Les foreurs du maïs, à savoir la pyrale Ostrinia nubilalis (Lepidoptera, Crambidae) et la sésamie Sesamia nonagrioides (Lepidoptera, Noctuidae), sont les deux ravageurs ayant la plus forte incidence économique sur la culture du maïs en Méditerranée. Les dégâts qu'ils produisent sont dus à leurs larves qui pénètrent dans la plante de maïs et y creusent des galeries. Cela réduit la vigueur des plantes et favorise la rupture des tiges. En outre, ces larves peuvent atteindre l'épi, favorisant ainsi l'entrée de champignons phytopathogènes capables de produire des mycotoxines pouvant poser un grave problème pour la consommation du grain.
Impacts potentiels
Environnement, santé, le débat
Le maïs transgénique exprime la protéine insecticide Cry1Ab (tronquée, donc raccourcie) de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt), et offre ainsi des niveaux élevés de résistance aux deux espèces de foreurs. Constituant un outil efficace pour contrôler ces ravageurs, il est couramment utilisé en Espagne (Encadré et Figure 1). Mais qu'en est-il de ses effets secondaires ?
La réglementation communautaire relative à la culture de plantes génétiquement modifiées exige une évaluation exhaustive du risque pour l'environnement et la santé de l'homme et des animaux pour que la commercialisation d'un nouvel événement soit approuvée dans l'Union Européenne. De ce fait, le maïs Bt résistant aux foreurs est probablement l'une des méthodes de lutte contre les ravageurs les plus contrôlées quant à ses impacts potentiels sur la santé et l'environnement : il existe dans la communauté scientifique un large consensus sur sa sécurité. Pourtant, les études ayant eu la répercussion la plus importante et ayant occupé le plus d'espace dans les médias ont été celles qui alertaient sur un impact potentiel.
Cela a suscité un débat intense, toujours en cours, sur de possibles effets adverses non identifiés ou pouvant apparaître à long terme.
La réponse des autorités espagnoles
La législation espagnole, devançant la Directive Européenne 2001/18/CE, a exigé la réalisation de Plans de Suivi des variétés de maïs Bt cultivées en Espagne. L'objectif de ces plans est d'évaluer, au cas par cas, les impacts sur l'environnement pouvant découler de la culture du maïs Bt à l'échelle commerciale, qu'ils soient directs ou indirects, immédiats ou différés.
Cette situation singulière de l'Espagne a favorisé la participation des équipes de recherche de l'Unité associée Université de Lleida et du Centre de recherches biologiques CIB « Durabilité des cultures génétiquement modifiées » aux études réalisées en Espagne sur le maïs Bt résistant aux foreurs depuis le début de sa culture en 1998.
Les deux équipes ont en particulier mené les études confiées par l'administration publique pour évaluer l'impact potentiel des variétés de maïs Bt sur la faune non cible et, dans le cas du CIB, le suivi de la possible apparition de résistance aux toxines Bt dans les populations espagnoles de foreurs.
En parallèle à ces activités, les deux laboratoires ont développé d'autres travaux scientifiques dans le but de générer des données et des méthodes pouvant aider à prendre des décisions quant à la sécurité et à la gestion de ce type de cultures, en contribuant ainsi à leur durabilité.
Le problème de la résistance
Mécanismes et risque potentiel, ou pourquoi surveiller les foreurs du maïs face au maïs Bt
Les niveaux de toxine exprimés dans le maïs Bt laissent supposer une pression de sélection élevée pour les ravageurs-cibles, c'est pourquoi sa culture à grande échelle peut favoriser la sélection de résistance chez les deux espèces de foreurs. Le mode d'action des toxines Cry sur les espèces cibles est un processus complexe constitué de plusieurs étapes, et des modifications survenant à n'importe quelle étape peuvent avoir des conséquences sur le développement de la résistance.
Les protéases digestives des foreurs modifient la protoxine produite par B. thuringiensis tout comme la toxine tronquée exprimée dans le maïs Bt, ce qui génère la forme active de la toxine. Celle-ci se lie à des récepteurs spécifiques situés dans la membrane des cellules de l'épithélium intestinal, entraînant la formation de pores. Cela provoque la lyse des cellules intestinales et la mort de l'insecte (Figure 2).
Les principaux mécanismes de résistance des insectes-cibles face aux toxines Bt proviennent de changements dans l'expression des protéases digestives impliquées dans l'activation et/ou la dégradation de la toxine et de modifications structurelles des récepteurs (cadhérine, aminopeptidase N, etc.) empêchant la liaison de la toxine.
Comment surveiller : le programme de suivi espagnol
La détection précoce d'insectes résistants dans des populations naturelles de foreurs est extrêmement utile pour mettre en application les mesures opportunes de gestion de la résistance. Le début de la culture du maïs Bt en Espagne en 1998 coïncide avec la mise en œuvre d'un programme de suivi de la résistance des foreurs qui avait pour objectifs de :
a) déterminer les zones agro-écologiques d'intérêt ;
b) établir la sensibilité initiale (à la toxine) des populations de foreurs dans ces zones ;
c) réaliser un suivi systématique de la sensibilité pour détecter l'apparition de populations résistantes (González-Núñez et al., 2000 ; Farinós et al., 2004a).
En considérant les principales zones de culture de maïs du pays et les différents degrés d'adoption du maïs Bt dans chacune d'elles, trois zones agro-écologiques d'intérêt ont été définies : le Sud-Ouest (Andalousie et Extremadure), le Centre (Castille-La-Mancha et Madrid) et le Nord-Est (Aragon et Catalogne). Le suivi de la résistance a été effectué grâce à des échantillonnages annuels de populations des deux espèces de foreurs dans des champs commerciaux des trois zones et la réalisation d'essais biologiques en laboratoire.
La méthode d'échantillonnage consiste à récupérer, en automne, environ 1 000 larves provenant de champs Bt ou de refuges adjacents à ces derniers, dans chacune des zones d'échantillonnage.
Les essais biologiques pour déterminer la sensibilité des foreurs à la toxine sont réalisés avec des chenilles récemment écloses (premier stade larvaire) descendant de celles collectées dans les champs. Ces jeunes larves sont exposées à des concentrations croissantes de la toxine Cry1Ab appliquée sur la surface du milieu artificiel d'élevage (Castañera et al., 2004). Pour chaque population, les données de mortalité permettent de déterminer la sensibilité à la toxine (CL50, concentration de la toxine qui tue 50 % des larves au bout de 7 jours) en effectuant une analyse probit (Figure 3).
Résultats sur douze ans
Jusqu'à aujourd'hui, aucun changement significatif n'a été observé au cours du temps dans les zones échantillonnées : les valeurs de CL50 oscillent entre 3 et 30 ng/cm² pour les deux espèces de foreurs (Farinós et al., 2004b ; Castañera et al., 2005). Ceci indique qu'aucune résistance ne s'est développée durant 12 années de culture continue de maïs Bt.
Stratégies pour gérer la résistance
Pour pouvoir maintenir l'efficacité du maïs Bt sur le long terme, il faut employer des stratégies permettant de prévenir ou de faire reculer l'apparition de populations résistantes.
Ce qu'est la stratégie « haute dose/refuge »
La stratégie la plus recommandée est connue sous le nom de « haute dose/refuge » et se base sur l'utilisation de variétés transgéniques à haut degré d'expression de la toxine et sur l'établissement de champs adjacents de maïs non Bt qui agissent comme des refuges.
En Espagne, on recommande l'utilisation de refuges (20 % du total) pour des champs de maïs Bt dont la surface est supérieure à 5 ha, avec une disposition pouvant être périphérique, en blocs, en bandes, etc.
Pour que cette stratégie soit efficace, trois conditions essentielles sont requises :
a) une faible fréquence initiale d'insectes résistants (RR) ;
b) que ces derniers provenant des champs de maïs Bt se croisent avec les insectes sensibles (SS) qui sont préservés dans les refuges ;
c) que les pieds de maïs expriment une dose de toxine assez élevée pour que la résistance soit fonctionnellement récessive et que les descendants des croisements (RS) ne survivent pas.
Validation de la stratégie
Les études de vérification de la validité de ces conditions ont été réalisées dans notre pays avec des populations de S. nonagrioides, le ravageur cible le plus important au plan économique dans la région méditerranéenne.
La fréquence des allèles de résistance des populations au champ de S. nonagrioides a été déterminée grâce à la méthode appelée « F2 screen ». Avec ce procédé, on peut estimer les fréquences des allèles de résistance d'une population en exposant la génération F2, descendante de parents capturés au champ, à une dose discriminante de toxine.
Des études réalisées avec des populations collectées en Espagne et en Grèce montrent que la fréquence estimée des allèles résistants est inférieure à 1,5 x 10-3 pour l'ensemble des populations, valeurs compatibles avec la stratégie de « haute dose/refuge » (Andreadis et al., 2007).
Un autre aspect très important pour gérer correctement la résistance est de connaître la mobilité des larves et adultes de S. nonagrioides.
La capacité de dispersion des larves est plus importante lors des derniers stades de développement. Elle atteint alors une distance de quelques mètres qui leur permet souvent de changer de sillon (figure non montrée). Ceci pourrait compromettre l'efficacité d'un semis du mélange de graines Bt et non Bt dans le même champ (Eizaguirre et al., 2006).
Concernant les adultes, il a été vérifié que les mâles peuvent parcourir au moins 400 m à partir du lieu où ils ont émergé, bien qu'à partir de la distance de 200 m, le nombre de mâles du troisième vol capturés a été significativement inférieur (figure non montrée). Ces résultats sur la dispersion des adultes valident l'utilisation des refuges non Bt comme stratégie de prévention du développement de la résistance (Eizaguirre et al., 2004).
Etude génétique à l'échelle européenne
Des populations de S. nonagrioides provenant de différents pays de la zone méditerranéenne (Espagne, France, Italie, Grèce et Turquie) ont été analysées afin de connaître la structure génétique de cette espèce à l'échelle géographique. Les résultats obtenus sont indicatifs de populations génétiquement différenciées, avec des niveaux limités de flux génique entre populations distantes. Ceci pourrait contribuer à freiner l'expansion des allèles de résistance entre populations de zones géographiques différentes (De la Poza et al., 2008).
Impact potentiel sur les arthropodes non cibles
Pourquoi étudier l'impact sur ces organismes non cibles
La culture de plantes transgéniques résistantes aux insectes permet de réduire la dépendance actuelle aux insecticides conventionnels.
En outre, la spécificité de la toxine Cry1Ab, exprimée dans le maïs Bt quant aux ravageurs auxquels elle est destinée, devrait se traduire par une meilleure conservation de la faune non cible associée à la culture, parmi laquelle se trouvent les ennemis naturels des ravageurs. Cependant, la complexité des interactions entre les différents niveaux trophiques de la chaîne alimentaire (la plante, les ravageurs associés, leurs ennemis naturels et autres arthropodes) rend nécessaire l'évaluation des impacts potentiels de la culture du maïs Bt sur la faune non cible.
Par ailleurs, l'introduction de plantes résistantes aux foreurs pourrait favoriser l'apparition de ravageurs secondaires non contrôlés par la toxine et qui étaient contrôlés avec des insecticides conventionnels, ce qui pourrait avoir des impacts sur l'environnement.
Comment l'étudier : le travail réalisé
Afin de déterminer les effets potentiels, à court et moyen termes, que peut avoir la culture continue du maïs Bt en Espagne sur les arthropodes non cibles cohabitant dans l'espace et dans le temps avec la culture, différentes approches ont été effectuées grâce à des études de champ et de laboratoire (Ortego et al., 2009). Les objectifs concrets de ces études ont été :
a) identifier les espèces les plus représentatives dans les champs de maïs sous nos conditions agro-climatiques ;
b) analyser leurs niveaux d'exposition à la toxine ;
c) réaliser une étude à grande échelle dans des champs commerciaux de maïs durant plusieurs années pour y évaluer l'impact du maïs Bt sur l'abondance et la diversité des ennemis naturels ;
d) déterminer les effets du maïs Bt sur les herbivores non cibles ;
e) enfin, sélectionner des espèces utilisables comme bio-indicatrices pour des tests en laboratoire dans des conditions contrôlées.
Identification des espèces non cibles représentatives
Pour identifier les espèces les plus représentatives dans les champs de maïs, des échantillonnages ont été effectués en champs commerciaux dans deux zones à caractéristiques agro-écologiques différentes : centre (Madrid) et nord-est (Lleida) (Castañera et al., 2004).
On a utilisé quatre techniques d'échantillonnage : comptage visuel, pièges à fosse, pièges adhésifs jaunes et entonnoirs de Berlèse.
Le comptage visuel est une méthode d'échantillonnage absolue ; il a permis d'identifier et de quantifier la faune existante sur la plante (herbivores et prédateurs).
Les pièges à fosse sont constitués de récipients enterrés dont l'ouverture reste au ras du sol. Ils ont été utilisés pour l'étude des arthropodes (prédateurs et décomposeurs) se déplaçant à la surface du sol.
Pour extraire la faune édaphique (décomposeurs), on a utilisé des échantillons de sol qui ont été placés sur les entonnoirs de Berlèse au laboratoire.
Enfin, des pièges jaunes (cartons de couleur jaune englués) ont été employés pour attraper les insectes ailés, difficiles à observer et à capturer à l'aide des méthodes précédentes.
Les principaux groupes d'arthropodes identifiés à l'aide des différents systèmes d'échantillonnage sont présentés dans le tableau 1.
Avec l'échantillonnage visuel, les anthocorides, coccinelles et araignées ont été les prédateurs les plus fréquents dans les deux localités. Les carabes et araignées ont été les prédateurs les plus abondants dans les captures de pièges au sol, suivis par les dermaptères à Lleida et les staphylins à Madrid (figures non montrées).
Analyse du niveau d'exposition
La faune non cible peut entrer en contact avec la toxine insecticide exprimée par le maïs Bt si elle s'alimente de ce maïs ou d'insectes phytophages ayant ingéré la toxine, ou en raison de la libération de la toxine à travers les exsudats des racines (figure non montrée).
Parmi les organismes phytophages, les plus exposés à la toxine sont les broyeurs et ceux qui s'alimentent directement du contenu cellulaire, cas de l'acarien rouge Tetranychus urticae, tandis que la toxine ne peut être détectée chez les insectes piqueurs-suceurs qui s'alimentent au niveau du phloème. Des études réalisées avec les espèces de prédateurs les plus représentatives ont montré que la toxine exprimée dans le maïs Bt pouvait être détectée chez la coccinelle Stethorus punctillum, l'anthocoride appartenant au genre Orius et la chrysope Chrysoperla carnea, ainsi que chez des espèces des trois groupes les plus abondants de prédateurs du sol : araignées, carabes et staphylins.
Trois ans d'étude au champ de l'impact sur les prédateurs
Pour évaluer l'impact du maïs Bt sur l'abondance et la diversité des ennemis naturels à court ou moyen terme, une étude a été réalisée durant trois années consécutives (2000-2002) à Madrid et Lleida, en utilisant le même plan expérimental (figure non montrée).
Trois traitements ont été mis en place : maïs Bt (variété Compa CB) et sa variété isogénique Dracma, avec des semences traitées ou non par l'insecticide imidaclopride (Gaucho) de façon à pouvoir comparer les trois systèmes de production. L'étude a été menée dans des parcelles à l'échelle commerciale (environ 0,6 ha) avec trois parcelles par traitement, disposées en blocs aléatoirement.
L'analyse de l'abondance des prédateurs les plus fréquents sur les plantes (anthocorides, coccinelles et araignées) et de ceux capturés dans les pièges à fosse (carabes, araignées, dermaptères et staphylins) a révélé que les différences les plus importantes se produisaient entre les années, entre les localités et entre les parcelles traitées ou non avec l'imidaclopride. Il n'existait quasiment aucune différence entre les parcelles de maïs Bt et celles de leur lignée isogénique (De la Poza et al., 2005).
Autres études réalisées
On a également analysé la richesse et la diversité des espèces des groupes d'arthropodes du sol les plus abondants dans les champs de maïs du centre de la péninsule : araignées, carabes et staphylins.Les parcelles de maïs Bt et non Bt ne se sont pas significativement différentes les unes des autres (Farinós et al., 2008).
Des études ayant pour base un plan expérimental similaire mais n'utilisant pas de parcelles traitées avec un insecticide, ont été réalisées avec des variétés dérivées de l'événement MON810 dans les mêmes zones géographiques durant la période 2007-2009. Elles ont finalement donné des résultats analogues.
Étude sur les herbivores non cibles
L'impact du maïs Bt sur les herbivores non cibles (pucerons, cicadelles, vers gris et vers « fil-de-fer » des taupins) a été évalué dans des conditions de parcelles commerciales, en comparant, dans une étude de 3 ans, l'abondance entre les parcelles de maïs Bt Compa CB et la variété isogénique..Les résultats ont indiqué une plus forte densité de pucerons et de cicadelles dans les parcelles de maïs Bt. Elle ne s'est pas traduite par des pertes de production et a coïncidé avec un enregistrement plus important d'anthocorides appartenant au genre Orius. Ceci pourrait expliquer une plus forte abondance de certains prédateurs généralistes parfois trouvée dans le maïs Bt (Pons et al., 2005).
Dans cette même étude, aucune différence n'a été relevée quant au degré d'attaque de vers gris et de taupins dans des parcelles de maïs Bt et de sa variété isogénique correspondante.
L'incidence sur les autres lépidoptères, ravageurs non cibles du maïs transgénique, a été étudiée à l'aide de tests de laboratoire et d'échantillonnages visuels au champ. Les résultats ont indiqué que le maïs Bt n'est pas aussi efficace contre ces lépidoptères que contre les foreurs : son efficacité déterminée au laboratoire contre les chenilles de Mythimna unipuncta n'a atteint que 85 % (figure non montrée).
De même, lorsqu'on a analysé la présence des chenilles de Helicoverpa armigera dans des champs commerciaux de maïs durant les années 2005-2008, ce n'est qu'en 2007 que l'on a constaté une diminution significative du nombre de chenilles par plante dans des champs de maïs Bt. Ces différences disparaissent lorsqu'on analyse l'ensemble de ces 4 années (figures non montrées) (Eizaguirre et al., 2010).
Étude en laboratoire sur la faune auxiliaire : le principe
Les études de laboratoire permettent d'évaluer les effets du maïs Bt sur la faune auxiliaire d'une façon contrôlée et sous des conditions envisageant le « pire scénario possible », c'est-à-dire en soumettant ces organismes à une exposition continue à la toxine Cry1Ab et à une dose supérieure à celle attendue au champ.
Pour mener ces études, le choix s'est porté sur trois espèces de prédateurs très abondantes en Espagne et pour lesquelles l'exposition à la toxine dans des conditions de champ a été démontrée (Obrist et al., 2006). C'est pourquoi elles ont été sélectionnées pour être utilisées comme bio-indicateurs dans ces essais de laboratoire.
Les trois espèces choisies et les résultats obtenus
La coccinelle S. punctillum est un prédateur qui s'alimente exclusivement d'acariens Tetranychidae. Il a été vérifié que la toxine atteint le tube digestif du prédateur à travers la proie en conservant tout son potentiel insecticide. Cependant aucun effet négatif n'est à signaler quant aux différents paramètres biologiques analysés (Álvarez-Alfageme et al., 2008).
Le carabe P. cupreus est un prédateur généraliste. À l'aide d'essais biologiques dans lesquels on utilisait comme proies des larves de Spodoptera littoralis maintenues sur du maïs Bt, on a pu vérifier que l'exposition à la toxine n'avait eu aucun effet sur la mortalité et sur le temps de développement du carabe (Álvarez-Alfageme et al., 2009).
Les anthocorides appartenant au genre Orius sont des prédateurs généralistes qui, outre le fait d'être exposés à la toxine à travers les différentes proies avec lesquelles ils s'alimentent (pucerons, thrips, cicadelles, œufs de lépidoptères, etc.), peuvent également être exposés à travers leur alimentation directe sur la plante, principalement composée de pollen.
C'est pourquoi on a procédé à l'évaluation de l'effet du maïs Bt sur la durée de développement, la mortalité nymphale, la proportion des sexes, le poids et la taille des adultes d'O. majusculus. Aucune différence significative n'a été trouvée entre les insectes s'alimentant de maïs Bt et ceux s'alimentant avec la variété isogénique (Pons et al., 2004).
Par ailleurs, la relation tritrophique maïs Bt-T. urticae-O. majusculus a été étudiée pour obtenir finalement des résultats similaires. Ces résultats démontrent qu'il y a un transfert de la toxine à travers la chaîne trophique, mais qu'aucun effet préjudiciable de la toxine n'a été observé sur la biologie et/ou la reproduction des prédateurs étudiés.
Conclusions
Les études réalisées en Espagne dans des champs commerciaux de maïs ont permis de déterminer en conditions réelles les effets à court et moyen termes de la culture continue du maïs Bt sur les populations de ravageurs et sur la faune non cible. Elles apportent les connaissances nécessaires pour une prise de décisions basées sur des données scientifiques.
En particulier :
1) Le suivi de l'évolution de la résistance des populations de terrain permet de conclure que les populations de foreurs n'ont pas développé de résistance à la toxine Cry1Ab après 12 années de culture continue de maïs en Espagne.
2) Les études visant à connaître la fréquence des allèles résistants et la mobilité des larves et des adultes ont contribué à valider la stratégie de gestion de la résistance haute dose/refuge dans le cas de S. nonagrioides.
3) Aucun effet négatif n'a été détecté sur l'abondance, la richesse et la diversité des arthropodes présents dans des parcelles de maïs Bt, même si la plupart des espèces sont exposées à la toxine ; ceci suggère que le maïs Bt est compatible avec la lutte biologique par conservation.
4) Des études de laboratoire réalisées dans des conditions de « pire scénario possible » (exposition continue à la toxine Cry1Ab à des doses supérieures à celle exprimée dans le maïs Bt), montrent que le maïs Bt n'a pas d'effets négatifs sur la survie et le développement des trois espèces utilisées comme bio-indicateurs lors de ces essais. Néanmoins, nous estimons nécessaire la poursuite du suivi de la résistance et la réalisation d'essais à plus long terme pour pouvoir écarter de possibles effets cumulatifs d'exposition à la toxine.
<p>* Departamento de Biología Medioambiental, Centro de Investigaciones Biológicas, CSIC, Ramiro de Maeztu 9, Madrid 28040, Espagne.</p> <p>** Centre UdL-IRTA, Universitat de Lleida, Rovira Roure 191, Lleida 25198, Espagne.</p> <p>Unidad Asociada UdL-CIB “Sostenibilidad de cultivos genéticamente modificados”.</p> <p>N.B. Les figures non montrées sont disponibles auprès des auteurs.</p> <p>(1) La version originale a été publiée dans <i>Phytoma España</i> n° 219, mai 2010.</p>
Surfaces de maïs Bt cultivées en Espagne
La culture de maïs Bt a démarré en Espagne en 1998, avec l'autorisation de culture de la variété Compa CB® (événement 176). La surface cultivée avec cette variété s'est maintenue autour de 20 000 ha, jusqu'à son retrait du marché en 2005 (Figure 1).
À partir de 2003, des variétés dérivées de l'événement MON810 ont commencé à être commercialisées, et leur surface a augmenté jusqu'à atteindre 76 057 ha en 2009, ce qui représente 22 % du total de la surface de maïs cultivée en Espagne (Figure 1).
L'adoption de la culture a été inégale entre les différentes Communautés autonomes, allant jusqu'à plus de 50 % de la surface de maïs en Aragon et Catalogne en 2009.
Figure 1
Surface (ha) cultivée en Espagne avec des variétés de maïs Bt dérivées des événements Bt176 et MON810 durant la période 1998-2009 (le pourcentage de maïs Bt par rapport à la surface totale de maïs est indiqué entre parenthèses).
Figure 2
Mode d'action de la toxine du Bt issue, soit d'une application du Bt lui-même avec sa protoxine, soit du maïs Bt avec sa toxine tronquée. Les panneaux Stop indiquent les localisations des possibles mécanismes de résistance aux toxines.