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Paracoccus marginatus, une nouvelle cochenille sur papayer à la Réunion

Jean-François Germain*, Didier Pastou**, Éric Lucas***, Janice Minatchy** et Bruno Hostachy**** - Phytoma - n°633 - avril 2010 - page 9

Dégâts impressionnants sur les cultures
 ph. J.-F. Germain

ph. J.-F. Germain

Ci-dessus, attaque de P. marginatus sur papayer dans l'Ile de La Réunion. En médaillon, femelle adulte. ph. D. Pastou

Ci-dessus, attaque de P. marginatus sur papayer dans l'Ile de La Réunion. En médaillon, femelle adulte. ph. D. Pastou

 ph. B. Hostachy

ph. B. Hostachy

Une nouvelle cochenille farineuse a été identifiée en février dernier sur l'Ile de La Réunion, tout d'abord sur papayer. Nommée Paracoccus marginatus, elle est de fait présente sur ces arbres où elle se montre spectaculaire, mais aussi sur d'autres végétaux fruitiers, ornementaux et maraîchers. Présentation d'un ravageur qui risque fort de se montrer invasif dans l'archipel des Mascareignes(1). Histoire, géographie, description, biologie, nuisibilité et possibilités de lutte... Affaire à suivre.

Une cochenille nouvelle pour la Réunion, Paracoccus marginatus Williams & Granara de Willink (Hemiptera : Coccoidea : Pseudococcidae), la cochenille du papayer, a été trouvée sur l'île infestant Carica papaya (Caricaceae).

C'est le premier signalement de l'espèce dans ce département. Elle fait partie des nombreuses cochenilles qui se répandent actuellement à travers le monde en régions intertropicales, comme la cochenille rose de l'hibiscus (Maconellicoccus hirsutus), la cochenille du manioc (Phenacoccus manihoti), la cochenille du coton (Phenacoccus solenopsis) et la cochenille farineuse du manguier (Rastrococcus invadens).

Histoire : de l'Amérique via le Pacifique, l'Inde...

L'espèce est originaire d'Amérique Centrale, présente du Mexique au Costa-Rica.

Dans les années 90, elle s'est répandue dans toutes les Antilles et jusqu'en Guyane (Matile-Ferrero et al., 2000) ainsi qu'en Floride (Miller et al., 2001). Dans les années 2000, elle est signalée dans le Pacifique puis atteint l'Indonésie et l'Inde (Muniappan et al., 2008).

Pour cet insecte aux capacités de déplacement naturellement assez limitées, la propagation relativement rapide à travers le monde s'explique par le commerce international des fruits et des plantes ornementales. Par ailleurs une introduction par la voie des passagers, notamment pour les DOM, n'est pas à exclure.

2010, répartition géographique sur l'île

En février 2010, P. marginatus a été identifiée sur les papayers se trouvant dans une zone littorale de cultures fruitières et maraîchères du sud-ouest de l'île (commune de l'Étang-Salé). Elle a été observée sur l'ensemble des communes prospectées (Figure 1 page 10). Actuellement la zone sud-ouest reste néanmoins la plus attaquée. Par ailleurs et suite à des observations ponctuelles, la cochenille a également été notée en deux endroits de la zone est.

De nombreux hôtes

Cette cochenille farineuse est polyphage et peut se développer sur plus de vingt familles botaniques parmi lesquelles de nombreuses plantes d'importance économique dans les régions tropicales et sub-tropicales avec entre autres : l'ananas, l'aubergine, l'avocatier, la patate-douce, le poivron et le maïs ainsi que le papayer. Ce dernier est considéré comme un de ses principaux hôtes (Ben-Dov, 2009). Elle est également présente sur des arbustes d'ornement fréquents dans les haies et les jardins (Acalypha sp., Plumeria alba).

Pendant la prospection réalisée en février 2010, l'insecte a été également identifié sur manioc (Manihot esculenta Cranz), manguier (Mangifera indica L.), frangipanier (Plumeria alba F.), hibiscus (Hibiscus sp.) et sur tomate (Lycopersicon esculentum Mill.).

Description

Chez la femelle, l'aspect est celui d'une cochenille farineuse couverte de sécrétion cireuse, jusqu'à 3 mm de long (photo en médaillon p. 9). La marge du corps est cerclée de courts filaments cireux, les filaments caudaux sont nettement plus longs. Le corps de la femelle vivante est foncièrement jaune. Quand elle est morte, elle devient bleu-noir. Dans le genre Paracoccus, P. marginatus est la seule espèce chez laquelle les glandes à collerettes sont limitées à la marge du corps (Williams & Granara de Willink, 1992).

Le mâle ailé mesure environ 1 mm de long, possède une paire d'ailes et des balanciers ; il est dépourvu de pièces buccales.

Biologie

P. marginatus a une reproduction sexuée. Il peut y avoir plusieurs générations par an. Les œufs sont pondus dans un ovisac sous ou dans le prolongement du corps de la femelle. Il est constitué de filaments cireux.

Il y a quatre stades de développement chez la femelle qui est aptère comme toutes les cochenilles farineuses, contre cinq chez le mâle. La durée du cycle en condition contrôlée à 25 °C est en moyenne de 28,4 jours pour les mâles et de 25 jours pour les femelles (Amarasekare et al., 2008).

Dommages et lutte

La fumagine se développant sur le miellat produit par l'insecte finit par couvrir les tiges, rameaux et feuilles réduisant la photosynthèse et les échanges gazeux de la plante.

La cochenille infeste les nervures des feuilles les plus âgées (photo p. 9), celles-ci jaunissent, sèchent et tombent prématurément. Les jeunes feuilles et les fruits finissent par être attaqués et la plupart ne sont pas commercialisables (photo ci-contre). Les jeunes feuilles se fripent, les fleurs et les fruits tombent.

Le développement d'une population importante de cochenilles peut entraîner la mort du papayer assez rapidement.

Outre les moyens de lutte chimiques utilisables contre les cochenilles farineuses, les programmes de lutte biologique développés dans les îles du Pacifique avec des hyménoptères parasitoïdes importés d'Amérique Centrale semblent donner de bons résultats [Anagyrus loecki Noyes, Aceriphagous papayae Noyes & Schauff et Pseudleptomastix mexicana Noyes & Schauff ( Hymenoptera, Encyrtidae)] (Meyerdirk et al. 2004).

Conclusion

La cochenille du papayer P. marginatus nouvellement signalée à la Réunion vient compléter la liste des Homoptères ravageurs des cultures de cette île.

L'importance phytosanitaire de cette nouvelle cochenille sur la Réunion, de par sa récente détection, est encore mal connue. La distribution, la gamme des plantes hôtes et les interactions possibles entre le ravageur et la faune entomophage sont en cours d'évaluation.

Les premières observations sur les parcelles cultivées de papayers montrent des dégâts impressionnants et les solutions de lutte sont pour l'instant restreintes et peu compatibles avec une gestion durable des agrosystèmes.

Actuellement, seule la coccinelle Exochomus laeviusculus Weise (Coleoptera, Coccinellidae) a été observée en présence de P. marginatus. Après une phase de propagation explosive de la cochenille, des prospections devront être conduites afin d'évaluer l'efficacité du contrôle par les ennemis naturels autochtones. Selon la situation, le recours à des parasitoïdes exotiques originaires des milieux insulaires des îles du Pacifique ou de la Caraïbe pourrait être envisagé dans le cadre d'un programme de mise au point d'une méthode de lutte biologique adaptée aux conditions de l'île de La Réunion.

<p>* LNPV Station de Montpellier. CBGP Campus international de Baillarguet - CS 30016 ; 34988 Montferrier-sur-Lez cedex - germain@supagro.inra.fr</p> <p>** FDGDON Réunion. Pôle de Protection des Plantes (3P). 7, chemin de l'IRAT, Ligne Paradis 97410 Saint-Pierre.</p> <p>*** Chambre d'Agriculture Réunion. 2, Ligne Paradis 97410 Saint-Pierre.</p> <p>**** LNPV station de la Réunion. Pôle de Protection des Plantes (3P). 7, chemin de l'IRAT, Ligne Paradis. 97410 Saint-Pierre.</p> <p>(1) Situé dans le sud-ouest de l'Océan Indien, cet archipel regroupe l'île de La Réunion, l'île Maurice, l'île Rodrigues et les îlots Agalega et Cargado.</p>

Figure 1 - Première observation de P. marginatus sur papayer (Carica papaya L.) à la Réunion.

Cet article fait partie du dossier

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Bibliographie

Amarasekare K.G., Mannion C.M., Osborne L.S., Epsky ND, 2008 - Life history of Paracoccus marginatus (Hemiptera : Pseudococcidae) on four host plant species under laboratory conditions. Environmental Entomology. 37 (3) : 630-635.

Ben-Dov Y., 2010 - ScaleNet. Paracococus marginatus. http://www.sel.barc.usda.gov/scalenet/query.htm

Matile-Ferrero D., Etienne J. & Tiego G., 2000 - Introduction de deux ravageurs d'importance pour la Guyane française : Maconellicoccus hirsutus et Paracoccus marginatus (Hem., Coccoidea, Pseudococcidae). Bulletin de la Société entomologique de France. 105(5) : 485-486.

Meyerdirk D.E., Muniappan R., Warkentin R., Bamba J., Reddy G.V., 2004 - Biological control of the papaya mealybug, Paracoccus marginatus (Hemiptera : Pseudoccidae) in Guam. Plant Protection Quarterly 19(3) : 110-114.

Miller D.R., Williams D.J. & Hamon A.B., 2001 (1999) - Notes on a new mealybug (Hemiptera : Coccoidea : Pseudococcidae) pest in Florida and the Caribbean : the papaya mealybug, Paracoccus marginatus Williams and Granara de Willink. Insecta Mundi 13(3/4) : 179-181.

Muniappan R., Shepard B.M., Watson G.W., Carner G.R., Sartiami D., Rauf A., Hamming M.D., 2008 - First report of the papaya mealybug, Paracoccus marginatus (Hemiptera : Pseudococcidae), in Indonesia and India.

Williams D.J. & Granara de Willink M.C., 1992 - Mealybugs of Central and South America. CAB International, London, England. 635 pp.

Résumé

Une nouvelle espèce de cochenille farineuse a été détectée sur papayer dans l'Ile de La Réunion en février 2010.

Identifiée comme la cochenille du papayer Paracoccus marginatus, cette espèce d'origine américaine est polyphage (20 familles botaniques hôtes), le papayer étant un de ses principaux hôtes.

Une prospection a permis de connaître sa répartition géographique dans l'île et les espèces végétales touchées (pullulements sur papayer, présence sur cinq autres espèces).

Des éléments sur la biologie de l'insecte, sa nuisibilité et les possibilités de luttes chimique et biologique sont donnés.

Mots-clés : bioagresseurs émergents, insecte invasif, cochenilles farineuses, cochenille du papayer Paracoccus marginatus, Ile de La Réunion.

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