais n'ont été confirmées qu'après fourniture de résultats de tests complémentaires. Les promoteurs d'Epumobil ne les ont, semble-t-il, pas présentés. Or ce procédé dont le principe est de séparer l'eau des substances actives de l'effluent a besoin de l'agrément pour être utilisé : sans cela, il ne peut pas rejeter l'eau et doit la détruire comme si c'était l'effluent de départ... ce qui en pratique n'a aucun intérêt !

De même, voilà pourquoi ce dossier ne cite pas les procédés dont les demandes de reconnaissance sont en cours d'examen tant que ne sont pas donnés au moins des avis favorables. On espère des décisions en novembre.

Point sur les champs d'application

Mais par ailleurs, quand un procédé bénéficie d'une reconnaissances officielle, elle ne couvre pas forcément tous les secteurs générant des effluents phytosanitaires, ce que le législateur appelle des « champs d'application ». Chaque procédé est reconnu pour un ou plusieurs de ces champs d'application.

Le tableau 1 récapitule les champs reconnus pour chacun des douze procédés (classés par ordre alphabétique) mais aussi quels procédés sont reconnus pour chacun des champs.

Chaque producteur potentiel d'effluents phytosanitaire peut ainsi voir quels procédés sont reconnus pour traiter ses effluents.

Procédés : d'un seul champ à tous les possibles

Du côté des procédés, on voit que les plus largement utilisables sont l'Evapophyt et l'Osmofilm : tous deux sont reconnus pour tous les types d'effluents. Le Phytobac les suit de près. Il est lui-même suivi par l'Heliosec et le Phytocat qui sont reconnus pour cinq champs d'application chacun.

À l'autre bout de la chaîne, BF Bulles, Cascade Twin et Vitimax ne sont reconnus que pour les effluents issus de la viticulture, du moins pour l'instant. Pour leur part Aderbio STBR2 et Phytomax sont utilisables en viticulture mais aussi en arboriculture. Phytopur y ajoute les grandes cultures et Sentinel les grandes cultures et les effluents issus des traitements de post-récolte des fruits et légumes.

Champs d'application : viticulture la mieux servie...

Du côté des champs d'application, la palme revient à la viticulture : les douze procédés sont tous reconnus pour elle ! C'est probablement lié au fait que ce secteur est dans l'obligation de traiter les effluents de cave. De ce fait il connaît bien la problématique de gestion des effluents et a été pionnier en la matière.

En revanche les traitements de post-récolte de fruits et légumes font figure de parent pauvre avec seulement trois procédés reconnus. Ils représentent en effet des modalités très particulières.

Modes d'action

Un autre critère de choix, en tout cas de classification des procédés, est leur mode d'action.

« Dégradeurs » et séparateurs

En effet, certains procédés dégradent les substances contenues dans l'effluent c'est-à-dire les matières actives et co-formulants voire les substances contenues dans les produits nettoyants. D'autres se contentent de séparer ces substances de l'eau et ainsi de les concentrer en un léger reliquat de petit volume ; celui-ci sera classé comme déchet dangereux mais il sera plus facile et moins cher à éliminer que les mètres cubes d'effluents initiaux.

Pour détailler

Parmi les procédés « dégradeurs » reconnus, quatre fonctionnent par biodégradation (Aderbio, Cascade Twin, Phytobac et Vitimax) et deux par photocatalyse (Phytocat, Phytomax).

Trois des procédés « séparateurs » séparent les substances de l'eau liquide épurée et que l'on peut rejeter dans le milieu (BF Bulles, Phytopur et Sentinel) ; les trois autres fonctionnent par déshydratation plus ou moins favorisée voire forcée, l'eau étant alors rejetée sous forme de vapeur (Evapophyt, Héliosec, Osmofilm).

Pour compliquer

Pour compliquer les choses, on peut se demander si le procédé qui déshydrate à l'air libre (Héliosec, détaillé dans l'article p. 36 à 40) ne fait pas un brin de biodégradation, de même que le Sentinel était réputé lors de ses premiers tests réaliser de la dégradation chimique. C'est bien possible mais ce n'est pas leur mode d'action prioritaire. Les matières déposées contiennent des résidus phytosanitaires et doivent être traitées comme des déchets dangereux.

Autre question : est-ce que les deux procédés de photodégradation naturelle fonctionnant à la lumière du jour (Héliosec et Osmofilm) ne font pas aussi de la photodégradation ? C'est probable pour certains produits, notamment ceux d'origine biologique type pyréthrines. Mais beaucoup de molécules phytosanitaires issues de la synthèse chimique sont peu photodégradables en conditions naturelles.

Classer par la « rusticité »

Une autre façon de classer les procédés est leur rusticité. Certains utilisent des processus naturels sans dépense d'énergie fossile et contrôlables à l'œil nu, ce qui les fait qualifier des rustiques : ce sont l'Heliosec, l'Osmofilm et le Phytobac. Les 9 autres procédés apparaissent comme plus technologiques, même s'il y a des nuances.

Le tableau 2 récapitule les deux types de classement : mode d'action et rusticité.

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Voir l'encadré 1.</p> <p>(2) Théoriquement, cette vidange est possible à la parcelle, mais en pratique... voir encore l'encadré 1.</p> <p>(3) Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, nom du ministère chargé de l'Environnement depuis le remaniement ministériel du 23 juin 2009.</p> <p>(4) <i>Phytoma</i> n° 614, avril 2008, article <i>Au siège d'exploitation, les moyens des bonnes pratiques – traitement des effluents phytos, la boîte à outils s'enrichit</i>, p. 26 à 31, dans le dossier Bonnes pratiques pour l'environnement, p. 9 à 48.</p> <p>(5) Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, nom porté en 2008 par le ministère chargé de l'environnement.</p> <p>(6) Il peut en revanche être utilisé par quelqu'un qui l'aura fabriqué lui-même (cas du très médiatisé purin d'ortie, dont on a par ailleurs le droit de diffuser la recette), mais à condition qu'il n'en soit fait aucun commerce ni même don.</p>

1 - Le cadre réglementaire, rappel utile

La réglementation autorisant le rinçage à la parcelle des fonds de cuve et le traitement à la ferme des effluents phytosanitaires est précisément l'arrêté du 12 septembre 2006 publié le 21 septembre 2006. Phytoma l'a évoqué dans ses deux derniers dossiers bonnes pratiques*. Les seules évolutions réglementaires survenue depuis le dernier dossier sont l'octroi et le retrait de reconnaissances officielles évoqués dans cet article.

Rinçage et vidange à la parcelle...

Pour le reste, et sans répéter nos précédentes analyses, rappelons quand même que :

• le rinçage à la parcelle est autorisé à condition que le liquide épandu le soit par pulvérisation et soit dilué au moins par six (ajout dans la cuve d'une quantité d'eau claire égale à au moins 5 fois le volume de bouillie restant dans l'appareil) ; en pratique, c'est faisable sans trop de difficultés si on a un appareil muni d'une cuve de rinçage ;

• la vidange à la parcelle est théoriquement autorisée, mais le reliquat doit être dilué au moins par 100 par rapport à la bouillie initiale ; de plus il y a des restrictions sur les lieux possibles ; en pratique il est difficile à pratiquer.

... et conséquences sur le traitement des effluents

De ce fait, le traitement des effluents phytosanitaires concerne la vidange des fonds de cuve dilués après épandage (volume mort restant) et les eaux de rinçage intérieurs et extérieurs des pulvérisateurs. L'apport des bouillies non diluées doit être exceptionnel, par exemple pour résoudre le problème d'un arrêt de traitement suite à un incident avec risque de prise en masse du produit si on le laisse en cuve.

Quant aux produits phytos non utilisables (PPNU) mais encore concentrés, ils doivent être réservés pour les collectes de PPNU organisées par Adivalor (voir p. 42 à 44).

* Phytoma n° 602, mars 2007, dossiers Bonnes pratiques pour l'environnement, quoi de neuf ? p. 5 à 44, et Phytoma n° 614, avril 2008, dossier Bonnes pratiques pour l'environnement, p. 9 à 48.

2 - Le douzième procédé, présentation

 ph. Agroenvironnement

ph. Agroenvironnement

Les procédés reconnus depuis plus d'un an ont déjà été évoqués dans <i>Phytoma</i> l'an dernier, et pour plusieurs d'entre eux ce n'était pas la première fois. Certains ont droit à une session de rattrapage dans l'article p. 36 à 40. Mais le douzième ? Voici ce qu'on sait déjà à son propos.

Ce procédé nommé Cascade Twin est reconnu sous le numéro d'enregistrement 08001 sous l'égide de deux demandeurs. Il s'agit de la société Agroenvironnement, déjà détenteuse de deux autres procédés de traitement des effluents phytosanitaires reconnus (Phytomax et Vitimax), et de la société Bucher Vaslin (anciennement Vaslin Bucher), bien connue dans le monde des caves viticoles.

Biodégradeur et viti-vinicole

Il fonctionne par biodégradation. Point important qu'il partage avec le Vitimax, celle-ci se produit sur des boues issues d'effluents de cave, activées par les bactéries dévoreuses des effluents de cave en question. Rien d'étonnant donc si ces deux procédés sont reconnus en viticulture et rien qu'en viticulture.

Par ailleurs, alors que le Vitimax était un dispositif annexe à celui d'épuration des effluents de cave, le Cascade Twin intègre les deux fonctions (d'ailleurs Twin signifie « jumeaux »).

Mais elles sont remplies successivement et non simultanément. Les documents officiels de reconnaissance précisent : « Ne pas introduire les effluents phytosanitaires moins de 35 jours avant le début des vendanges ».

Du côté des déchets

Le procédé comporte un prétraitement par coagulation floculation pour séparer les résidus minéraux du reste de l'effluent. Il est donc particulièrement adapté à des exploitations viticoles fortes consommatrices de cuivre, de soufre et/ou d'aluminium. Les boues issues de ce prétraitement sont classées en déchets dangereux à éliminer en DIS.

En revanche, l'eau et les boues issues du traitement proprement dit sont épurées par biodégradation et ne sont donc pas classées en déchets dangereux.

Ce traitement proprement dit a lieu par « stockage aéré » (photo ci-dessous) comme dans des stations de traitement des effluents de cave de Bucher-Vaslin. Il doit durer au moins 30 jours en continu et être suivi d'une décantation et d'une finition.

Cet article fait partie du dossier Bonnes pratiques phytosanitaires après les traitements

Consultez les autres articles du dossier :

Résumé

Cet article fait le point sur les douze procédés de traitement des effluents officiellement reconnus par le ministère chargé de l'Environnement en date du 2 octobre 2009. Il explique la signification et l'intérêt de cette reconnaissance officielle. Il évoque les champs d'application de ces procédés, leurs modes d'action et leur rusticité. Un rappel sur la réglementation est fourni.

Mots-clés : bonnes pratiques phytosanitaires, environnement, effluents phytosanitaires, traitement, reconnaissance officielle, champs d'application, mode d'action, réglementation.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :