Quand on parle de maladies des plantes, on pense d'abord aux dégâts visibles sur les cultures... Mais rien ne s'arrête à la récolte ! Les végétaux stockés avant consommation ou transformation doivent être protégés des maladies de post-récolte. Sur les pommes, ces maladies sont combattues, soit préventivement au verger, soit après la cueillette. Pour cela, il existe des fongicides mais aussi des moyens alternatifs tels que la thermothérapie. À condition que celle-ci ne rende pas les pommes invendables pour cause d'inefficacité voire d'un défaut de présentation. Ce dernier point est incontournable commercialement. Nous allons évoquer ici le problème de la thermothérapie lié à la question des surfaces de contact. Nous expliquerons comment nous l'avons résolu. Ou comment l'espace et le mouvement vertical permettent de réinventer, ou plutôt de valoriser l'eau chaude.
La maladie des taches lenticellaires, essentiellement due à Phlyctema vagabunda (ou « Gloeosporium ») est le principal problème durant la conservation des pommes dans la plupart des zones de production en France. Cette maladie est également présente dans tous les pays européens du nord. Elle semble moins fréquente en revanche dans les pays méditerranéens comme l'Italie et l'Espagne.
La thermothérapie a montré son efficacité depuis de nombreuses années pour combattre cette maladie. Cette technique est aussi efficace sur les Phytophthora spp. et les Monilia spp. En revanche l'effet sur les Penicillium spp. est pratiquement inexistant. Il semble aussi que son effet sur le Cylindrocarpon mali soit insuffisant. L'efficacité sur le Colletotrichum acutatum n'est pas encore connue.
Il faut noter aussi que la thermothérapie présente une excellente efficacité pour combattre le scald ou échaudure précoce, maladie physiologique.
Surfaces de contact, là est la question
La thermothérapie consiste à plonger les pommes, plus précisément les palox contenant les pommes, dans une eau chaude à température précisément contrôlée pendant un temps lui aussi précisément contrôlé. On utilise en général une température proche de 50 °C durant un temps de traitement de 2 à 3 mn.
Altérations possibles
Cependant certaines variétés comme la Golden Delicious peuvent, à 50 °C, présenter des altérations comme un léger changement de couleur (Bompeix et Coureau, 2008).
Une tache claire apparaît alors au niveau des surfaces de contact. Même s'il ne s'agit pas d'un défaut d'efficacité anti-parasitaire, cela pose un problème de présentation (photo en bas de page) qui déprécie les fruits à la vente. Dans ces conditions, il est nécessaire d'abaisser la température à 48 °C. Dans ce cas, les nombreuses variétés de pommes traitées ne présentent pas de dommages (Bompeix et Coureau, loc. cit.).
Dans le cas du scald, les surfaces de contact peuvent présenter les symptômes de la maladie, et ceci à 50 °C comme à 48 °C.
Agitation nécessaire
Les problèmes de surfaces de contact sont liés au fait que les palox sont complètement remplis, ce qui fait que lorsque les grilles des appareils à immersion sont posées au sommet, les fruits sont immobilisés : ils ne changent pas de position pendant la durée du traitement. De ce fait, l'eau chaude circule plus difficilement et tous les fruits ne reçoivent pas exactement le même traitement thermique.
Le traitement des taches lenticellaires peut s'accommoder de ce système, mais seulement en cas d'absence de symptôme visible sur les surfaces de contact. Mais il n'en est pas de même pour le scald (cf. supra). Ce dernier point interdirait l'usage de la thermothérapie dans ce cas.
Pour remédier à cette situation, il faut que les pommes puissent changer de position durant le traitement.
Autrement dit une agitation bien conduite doit permettre d'éviter l'existence de zones de contact non traitées.
Évaluation de la mobilité des fruits
Principe du test préliminaire
Nous avons mené une expérience préliminaire consistant à « mimer » sur des petits lots de pommes les effets de différents types d'agitation. En effet, si l'on place des pommes dans l'eau en les laissant flotter librement, on constate qu'elles prennent une position privilégiée dépendant de leur conformation. Prenons l'exemple des pommes Starking : elles flottent dans l'eau dans deux positions privilégiées, soit horizontalement, soit le pédoncule en haut.
Si on dispose tous les fruits avec l'œil en haut au début du test, avant de les plonger dans l'eau (Figure 1), on peut ensuite vérifier si et comment ils ont changé de position à la fin.
Pommes serrées, pas de mobilité
Nous avons utilisé une cage en plastique de la hauteur intérieure d'un palox mais d'un volume de 1/20 de m3. Elle permet de contenir environ 150 pommes Starking. Celles-ci sont toutes, une à une, placées œil au-dessus, jusqu'au sommet de la cage. Une grille est ensuite placée directement sur les fruits, et les maintient pendant leur immersion dans l'eau. Durant cette immersion, une agitation est pratiquée, soit horizontale, soit verticale.
Dans ces conditions, aucune agitation ne permet un mouvement des fruits. Les pommes Starking sont retrouvées œil en haut à tous les niveaux de la cage (Figure 1, gauche).
Cette situation est analogue à celle rencontrée en pratique dans les palox s'il n'y a pas d'espace entre les fruits et la grille.
Espace libre, mobilité pour certaines agitations, pas toutes
Si maintenant nous enlevons une partie des fruits de façon à ménager un espace libre entre la grille et les fruits, nous obtenons des résultats différents. Cela dépend de la place ménagée (Tableau 1) mais aussi du type d'agitation. En effet, l'agitation horizontale se montre de peu d'effet. En revanche l'agitation verticale permet d'obtenir un changement de position de la quasi totalité des fruits (Figure 1, droite).
Dans cette expérimentation préliminaire, l'amplitude de l'agitation était de 20 cm et le temps est de 1 s pour la descente, 1 s pour la remontée. Nous avons établi qu'une certaine rapidité est importante car si le mouvement est trop lent, les pommes ne changent pas de position. Sachant qu'une pomme peut parcourir de 30 à 35 cm en 1 seconde, le mouvement d'agitation de la cage (ou du palox) doit s'approcher de cette valeur.
Expérimentation avec la machine Xeda
Nous avons expérimenté une nouvelle machine Xeda à agitation verticale, comportant une cuve dans laquelle sont plongés les palox contenant les pommes à traiter et les appareillages d'agitation verticale et de contrôle de la température de l'eau (photo ci-dessus). La cuve peut contenir 3,5 m3 d'eau (sur une hauteur de 1 m).
La cage en plastique déjà utilisée précédemment est fixée dans un palox et remplie de pommes toutes orientées œil en dessus de bas en haut. Le reste du palox est rempli de pommes mais seule la couche supérieure est orientée l'œil vers le haut. La machine est réglée sur un maximum possible de 9 agitations réparties sur 2 mn 30 s. Chaque temps d'agitation est programmé à 2 s, ce qui permet un parcours du palox de 25 cm (Figure 2).
De l'espace = bons résultats
Comme dans l'expérimentation précédente, s'il n'y a que peu ou pas d'espace entre la grille et les fruits, il n'y a pas de mouvement suffisant et les pommes n'ont pas changé de position. Mais avec un espace libre ménagé entre les fruits et la grille, les résultats sont identiques à ceux de la première expérimentation. Même les pommes de surface en dehors de la cage plastique ont elles aussi changé de position (photo non montrée, disponible auprès des auteurs).
Dans la phase d'immersion du palox et dans les phases de remontée de chaque cycle d'agitation, les pommes flottent transitoirement. Elles sont alors indépendantes les unes des autres et peuvent bouger. Quand les palox atteignent le point bas de l'agitation, elles remontent et se rassemblent en haut du palox.
La descente du palox maintient cette position. Au cours de chaque cycle, c'est lors de la remontée du palox que les pommes sont en situation de suspension dans l'eau (F) et peuvent être mobiles (Figure 3).
Brûlures pour vérifier
Nous avons réalisé un test complémentaire afin de vérifier l'obtention d'une mobilité suffisante et d'une répartition homogène de la chaleur de l'eau à la surface des fruits. Pour cela, nous avons appliqué une température phytotoxique de 60 °C durant 2 mn 30 s. Une telle opération aboutit à l'obtention de brûlures généralisées visibles quelques heures plus tard.
Il s'agit bien entendu d'une modalité expérimentale et peu recommandable dans la pratique. Au passage, soulignons l'importance du bon réglage de la température donc d'une machine fiable, puisqu'un traitement à 60°C durant 2 mn 30 s agresse les pommes alors qu'un traitement à 48 °C ou 50 °C appliqué sur la même durée les protège !
Dans le cas d'une absence d'agitation mais aussi dans celui d'une agitation de palox complètement remplis (pas ou peu d'espace libre), on obtient des pommes de couleur marron foncé (brûlures) mais avec des surfaces de contact claires (photo disponible auprès des auteurs). Cela montre que ces surfaces n'ont pas été soumises aux mêmes conditions de chaleur que le reste de l'épiderme des pommes.
Si la même opération est réalisée avec un espace libre de 15 cm et dans les conditions déjà citées, les pommes sont uniformément brunes. Ceci témoigne de la bonne distribution du traitement thermique sur toute la surface de chaque fruit (photo disponible auprès des auteurs).
Machines à disposition
À la suite de l'expérimentation décrite ci-dessus, les machines mises prochainement à disposition des arboriculteurs seront munies, en plus de l'agitation verticale, d'un dispositif éloignant légèrement la grille de maintien des fruits du palox. Ceci assure un traitement homogène des surfaces traitées.
Remerciements : Nous remercions M. Sardo Stefano (pour la construction de l'appareil), M. Seguy, M. Lagasse et M. Soulat pour l'aide apportée par la Stanor dans la réalisation de cette expérimentation.
<p>* Université Pierre-et-Marie-Curie - Physiologie cellulaire et moléculaire des plantes, Place Jussieu - 75005 Paris.</p> <p>** Xeda International, Zone artisanale La Crau 13670 Saint-Andiol.</p>
Figure 1 - Schéma du principe de l'expérimentation sur l'évaluation de la mobilité (cage plastique et cuve expérimentale).