Les travaux présentés ici font suite à un travail de Bonafos et al. (2008) qui avait porté sur l'efficacité de l'insecticide néonicotinoïde PHF 0806 (clothianidine), récemment autorisé sous le nom de Dantop WG, sur les pucerons Dysaphis plantaginea (Passerini) et Aphis spiraecola Pagenstecher au laboratoire. Les nouvelles études complètent les résultats d'efficacité en évaluant les effets de la systémie et de la rémanence de la clothianidine sur le puceron cendré du pommier. Pour cela, deux dispositifs expérimentaux différents ont été utilisés. Le premier est constitué par des feuilles de pommiers maintenues en survie tandis que le second est réalisé à partir de pommiers élevés en conteneurs. Les résultats obtenus doivent apporter des éléments de réponse en comparaison avec la toxicité directe et résiduelle de la clothianidine sur D. plantaginea.
L'étude a été réalisée sur des adultes aptères d'une population de D. plantaginea échantillonnée dans un verger de pommiers régulièrement traité avec des insecticides chimiques de synthèse.
Le produit testé, codé PHF 0806 lors de l'expérimentation, est le Dantop WG, contenant 50 % du néonicotinoïde clothianidine formulé en granulés dispersibles (WG).
Tests de systémie et de rémanence sur des feuilles de pommiers en survie
Les expérimentations réalisées doivent permettre d'évaluer les effets de la systémie ainsi que de la rémanence du produit à partir d'un dispositif constitué de feuilles de pommiers maintenues en survie.
Quatre études réalisées
La première étude a consisté à traiter les feuilles à l'aide d'une tour de pulvérisation de Potter (1952), à réaliser un dépôt d'aphicide uniforme sur le support (feuilles de pommiers), homogène et égal à 4 mg ± 0,2 mg/cm² (modalité 1). Cette expérimentation est la référence « efficacité ».
Les deuxième et troisième expérimentations ont été initiées en immergeant le pétiole des feuilles et ce pour chaque concentration différente pendant 2 heures (modalité 2) et 24 heures (modalité 3). Ces essais ont pour objectif d'étudier la systémie de la clothianidine.
La dernière expérimentation a consisté à traiter les feuilles de pommiers en tour de Potter (1952) et à maintenir ces dernières en survie pendant 7 jours afin d'étudier la rémanence de la clothianidine.
Cinq concentrations pour chacune
Cinq concentrations ont été testées systématiquement, chacune portant sur un nombre de 60 individus adultes aptères déposés dans les dispositifs expérimentaux décrits en figure 1. Ces derniers ont été réalisés lorsque les feuilles traitées ont séché (modalité 1), puis 2 heures et 24 heures après immersion des feuilles par leur pétiole (modalité 2 et 3) et 7 jours après le traitement (modalité 4).
Les observations et notations se sont déroulées comme décrit figure 2.
Mortalité des adultes et dynamique des populations
Le pourcentage de mortalité des adultes aptères en fonction de la concentration de produit appliqué a été calculé d'après la formule d'Abbott (1925) et Finney (1971) avec le logiciel WinDL50. Les concentrations de produit tuant 10, 50 et 90 % des individus (Concentrations Létales 50 = CL10, 50, 90) ont été établies. En comparant les valeurs des CL50 obtenues pour chaque modalité selon la méthode de Robertson et Priesler (1992), il est alors possible de tirer des conclusions sur des différences entre les modalités testées.
Un dénombrement des stades immatures a été effectué en même temps que le contrôle des mortalités. Ce dernier a permis de calculer le taux instantané d'accroissement potentiel (ri) selon l'équation de Walhtall et Stark (1997a et b). Il s'agit d'un indice théorique qui permet de donner une estimation de la toxicité des produits sur la dynamique des populations. Les observations et notations se sont déroulées conformément à la figure 2.
Les expérimentations ont été conservées en salle climatisée à 21 ± 1,5 °C ; 70 ± 15 % HR ; 16L/8N de photopériode.
Tests sur des pommiers en conteneur
Mise en place des tests
Pour l'étude sur pommiers élevés en conteneurs, trois répétitions (trois pommiers) ont été conduites par modalité. La première modalité (référence « efficacité ») a consisté à traiter la partie basse du feuillage avec un pulvérisateur jusqu'au point de ruissellement (modalité 1 = traité) puis à déposer les pucerons dans les dispositifs expérimentaux réalisés sur la partie traitée et non traitée du feuillage lorsque le traitement a séché. Un témoin à l'eau a été réalisé à l'identique (modalité 2).
Les modalités 3 (traité) et 4 (témoin) sont similaires si ce n'est que les pucerons sont déposés dans les dispositifs 7 jours après le traitement afin d'étudier la rémanence du produit.
La concentration étudiée correspond à la dose d'emploi destinée à combattre D. plantaginea (0,02 kilo de produit formulé/hl = 10 g de matière active/hl = 100 partie par million de clothianidine). Cinquante individus adultes aptères ont été déposés dans les dispositifs expérimentaux et répartis en 5 cellules sur la partie traitée et non traitée du feuillage.
Mesure de mortalité et de dynamique des populations
Les moyennes des effectifs totaux de pucerons ont été calculées et comparées tout comme l'évaluation du développement populationnel ri conformément à l'équation de Walhtall et Stark (1997a et b). Les dispositifs expérimentaux sont décrits dans les figures 3 et 4.
Les observations et notations se sont déroulées comme décrit figure 5. Les expérimentations ont été conservées en salle climatisée à 21 ± 1,5 °C ; 70 ± 15 % HR ; 16L/8N de photopériode.
Résultats des tests sur les feuilles de pommiers en survie
Concentrations létales 50 (CL50)
Les concentrations létales 50 des modalités 1, 2, 3, 4 sont obtenues respectivement pour 7,96, 7,22, 7,92 et 53,94 ppm (mg de clothianidine/l d'eau) ce qui correspond à des concentrations inférieures à celle pour laquelle le produit doit être utilisé pour lutter contre D. plantaginea en verger (10 g de clothianidine/100 litres d'eau = 100 ppm). Le rapport dose d'emploi/CL50 varie selon la modalité de 1,85 à 13,84 (Tableau 1).
Les résultats obtenus pour les modalités 1, 2, 3 ne sont statistiquement pas différents d'après la méthode de comparaison des CL50 de Robertson et Preisler (1992). En revanche, il existe des différences significatives entre ces derniers et les résultats obtenus pour la modalité 4.
L'effet de systémie est prononcé en comparaison avec celui de la rémanence pour lequel la valeur de la CL50 est obtenue pour une concentration relativement proche de la dose d'emploi.
Valeurs des ri (Figure 6)
Les valeurs de ri varient de -0,73 à -0,22 pour la modalité 1, de -0,74 à 0,39 pour la modalité 2, de -0,45 à 0,22 pour la modalité 3 et de 0,13 à 0,21 pour la modalité 4, pour des concentrations de clothianidine s'échelonnant de 0,3125 à 100 ppm (ou mg de clothianidine l-1 d'eau).
La décroissance des populations est effective à partir de 10 mg de clothianidine pour les modalités 1, 2 et 3 alors que les niveaux de populations sont légèrement croissants pour la modalité 4, quelle que soit la concentration.
L'ensemble des résultats obtenus traduisent pour la population de D. plantaginea étudiée une bonne efficacité résiduelle (2 jours) et systémique (2 heures et 24 heures) en laboratoire du produit mais aussi une décroissance de la population à partir de 10 mg de clothianidine et ce quelle que soit la modalité 1, 2 ou 3.
L'effet de rémanence à 7 jours est peu marqué, on note le développement des populations.
Résultats des tests de systémie et de rémanence sur des pommiers en conteneur
Effectifs totaux
Les valeurs des effectifs totaux comptabilisés pour les feuilles des zones traitées et non traitées des modalités 1, 2, 3 et 4 sont respectivement de 2 et 3, 170 et 176, 52 et 48, 186 et 185. Ainsi, le nombre d'individus survivants et/ou descendants dans les modalités 1 et 3 (pommiers traités) est nettement inférieur aux effectifs de départ qui étaient de 150 individus dans tous les cas (pour les feuilles traitées mais aussi non traitées) (Figure 7).
Les valeurs moyennes des effectifs comptabilisés pour chaque modalité 1, 2, 3 et 4 (des feuilles traitées ou non traitées) classées par groupe homogène selon le test de Student Newmann Keuls ont révélé qu'il n'y a pas de différences significatives entre les effectifs totaux des modalités 1 et 3. Les effectifs de pucerons dénombrés sont comparables même s'il semblerait que ces derniers soient plus faibles pour la modalité 1 que pour la modalité 3.
Par ailleurs, il n'y a pas de différences significatives entre les effectifs totaux des modalités témoins à l'eau distillée (modalités 2 et 4).
Valeurs des ri
Les valeurs de ri obtenues pour la modalité 1 (feuilles traitées et non traitées) sont respectivement de -1,72 et -1,59, pour la modalité 2 de 0,16 et 0,17, pour la modalité 3 de 0,05 (idem non traité) et pour la modalité 4 de 0,18 (idem non traité) (Figure 8).
Il résulte de l'interprétation de ces résultats que les niveaux de populations diminuent, que les feuilles soient traitées ou pas, pour l'effet de systémie évalué à 7 jours après le traitement avec le produit mais aussi que les niveaux de populations sont stables pour l'effet de rémanence évalué à 14 jours après le traitement.
Les valeurs des taux d'accroissement potentiels sont légèrement croissantes dans les modalités témoins. Les faibles effectifs de pucerons dénombrés chez ces derniers pourraient être expliqués par le fait que la glu a oxydé les parties foliaires avec lesquelles elle a été en contact mais aussi par le fait que les pucerons ont été élevés sur du plantain puis transférés directement sur des pommiers lors des expérimentations. Il est de ce fait probable que la mortalité observée dans les modalités traitées ait pu être maximisée.
Conclusion
Les expérimentations réalisées à partir de feuilles de pommiers maintenues en survie mais aussi sur des pommiers élevés en conteneur ont permis de caractériser un effet de systémie de la clothianidine sur la population de D. plantaginea étudiée. L'effet de systémie pour la même concentration de clothianidine est aussi intense 2 heures ou 24 heures après immersion des pétioles des feuilles.
La clothianidine serait a priori, d'après ces expérimentations de laboratoire, aussi efficace sur le puceron cendré du pommier en effet de systémie qu'en toxicité directe et résiduelle, comme l'attestent les résultats des expérimentations réalisées sur feuilles en survies. L'effet de la rémanence au sens strict serait moins intense en comparaison.
Les résultats obtenus confirment ceux de Byrne et al. (2007) et de Schwarz et al. (2002) qui avaient démontré respectivement un effet de la systémie de la clothianidine sur le thrips de l'avocat mais aussi sur plusieurs espèces de chrysomèle.
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Figure 4 - Dispositifs réalisés sur feuilles de pommiers correspondant à C1/C5 ou C1'/C5'
Figure 6 - Valeurs des ri (taux d'accroissement potentiels) en fonction de la concentration (ppm de clothianidine) pour les tests sur feuilles en survie.