Trois agriculteurs ont témoigné à cette journée. L'un est en grandes cultures, l'autre en arboriculture fruitière (photo en médaillon) et le troisième produit des légumes. Ci-contre une serre de tomates de ce producteur. Le piège chromatique jaune sert à repérer les aleurodes (« mouches blanches »). ph. J.-L. Olivier
« Vers une nouvelle façon d'appréhender et de gérer la santé des plantes », tel était le titre du premier colloque sur la protection intégrée organisé le jeudi 17 décembre 2009 par IBMA France à l'auditorium du Crédit agricole, à Paris. Certes, les bases scientifiques de la protection intégrée ont été posées il y a bien longtemps (la définition remonte à 1977 !), certes des chercheurs et des agronomes n'ont pas cessé d'y travailler (1), et heureusement car ceux qui se lancent dans la protection intégrée aujourd'hui bénéficient des connaissances acquises. Mais aujourd'hui tout le monde semble la (re)découvrir et pour beaucoup c'est bien une « nouvelle façon ». Dans ce cadre les produits dits de bio-contrôle ont un rôle important à jouer.
Pourquoi un colloque sur la protection intégrée ? Deux raisons essentielles ont motivé les organisateurs. La première concerne la parution au Journal officiel de l'Union européenne du 24 novembre 2009 de la directive cadre 2009/128/CE : « Pour une utilisation durable des pesticides », qui rend obligatoires les principes généraux en matière de lutte intégrée dès le 1er janvier 2014 : les États membres devant, avant le 14 décembre 2011, prendre les dispositions législatives nécessaires.
La seconde est en droite ligne du Grenelle de l'environnement et d'Ecophyto 2018 : pour réduire de 50 % l'emploi des pesticides en maintenant la marge brute par hectare, il faut développer très largement la protection intégrée avec l'utilisation des produits de biocontrôle (Encadré). D'où l'implication de l'IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association), l'Association internationale des fabricants de produits de biocontrôle.
Aux origines de la protection intégrée
Comme l'a signalé Bernard Blum, Responsable des relations internationales pour IBMA, « s'il est indispensable de tout mettre en œuvre pour protéger les récoltes afin d'assurer la production et garantir un revenu optimal indispensables aux agriculteurs, il faut également réduire les risques pour l'environnement et la santé publique ». La protection des plantes induit plusieurs catégories de risques. Conclusion, il faut mettre en place une stratégie de protection capable de concilier les trois piliers du développement durable : l'environnement, le social et l'économique.
C'est le pari fait par IBMA avec la vulgarisation de la protection intégrée dont ce colloque est un élément.
Pour Jean-Louis Bernard, de l'Académie d'Agriculture, le concept de protection intégrée n'est pas récent puisque Paul Marchal, en 1940, disait déjà : « Ce n'est que par la combinaison rationnelle des méthodes dans le domaine de la lutte contre les grands ennemis des cultures, qu'on peut espérer le succès. »
Définir cette protection
J.-L. Bernard propose de reprendre la définition de l'OILB-SROP en 1977 : « Une conception de la protection des cultures dont l'application fait intervenir un ensemble de méthodes satisfaisant les exigences à la fois écologiques, économiques et toxicologiques en réservant la priorité à la mise en œuvre délibérée des éléments naturels de limitation et en respectant les seuils de tolérance. »
Il poursuit : « ... Cette orientation conduit à mettre en œuvre de façon chronologique des mesures qui s'appuient prioritairement sur les ressorts naturels de la régulation parasitaire, avant de choisir dans les moyens d'intervention directs les solutions dont l'impact environnemental sera le plus faible possible.
La protection intégrée réunit beaucoup d'atouts en matière d'environnement et de durabilité, sa mise en pratique requiert des agriculteurs un niveau technique plus élevé que celui qui a permis l'évolution des systèmes de culture de 1960 à 1990. La rapidité de son extension sera subordonnée à l'engagement effectif des filières et à un effort soutenu de formation et d'appui technique auprès des producteurs. »
Vergers et champs, les producteurs intègrent le biocontrôle
Pour Daniel Sauvaitre, arboriculteur en Charentes et Président de l'Association nationale pommes poires qui fédère 150 adhérents (Organisations de producteurs, producteurs indépendants, metteurs en marché, stations d'expérimentations), le respect de la charte « production fruitière intégrée » (logo ci-dessus) oblige à l'utilisation d'auxiliaires, à la mise en place de diffuseurs de phéromones, à l'utilisation de micro-organismes, à l'aménagement des parcelles : enherbement, haies... Autant de méthodes complémentaires aux produits phytosanitaires mais rarement 100 % alternatives.
Pour Philippe Martin, céréalier dans le bassin parisien, la pratique des bandes enherbées pour permettre la biodiversité mais aussi la recherche de variétés tolérantes aux maladies et « surtout la surveillance rapprochée des cultures » font partie de son métier d'agriculteur.
Pourquoi en est-il venu à changer ses techniques de production et à utiliser les produits de biocontrôle ? Il fait ce premier constat : les fongicides perdent de l'efficacité, et ensuite il a le sentiment qu'en ayant appliqué des fongicides, les pailles se dégradent moins bien.
Alors... il faut trouver une alternative : c'est ainsi que « depuis 7 ans, j'utilise Iodus à base de laminarine ; c'est un stimulant des défenses naturelles des plantes. Il est homologué, et je remplace la première application fongicide. » Pour lui, il y a ainsi préservation de la biodiversité. Et comme ce stimulateur de défenses « n'est pas toxique, je limite les résidus en mettant moins de fongicides », assure-t-il.
Il conclut en reprenant à son compte un certain slogan : « Le phyto chimique, c'est comme les antibiotiques ce ne doit pas être automatique. » Il est sûr qu'« avec les produits de biocontrôle, dans 10 ans on maîtrisera les insectes et les maladies... » Il émet encore un souhait : « et le désherbage ? »
Sous abris la PBI, protection biologique intégrée
Jean-Luc Olivier est producteur de légumes sous abris en région nantaise. Adhérent au Groupement Océane et membre de Tomates et Concombres de France, il pratique la protection biologique intégrée (PBI) en production de tomates et concombres sous abris. « Tout a commencé fin 1980 avec l'introduction des bourdons pour la pollinisation de la tomate et l'utilisation d'Encarsia formosa contre les aleurodes et de Phytoseiulus persimilis contre l'acarien tétranyque du concombre. Aujourd'hui une dizaine d'espèces d'auxiliaires et de micro-organismes protègent les cultures en remplacement du phytosanitaire. »
La clé de la réussite, précise J.-L. Olivier, « commence par un bon relationnel avec les fournisseurs d'auxiliaires et, avec eux, un gros travail en amont avec les salariés notamment pour pouvoir anticiper la détection de ravageurs. Leur motivation est importante. Nous avons mis en place l'enregistrement des données relevées dans la serre, de la formation a été programmée, avec des stages organisés par le FAFSEA avec des fournisseurs formateurs ». Le secret de cette dynamique : « Ne pas rester chez soi, s'ouvrir aux autres techniques, être dans un groupement de producteurs ou actif dans des organisations professionnelles. »
À la question « reviendriez-vous en arrière », il assure qu'il n'y a « pas de retour en arrière possible : la protection biologique intégrée est un moyen de se distinguer des autres pays concurrents » (Figure 1).
En conclusion il a été rappelé par les organisateurs que ce premier colloque était pour eux le début d'un long travail de vulgarisation. Pour illustrer ce qu'il reste à faire, J.-L. Bernard a clos son intervention d'une citation dont il a le secret : « L'agronome ne doit pas être seulement un chercheur avisé, il faut encore qu'il soit un conseiller écouté ; ses découvertes les plus brillantes ne seront d'aucun profit s'il ne décide pas les cultivateurs à les appliquer. » (Deherain P.-P., de l'Académie d'Agriculture de France, 1898).
<p>* Président d'IBMA France.</p> <p>(1) Voir par exemple Jean Thiault, Henri Milaire ou M. Touzeau en France, les travaux du Ctiflsur fruits et légumes, ceux de l'Inra, le rôle de la Protection des Végétaux avec une ouverture sur les céréales. Sans compter l'« integrated pest control » en anglais dans le texte...</p>
Qu'est-ce qu'un produit de « biocontrôle » ?
Le « biocontrôle » vise à la protection des plantes en privilégiant l'utilisation de mécanismes et d'interactions naturels.
Le principe du biocontrôle est fondé sur la gestion des équilibres des populations d'agresseurs plutôt que sur leur éradication.
Élément essentiel des stratégies de protection intégrée – IPM – qui mettent en œuvre à la fois des produits de biocontrôle, mais aussi des produits conventionnels de protection des plantes et toutes pratiques agronomiques ou culturales permettant une bonne gestion de la biodiversité.
Ils contribuent à la mise en œuvre de l'agriculture productive et durable, et au développement de l'agriculture biologique
Le biocontrôle comprend 4 familles de produits :
– Les macro-organismes : insectes auxiliaires, nématodes, etc.
– Les micro-organismes : champignons, bactéries, virus, etc.
– Les médiateurs chimiques : phéromones, etc.
– Les substances naturelles : végétales, animales ou minérales.