ImprimerClaude Pope de Vallavieille, Jean-Louis Bernard et Marc Délos ont évoqué la rouille noire du blé dans Phytoma en 2008(1).
Retour sur une revenante
Ils ont rappelé que cette très ancestrale maladie, à laquelle de nombreuses variétés anciennes de blé sont sensibles, s'était faite oublier grâce notamment à l'utilisation de variétés résistantes.
Ensuite, cela devait fatalement arriver, le parasite Puccinia graminis f. sp. tritici a fini par avoir raison de la résistance : une nouvelle race contournant la résistance de nombreuses variétés actuelles de blé est apparue en 1999.
Les premiers signalements venant d'Ouganda (Uganda en anglais), la race a été baptisée Ug99.
Elle n'a pas intéressé grand monde tant que les cours du blé étaient bas et que seuls des Africains en pâtissaient. Puis sa sortie d'Afrique (détection au Yémen en 2007) et la flambée des cours l'ont mise en vedette. Depuis lors, elle est surveillée et l'on craint des épidémies surtout en Asie, d'autant qu'elle a été signalée en Iran. Mais on n'a pas vu de dégât catastrophique à l'échelle mondiale en 2008 et 2009 ni mi-juin 2010.
Nouvelles souches d'Ug99
Récemment, des informations ont été publiées à l'occasion d'une conférence organisée à Saint-Petersbourg du 1er au 4 juin 2010 par le BGRI (Borlaug Global Rust Initiative), en particulier sur l'évolution du parasite.
En effet, des chercheurs sud-africains ont identifié dans leur pays de nouvelles souches « variantes d'Ug99 » contournant les gènes de résistances variétales.
Que ces souches se montrent plus ou moins virulentes que les autres, leur découverte montre que ce que l'on appelle « race Ug99 » a une diversité génétique et regroupe plusieurs souches. Et peut évoluer vite. Toute nouvelle résistance variétale du blé devra tenir compte de cette variabilité pour être la plus durable possible. Et, aucune résistance variétale n'étant a priori éternelle, les sources de résistance devront être diversifiées.
90 % des variétés
Sur la cinquantaine de gènes de résistance connus chez le blé, seule une vingtaine « tiendrait » face à toutes les souches connues de P. graminis f. sp. tritici. Et seules 10 % de nos variétés de blé ont ces gènes : il existe « actuellement sept variantes connues (de la race Ug99) auxquelles sont vulnérables 90 % des variétés commerciales de blé », selon la FAO.
La FAO ouvre Rust SPORE
Celle-ci a ouvert le site internet Rust SPORE dédié aux rouilles du blé : rouille noire avec Ug99 et rouilles brune et jaune. Cette dernière, due à Puccinia striiformis, évolue aussi, et début juin la FAO craignait de graves dégâts en 2010.
Plus ou moins que la rouille noire ? Et celle-ci, très redoutée en 2008, était-elle surestimée ou non(2) ? Au présent, s'il y avait de gros dégâts de rouille noire en Asie nous le saurions déjà. À l'avenir, rendezvous fin 2010 dans l'hémisphère Sud et en 2011 en Asie.
Au fait, pourquoi ce battage médiatique ? Réponses possibles :
– la conférence de Saint-Petersbourg « offrait de la copie »(3),
– les journalistes ont trouvé là un thème anxiogène porteur à un moment sans grippe aviaire sous le clavier(4).
<p>(1) <i>Phytoma</i> n° 617, juillet-août 2008 : J.L. Bernard, « La rouille noire des céréales ou l'éternel retour », p. 4 et M. Délos et C. de Vallavieille-Pope, <i>« La rouille noire et le blé, passé récent, présent, futur »</i>, p. 8.</p> <p>(2) En Europe, les fongicides anti-rouilles sont efficaces contre la rouille noire, et les blés, plus précoces qu'avant, sont moissonnés trop tôt pour le parasite. Le risque paraît donc limité en France.</p> <p>(3) L'article étayé <i>« Un champignon attaque le blé en Afrique du Sud »</i>, de Y. Miserey dans Le Figaro est du 28 mai : des informations étaient sorties sur le congrès avant même son début.</p> <p>(4) L'auteur de cet écho (M. Decoin) est elle-même journaliste... Pour l'aspect anxiogène, voir les quotidiens gratuits : <i>« Menace sur le blé. Le champignon mutant UG99 se propage... »</i> (Métro du 31 mai) et <i>« La fin du blé ? Un champignon attaque... »</i> (<i>20 Minutes</i> du 1er juin).</p>
