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dossier - Maladies des plantes

Oïdium, le cas triticale est riche d'enseignements

Anne-Sophie Walker*, Annaig Bouguennec**, Johann Confais*, Guillaume Morgant* et Pierre Leroux* - Phytoma - n°629 - décembre 2009 - page 21

Caractérisation des populations d'oïdium infestant le triticale : révélation d'une nouvelle entité à l'origine de cette maladie émergente, et ses conséquences pour la sélection variétale
Oïdium du triticale (ph. A.-S.. Walker)

Oïdium du triticale (ph. A.-S.. Walker)

Ci-dessus, parcelle d'essai de variétés de triticale en Bretagne (essai Arvalis-Institut du Végétal) avec des symptômes d'oïdium. La maladie est due à Blumeria graminis. Oui, mais quelle forme spéciale ? ph. A.-S. Walker, INRA

Ci-dessus, parcelle d'essai de variétés de triticale en Bretagne (essai Arvalis-Institut du Végétal) avec des symptômes d'oïdium. La maladie est due à Blumeria graminis. Oui, mais quelle forme spéciale ? ph. A.-S. Walker, INRA

Pourquoi l'oïdium se met-il à attaquer le triticale, céréale réputée lui résister ? Répondre à cette question est utile pour lutter contre cette maladie émergente. Certes, il existe des fongicides pour la combattre tant que son agent pathogène ne leur résiste pas... Mais dans le contexte actuel (1), on aimerait se reposer sur les résistances variétales. Or, pour bien orienter les choix variétaux d'aujourd'hui et la recherche pour demain, il fallait comprendre ce qui est arrivé et caractériser les populations d'oïdium présentes en lien avec les gènes de résistance variétale utilisés et utilisables. C'est le but du travail présenté ici. Il montre au passage la capacité d'évolution de cet oïdium et le besoin de nouvelles sources de résistance variétale. Cet article vient d'une communication de la session « Biovigilance/Suivi des populations/Qualité sanitaire » de la 9e CIMA (2) de l'AFPP.

Depuis le début des années 2000, les agronomes observent régulièrement de fortes infestations d'oïdium sur le triticale dans plusieurs pays européens, dont la France. Des variétés qui étaient résistantes lors de leur inscription au catalogue sont maintenant totalement sensibles et nécessitent l'utilisation de fongicides. Cette maladie émergente peut se montrer très nuisible. Des pertes de rendement allant jusqu'à 20 % ont pu être observées dans de nombreuses situations d'infestation par l'oïdium. Parfois, cela va jusqu'à remettre en cause l'intérêt de l'utilisation du triticale.

Face à ce phénomène nouveau, l'objet de notre travail a été de caractériser cette nouvelle entité infectant le triticale, et en particulier de comprendre s'il pouvait s'agir d'une forme spéciale préexistante et qui se serait adaptée à ce nouvel hôte ou d'un hybride entre des formes spéciales actuelles, potentiellement secalis et tritici.

La réponse à cette question d'importance devrait permettre d'orienter au mieux la sélection des futures variétés de triticale et de choisir l'origine des gènes Pm à y inclure.

Du pot-piège à la « biomol »

Isolats collectés sur les cultures et sur des « pots-pièges »

Les échantillons de Blumeria graminis ont été collectés en France en 2006 et en 2007 dans des parcelles de blé, seigle, triticale, avoine et orge, soit directement par prélèvement de feuilles malades, soit en utilisant des pots-pièges constitués d'une variété sensible de la céréale considérée.

Les isolats sont conservés sur des fragments de feuilles de la céréale concernée maintenus en survie sur un milieu gélosé contenant 12,5 g/l d'agar et 30 mg/l de benzimidazole comme anti-chlorotique.

Conservation-production d'inoculum

Les cultures sont conservées sous forme conidienne pendant 10 jours à 17 °C et avec une photophase de 12 heures avant utilisation. Les variétés suivantes sont utilisées pour conserver les différentes formes spéciales d'oïdium : Audace (blé), Rasant (seigle), Champie (orge) et Ourasi (avoine). Les échantillons collectés sur triticale ont été maintenus sur la variété Maximal.

Analyse des profils de résistance à l'hôte

Les profils de résistance à différents hôtes ont été établis en infectant des fragments de feuilles de différents cultivars de céréales avec des conidies d'oïdium de 10 jours.

Trois panels ont été testés, contenant chacun une paire de fragments de feuilles des variétés listées dans le tableau 1 :

– un panel constitué des 5 espèces de céréales ;

– un panel constitué d'une grande diversité de triticales (9 variétés) ;

– un panel constitué d'une grande diversité de blés (9 variétés).

Les paires de fragments de feuilles sont disposées dans des boîtes de Petri de 9 cm de diamètre selon deux combinaisons aléatoires correspondant à deux répétitions du test.

Les notations sont effectuées après 10 jours d'incubation et une note est attribuée à chaque variété : 0 : pas d'infestation ; 1 : quelques pustules, éventuellement anormales ; 2 : pustules couvrant moins de 50 % de la surface du fragment ; 3 : infestation normale, abondante et sporulante, couvrant plus de 50 % de la surface du fragment.

Tests de résistance aux fongicides

Les tests ont été réalisés comme décrit précédemment, en utilisant des doses discriminantes des différents fongicides dilués dans l'eau stérile : azoxystrobine (Amistar) 25 mg/l ; fenpropidine (Gardian) 10 mg/ ; triadiménol (Bayfidan) 16 mg/l ; quinoxyfène (Fortress) 3 mg/l ; cyflufénamid (Cyflamid) 0,5 mg/l ; métrafénone (Flexity) 10 mg/l.

Les fragments de feuilles de la céréale utilisée pour conserver la souche sont traités à la tour de Burgerjon, puis inoculés avec les isolats à tester et incubés pendant 10 jours. La notation (présence/absence) d'infestation normale et sporulante est notée pour chaque condition et chaque test est répété 2 à 3 fois.

Techniques de biologie moléculaire

Après extraction de l'ADN des différents isolats, plusieurs gènes fongiques ont été amplifiés par PCR avant séquençage : β-tubuline tub2, chitine synthase chs1 α, ITS, IGS et le facteur d'élongation ef1 amplifié pour cette étude à partir des séquences d'EST de B. graminis f.sp. hordei disponibles dans les banques de données.

Le gène codant pour la cible des triazoles, la 14α-déméthylase, a également été amplifié par PCR pour vérifier les mutations liées à la résistance à cette classe de fongicides mais également pour compléter les analyses phylogénétiques. Les protocoles de PCR et d'extraction sont décrits dans une publication soumise récemment.

Analyses phylogénétiques

Les séquences obtenues précédemment ont été corrigées, alignées et assemblées pour chaque gène et chaque isolat et comparées aux séquences de référence présentes dans les bases de données internationales.

Pour chaque forme spéciale d'oïdium, un représentant de chaque haplotype a été conservé pour construire un arbre phylogénétique montrant la relation génétique entre les différents haplotypes de toutes les formes spéciales. Un arbre concaténé a également été réalisé en groupant les séquences de tous les marqueurs sauf celles du facteur d'élongation, pour lequel nous n'avons pu séquencer la forme spéciale avenae. Les arbres ont été construits selon la méthode du maximum de vraisemblance (ML) à l'aide du logiciel PhyML et la représentativité des branches a été testée par 1 000 bootstraps.

Résultats établis

Spécificité d'hôte chez l'oïdium des céréales

Les 41 isolats de l'étude ont été cultivés sur les 22 cultivars du tableau 1 et les résultats d'infection ont permis de décrire 13 profils d'adaptation à l'hôte.

Le profil AA1, représenté par 5 isolats collectés sur seigle montre une croissance optimale sur les 2 variétés de seigle et servent de témoin B. graminis f. sp. secalis.

La croissance des isolats de profils AA2 et AA3 est limitée respectivement à l'orge et à l'avoine et correspond à celle des formes spéciales B. graminis f. sp. hordei et B. graminis f. sp. avenae collectées sur ces céréales.

Les isolats de profils AC, AD et AE se distinguent par leur capacité à infecter différentes variétés de blé mais pas significativement de triticale ou de seigle. Ces souches, toutes collectées en parcelles de blé sauf pour une isolée d'un pot-piège de blé placé en parcelle de triticale (figure 1), correspondent à la forme spéciale tritici.

Enfin, les sept autres profils (BA à BH) sont les seuls à présenter une croissance significative sur toutes les variétés de triticale, à l'exception de la variété FDT4015. Ces profils sont en revanche mieux discriminés par les variétés de blé et n'infectent jamais les blés Koréli et Lancelot.

Lorsqu'elles sont observées, les infestations sur seigle sont très faibles (note moyenne inférieure ou égale à 1). Parmi ces profils adaptés au triticale, le profil BB semble dominant, avec 13 isolats, soit 52 % des isolats collectés sur triticale. Les autres profils sont plus rares et sont parfois représentés par un seul isolat (BA, BH).

Sensibilité aux fongicides (tableau 2)

La résistance aux strobilurines (QoI) a été trouvée chez les profils AA1 (B. graminis f. sp. secalis), AA2 (B. graminis f. sp. hordei), AC, AD et AE (B. graminis f. sp. tritici). Cette résistance est causée par une mutation dans le gène codant pour la cible des strobilurines, le cytochrome b, et conduit à la substitution G143A.

Concernant les inhibiteurs de la biosynthèse des stérols, la résistance aux amines (fenpropidine) a été retrouvée pour un isolat collecté sur blé (profil AD) et la résistance aux triazoles (inhibiteurs de la 14α-déméthylation, représentés par le triadiménol) a été retrouvée chez différents isolats des formes spéciales hordei et tritici. L'analyse moléculaire du gène cible cyp51 a confirmé que ces souches présentaient toutes la substitution F136L et que les souches isolées sur orge possédaient de plus le changement K147Q, comme décrit précédemment.

La résistance au quinoxyfène (phénoxyquinoléines) a été identifiée chez 2 isolats collectés sur orge et 1 isolat ramassé sur blé.

Enfin, aucun des isolats n'était résistant au cyflyfénamid (amidoximes) et à la métrafénone (benzophénones) qui sont des molécules très récemment introduites sur le marché européen. De plus, aucun des isolats collectés sur triticale (profils BA à BH) n'était résistant aux fongicides testés.

Analyse phylogénétique des formes spéciales

Les arbres phylogénétiques établis pour les marqueurs ITS, cyp51, tub2 et ef1α présentent une topologie similaire, à savoir un clade très bien supporté contenant les haplotypes des oïdiums collectés sur blé, triticale et seigle.

Pour ces différents marqueurs, les séquences sont identiques pour les trois entités d'oïdium qui ne peuvent être différenciées entre elles.

Ce clade est ensuite génétiquement plus proche de la forme spéciale hordei puis de la forme spéciale avenae. Cette topologie était déjà observée par différents auteurs et confirme la très forte proximité génétique des deux formes spéciales déjà établies, tritici et secalis. À noter que cet arbre phylogénétique des formes spéciales de B. graminis se calque parfaitement sur l'arbre phylogénétique des graminées hôtes : le seigle et le blé sont génétiquement plus proches de l'orge que de l'avoine. Cette proximité génétique entre les hôtes et les parasites est révélatrice de leur co-évolution.

La topologie établie avec le marqueur IGS est différente des autres puisqu'elle groupe les isolats issus de blé et de triticale et les différencie des isolats collectés sur seigle. Cette topologie se retrouve dans l'arbre combiné des différents marqueurs (figure 2), même si la différenciation entre ces trois entités reste finalement faible.

Ce que l'on peut en déduire

Oïdium du triticale, nouvelle entité décrite pour la première fois

Dans ce travail, nous avons comparé et clairement distingué les formes spéciales d'oïdium des céréales déjà décrites d'une entité plus récente infestant le triticale. Cette différenciation est basée en premier lieu sur l'observation des profils d'hôtes établis lorsque les oïdiums sont inoculés sur des gammes de variétés de céréales. Cette nouvelle entité, décrite pour la première fois, a la capacité d'infecter sur fragments de feuilles de plantules quasiment toutes les variétés de triticale testées, un large panel de variétés de blé et ponctuellement 2 variétés de seigle ; et elle présente au moins 7 profils d'adaptation à l'hôte.

L'émergence de cette nouvelle entité est récente et date du début des années 2000 en Europe. Cependant, lors d'essais anciens de sélection de nouveaux triticales, certains auteurs avaient déjà observé que jusqu'à 10 % des nouvelles lignées étaient sensibles à B. graminis f. sp. tritici au stade plantule. Ils avaient expliqué ce phénomène par le fait que l'interaction entre les génomes du blé et du seigle peut modifier la sensibilité à l'oïdium du triticale ou que le champignon peut s'adapter aux gènes de résistance présents dans ces nouvelles variétés.

En effet, la sélection du triticale est un processus complexe et peu d'informations sont disponibles quant aux gènes Pm transmis aux variétés actuelles.

Ce critère de sélection n'a pas été prépondérant pendant de longues années par rapport aux critères de productivité, de qualité du grain ou de germination sur pied. Les généalogies des variétés ne sont pas souvent rendues publiques et même s'ils sont connus chez les géniteurs blé et/ou seigle, les gènes Pm sont rarement identifiés dans les cultivars de triticale.

Gènes Pm, méconnus des triticales

En conséquence, il est difficile d'identifier les gènes Pm présents dans les cultivars que nous avons utilisés et qui discriminent les profils de résistance (tableau 1), à l'exception de la variété de blé Clément qui porte le gène Pm8 introduit du seigle après la translocation 1BL-1RS.

Nous avons également remarqué que les variétés de triticale sensibles Tricolor et Maximal portaient dans leur ascendance la variété de triticale Trimaran, également très sensible. Ainsi, des gènes Pm contournés par l'oïdium chez le triticale ou le blé ont pu être transférés dans les variétés que nous avons testées.

À l'inverse, la variété de triticale FDT04015 est prometteuse puisqu'elle n'a jamais été attaquée dans nos conditions de test in vitro au stade plantule. Elle dispose donc probablement d'un fonds génétique différent des autres variétés, qui doivent plus ou moins partager les mêmes gènes de résistance.

Finalement, la base génétique de la résistance à l'oïdium semble relativement étroite chez les variétés actuelles de triticale qui doivent partager beaucoup de gènes Pm en commun, en comparaison avec les variétés de blé.

Chez cette céréale, en revanche, plusieurs gènes Pm ou plusieurs mécanismes de résistance ne semblent pas contournés puisque certaines variétés restent résistantes à plusieurs profils d'oïdium du triticale.

Diversité, les raisons possibles

Ainsi, l'oïdium du triticale semble avoir sélectionné plusieurs combinaisons de gènes de virulence, conduisant à la diversité des profils phénotypiques observés.

Cette diversité peut avoir plusieurs origines :

– les gènes de virulence ont pu être sélectionnés indépendamment dans différentes régions utilisant des variétés de triticale différentes, exerçant donc des pressions de sélection variées ;

– la recombinaison liée à la reproduction sexuée et à la migration ont pu contribuer à cumuler plusieurs gènes de virulence dans les populations. En effet, des études de génétique des populations récentes de ce champignon ont montré qu'il pouvait migrer sur de grandes distances, au moins à l'échelle d'un pays.

De plus, lors de nos expérimentations sur l'oïdium du triticale, nous n'avons pas observé de différences morphologiques avec les autres formes spéciales (taille des conidies, aspect et développement des colonies, conditions de culture...).

Oïdium du triticale, dérivant probablement de celui du blé

Les analyses moléculaires des différents marqueurs confirment que cette entité appartient bien à l'espèce B. graminis et qu'elle est très proche des formes spéciales tritici et secalis, précédemment regroupées dans le même clade des « Triticum ».

Ainsi, la différenciation de ces deux formes spéciales existantes est très faible et n'était observée que grâce à une position nucléotidique différente sur le gène de la β-tubuline.

Nous n'avons pas retrouvé cette différenciation dans notre jeu de données, ce qui confirme la proximité génétique de ces formes spéciales mais rend difficile leur différenciation. Seul le marqueur IGS nous a permis de différencier ces entités appartenant à la même espèce. Il nous a permis de regrouper d'une part l'oïdium du triticale et du blé et, d'autre part, l'oïdium du seigle.

Ce marqueur est connu pour évoluer plus rapidement que d'autres, ce qui explique que nous ayons pu observer cette différence après moins de 10 années de sélection de cette nouvelle entité. Il nous permet également de supposer que l'oïdium du triticale dérive de B. graminis f. sp. tritici plutôt que de son hybridation avec B. graminis f. sp. secalis.

Ceci nécessite bien sûr d'être confirmé par d'autres marqueurs (nouveaux gènes évoluant rapidement ou marqueurs neutres comme les microsatellites récemment développés) et des échantillons fournis par d'autres pays concernés comme la Pologne ou la Suisse.

Ceci est également cohérent avec le fait que l'oïdium du blé a facilement contourné les gènes de résistance de nombreuses variétés françaises, qui ont pu être transmis aux variétés actuelles de triticale. Cette forme spéciale est décrite dans la littérature comme celle ayant le spectre d'hôtes le plus large, ce qui suggère une grande capacité d'adaptation.

Enfin, ceci est également conforté par le fait que nous ayons réussi à adapter une souche de référence d'oïdium du blé au triticale après seulement trois générations de culture sur la variété Maximal. Nous n'avons pas pu obtenir ce résultat avec l'oïdium du seigle.

Conséquences pratiques

Un besoin urgent de nouvelles sources de résistance variétale

Finalement, ces données rassemblées nous confirment les fortes capacités d'évolution de B. graminis et le besoin urgent en nouvelles sources de résistances à l'oïdium.

Les génomes du seigle et des graminées sauvages pourraient être de bons candidats, d'autant plus que de nouveaux gènes Pm semblent y avoir été identifiés récemment. De nouvelles combinaisons de gènes Pm et la production de nouveaux triticales primaires pourraient également contribuer à élargir la base génétique de la résistance à l'oïdium chez le triticale, ainsi que l'utilisation de résistances non hôtes.

Des fongicides en attendant

En attendant ces nouvelles variétés, les fongicides peuvent constituer une bonne solution à court terme puisque les populations d'oïdium du triticale semblent pour le moment exemptes de résistances aux principales familles.

Remerciements : Les auteurs remercient toutes les personnes qui sur le terrain ont collecté les échantillons de céréales oïdiées et y ont placé des pots-pièges. Ils remercient également Philippe Du Cheyron, d'Arvalis-Institut du Végétal, pour la fourniture des différentes semences de céréales testées.

Ce projet a été financé par l'INRA, département SPE (Santé des Plantes et Environnement) et par le GIE triticale (Agri-Obtentions, Florimond-Desprez, Lemaire-Deffontaines, R2n et Serasem), associés à Arvalis-Institut du Végétal et à l'INRA département GAP (Génétique et Amélioration des plantes).

<p>(1) Plan Écophyto 2018 avec sa réduction des pesticides.</p> <p>(2) Conférence internationale sur les maladies des plantes, organisée à Tours par l'AFPP, Association française de protection des plantes, les 8 et 9 décembre 2009.</p> <p>* INRA, UMR BIOGER-CPP, Avenue Lucien-Bretignières 78850 Thiverval-Grignon. walker@versailles.inra.fr</p> <p>** INRA, UMR Génétique, Diversité et Écophysiologie des céréales, 234, avenue du Brézet, 63100 Clermont-Ferrand.</p>

1 - Le blanc des céréales et ses « formes spéciales » : comment on arrive à la relation hôte-parasite actuelle

Le « blanc » des céréales est une maladie causée par le champignon biotrophe obligatoire Blumeria graminis. Cette maladie se caractérise par le développement dès le printemps de colonies blanches à jaunâtres couvrant les feuilles ou les épis.

Le champignon produit des fructifications sphériques noires, ou cléisthothèces, organes de la reproduction sexuée, en fin de saison et se conserve sur des résidus végétaux pendant l'hiver. Au sein de cette espèce fongique, plusieurs « formes spéciales » (ou formae speciales f. sp.) attaquent sélectivement diverses céréales cultivées, selon une relation hôte-parasite très stricte. Ainsi, les formes spéciales B. graminis f. sp. tritici, secalis, avenae et hordei attaquent respectivement le blé, le seigle, l'avoine et l'orge.

Lorsqu'une forme spéciale d'oïdium est inoculée sur une espèce végétale non hôte, des analyses microscopiques ont montré que si les spores étaient capables de germer, elles ne pouvaient pénétrer dans les cellules végétales, probablement à cause des réactions de défense mises en place par la plante.

Plusieurs auteurs ont suggéré que les formes spéciales actuelles observées dérivent d'une même population ancestrale d'oïdium non spécialisée qui se serait adaptée aux différents hôtes présents. L'oïdium et les graminées auraient alors co-évolué graduellement au cours de la domestication des céréales pour aboutir à la relation hôte-parasite que nous connaissons actuellement.

En conséquence, les arbres phylogénétiques (les représentations qui illustrent les relations génétiques entre les différentes entités) des céréales et des oïdiums se superposent au moins partiellement : l'oïdium du blé est ainsi plus différent de l'oïdium de l'avoine qu'il ne l'est de l'oïdium du seigle... et le blé est plus proche du seigle qu'il ne l'est de l'avoine.

2 - Le triticale, ses naissances et ses gènes de défenses

Le blé (Triticum sp.) et le seigle (Secale cereale) appartiennent tous deux à la tribu des Triticae et sont cultivés depuis l'Antiquité.

Le premier croisement entre ces deux plantes génétiquement proches a été obtenu en 1875 par Wilson mais n'a donné que des descendants stériles. Des plantes partiellement fertiles ont ensuite été obtenues par Rimpau en 1888 mais il a fallu attendre l'utilisation de la colchicine en 1938 par Müntzig pour produire plus facilement des hybrides fertiles.

Pour les agronomes, le principal intérêt de cet hybride était de cumuler dans une même plante des qualités des deux parents, à savoir la tolérance au froid et aux maladies et l'adaptation aux sols et climats difficiles du seigle et les qualités nutritionnelles et de productivité du blé. Ce nouvel hybride intergénérique fut dénommé x Triticosecale (triticale) par Wittmack. Les triticales obtenus par ce type de croisement (triticales primaires) combinent les génomes A, B et D du blé tendre ou A et B du blé dur avec le génome R du seigle.

Ces triticales hexaploïdes (6x) ou octoploïdes (8x) génétiquement variés sont alors recroisés entre eux, ou avec du blé, du seigle ou un autre triticale pour donner au final des variétés de triticale hexaploïde stabilisées et utilisables au champ. La résistance aux maladies du triticale est alors transmise via ses géniteurs.

Concernant la résistance à l'oïdium, les gènes de résistance (dits Pm pour powdery mildew) sont transmis aux lignées de triticale s'ils sont présents dans les génomes R du seigle et/ou A et B du blé.

Au moins 31 gènes Pm sont actuellement caractérisés chez ces deux espèces de céréales, et de nouveaux sont régulièrement identifiés. Dans le monde, les gènes les plus répandus sont Pm1, Pm3, Pm9, Pm10 et Pm15. Cependant, la procédure complexe de sélection des triticales rend difficile la prédiction des gènes Pm transmis aux variétés de triticale, d'autant plus que ce critère n'était pas prépondérant pour les sélectionneurs jusqu'à une date récente.

Figure 1 - Origine des isolats de B. graminis étudiés, selon leur céréale d'origine et leur profil de résistance.

Figure 2 - Relation génétique entre les différentes formes spéciales de Blumeria graminis.

Pour en savoir plus, on peut

- assister à la session « Biovigilance... » de la 9e CIMA, mardi 8 décembre 2009 au matin

- se procurer le texte intégral de cette communication avec sa bibliographie, édité sur le CD-Rom des Actes de la CIMA, disponible sur place à Tours

les 8 et 9 décembre puis auprès de l'AFPP.

Tél. 01 41 79 19 80

Fax 01 41 79 19 81

afpp@afpp.net

Résumé

Depuis les années 2000, plusieurs variétés de triticale sont régulièrement infestées par l'oïdium Blumeria graminis alors qu'elles en étaient auparavant exemptes. L'origine hybride du triticale (seigle x blé) permet de supposer, pour cette nouvelle entité, soit une origine existante (oïdium du blé ou du seigle), soit une origine hybride.

Ce travail a permis de caractériser au moins sept profils d'adaptation à l'hôte chez l'oïdium du triticale qui attaque, au stade plantule, quasiment toutes les variétés de triticale testées, plusieurs variétés de blé, et ponctuellement, le seigle, se distinguant ainsi des formes spéciales existantes. Aucune résistance aux fongicides n'a été détectée dans ces populations.

Des analyses phylogénétiques utilisant différents marqueurs ont permis de différencier l'oïdium du seigle d'une part, de l'oïdium du blé et du triticale d'autre part. Finalement, l'oïdium du triticale aurait dérivé de l'oïdium du blé et aurait contourné les gènes de résistance à l'oïdium présents en faible diversité dans les variétés actuelles de triticale.

Mots-clés : oïdium, Blumeria graminis, triticale, adaptation à l'hôte, phylogénie, résistance aux fongicides.

Summary

CARACTERISATION OF FRENCH POWDERY MILDEW POPULATIONS INFECTING TRITICALE

Since the early 2000s, many triticale cultivars are regularly infested by powdery mildew caused by Blumeria graminis, whereas they were free of this fungus before. As triticale is a hybrid between wheat and rye, the origin of this novel entity could be an existing forma specialis of B. graminis (possibly tritici or secalis) or an hybrid between the former. This work enabled us to characterize at least seven resistance profiles within triticale powdery mildew populations, infesting plntlets of nearly all triticale cultivars, several wheat cultivars and sometimes rye. No resistance to fungicides was detected within these populations. Phylogenetic analyses using several genetic markers differentiated rye mildew from triticale and wheat mildew. At last, triticale B. graminis may have derived from wheat powdery mildew and overcome resistance genes present in low diversity in the actual triticale cultivars and probably inherited from wheat.

Key words : powdery mildew, Blumeria graminis, triticale, host adaptation, phylogeny, resistance to fungicides.

L'essentiel de l'offre

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