De plus en plus, l'État encadre les pratiques phytosanitaires, dans le but bien sûr de favoriser les bonnes, ceci par des obligations réglementaires et divers dispositifs. L'un de ces dispositifs est celui de la certification de qualification en matière de produits phytopharmaceutiques et de protection des plantes avec le Certiphyto. Qu'est-ce qui a changé depuis notre dossier d'octobre dernier ? Le Certiphyto 2009-2010, répétition générale du certificat prévu par la loi Grenelle 2, est devenu une réalité pour des milliers d'agriculteurs. Rapport d'étape.
Le Certiphyto découle de l'article 36 du projet de loi Grenelle 2 adopté par l'Assemblée nationale le 11 mai. Cet article prévoit que l'application à titre professionnel de produits phytopharmaceutiques, leur distribution et même la délivrance de conseils à leur sujet ne soit permise que :
– aux entreprises et services titulaires d'un agrément subordonné à l'emploi de personnel « dont la qualification est justifiée par la détention » d'un certificat, et...
– aux agriculteurs et salariés d'entreprises ou services agréés, eux-mêmes détenteurs d'un tel certificat. Le certificat s'appelle Certiphyto dans tous les cas mais il existe des mentions différentes.
Certiphyto, pourquoi cette expérimentation 2009-2010
Pourquoi avant Grenelle 2 ?
Mais si ce Certiphyto doit entrer en vigueur après la publication de la loi et de ses textes d'application, pourquoi lui consacrer un article dès maintenant ? Parce que des formations menant à l'obtention de tels certificats ont démarré l'hiver dernier suite au plan Ecophyto 2018 lancé en septembre 2008 puis à la publication de la loi Grenelle 1 en août 2009(1) et d'un décret en décembre 2009(2).
Ces formations font partie d'un dispositif expérimental encadré par la DGER(3) du ministère de l'Agriculture. Excellente initiative que de lancer une expérimentation grandeur nature pour roder le dispositif, l'adapter et améliorer son efficacité avant de tout graver dans le marbre de la loi. Les certificats obtenus dans ce cadre expérimental devraient être reconnus à l'égal des Certiphyto définitifs. Vivea, le fonds de formation des agriculteurs, a financé les formations, ce qui les rend gratuites pour les agriculteurs et a permis de lancer les opérations.
Prolongée jusqu'au 31 décembre 2010
Au départ, l'expérimentation « Certiphyto 2009- 2010 » devait se dérouler jusqu'au 30 juin 2010 si les textes d'application de Grenelle 2 étaient publiés avant cette date. Mais, vu le report du vote de la loi à mai 2010, ces textes ne seront probablement pas publiés fin juin.
Aussi l'opération est prolongée jusqu'à la fin de 2010. Bon à savoir ! On peut encore s'inscrire. Après tâtonnements et concertation(4), il y a quatre mentions différentes pour le Certiphyto expérimental et probablement pour le définitif.
Elles ont pour noms :
– usage agricole des produits phytopharmaceutiques ;
– usage non agricole de ces mêmes produits ;
– conseil à propos de ces produits ;
– délivrance, distribution, vente de ces mêmes produits.
Mai 2010, où en est-on ?
Pour les agriculteurs
Au printemps 2010, l'expérimentation bat son plein pour un des Certiphytos « usage agricole », celui des décideurs agricoles en nom propre c'est-à-dire les agriculteurs chefs d'exploitation, qu'ils traitent eux-mêmes ou qu'ils emploient un ouvrier pour ce faire. Une circulaire du ministère de l'Agriculture du 24 mars 2010(5) a précisé la marche à suivre.
Ce Certiphyto expérimental est accessible à l'issue soit d'une formation de deux jours (on parle d'obtention par la voie D) soit d'une évaluation par QCM (questionnaire à choix multiple). Cette évaluation peut suivre une formation plus courte (voie C), ou être faite directement (voie B). En revanche la voie A (« validation des acquis académiques », autrement dit des diplômes obtenus auparavant), n'est pas intégrée dans l'expérimentation.
Voie D plébiscitée
France AgriMer assure l'émission des Certiphytos eux-mêmes mais c'est Vivea qui fait transiter les financements de ces formations et tient les statistiques. Interrogé le 5 mai, il comptait plus de 1 100 sessions réalisées ou en cours (parfois les deux journées se tiennent à quelques jours d'intervalle).
A noter : il s'agit à 86, 5 % de sessions de deux jours dans le cadre de la voie D. Les 13,5 % restant sont des sessions « voie C » (matinée de formation et après-midi d'évaluation). Ce plébiscite de la voie D est-il un rejet de l'évaluation, vécue comme un examen scolaire qui vous fait vraiment trop rajeunir ? En tout cas on voit que les agriculteurs sont prêts à passer deux jours plutôt qu'un à une telle formation.
Le rodage des évaluations permettra-t-il de développer la voie C ? Les premières ont permis d'affiner les QCM en particulier pour la clarté des consignes : préciser si le choix doit être unique ou peut être multiple par exemple.
Mais la voie D devrait continuer à dominer. Ainsi, expliquait la Chambre d'Agriculture du Gard le 29 avril, « notre première session n'a eu lieu qu'en décembre 2009 mais depuis lors nous n'arrêtons pas. Nous pensions n'avoir plus d'inscrits dès la fin de l'hiver mais notre 25e session de 2 jours est en cours aujourd'hui.
Et d'ajouter : Nous dépassons souvent les 15 stagiaires. Si l'un d'eux fait faux bond, il y a des listes d'attente ! » Quant à la voie C, « pour la première session d'une journée, matinée avec la MSA et QCM après-midi, nous avons eu 9 inscrits. » Puis « ils sont 11 inscrits pour la deuxième session et nous en ouvrons une troisième ». Mais, par ailleurs, 26 sessions de 2 jours étaient prévues en plus des 25 tenues. Elles permettent, dans le Gard comme ailleurs, une visite d'installation (photo en médaillon). Du concret en plus des exposés en salle.
Autre indication : les statistiques de l'UIPP(6). Certes elle n'est pas agréée comme centre de formation car elle regroupe les fabricants de produits phytopharmaceutiques. Mais elle a acquis une compétence suite notamment à l'organisation par le passé de l'EBPP, école des bonnes pratiques phytos. Elle a mis ses formateurs, consultants non salariés de fabricants particuliers, à disposition des centres de formation pour des apports dans leur domaine. De décembre 2009 à juin 2010, elle totalise 225 interventions en sessions voie D.
13 000 agriculteurs certifiés fin mai
Au fait, combien d'agriculteurs sont-ils certifiés aujourd'hui ? Vivea dispose de statistiques sur les premières sessions réalisées.
Elles regroupent une douzaine d'agriculteurs en moyenne : 11,87 exactement ! Si on extrapole aux 1 100 sessions réalisées et en cours, on arrive à 13 000 agriculteurs. Pour l'instant.
Combien d'agriculteurs certifiés fin 2010 ?
2 000 sessions identifiées
Mais combien seront-ils ? Le travail continue. Dans le Gard, « nous avons programmé des formations jusqu'en juillet puis dès septembre. Si elles se tiennent toutes, cela fera 51 sessions de 2 jours plus 3 avec QCM. Soit pas loin de 900 agriculteurs certifiés. »
Certes le Gard est en pointe pour le Certiphyto comme pour les contrôles de pulvérisateurs (voir p. 17). D'autres départements comptent moins de formations. Au plan national, Vivea annonce 2 000 sessions en ajoutant celles programmées à celles réalisées ou en cours, soit une vingtaine en moyenne par département.
Vu les imprévus
Mais ce ne sera pas le chiffre définitif. Guy Vernerey, chef de projets en charge du Certiphyto chez Vivea, précise en effet : « D'habitude seules 70 % des sessions programmées se tiennent. Mais attention : on assiste à un véritable engouement pour ce thème des phytos. Nous avons exceptionnellement peu d'annulations : les 1 100 sessions réalisées ou en cours représentent 93 % de celles programmées, et font le plein. » Une surprise et une satisfaction.
De plus, ajoute G. Vernerey, « nous allons encore recevoir des programmations pour cet automne. » Alors ? On peut parier sans risque sur au moins 20 000 Certiphytos d'agriculteurs : 1 700 sessions de 12 personnes font 20 400 stagiaires. On peut tenter le pari des 30 000 avec 2 500 sessions tenues. On peut espérer les 40 000 certifiés si 1 300 sessions s'ajoutent aux 2 000 déjà tenues ou prévues. C'est ouvert !
Autres mentions de Certiphyto, ça démarre
Et les autres mentions de Certiphyto ? Elles concernent les salariés de personnes morales devant être elles-mêmes titulaires de l'agrément prévu par l'article 36 de la loi Grenelle.
Pour les utilisations agricoles, il reste les applicateurs prestataires de service (ceux des ETA, entreprises de travaux agricoles) réalisant des traitements. Par ailleurs il y a les conseillers et distributeurs ainsi que les applicateurs en zones non agricoles (ZNA), prestataires ou non. Pour tous ceux-là, l'expérimentation ne commence vraiment qu'en juin voire à l'automne.
Pour les conseillers
Pour les conseillers, la DGER prévoit de sortir une circulaire en mai. Il s'agit, comme les agriculteurs, d'une population nouvelle en matière de certification phyto.
Jusqu'à maintenant, la loi ne les obligeait pas à justifier d'une quelconque formation ou qualification pour prodiguer leurs conseils en matière de produits phytopharmaceutiques... Certes, une Chambre d'agriculture ou un CETA embauche plus volontiers des gens formés et qualifiés que d'autres ! Mais l'état ne les obligeait pas à cela et ne leur demandait aucun compte.
Avec Grenelle 2, cela va changer : il faudra un agrément et, pour cela, que les conseillers aient leur Certiphyto. Là aussi, le Certiphyto 2009- 2010 va permettre d'expérimenter le dispositif pour l'adapter à la réalité, et il aboutira à des certificats légalement valables. Les formations qualificatives pour les voies C et D devraient être plus longues que pour les agriculteurs. On peut espérer que l'expérimentation commencera en juin pour battre son plein dès septembre.
Des distributeurs et applicateurs prestataires, ainsi que les applicateurs non prestataires en ZNA
Enfin une troisième circulaire prévue en septembre concernera d'une part les distributeurs et les applicateurs prestataires de service, en agriculture comme en ZNA et, d'autre part, les applicateurs en ZNA à compte propre.
Les premiers ont un point commun : leurs entreprises doivent, de par une loi de 1992 appliquée depuis 1996, bénéficier d'un agrément pour distribuer ou appliquer des produits phytos. Pour cela, certains doivent être titulaires du certificat DAPA (distributeurs et applicateurs professionnels de produits antiparasitaires). Ce certificat est obtenu pour cinq ans suite à l'obtention, soit de certains diplômes, soit d'une formation de 10 à 15 jours. C'est bien plus long que pour le Certiphyto agriculteur.
Mais cela ne concerne que quelques salariés, en gros un par tranche de dix entamée dans l'effectif. Le Certiphyto devra, lui, concerner tous les décideurs, donc le chef d'entreprise ou le cadre responsable du service phyto s'il existe, et aussi tous les applicateurs.
Pour les décideurs, ses exigences ressembleront à celles du certificat DAPA dont le seul défaut était de ne toucher qu'un salarié sur dix. Les formations des applicateurs seront sans doute plus courtes mais tous devront les suivre.
Quoiqu'il en soit, le certificat DAPA reste valable aujourd'hui. De plus, tout professionnel qui en est titulaire, y compris ceux qui l'obtiennent ou le renouvellent ce printemps, devrait être considéré comme titulaire d'un Certiphyto pendant toute la durée de validité de son DAPA.
Et les applicateurs à la fois non agricoles et non prestataires (jardiniers de ville, de golf, etc.) ? Leurs employeurs n'étaient pas soumis à l'agrément et le Certiphyto est une nouveauté pour eux comme pour les conseillers – même si certains ont suivi des stages FORMAP de l'AFPP, laquelle est d'ailleurs agréée Certiphyto. Mais on en saura plus en septembre.
<p>(1) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, publiée au Journal officiel de la République française (JORF), le 5 août 2009.</p> <p>(2) Décret n° 2009-1619 du 18 décembre 2009 relatif à la création, à titre expérimental, du certificat <i>« Certiphyto 2009- 2010 »</i>, publié au JORF le 24 décembre 2009.</p> <p>(3) Dir. gén. de l'Enseignement et de la Recherche du MAAP, ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.</p> <p>(4) Il y avait 4 mentions prévues au printemps 2009 (<i>Phytoma</i> n° 622-623 de juin 2009 p. 7), puis 3 à l'automne (<i>Phytoma</i> n° 626-627 d'octobre, p. 18 dans notre précédent dossier <i>« Bonnes pratiques »)</i>, puis de nouveau 4 en décembre dans le décret n° 2009-1609 (<i>Phytoma</i> n° 630, de janvier 2010, p. 4), et l'intitulé de la quatrième a été changé par le décret n° 2010-318 du 22 mars 2010 publié au JORF le 24 mars (<i>Phytoma</i> n° 633, d'avril 2010, p. 5).</p> <p>(5) Circulaire publiée au JORF le 24 mars en même temps que le décret n° 2010-318 (<i>Phytoma</i> n° 633 d'avril 2010, p. 5).</p> <p>(6) Union des industries de la protection des plantes.</p>
Et la voie A ?
Il est prévu que les Certiphytos puissent être obtenus par quatre voies dites B, C et D mais aussi A (possession d'un diplôme décroché depuis moins de dix ans et dont la liste doit être publiée par le ministère de l'Agriculture). Cette voie A n'est pas ouverte dans l'expérimentation 2009-2010 mais elle le sera dans le Certiphyto définitif. La liste des diplômes sera publiée suite à Grenelle 2.