On sait que l'expression du BDA, redoutable maladie du bois, varie fortement d'une année à l'autre. Est-ce que des facteurs climatiques pourraient exercer une influence ? On n'en savait rien il y a sept ans, mais aujourd'hui on peut répondre oui. En tout cas sur le cépage Sauvignon, objet de l'étude présentée ici. Elle prend en compte six années d'observation au vignoble.
Le black dead arm (BDA) est une affection qui touche le vignoble français, engendrant d'importantes pertes de production.
Cette maladie du bois est associée à différents champignons de la famille des Botryosphaeriaceae (Diplodia seriata, Neofusicoccum par-vum...) (Larignon et al., 2009). Elle se présente dans le vignoble sous deux formes (Larignon et al., 2001) : une forme sévère caractérisée par une défoliation des rameaux (photo ci-dessus) et une forme lente caractérisée par la présence de taches ou de larges zones de détérioration entre les nervures des feuilles (photo en médaillon). Dans le bois, elle se traduit par la présence d'une bande brune localisée dans le bois de printemps du nouveau cerne et caractérisée par une occlusion des vaisseaux. Des chancres peuvent être observés chez les ceps malades.
Quel rôle joue le climat ?
Les conditions climatiques favorables à sa manifestation n'étaient pas connues. L'objectif de ce travail a été de les identifier.
Cette étude a été réalisée sur une vigne de Sauvignon/SO4. Le Sauvignon est un cépage sensible. Cette parcelle située dans les Costières de Nîmes a été plantée en 1989 et conduite en cordon bilatéral.
Les observations ont été effectuées sur huit rangs de 325 ceps pendant six années consécutives entre 2003 et 2008, chaque semaine, de la mi-mai à mi-septembre.
Il y avait 2 337 ceps vivants au début du suivi (2003) et 2 067 en fin d'observation (2008). Les données climatiques relatives à la période sont mesurées par la station météorologique de Rodilhan, située à 6 km de la parcelle d'expérimentation. Les valeurs des ETP sont fournies par Météo France de Nîmes Courbessac.
Observation de l'expression des symptômes de BDA entre 2003 et 2008
Le pourcentage de plantes avec des symptômes est très fluctuant d'une année à l'autre (Figure 1). La maladie est en pleine progression : entre 4 et 7,5 % de nouveaux ceps exprimant des symptômes chaque année. En six ans, 34 % des ceps ont exprimé une fois les symptômes.
Les observations réalisées chaque semaine montrent que les symptômes apparaissent autour de la floraison (fin mai, début juin) et augmentent régulièrement jusqu'au 15-30 juillet selon les années pour atteindre 80 % de ceps exprimant des symptômes. La manifestation des symptômes s'arrête fin août ou début septembre selon les années (Figure 2).
Des facteurs climatiques identifiés comme favorables à l'expression des symptômes
Leur manifestation commence autour de la floraison suite à l'augmentation des températures atteignant les 30 °C. Les années 2007 et 2008 se sont révélées être de bons exemples de cette observation (figures non montrées, disponibles auprès de l'auteur).
La comparaison des résultats avec les données climatiques révèle une bonne corrélation entre le pourcentage annuel d'expression des symptômes de BDA et les pluies du mois de mai (Figure 3) ou celles se manifestant un mois avant l'apparition des symptômes (Figure 4).
Elle montre également une bonne corrélation entre la moyenne des ETP enregistrées lors de la période « date des premiers symptômes - 80 % des symptômes » et le pourcentage annuel d'expression des symptômes (Figure 5).
Conclusion
Les années à forte expression comme 2007 ou 2008 sont caractérisées par un printemps pluvieux (les pluies du mois de mai 2007 s'élèvent à 180,5 mm, celles de 2008 à 104,5 mm) et par une moyenne des valeurs d'ETP faible (2007 = 5,44 et 2008 = 6,78) enregistrées durant la période allant de la « date d'apparition des premiers symptômes » à celle des « 80 % des symptômes apparus ». Au contraire, les années à faible expression comme 2003 sont caractérisées par un printemps sec (pluie du mois de mai = 21,5 mm) et une moyenne d'ETP élevée (7,64).
La connaissance du climat (pluie, températures maximales pour l'expression des premiers symptômes, ETP) pourrait aider à prédire le pourcentage d'expression quand la maladie est en pleine progression. Remerciements : Ce travail a été réalisé grâce à la participation financière de France Agri Mer et du CASDAR.
<p>* Institut Français de la Vigne et du Vin, Pôle Rhône-Méditerranée, Domaine de Donadille, 30230 Rodilhan.</p>
Figure 1
- Évolution de l'expression des symptômes de black dead arm entre les années 2003 et 2008 dans la parcelle étudiée (en plus foncé : cumul des ceps exprimant au moins une fois les symptômes de black dead arm, en plus clair : pourcentage annuel d'expression des symptômes).
Figure 3
- Corrélation entre le pourcentage annuel d'expression de symptômes de black dead armet les pluies du mois de mai.
Figure 4
- Corrélation entre le pourcentage annuel d'expression de symptômes de black dead armet les pluies un mois avant l'expression des premiers symptômes.
Figure 5
- Corrélation entre le pourcentage annuel d'expression de symptômes de black dead arm et la moyenne des valeurs ETP enregistrées pour la période « date d'apparition des premiers symptômes - 80% des symptômes apparus ».
5 projets de recherche sur les maladies du bois
(organisme porteur : Université Reims Champagne Ardenne).
Le projet porte sur deux grands axes : connaître l'origine de l'expression des symptômes foliaires (hypothèse toxines) et évaluer l'impact de cette maladie sur l'état physiologique de la plante. Il a l'originalité de transférer en France une technique de reproduction des symptômes foliaires (effectuée sur des boutures cultivées en conditions contrôlées) mise au point au Portugal. D'autres travaux seront réalisés en collaboration avec des partenaires européens (Université de Fribourg en Suisse et Institut supérieur d'agronomie de Lisbonne, Portugal).
Projet 2 : Épidémiologie de l'esca/black dead arm et caractérisation du microbiote colonisant le tronc de la vigne
(organisme porteur : INRA Bordeaux UMR 1065 Santé Végétale/ENITA Bordeaux).
L'objectif de ce projet est de caractériser le complexe d'espèces microbiennes associé au développement des maladies du bois de la vigne, d'étudier sa répartition spatiale dans le vignoble et son expansion par des approches d'épidémiologie. Ces éléments permettront de répondre à des questions sur l'impact de la prophylaxie dans la gestion des maladies du bois, sur le rôle de la vigueur dans la sensibilité de ces maladies. A moyen terme, la connaissance des microflores non pathogènes colonisant le bois de vigne pourra permettre également la conception de produits microbiens en lutte biologique. Projet 3 : Recherche de marqueurs physiologiques et moléculaires impliqués dans la tolérance de la vigne à certains champignons des maladies de dépérissement (organisme porteur : Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, Bordeaux). Le projet porte sur la détermination de critères simples et pertinents, liés aux réponses physiologiques et moléculaires de la plante à l'infection par l'agent de l'eutypiose. L'objectif in fine est d'utiliser par la suite ces marqueurs de tolérance comme nouveaux outils pour la sélection de cépages tolérants aux maladies du bois. Un travail plus préliminaire pourra être également réalisé sur les agents du black dead arm (les Botryos-phaeriaceae).
Projet 4 : Impact des choix culturaux des viticulteurs sur le développement des maladies du bois
(organisme porteur : Chambre régionale d'agriculture Languedoc-Roussillon). L'objectif de ce projet est de proposer des alternatives à la lutte aux viticulteurs et de répondre à des interrogations qu'ils se posent. Deux grands axes sont développés : impact du matériel végétal (effet clone), impact des pratiques culturales (taille, densité, irrigation, maîtrise de la vigueur...)
Projet 5 : Recherche et évaluation de procédés permettant la production de plants indemnes de champignons associés aux maladies du bois
(organisme porteur : Chambre d'agriculture de la Gironde).
L'objectif est d'améliorer la qualité de l'état sanitaire de plants. Le projet concerne le développement de nouveaux outils de diagnostic des champignons pour le contrôle de la qualité des plants en sortie de pépinière (PCR quantitative), l'obtention de processus de multiplication des plants permettant de garantir la production d'un matériel indemne de champignons associés aux maladies du bois, et l'évaluation du traitement de l'eau chaude sur les maladies du bois (suivi en plein champ).