Les communes en « objectif zéro phyto » pratiquent souvent l'entretien mécanique, soit direct (ici, démonstration de désherbage mécanique), soit pour entretenir des surfaces auparavant sablées et que l'on aura enherbées (photo en médaillon) : on peut éviter de désherber un couvert végétal s'il est rustique, mais il faut le tondre. Difficile de revenir au désherbage manuel ou à la fauche à pied(3). ph. Plante & Cité
Une enquête sur une chenille peut-elle informer sur les pratiques de désherbage ? Mais oui, si une question annexe porte sur le sujet. C'est le cas dans cette enquête Plante & Cité-INRA. Certes il s'agit de ce que l'on appelle du « déclaratif ». Les réponses peuvent donc être biaisées par rapport à la réalité, encore plus à propos de pratiques qu'à celui de la présence d'un ravageur. Mais cela permet quand même de comparer les communes entre elles selon leur population, leur urbanisation et leur situation géographique. L'analyse montre que plus les communes sont peuplées et urbaines, plus elles déclarent réduire l'usage des produits phytosanitaires, de même en Ile-de-France et dans le Nord-Ouest, Bretagne notamment. Détails.
L'engagement des collectivités territoriales vers la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires est un facteur-clé de changements avec l'application de mesures réglementaires. Les pouvoirs publics et le Grenelle de l'Environnement ont probablement joué un rôle de catalyseur dans la dynamique de raisonnement des interventions phytosanitaires que de nombreuses collectivités avaient initiée en développant la gestion différenciée.
Le contexte de l'enquête
En 2009, une enquête par envoi de questionnaires a été conduite par Plante & Cité et l'INRA. Plus de 1 500 collectivités territoriales de toute la France y ont répondu. Elle visait à connaître leur situation vis-à-vis de la chenille processionnaire du pin, pour lequel les résultats ont été commentés dans Phytoma en avril(1). Mais une des questions annexes portait sur les pratiques phytosanitaires - on sait que pour l'essentiel il s'agit de désherbage(2). 1268 de ces communes ont fourni des réponses exploitables concernant leurs pratiques. Ces réponses permettent de caractériser leur engagement de réduction à travers la réponse à 4 items indépendants :
• en objectif « zéro phyto » ;
• ayant un plan de gestion différenciée ;
• ayant un plan de désherbage communal ;
• sans contrainte sur le plan des interventions phytosanitaires.
Dans l'enquête, le pourcentage de représentation des communes répondantes par rapport au total des communes françaises de la même catégorie de taille représente : 4 % pour les communes de moins de 5 000 habitant (soit 1 138 communes sur 34 736), 4,6 % pour les communes entre 5 000 et 30 000 habitants (soit 80 communes sur 1 728), 6,6 % pour les communes de 30 000 à 50 000 habitants (soit 9 communes sur 136) et plus de 35 % pour les communes de plus de 50 000 habitants (soit 41 communes sur 116).
On peut supposer que ces observations sont relativement représentatives et que les réponses n'ont pas été biaisées par la volonté de donner une impression positive à l'enquêteur, puisque la problématique de l'enquête ne portait pas sur le « zéro phyto » en tant que tel mais sur l'importance de la processionnaire du pin en espaces verts.
Analyse en fonction du peuplement et de la ruralité/urbanisation
Il ressort que les communes de moins de 5 000 habitants sont celles qui se sont fixées le moins de contraintes. A l'opposé, les communes de plus de 50 000 habitants sont à plus de 60 % en objectif « zéro Phyto », voire annoncent avoir déjà arrêté totalement les interventions phytosanitaires.
Les plans de gestion différenciée et de désherbage sont des pratiques relativement courantes pour toutes les catégories de communes de plus de 5 000 habitants (Figure 1).
De façon cohérente avec ce premier résultat, l'analyse des pratiques selon le niveau d'urbanisation montre que les communes rurales mettent moins souvent en place des démarches volontaires de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, à l'inverse les communes dites « urbaines » (Figure 2).
Analyse géographique
La répartition géographique des 1268 réponses (Figure 3) montre une tendance au raisonnement des interventions phytosanitaires dans les villes de l'ouest, en particulier de la région Bretagne. De fait, des arrêtés préfectoraux y interdisent l'usage des produits phytosanitaires à proximité de l'eau : littoral, rivières, fossés et noues, avaloirs...
En région Ile-de-France, Rhône-Alpes, Bourgogne et Alsace, il semble également qu'il y ait plus de communes ayant commencé des démarches de réduction et de raisonnement de l'utilisation de produits phytosanitaires.
Enfin, l'analyse par macro régions a permis de montrer que les communes disant suivre un objectif « zéro phyto » ou encore être en gestion différenciée de leurs espaces verts se situent plus en Ile-de-France et dans le nord-ouest. Le plan de désherbage est la pratique la plus généralisée dans les communes du nord-ouest. En revanche, les communes des macro-régions sud-ouest et sud-est sont moins enclines à suivre des pratiques volontaires de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires dans la gestion de leurs espaces verts (Figure 4).
Comprendre ce qui fait changer
Ces analyses permettent de comprendre le moteur de changements de pratiques volontaires par rapport à la structuration des collectivités territoriales ainsi qu'à l'accompagnement technique et la formation des personnels.
Dès 2005, une enquête conduite par le rapporteur national « Gestion de la flore spontanée en zones non agricoles », nommé par la DGAL avait mis en évidence la volonté des services des collectivités territoriales de diversifier les méthodes de gestion des adventices. Cette évolution se confirme et s'élargit probablement désormais aux petites ou en tout cas aux moyennes communes de toute la France.
Remerciements : à Jean-Claude Martin et Alice Leblond, de l'INRA d'Avignon.
<p>* Plante & Cité.</p> <p>(1) Leblond A. & al., 2010 - La processionnaire du pin vue par ses gestionnaires - une enquête auprès des communes françaises donne un nouveau regard sur ce ravageur. <i>Phytoma</i> n° 633, avril 2010, p. 18 à 23.</p> <p>(2) Selon l'article de E. Basuyau et J. My p. 38, les herbicides représentent plus de 85 % du marché phytosanitaire professionnel en zones non agricoles (ndlr).</p> <p>(3) Elle se pratique... à Paris : le MNHN (Museum national d'histoire naturelle) entretient par fauche manuelle la prairie du Jardin écologique du Jardin des Plantes (ndlr).</p>
Figure 1 - Pourcentages de communes ayant participé à l'enquête par classe de taille selon leurs pratiques phytosanitaires (Source : Enquête Processionnaire du Pin, Plante & Cité-INRA © 2009, NB : réponses multiples possibles).
Figure 2 - Pourcentages de communes ayant participé à l'enquête selon leur urbanisation et leurs pratiques phytosanitaires (Source : Enquête Processionnaire du pin, Plante & Cité-INRA © 2009, NB : réponses multiples possibles).
Figure 3 - Répartition géographique des communes ayant participé à l'enquête selon les pratiques phytosanitaires (Source : Enquête Processionnaire du Pin, Plante & Cité-INRA © 2009).