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dossier - Matériel végétal

Inscription des variétés, une réglementation en évolution permanente

Christian Leclerc* - Phytoma - n°631 - février 2010 - page 16

Explications et exemples pour la comprendre, y compris ses relations avec la santé végétale
 photos GEVES et P. Dubois

photos GEVES et P. Dubois

Parcelles d'essais variétaux de blé. Ils évaluent depuis longtemps la résistance aux principales maladies en l'absence de traitement dans des itinéraires techniques classiques, et bientôt dans des itinéraires « bas niveau d'intrants ». ph. GEVES et P. Dubois

Parcelles d'essais variétaux de blé. Ils évaluent depuis longtemps la résistance aux principales maladies en l'absence de traitement dans des itinéraires techniques classiques, et bientôt dans des itinéraires « bas niveau d'intrants ». ph. GEVES et P. Dubois

Notations sur maïs, notamment fusariose sur épi. Avec le changement climatique, la pression de pyrale donc de ces fusarioses risque d'augmenter. ph. GEVES et P. Dubois

Notations sur maïs, notamment fusariose sur épi. Avec le changement climatique, la pression de pyrale donc de ces fusarioses risque d'augmenter. ph. GEVES et P. Dubois

Notation de lin. Pour les variétés à fibres, la résistance à la verse et à la fusariose sont déjà des critères de sélection. Actuellement, des travaux sont en cours pour optimiser le réseau d'évaluation de cette espèce et adapter les règles de décisions au contexte actuel. ph. GEVES et P. Dubois

Notation de lin. Pour les variétés à fibres, la résistance à la verse et à la fusariose sont déjà des critères de sélection. Actuellement, des travaux sont en cours pour optimiser le réseau d'évaluation de cette espèce et adapter les règles de décisions au contexte actuel. ph. GEVES et P. Dubois

On sait que les produits phytopharmaceutiques doivent avoir une AMM, ou « autorisation de mise sur le marché ». Mais qu'en est-il du matériel végétal, autrement dit les semences et plants ? Leur commercialisation aussi suit des règles. Lesquelles peuvent concerner la santé végétale. Il existe deux réglementations : la « réglementation catalogue » qui régit l'inscription au catalogue et permet qu'une variété soit « inscrite » ; la « réglementation certification » qui permet de certifier que les plants et semences des variétés inscrites ont certaines caractéristiques. Explications et exemples concrets sur la réglementation « catalogue », pour savoir ce que signifient CTPS, GEVES, DHS, VAT, et leurs rapports avec la santé végétale.

En règle générale, pour qu'une nouvelle variété puisse être commercialisée en France, elle doit être inscrite au Catalogue Officiel français des espèces et variétés(1) et ses semences ou plants proposés à la vente doivent être certifiés.

Les plantes agricoles et potagères et la vigne entrent dans le champ des deux réglementations « Catalogue » et « Certification », traduction française de 12 directives européennes piliers de la législation communautaire sur la commercialisation des semences et plants.

Pour les arbres fruitiers, il existe un catalogue national mais pas communautaire, et il n'y a aucun catalogue des plantes ornementales. Mais dans ces deux cas, deux directives sur la multiplication des plants sont à la base de la réglementation « Certification » française.

Objectifs et conditions d'inscription clairement définis

La réglementation « Catalogue » garantit à l'utilisateur que la variété qu'il choisit est parfaitement identifiable donc distincte de toute autre variété déjà inscrite au Catalogue Officiel, et qu'elle possède une valeur culturale et d'utilisation suffisante. La réglementation « Certification » lui garantit que les semences ou plants qu'il achète sont bien ceux de la variété choisie avec un minimum garanti de pureté variétale, et répondent à des normes technologiques et éventuellement sanitaires.

Études DHS : une variété doit être distincte, homogène et stable

De par les directives européennes, chaque État membre organise les études techniques conduisant à l'inscription de la variété et à la certification de ses semences ou plants.

Pour être inscrite au Catalogue national, une nouvelle variété doit remplir trois conditions. Elle doit être distincte (D) des variétés déjà inscrites, homogène (H) et stable (S) c'est-à-dire garder ses caractéristiques phénotypiques de génération en génération.

Les études de DHS sont obligatoires quelle que soit l'espèce et harmonisées au niveau européen et mondial respectivement au sein de l'OCVV(2) et de l'UPOV(3). Elles permettent de répondre aux conditions d'inscription au Catalogue de la nouvelle variété et servent de référence dans le processus de multiplication conduisant à la certification des semences ou plants vendus à l'utilisateur.

Évaluation VAT

Pour les espèces agricoles, chaque nouvelle variété doit également posséder une valeur culturale et d'utilisation suffisante. Pour l'évaluer, on réalise des études de « valeur agronomique et technologique » (VAT).

Les études VAT servent à comparer les variétés candidates à celles les plus utilisées du moment, tant au niveau agronomique qu'à celui de la qualité des produits qui en sont issus. Elles reposent sur un réseau national d'expérimentation couvrant toutes les régions de production, à raison de 10 à 20 lieux d'essais pendant 2 à 3 ans et conformément à des protocoles généraux et spécifiques aux espèces concernées.

Les principales caractéristiques étudiées sont le rendement mais aussi l'adaptation aux conditions de milieu et la résistance aux bioagresseurs et enfin les aptitudes à la transformation alimentaire et industrielle des produits issus de ces variétés. Les variétés candidates présentant une VAT insuffisante ou un défaut majeur sont refusées.

Seules 20 à 30 % des 900 à 1 000 variétés agricoles candidates étudiées par an satisfont aux études VAT. Elles sont proposées à l'inscription au Catalogue si elles satisfont également aux études DHS.

Pré et post inscription en continuum

Vient ensuite l'évaluation de post inscription. Elle est réalisée par les acteurs économiques de la filière concernée : obtenteurs, instituts techniques, chambres d'agriculture, coopératives, négociants, groupements techniques d'agriculteurs, fédérations et syndicats de transformateurs...

Les études VAT de post inscription permettent d'évaluer plus précisément les caractéristiques propres de chaque variété et son positionnement agronomique et technologique par rapport à l'assortiment variétal des Catalogues français et communautaire. Ce dernier accueille des variétés manquant parfois de références techniques obtenues en France.

En créant le Catalogue officiel français, en 1932, et le Catalogue communautaire, en 1970, le législateur a défini les conditions réglementaires à la création variétale, à sa diffusion auprès des agriculteurs et à son harmonisation communautaire. La traduction technique de ces conditions passe par les études DHS et VAT.

Réglementation nationale et législation européenne

En France, chaque nouvelle variété est inscrite par décision du Ministère chargé de l'Agriculture publiée au Journal officiel (JORF). Le ministère s'appuie sur les avis d'un comité consultatif, le Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS), émis sur la base des résultats des études DHS et VAT conduites par le GEVES (Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences).

Le CTPS a des missions régaliennes : gestion du Catalogue, élaboration, proposition et mise en application des règlements techniques d'inscription, production, contrôle et certification variétale et sanitaire des semences et plants.

Il a aussi un rôle de conseil auprès du ministère. Selon le décret n° 2009-676 du 12 juin 2009 (publié au JORF le 13 juin dans le cadre du renouvellement du CTPS ; auparavant il y avait le décret n° 93-46 du 14 janvier 1993) :

« Art. D. 661-1. - Le CTPS assure (...) une mission de conseil et d'appui technique (...). Il est chargé d'étudier les problèmes scientifiques posés par la sélection et la production des semences et leurs répercussions techniques ou économiques sur l'agriculture. »

« Art. D 661-2. - Le CTPS étudie et propose (...) des programmes de développement de la sélection végétale et de la filière de production et de commercialisation des semences et plants.

Le CTPS accompagne et oriente le progrès génétique

Le CTPS comprend un Comité plénier constitué à parité de représentants des pouvoirs publics et de professionnels concernés par les variétés, semences et plants, dont une part significative de représentants des utilisateurs. 14 sections spécialisées font des propositions concernant leurs espèces. Près de 800 experts scientifiques et techniques répartis dans ces 14 sections analysent les résultats obtenus dans les essais et réseaux conduits et/ou contrôlés par le GEVES. Ce dernier assure le secrétariat du CTPS. Chaque année, 1 200 variétés sont étudiées en DHS et VAT et plus de 1 300 essais VAT sont réalisés en France.

Le CTPS accompagne et oriente le progrès génétique. Il fait évoluer ses règlements techniques en fonction de la capacité de la sélection à répondre plus ou moins vite aux nouveaux besoins des utilisateurs, mais aussi en fonction d'orientations prioritaires pour répondre à de nouveaux besoins techniques, économiques, environnementaux ou sociétaux. Le CTPS comprend également un Comité scientifique. Il donne ses avis et recommandations sur les acquis scientifiques les plus récents pouvant avoir un impact ou des applications dans la sélection et la production de semences, ainsi que dans les règlements techniques d'inscription et de certification, au niveau tant national que communautaire. Cette expertise scientifique du CTPS en fait une force importante dans les échanges et négociations nationales ou internationales. L'évaluation des variétés sur la base de données mesurées en application de règlements techniques fondés sur des connaissances scientifiques ou techniques reconnues permet à l'état de répondre à ses obligations réglementaires et à ses engagements vis-à-vis de la société.

Cohérence avec Ecophyto 2018

Grâce à une collaboration étroite avec les services du ministère chargé de l'Agriculture, le CTPS participe à la rédaction des textes nationaux adaptant les directives communautaires, mais aussi aux réflexions et propositions françaises visant à faire évoluer ces textes européens.

Au niveau national, les orientations des règlements techniques d'inscription, par exemple en matière de productivité et de résistance aux bioagresseurs, renforcent depuis des années l'obtention de variétés contribuant à la durabilité des modes de production et à la protection de l'environnement.

Les orientations nationales définies par le Grenelle de l'environnement et le plan Ecophyto 2018 sont intégrées dans les réflexions du CTPS pour amplifier les efforts déjà accomplis.

Interaction européenne

Au plan communautaire, les travaux entrepris par la Commission européenne pour adapter les directives au contexte économique et sociétal font aujourd'hui l'objet d'enquêtes et propositions auprès des états membres. Le CTPS y contribue au niveau des objectifs et à celui des impacts réglementaires et techniques. Les études VAT sont concernées par ces travaux qui auront à terme un effet sur les orientations de chaque état-membre en matière d'évaluation du progrès génétique.

La réglementation française, levier du progrès génétique, va au-delà de la réglementation européenne pour les exigences vis-à-vis de la VAT : il est important pour le CTPS d'évaluer l'impact de chaque orientation nouvelle de son système d'inscription par rapport aux systèmes des autres états membres.

Le Catalogue communautaire est en effet la somme des catalogues nationaux élaborés par chacun des états membres de l'Union selon des règlements respectant la législation européenne.

En DHS, l'harmonisation et l'adoption des principes directeurs de l'UPOV et de l'OCVV a un effet sur le Catalogue : les états membres respectent les mêmes protocoles pour réaliser les études. Mais les Directives européennes laissent une large place à l'interprétation quant aux critères à retenir en VAT, et chaque état membre a ses propres méthodes d'évaluation. Cette diversité est justifiable pour les critères spécifiques à certaines espèces dans certains pays mais peut avoir des effets pervers.

La mission du CTPS d'accompagnement et d'orientation du progrès génétique prend tout son sens dans cet environnement économique et réglementaire en évolution permanente. Le CTPS intègre ces évolutions et les traduit en propositions d'évolution des règlements techniques et des protocoles VAT.

Inscription des variétés : une évolution permanente de l'évaluation VAT

Dans les années 1950-1960, l'objectif du Catalogue était que les nouvelles variétés relèvent les défis de l'après guerre : améliorer la productivité de l'agriculture française et assurer la sécurité alimentaire du pays.

La mise en place de la législation européenne en 1970 a réaffirmé cet objectif en y intégrant l'amélioration de la compétitivité des filières dans un marché commun ouvert.

Les années 1980 ont vu le développement de nouvelles espèces et débouchés.

Depuis plus de 10 ans, la recherche de variétés répondant aux besoins d'une agriculture respectueuse de l'environnement se développe, tout en conservant les objectifs de rentabilité, pérennité et efficacité économique.

Règlement technique, levier du progrès génétique : favoriser l'innovation variétale

Les règlements techniques définissant les règles d'inscription des variétés et les protocoles d'expérimentation VAT (méthodologie à mettre en œuvre) ont toujours accompagné, parfois anticipé, l'évolution permanente des besoins. Ils continuent à le faire aujourd'hui. Aux critères de rendement et à ses facteurs de régularité comme la résistance à la verse ou aux maladies se sont ajoutés les critères de qualité technologique.

Les objectifs du Grenelle de l'environnement et du plan écophyto 2018 sont déjà pris en compte dans l'adaptation en cours des protocoles et des règlements du CTPS.

Les céréales à paille ont été les premières espèces de grandes cultures à intégrer ces critères.

Blé tendre, maladies et « bas niveau d'intrants »

En blé tendre, la résistance des variétés aux diverses races de rouilles, à la septoriose, à la fusariose, à la carie et au piétin verse est évaluée dans des essais en contamination artificielle et dans les réseaux d'essais d'évaluation du rendement. Des bonus/malus sont intégrés dans les règles de décision.

Les essais de rendement sont conduits depuis des années selon deux modalités : conduite en conditions normales de culture de la région et conduite sans traitement fongicide permettant aux maladies de s'exprimer. Le plus petit écart entre les deux modalités permet de valoriser les variétés ayant la meilleure tolérance aux maladies.

Aujourd'hui, la section « céréales à paille » du CTPS mène une expérimentation en blé tendre pour prendre en compte les conditions de culture à faibles intrants. Une troisième modalité « bas niveau d'intrants » est en cours d'évaluation : diminution de 30 % de la densité de semis et de la dose d'azote, pas de traitement fongicide ni de régulateurs de croissance.

À l'issue de ce travail (moisson 2010), la section se prononcera sur le remplacement ou non de la modalité « non traité » par la modalité « bas niveau d'intrants », a priori plus adaptée à évaluer les nouvelles variétés a priori en situation de réduction d'intrants.

Une variété de blé tendre d'hiver destinée à l'agriculture biologique débute cette année son évaluation dans le réseau classique, y compris pour la modalité « bas niveau d'intrants », et dans un réseau d'essais en agriculture biologique conduit en collaboration avec l'ITAB (Institut technique de l'agriculture biologique).

Orges anti-trouble

L'exemple du blé tendre n'est pas unique. En orge de brasserie, l'inscription il y a quelques années d'une variété à faible teneur en lypoxygénase, composant à l'origine du trouble dans la bière, a permis d'ouvrir une nouvelle rubrique au Catalogue officiel.

Cela permet aujourd'hui d'inscrire plusieurs variétés de ce type répondant aux besoins technologiques des brasseurs.

Betterave et rhizomanie

Au début des années 1980, l'apparition de la rhizomanie dans les champs de betterave sucrière a conduit la section « betterave et chicorée industrielle » du CTPS à lancer une expérimentation et un règlement technique pour orienter la sélection vers des variétés résistantes, seule réponse à cette maladie virale transmise par un champignon du sol et qui cause des pertes allant jusqu'à 90 % du rendement en sucre.

L'inscription de Rizor en 1986 a inauguré la rubrique « variétés résistantes à la rhizomanie » du Catalogue. Actuellement, toutes les variétés développées en France sont résistantes à la rhizomanie. Cela montre comment le CTPS peut orienter le progrès génétique en permettant à une innovation d'entrer au catalogue et d'ouvrir la voie à un nouveau type variétal.

Aujourd'hui, la réponse à d'autres bioagresseurs du sol comme les nématodes ou le rhizoctone brun passe aussi par l'innovation variétale et des rubriques au Catalogue. De plus la section « betterave et chicorée industrielle » réfléchit à orienter le progrès génétique vers des variétés résistantes aux maladies du feuillage ou utilisant moins d'azote.

Colza : rendement, phoma, qualité

L'évolution des règles d'inscription en colza est également exemplaire. Face à une demande croissante en huile pour l'alimentation et l'industrie et en protéines pour l'alimentation animale depuis les années 1960, le colza a fait l'objet d'investissements importants en sélection pour proposer de nouvelles variétés et de nouveaux types variétaux.

Les associations variétales (« composant hybride lignée » ou CHL) apparues à partir de 1994 ont permis d'accroître le rendement de 2 q/ha par rapport aux lignées traditionnelles. Les hybrides ont suivi à la fin des années 1990.

Aujourd'hui, lignées, CHL et hybrides font l'objet d'efforts de sélection permettant d'offrir à l'agriculteur des variétés pouvant atteindre 50 q/ha pour un colza économiquement rentable tout en jouant un rôle majeur dans la rotation.

Le colza a fait également l'objet d'une amélioration significative de sa résistance aux maladies comme le phoma qui peut entraîner des pertes de plusieurs quintaux par hectare. Face à une lutte chimique imparfaite, le CTPS a intégré dès 1986 un seuil éliminatoire des variétés les plus sensibles pour encourager la création de variétés plus résistantes. Des variétés plus tolérantes sont apparues. à partir de 1995, des bonifications ont été accordées aux variétés résistantes pour compenser un rendement inférieur aux témoins.

Aux critères de productivité et de résistance aux maladies se sont ajoutés des critères de qualité de la graine : teneur élevée en huile et en protéines, absence d'acide érucique puis de glucosinolates à partir de 1986. La teneur en acides gras insaturés a également été favorisée dans les cotations des variétés pour répondre aux demandes des consommateurs.

Tournesol, maïs, sorgho, lin, pois, fourragères, potagères...

On peut multiplier les exemples : résistance au mildiou, au phomopsis et au sclérotinia du capitule du tournesol, tolérance à la pyrale et à la fusariose du maïs, conduite classique et limitante du sorgho grain (pas d'irrigation, densité et dose d'azote plus faibles), résistance à la verse et à la fusariose du lin à fibre, résistance au froid et aux maladies du pois protéagineux, résistance aux maladies foliaires et composition biochimique des fourragères pérennes...

En espèces potagères pour lesquelles il n'y a pas de VAT, l'utilisation de critères liés aux maladies dans les épreuves DHS permet une amélioration significative du niveau de résistance des nouvelles variétés inscrites au Catalogue.

Ces exemples montrent que l'inscription des variétés n'est pas une fin en soi mais un outil qui a permis et permet encore au législateur et au ministère chargé de l'Agriculture de favoriser l'innovation variétale et de mettre à disposition dès que possible les variétés répondant aux défis stratégiques et technico-économiques qui se présentent.

Ils montrent aussi que les règles de décision pour l'inscription doivent tenir compte du rythme et des capacités de la sélection végétale qui travaille sur du matériel vivant avec son rythme biologique. On ne peut pas demander « tout » tout de suite ou modifier trop brutalement les règles de décision au risque de « sevrer » le catalogue officiel français et favoriser l'inscription moins exigeante dans d'autres catalogues nationaux de l'Union européenne.

Inscription des variétés : de nouveaux défis à relever

On a vu que le CTPS n'a pas attendu le Grenelle de l'environnement pour intégrer dans ses règlements techniques des dispositions en matière de résistance aux bioagresseurs ou d'adaptation à des itinéraires techniques limitant les intrants (fongicides, azote, eau).

Ce qui change après le Grenelle et avec le plan Ecophyto 2018, ce sont de nouveaux défis à relever face au changement climatique et aux nouvelles demandes des utilisateurs et de la société en matière d'environnement, de santé et de biodiversité.

Le contexte de l'agriculture change et l'amélioration génétique doit pouvoir répondre à ces défis au même titre que l'agronomie, les systèmes de cultures et la gestion des ressources génétiques.

Rien n'est jamais acquis, tout se gagne en marchant : le cas du maïs

Prenons le cas du maïs : les variétés d'aujourd'hui valorisent mieux l'eau et sont moins sensibles aux stress que les anciennes. Elles sont moins sensibles à la verse en végétation et à la récolte et jusqu'à maintenant peu sensibles aux maladies. Le CTPS les évalue aujourd'hui pour leur tolérance à la fusariose.

Mais le réchauffement climatique modifie l'environnement : de nouveaux insectes apparaissent, d'autres deviennent plus virulents ou étendent leur zone de présence.

La pyrale du maïs, malgré les variétés tolérantes et la lutte biologique, progresse sur tout le territoire et ses dégâts sur épis favorisent la fusariose donc la présence de mycotoxines. Le développement des noctuelles ou l'apparition de la chrysomèle risquent d'avoir un impact sur le niveau et la qualité de la récolte. La réduction des produits phytosanitaires doit permettre de réduire les effets des pesticides sur l'environnement mais la suppression de certains insecticides crée momentanément une impasse technique fragilisant la production faute de solutions variétales ou agronomiques disponibles.

Cet exemple indique qu'il faut conserver les acquis et que rien n'est définitivement gagné même en amélioration des plantes. Et aussi combien les connaissances et compétences acquises sont indispensables pour relever les nouveaux défis.

Ignorer cette évidence, c'est compromettre les chances de la création variétale d'atteindre les nouveaux objectifs définis sans abandonner ceux de productivité et de pérennité économique des exploitations agricoles et des filières.

Orienter le progrès génétique vers de nouveaux objectifs de développement

Depuis deux ans, le Comité plénier et les sections du CTPS ont entrepris d'analyser les acquis de leurs règlements techniques et les évolutions possibles pour répondre à ces nouveaux défis. Ils ont identifié des axes de développement communs.

Il s'agit notamment :

– d'introduire de nouveaux facteurs définissant les itinéraires techniques des réseaux d'expérimentation et la variabilité de leurs niveaux,

– d'améliorer l'analyse de l'interaction génotype-milieu par une meilleure connaissance de ces milieux et la définition de nouveaux indicateurs,

– de diversifier les situations d'expérimentation pour permettre à la diversité des variétés proposées d'exprimer leur comportement spécifique adapté à chaque contexte,

– de renforcer les critères de résistance ou de tolérance aux bioagresseurs,

– de développer des études méthodologiques et d'impact pour améliorer la connaissance des variétés et conforter le continuum inscription/ post inscription,

– de développer les réseaux d'expérimentation à l'échelle européenne pour valoriser l'approche française et maintenir la cohérence de jugement des variétés au niveau communautaire,

– de renforcer la communication sur les règlements et protocoles utilisés et les résultats obtenus, en particulier par l'exploitation de l'interaction génotype-milieu et par la définition de profils de résistances en privilégiant les plus durables.

Ces axes font déjà l'objet de travaux, expérimentations et programmes de recherche & développement subventionnés par le ministère chargé de l'Agriculture et suivis par le Comité scientifique du CTPS. L'objectif est d'appliquer dans les règlements techniques et protocoles du CTPS les acquis de ces travaux pour orienter le progrès génétique vers de nouvelles variétés répondant aux nouveaux défis.

Dispositifs expérimentaux adaptés ou nouveaux : blé, colza, maïs, sorgho, gazon...

L'expérimentation en blé tendre déjà citée avec la modalité « bas niveau d'intrants » est un exemple de ce travail d'adaptation des dispositifs et des règles de décision qui en découlent. Elle est conduite en collaboration avec l'équipe agronomique de l'INRA de Grignon et Arvalis-Institut du Végétal.

Un projet colza est en cours en collaboration avec l'INRA et le CETIOM pour qualifier la diversité des lieux et itinéraires techniques du réseau CTPS, la comparer à celle chez les agriculteurs et mieux décrire le comportement des variétés de colza proposées à l'inscription en fonction des itinéraires techniques pratiqués.

En maïs, des travaux sont en cours avec l'INRA et Arvalis-Institut du végétal pour définir de nouveaux indicateurs de l'environnement agronomique du réseau CTPS dans un objectif de décrire plus précisément le comportement des variétés inscrites en continuum avec la post inscription.

En sorgho, l'apparition de nouveaux types variétaux destinés à la production de fourrage ou à la biomasse à fins énergétiques a conduit le CTPS à lancer une expérimentation pour adapter les protocoles VAT et les règles d'inscription à ces nouveaux débouchés, tout en garantissant à l'agriculteur un niveau agronomique suffisant des nouvelles variétés.

En gazon, le réseau en place identifie aujourd'hui quatre zones climatiques comportant des lieux dans d'autres pays européens.

Lin, tournesol, soja, pomme de terre, cultures potagères, cultures fruitières, vigne...

D'autres espèces (lin, tournesol, soja, pomme de terre) font aujourd'hui l'objet de travaux méthodologiques pour optimiser leurs réseaux d'évaluation et adapter leurs règles de décisions aux nouveaux enjeux.

Pour les espèces potagères ou fruitières, il n'y a pas d'études VAT mais on étudie la possibilité d'utiliser les informations issues des études DHS pour mieux caractériser les variétés résistantes aux bioagresseurs.

En arbres fruitiers, ces informations peuvent servir à l'évaluation agronomique du comportement variétal dans le réseau de la Charte variétale coordonné par le Ctifl (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes). Ce réseau aux conditions contrastées permet l'étude agronomique des variétés récentes.

Des réflexions sont en cours entre sections du CTPS pour partager les approches. C'est le cas des sections « arbres fruitiers » et « vigne » sur la recherche de variétés plus résistantes aux maladies donc dépendant moins des fongicides.

Ces approches spécifiques coordonnées par le Comité Plénier permettent au CTPS de poursuivre sa mission de service public en proposant et en mettant en œuvre les évolutions réglementaires nécessaires à l'obtention de nouvelles variétés relevant les défis d'aujourd'hui.

Evolution permanente sans « révolution »

Ces exemples montrent que le CTPS et toutes ses composantes sont à l'écoute permanente des besoins d'hier, aujourd'hui et demain.

Les connaissances scientifiques et techniques, l'expertise et la compétence des experts intervenant dans les comités, commissions et groupes de travail sont la garantie d'une réglementation au service de l'agriculture et adaptée aux contraintes du moment.

À chaque fois, chaque section CTPS a entendu voire anticipé les demandes des utilisateurs en faisant évoluer ses règles de décisions pour permettre aux innovations variétales d'accéder au Catalogue tout en veillant à la poursuite du progrès génétique sur les autres critères.

À chaque fois, chaque section CTPS a veillé à l'évolution et non « révolution » de ses règles de décision afin de rester en adéquation avec les capacités d'innovation de la sélection.

Exiger l'impossible tue l'innovation. C'est l'évolution des besoins qui implique celle des règles de décision et non l'inverse. Reprocher aux règles d'hier d'être inadaptées aux besoins d'aujourd'hui relève plus du procès d'intention que de l'analyse objective.

Le CTPS a toujours été et restera une instance au service des politiques publiques pour accompagner et orienter le progrès génétique vers de nouvelles demandes. Il recherchera toujours l'adéquation entre les objectifs légitimement exprimés, les compétences et outils scientifiques et techniques disponibles et la capacité des autres états membres à permettre l'accès au Catalogue communautaire d'innovations variétales répondant aux mêmes objectifs.

Il en va de la notoriété et de l'attractivité du Catalogue français en termes d'innovation variétale. Un Catalogue trop restrictif conduirait les nouvelles variétés à fuir vers les autres catalogues nationaux de l'Union européenne et à revenir en culture en France sans les évaluations issues de nos épreuves VAT.

<p>* Secrétaire Général du CTPS, GEVES, Rue Georges-Morel, BP 90024, 49071 Beaucouzé Cedex. Correspondance : christian.leclerc@geves.fr</p> <p>(1) ou bien au Catalogue européen, pour les espèces pour lesquelles un tel Catalogue existe.</p> <p>(2) Office communautaire des variétés végétales.</p> <p>(3) Union internationale pour la protection des obtentions végétales.</p>

Etudes DHS : explication de sigle

 ph. GEVES et P. Dubois

ph. GEVES et P. Dubois

Les études de distinction (D) permettent de disposer d'une description officielle de la variété sur la base de caractéristiques phénotypiques propres. Cette « carte d'identité » est indispensable pour comparer la variété avec les autres (actuelles et futures) et pour contrôler son identité durant les processus de multiplication voire de production.

L'homogénéité (H) permet de statuer sur la distinction à partir d'une description homogène de l'ensemble des plantes de la variété. Une homogénéité insuffisante d'une variété rendrait difficile sa distinction avec les autres. Le niveau d'homogénéité requis tient compte du mode de reproduction de chaque espèce et de sa structure variétale. Pour les annuelles à graines, tous les individus doivent avoir le même génotype mais chez les fourragères on accepte une diversité intravariétale : celle des variétés candidates doit être voisine de celle des variétés déjà inscrites.

L'homogénéité est aussi gage de stabilité (S) de la variété au cours des générations de multiplication. Le manque d'homogénéité d'une variété pourrait en effet empêcher de l'identifier à l'issue du processus de multiplication : l'accroissement de la proportion de plantes différentes rendrait difficile voire impossible le contrôle de son identité.

Résumé

En matière de variétés végétales, les réglementations « Catalogue » et « Certification » de chaque état membre de l'Union Européenne reposent sur 12 Directives européennes. Ces réglementations visent à garantir à l'utilisateur que la variété qu'il a choisie est bien identifiable donc distincte de toute autre variété déjà inscrite (études DHS), qu'elle possède une valeur culturale et d'utilisation suffisante (études VAT) et que les semences ou plants qu'il achète sont bien ceux de la variété choisie (Contrôle et Certification).

La réglementation « Catalogue » repose sur deux types d'études : les études DHS obligatoires et harmonisées aux niveaux communautaire et mondial, et les études VAT pouvant différer d'un état à l'autre.

En France, l'inscription d'une nouvelle variété au Catalogue Officiel relève d'une décision du Ministère chargé de l'Agriculture s'appuyant sur les avis du CTPS, avis émis sur la base des études techniques DHS et VAT conduites par le GEVES.

Au delà de la gestion du Catalogue, le CTPS accompagne et oriente le progrès génétique en recherchant la meilleure adéquation entre les objectifs des utilisateurs et de la société civile, les capacités scientifiques et techniques des créateurs de variétés et l'attractivité des autres états membres en termes d'accès d'innovations variétales au Catalogue Communautaire.

Depuis les années 60, la création variétale participe activement aux objectifs politiques définis : améliorer la productivité de l'agriculture française, assurer la sécurité alimentaire du pays, développer la compétitivité des filières dans un marché ouvert, proposer de nouvelles espèces ou débouchés et répondre aujourd'hui aux nouveaux défis : environnement, santé et maintien de la biodiversité. A l'aide d'exemples, cet article illustre comment le CTPS a intégré chaque évolution et comment il intègre les objectifs liés à l'environnement tout en conservant ceux de rentabilité, pérennité et efficacité économique de l'agriculture française et de ses filières. Une évolution permanente sans révolution.

Mots-clés : inscription des variétés, CTPS, GEVES, DHS, VAT, harmonisation et interdépendance communautaire, accompagnement et orientation du progrès génétique, productivité, rentabilité, pérennité et durabilité, évolution sans révolution.

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