Quoi de neuf dans cette Note commune 2010 par rapport à celle de 2009 publiée dans Phytoma en juin dernier ? Rien de changé du côté de la collaboration entre structures dont elle est la preuve et de la réactivité de ses auteurs. En revanche, la situation a bougé du côté de :
– la septoriose à S. tritici et ses résistances aux triazoles,
– l'oïdium avec l'arrivée de nouveaux fongicides et l'évolution de certaines résistances de ce pathogène prompt à évoluer (voir aussi p. 21),
– le piétin-verse avec la notion de « MDR » (voir aussi p. 26),
– l'helminthosporiose de l'orge avec des détails nouveaux sur les strobilurines,
– la ramulariose et la rhynchosporiose de l'orge, citées pour la première fois dans cette note,
– les fusarioses des épis avec des conseils re-précisés.
Septoriose (S. tritici)
Stabilité des résistances aux QoI
La résistance aux QoI (strobilurines, famoxadone) concerne l'ensemble des régions céréalières françaises. Son implantation est maintenant généralisée sur tout le territoire y compris dans les régions du sud et l'efficacité de toutes les strobilurines est fortement compromise.
Évolution des résistances aux IDM
Vis-à-vis des triazoles (principale classe d'IDM), les souches de S. tritici actuellement détectées sont généralement faiblement ou moyennement résistantes. Les souches moyennement résistantes sont majoritaires dans toutes les régions françaises. Elles restent cependant faiblement résistantes et pour une part entièrement sensibles au prochloraze, en particulier sur les régions de la façade atlantique. Cet IDM, qui comporte un imidazole, est particulièrement efficace en association et exerce une contrepression de sélection sur une partie des souches moyennement résistantes aux IDM.
En 2009, des souches hautement résistantes aux triazoles et au prochloraze ont été détectées à une très faible fréquence, sans impacter notablement l'efficacité des spécialités.
Recommandations
Malgré une érosion de l'activité des triazoles au champ, les plus efficaces demeurent intéressants (essentiellement époxiconazole et prothioconazole). Par ailleurs, l'action des triazoles doit généralement être renforcée par des fongicides multisites (chlorothalonil, mancozèbe), le boscalid ou le prochloraze. L'utilisation d'une même substance active unisite : boscalid, époxiconazole, prothioconazole ou prochloraze et, d'une manière générale, de tous les triazoles sera limitée à une application par saison. Limiter autant que possible le recours aux IDM.
Oïdium du blé et de l'orge (B. graminis f. sp tritici et B. graminis f. sp hordei)
Évolution des résistances à divers fongicides, compte tenu des nouveaux arrivés
Maladie peu présente ces dernières années. La résistance aux strobilurines est probablement toujours fortement implantée en France mais reste limitée dans le sud.
Bien que la résistance aux deux classes d'IBS (IDM et « amines ») soit largement installée en France, de nombreuses molécules conservent une activité intéressante.
Des souches d'oïdium du blé fortement résistantes au quinoxyfène sont décelées en France et sont surtout localisées en Champagne. Si l'activité du quinoxyfène peut être affectée, le proquinazid, bien que présentant une résistance croisée avec le quinoxyfène, reste efficace en toutes situations.
Le cyflufénamid et la métrafénone possèdent des modes d'action différents.
En 2009 des souches moyennement résistantes à la métrafénone ont été observées à faible fréquence en France. Des souches fortement résistantes ont été détectées dans d'autres pays européens.
Par ailleurs, l'oïdium du triticale est sensible à l'ensemble des anti-oïdium utilisés sur blé.
Recommandations
La famille des QoI ne doit plus être considérée comme efficace sur oïdium dans la plupart des régions françaises. De même, le cyprodinil ne présente plus d'efficacité suffisante sur oïdium. Le quinoxyfène ne peut plus être utilisé seul sur oïdium du blé en situation de résistance. De même, on préférera utiliser la métrafénone en association avec un autre anti-oïdium. La métrafénone, le cyflufénamid, le proquinazid restent efficaces sur les populations actuelles d'oïdium des céréales. Cependant, leur utilisation sera limitée à une application par saison avec, si possible, une alternance pluriannuelle.
Piétin-verse (Oculimacula spp.)
Stabilité, mais MDR signalées
L'espèce dominante en France est Oculimacula yallundae (type rapide) et les souches rencontrées actuellement sont fréquemment résistantes à la plupart des IDM, notamment au prochloraze mais pas au prothioconazole.
Des souches résistantes spécifiquement au cyprodinil continuent d'être détectées en France à une faible fréquence au sein des deux espèces d'Oculimacula spp mais sans incidence pratique.
Vis-à-vis du prothioconazole, du boscalid et du cyprodinil, des souches multi-résistantes (MDR) présentant des niveaux de résistance faibles sont, depuis quelques années, régulièrement observées, sans que leur présence n'affecte l'efficacité des spécialités concernées. La métrafénone ne semble pas concernée par ce phénomène, ni par une résistance spécifique.
Recommandations
Le prochloraze reste utilisable lorsqu'il est associé à un autre anti-piétin verse et plus généralement, les associations de modes d'action améliorent l'efficacité au champ. Une alternance des modes d'action, annuelle pied/feuilles et entre années pour le premier traitement est recommandée pour limiter le risque de résistance. La métrafénone étant active sur piétin-verse et sur oïdium, limiter son utilisation à une application par saison.
Helminthosporiose du blé (H. tritici-repentis ou Drechslera tritici-repentis)
Stabilité des résistances
En Europe du Nord, certaines souches d'Helminthosporium tritici-repentis présentent des mutations dans le gène codant pour le cytochrome b (la cible des QoI), soit en position 129 (faible niveau de résistance), soit en position 143 (fort niveau de résistance). Ces deux mutations peuvent être retrouvées dans une même population. L'efficacité des strobilurines pourrait alors être sévèrement affectée si les fréquences de souches fortement résistantes devenaient importantes. En France, ces deux mutations ont été détectées ponctuellement, mais aucune baisse d'efficacité n'a encore été observée.
Recommandations
Utiliser les strobilurines en association avec un triazole efficace sur helminthosporiose du blé (notamment prothioconazole, tébuconazole, propiconazole) dans les situations favorables à la maladie.
Helminthosporiose de l'orge (H. teres)
Stabilité et précisions sur les « strobs »
En France, la résistance d'Helminthosporium teres aux QoI est bien implantée et semble stabilisée depuis 2006. La mutation se situe en position 129 (cytochrome b) et induit des niveaux de résistance faibles à modérés. En situation de résistance, l'efficacité au champ de toutes les strobilurines est affectée. L'azoxystrobine est la molécule la plus pénalisée par la résistance, alors que la pyraclostrobine est la molécule la moins impactée. La picoxystrobine et la trifloxystrobine présentent toutes les deux des résultats intermédiaires et similaires entre eux. L'apport de la fluoxastrobine testée en association avec du prothioconazole présente une efficacité le plus souvent inférieure à la trifloxystrobine.
Une dérive de sensibilité des IDM a été observée, associée à une dérive de l'efficacité de ces fongicides. Le prothioconazole reste le produit le plus efficace de la famille sur cette maladie.
Cyprodinil et boscalid constituent deux autres modes d'action, non concernés actuellement par la résistance.
Recommandations
Toujours associer les strobilurines avec des fongicides efficaces présentant d'autres modes d'action (en particulier prothioconazole ou cyprodinil). Diversifier les modes d'action en pratiquant l'alternance : éviter en particulier les doubles applications de strobilurines, de prothioconazole, de cyprodinil ou de boscalid.
Ramulariose de l'orge (Ramularia collo-cygni)
Une « nouvelle » face aux strobilurines
Observée pour la première fois en France en 2002, la ramulariose s'est rapidement étendue dans toutes les zones de culture des orges et escourgeons.
Les analyses réalisées depuis 2008 ont révélé des fréquences élevées de souches de R. collocygni fortement résistantes aux strobilurines et présentant un cytochrome b modifié en position 143. Lfefficacité de cette classe de fongicides est en pratique fortement affectée.
Recommandations
La ramulariose, difficile à distinguer du reste du complexe, est prise en compte avec les grillures et l'helminthosporiose. Les trois matières actives les plus efficaces sont : un multisites le chlorothalonil, et parmi les unisites, le prothioconazole et le boscalid.
Rhynchosporiose de l'orge (Rhynchosporium secalis)
Autre « nouvelle »
Quelques souches résistantes aux strobilurines et présentant la substitution G143A (cytochrome b) ont été décelées en France en 2008 mais elles n'ont pas été retrouvées en 2009. Les triazoles seuls ou associés au cyprodinil donnent de bons résultats.
Rouilles des céréales (P. recondita, P. striiformis, P. hordei)
Stabilité de la situation...
Dans l'état actuel des connaissances, la rouille brune et la rouille jaune ne sont pas concernées par des phénomènes de résistance en pratique vis-à-vis des triazoles comme des strobilurines.
... et des recommandations
Tenir compte des potentialités intrinsèques sur rouilles des substances actives entrant dans les programmes. Actuellement, les associations de triazoles et de strobilurines procurent les meilleures efficacités contre ces parasites.
Fusarioses des céréales (M. majus, M. nivale, F. graminearum, F. culmorum, F. avenaceum, F. tricinctum, F. poae et F. langsethiae)
Résistance, c'est Microdochium sp.
2007, 2008 et dans une moindre mesure 2009 ont été marquées par des attaques de Microdochium spp (fusariose des épis). Depuis 2007, la résistance de Microdochium spp. aux strobilurines est largement implantée, avec de forts niveaux de résistance. Ce phénomène est généralement déterminé par la substitution G143A dans le cytochrome b, mais d'autres mécanismes pourraient être impliqués. Cette mutation semble plus implantée chez M. majus qui est également dominant, et elle entraîne des baisses d'efficacité en pratique des strobilurines.
La majorité des souches de Microdochium spp. sont résistantes aux benzimidazoles et aux thiophanates. Ces souches cumulent également fréquemment la résistance aux strobilurines. En revanche, les souches de F. culmorum, F. graminearum et F. langsethiae restent pratiquement toutes sensibles aux benzimidazoles et thiophanates. Enfin, aucune dérive de sensibilité aux IDM n'a été observée pour ces espèces de Fusarium spp sur lesquels la plupart des strobilurines ont peu ou pas d'efficacité.
Recommandations
– Microdochium spp : parmi les IBS, seul le prothioconazole présente une bonne efficacité en pratique ; le prochloraze et le fenpropimorphe présentent des potentialités intéressantes. Le thiophanate-méthyl et les strobilurines ne présentent plus d'intérêt sur M. majus et M. nivale depuis la généralisation de ces résistances.
– Fusarium spp : pour contrôler les diverses espèces de Fusarium, il est possible d'utiliser des IDM tels que le prothioconazole, le tébuconazole ou le metconazole ou encore le thiophanate-méthyl car les populations actuelles sont sensibles à ces fongicides.
Répéter pour la pratique
Sur la base de ce constat nous renouvelons des recommandations pratiques destinées à :
– promouvoir des moyens non chimiques susceptibles de réduire le risque parasitaire.
– réduire la pression sélective des fongicides vis-à-vis des résistances émergentes.
– gérer l'efficacité face à une situation de résistance en pratique établie.
Elles sont détaillées dans l'encadré ci-dessus.
<p>* Institut national de la recherche agronomique.</p> <p>** Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt. Services régionaux de l'alimentation. Sous-direction de la qualité et de la protection des végétaux.</p> <p>*** Agence française de sécurité sanitaire des aliments.</p>
Recommandations générales pour 2010
Pourquoi <i>Phytoma</i> reproduit-il des recommandations ressemblant à celles publiées pour 2009 ? D'une part parce que, en fait, il y en a de nouvelles. Ce sont les passages <i>en italique</i>. Ensuite parce que les autres recommandations sont à renouveler !
• Préférer des variétés peu sensibles aux maladies et éviter d'utiliser des variétés de blé ou d'orge sensibles sur de grandes surfaces.
• Privilégier les pratiques culturales permettant de réduire le risque parasitaire, notamment en limitant l'inoculum primaire (ex. rotation, labour, date de semis...) ou la progression de la maladie (densité, azote).
• Ne traiter que si nécessaire, en fonction du climat, des conditions de culture, des modèles et des observations.
• Raisonner le positionnement des interventions en fonction du développement des maladies grâce à des méthodes fiables d'observation et de suivi des symptômes.
• Limiter le nombre d'applications chaque saison avec des matières actives de la même famille (caractérisées généralement par une résistance croisée positive). De même, dans le cas où une même matière active peut être utilisée en traitement de l'épi et en traitement des semences, éviter de cumuler 2 traitements avec la même molécule.
• Pour éviter l'application inutile de substance active, adapter le spectre des produits utilisés au risque réel. Utiliser par exemple, un pack ou une spécialité qui associe systématiquement un anti-oïdium à un anti-septoriose sans considération du risque oïdium réel revient à exercer une pression de sélection superflue et dommageable.
• Diversifier les modes d'action en alternant ou en associant les molécules dans les programmes de traitements, pour minimiser le risque de développement de résistance ou/et pour faire face à un problème de résistance en pratique pour une famille donnée.
• Sur céréales, certaines maladies sont concernées par la résistance aux strobilurines et d'autres non. Pour limiter les risques vis-à-vis de ces dernières, il reste préférable de limiter le recours aux strobilurines à une intervention par saison.
• Pour les IDM, vis-à-vis des maladies des céréales, les substances actives les plus efficaces peuvent être utilisées même en situation de résistance. Éviter de recourir à la même molécule plus d'une fois par saison de manière à ne pas sélectionner une résistance spécifique à celle-ci.
Par ailleurs, leurs performances seront améliorées en association avec d'autres modes d'action, voire, dans le cas de mélanges, entre certains IDM complémentaires.