Le tournesol aujourd'hui, le colza demain, voient arriver de nouvelles solutions de désherbage avec des herbicides inhibiteurs de l'acétolactate synthétase (ALS), du groupe HRAC B(1), associés à des variétés tolérantes. Pour comprendre les enjeux de cette innovation, faisons d'abord le point de situation.
Situation du désherbage
Le cas du tournesol
Jusqu'à présent, le tournesol, espèce très sensible aux herbicides, était désherbé en prélevée avec des herbicides racinaires à large spectre. Depuis la disparition de la trifluraline, l'efficacité de ce désherbage est fragilisée. Il y a de fortes difficultés contre l'ambroisie (Ambrosia artemisiifolia), la lampourde (Xanthium strumarium), le datura (Datura stramonium), le chanvre d'eau (Bidens tripartita), le liseron des haies (Calystegia sepium), le tournesol adventice (Helianthus annuus) et le chardon (Cirsium arvense).
Aujourd'hui, arrivent des hybrides tolérants à des herbicides inhibiteurs de l'ALS. Le principe de ces tolérances est la mutation de cible trouvée dans la nature (tournesol sauvage d'Amérique du Nord), cas de la technologie Clearfield de BASF Agro, ou obtenue par mutagénèse, cas de la technologie Express de DuPont. Puis il y a eu sélection variétale classique (rétro-croisements) dans les deux cas.
Ces hybrides sont tolérants aux applications de post-levée d'imazamox (Pulsar 40, technologie Clearfield) ou de tribénuron-méthyl (Express SX, technologie Express). Ces produits appliqués entre les stades 2 et 6 feuilles du tournesol ont un spectre d'action large et leur efficacité ne baisse pas si l'humidité du sol est faible. Ils permettent de surmonter les difficultés rencontrées sur les adventices difficiles déjà citées. L'imazamox a également été développé sur le soja qui lui est naturellement tolérant.
Le cas du colza
Sur colza, le contrôle des adventices est victime du succès de la culture. Les producteurs disposent de 5 substances actives à mode d'action racinaire (groupes HRAC K3, F3, O). Les produits de post-levée sont utilisés rarement, en rattrapage, et leurs spectres sont étroits (composées, moutarde des champs, voire gaillet).
À cause du développement de rotations courtes à dominante de cultures d'hiver et des techniques culturales simplifiées, une sélection de la flore s'est opérée. On note de fortes pressions en géraniums (Geranium dissectum, pusillum, rotondifolium, molle), crucifères (Sinapis arvensis, Raphanus raphanistrum, Calepina irregularis, Lepidium campestris, Barbarea intermedia, etc.), ammi-élevé (Ammi majus). Les géraniums (Geranium sp., ph. en médaillon), le bleuet (Centaurea cyanus), le gaillet (Gallium aparine) le coquelicot (Papaver rhoeas), le ray-grass (Lolium multiflorum) et le vulpin (Alopecurus myosuroides) semblent progresser. Ce pourrait être lié au retrait de la trifluraline qui, utilisée en présemis avant l'herbicide de postsemis prélevée, élargissait le spectre du désherbage et améliorait son niveau et sa régularité.
L'arrivée prévue (demande d'AMM en cours) de nouveaux herbicides à base d'inhibiteurs de l'ALS d'ici 2012 devrait apporter une solution concrète à ces difficultés.
En effet, BASF Agro développe la technologie Clearfield sur des variétés de colza tolérantes obtenues par mutagénèse. L'herbicide associera métazachlore (action racinaire – groupe HRAC K3) et imazamox avec un spectre antidicotylédones et antigraminées. Une formulation avec en plus le quinmérac (groupe HRAC O) sera également développée.
DuPont Solutions développe l'éthametsulfuronméthyl, sulfonylurée antidicotylédone sélective du colza. Cette substance à mélanger avec un produit racinaire (métazachlore avec ou sans quinmérac) peut succéder ou pas à une application de prélevée.
Ces deux solutions s'appliqueront en post-levée, entre les stades cotylédons et 4 feuilles. Selon les essais du Cetiom, l'application au stade 2 feuilles permet d'en tirer le meilleur profit. Les deux techniques montrent un spectre d'action relativement large et des niveaux d'efficacité sans commune mesure avec les solutions actuelles sur géraniums et crucifères.
Pression dans la rotation
Les inhibiteurs de l'ALS, déjà utilisés sur céréales, maïs voire sorgho, betterave, pois et riz, seront donc encore plus présents en grandes cultures dans les rotations avec oléagineux. En effet, pour plus de 90 % des surfaces, le colza et le tournesol succèdent à une céréale (enquête Cetiom 2008 et 2009). Or on estime qu'à ce jour, 6 millions d'ha de céréales reçoivent un inhibiteur de l'ALS. L'utilisation de ces inhibiteurs de l'ALS sur oléagineux va forcément augmenter la pression de sélection au sein de la rotation. S'ils n'adaptent pas leurs pratiques culturales, les producteurs risqueront de voir apparaître des adventices résistantes à ces herbicides.
La question du transfert
Il y aussi le risque de transfert de la tolérance aux herbicides des plantes cultivées vers les espèces adventices et sauvages apparentées. Des travaux sur la pollinisation de crucifères sauvages par le colza en conditions naturelles montrent, pour la plupart des espèces, un taux d'hybridation de l'ordre de 10-5 à 10-7 (Chèvre et al., 2003 ; Warwick et al., 2003), voisin de la probabilité d'apparition d'individus naturellement résistants aux herbicides (Gasquez, 2001).
Les croisements avec la navette (Brassica rapa) sont plus fréquents mais les hybrides formés et leurs descendances sont très peu fertiles (Chèvre et al., 2003 ; Warwick et al., 2003). Côté tournesol, la question de la transmission du caractère de tolérance aux herbicides par croisement se pose seulement vis-à-vis des tournesols sauvages (H. annuus), très nuisibles et assez fréquents dans le Sud-Ouest (11 % des parcelles où l'on détecte ces adventices et 3 % vraiment infestées ; source : enquête terrain Cetiom 2010) et en Poitou-Charentes.
Résistance aux inhibiteurs de l'als et oléagineux
La résistance des adventices aux herbicides est aujourd'hui présente sur plus de 35 millions d'ha dans le monde. Son apparition inévitable résulte de la pression de sélection des herbicides favorisée par certains systèmes de production. Les inhibiteurs de l'ALS sont en première position quant au nombre de biotypes concernés (weedscience.com).
Résistance aux inhibiteurs de l'ALS en France et en Europe
En France, les espèces résistantes aux inhibiteurs de l'ALS sont surtout des graminées : le vulpin (A. myosuroides) et le ray-grass (L. multiflorum) sont un problème majeur du désherbage des céréales. Mais des cas de résistance du coquelicot (P. rheas) sont recensés.
En Europe, il y a plusieurs cas de dicotylédones résistantes. Outre le coquelicot depuis 1993 (Claude & al., 1998), citons la matricaire (Matricaria chamomilla - Petersen J. 2008, weedscience. com), la moutarde blanche (Sinapis alba – Cruz-Hipolito & al., 2009) et en cultures estivales l'amarante réfléchie (Amaranthus retroflexus - Scarabel & al., 2005). Il y a davantage d'espèces touchées dans le monde.
« Dicot » n'est pas graminée
Dans nos parcelles, les populations de graminées résistantes sont apparues rapidement (4 à 5 ans après les premières applications). Mais peut-on extrapoler la cinétique « graminées » aux dicotylédones ?
Les graminées étaient déjà très présentes en systèmes céréaliers, avec donc une forte probabilité d'individus résistants présents. Les herbicides inhibiteurs de l'ACCase avaient fait peser une très forte pression de sélection.
L'existence de résistance croisée aux herbicides inhibiteurs de l'ACCase et de l'ALS fait supposer que la sélection de populations résistantes aurait pu débuter bien avant l'application des inhibiteurs de l'ALS (Gasquez et al., 2009). Les nombreux cas de résistances sont liés à la forte pression de sélection d'un mode d'action unique appliqué systématiquement sur céréales, voire répété dans la rotation (ex. tout en sulfonylurées). Le travail du sol simplifié et une mauvaise gestion de l'interculture favorisent le développement de ces espèces à fort taux annuel de décroissance.
Même si chaque espèce d'adventice est un cas particulier, les dicotylédones se distinguent des graminées. Elles sont sensibles à un plus grand nombre de substances actives, donc les programmes associant plusieurs modes d'action contribuent à limiter l'apparition de résistances. Ainsi, sur céréales, la faiblesse des sulfonylurées sur véroniques (Veronica persica, Veronica hederifolia) conduit à associer aux inhibiteurs de l'ALS un autre mode d'action. Jusqu'à présent, les dicotylédones sont contrôlées en oléagineux et protéagineux avec un mode d'action autre que l'inhibition de l'ALS.
En Amérique du Nord et Australie, on recense des dicotylédones résistantes aux inhibiteurs de l'ALS s'ils sont appliqués systématiquement en monoculture ou rotation de cultures de même cycle (ex. applications répétées d'imidazolinone en monoculture de soja).
Les cas connus en Europe sont comparables :
– amarante réfléchie (A. retroflexus) résistante en Italie en monoculture de soja après 5 ans d'application d'inhibiteurs de l'ALS (Scarabel et al., 2005) ;
– coquelicots (P. rhoeas) résistants en Espagne en monoculture de blé ou orge, en travail du sol simplifié voire semis direct, sans alternance de modes d'action (Cirujeda Razenberger, 2001).
– moutarde blanche (S. alba) résistante en conditions proches (Cruz-Hipolito et al., 2009).
Culture du tournesol
Analyse du risque
En France, selon nos enquêtes, le tournesol est conduit en rotation avec des céréales et retour tous les 2 ans (25 % des surfaces, mais 42 % dans le Sud-Ouest), 3 ans (50 % des surfaces) ou plus. La réglementation interdit la succession tournesol-tournesol (arrêté mildiou 2005).
Dans le cas d'un tournesol en rotation courte avec céréales d'hiver et désherbé avec l'imazamox ou le tribénuron-méthyl, une adventice estivale ne recevra d'inhibiteur de l'ALS que tous les deux ans au maximum. Le risque d'apparition de résistance semble limité.
L'ambroisie est un cas à part. Elle est très présente dans certaines parcelles ce qui augmente la probabilité d'existence d'individus résistants risquant d'évoluer en population. De plus, sa production grainière est très importante. De nombreux cas de résistances sont recensés aux USA. Tout ceci pousse à la plus grande vigilance. Enfin, la lutte contre l'ambroisie dépasse largement le cadre agricole vu les allergies causées par son pollen. Son contrôle en culture doit donc être optimal.
Nous estimons que les flores à risque sont les espèces pouvant être présentes aussi bien en culture de printemps qu'en culture d'hiver et recevant systématiquement un herbicide inhibiteur de l'ALS. Plus une adventice est sensible à ce mode d'action, plus le risque est fort.
Gestion : alterner les modes d'action des herbicides sélectifs
Il faut prendre en compte la fréquence de ces flores dans les parcelles de tournesol. Puis, pour chaque flore, adopter un ensemble de mesures culturales et chimiques (Tableau 1, p. 33).
Il faut alterner des modes d'action différents dans la rotation ou les associer (programme ou mélange) dès que c'est possible et efficace.
En présence de ray-grass, des modes d'actions autres que ceux des groupes HRAC A et B, seuls ou en programme avec des inhibiteurs de l'ALS, sont indispensables en culture de blé (chlortoluron, prosulfocarbe) et de tournesol (S-métolachlore).
Contre l'ammi-élevé (A. majus), seuls les inhibiteurs de l'ALS sont efficaces dans les céréales. Il est donc fortement conseillé aux producteurs de maintenir le quinmérac, efficace en prélevée du désherbage du tournesol. Contre l'ambroisie, nos essais montrent qu'en situation de forte densité (plus de 10-20 plantes/m²), le programme faisant se succéder la prélevée (aclonifen + flurtamone) et la post-levée (tribénuron-méthyl ou imazamox) améliore l'efficacité et la régularité du désherbage (Figures 1 et 2). De plus, il limite la pression de sélection et assure ainsi la durabilité des solutions de post-levée.
En cas de rotation tournesol-soja ou soja-maïs, l'alternance des modes d'action est primordiale. Il faut n'apporter un inhibiteur de l'ALS que tous les deux ans au maximum.
Penser mode d'action... alternatif !
Enfin, l'alternance des modes d'action c'est aussi faire l'impasse de ceux à risque si les moyens alternatifs (chimiques ou mécaniques) sont satisfaisants, quelle que soit la culture.
La lutte agronomique, lorsqu'elle est pertinente, est incontournable pour limiter la pression de sélection. Elle est particulièrement conseillée sur certaines adventices à risque type ray-grass (gestion des faux semis en interculture, voire retard des semis de céréale) et crucifères (gestion de faux semis fin août avant l'implantation d'une céréale).
La gestion de l'interculture est efficace contre l'ambroisie, en particulier après céréales. Il s'agit de faire lever un maximum de plantes pour ensuite les détruire par le travail du sol ou par un herbicide total.
En fortes infestations, on peut retarder la date de semis des tournesols si l'on a créé des conditions favorables aux premières levées d'adventices (travail du sol ou faux semis réalisés précocement) pour ensuite les détruire avant de semer. Ceci ne concerne pas seulement les premières levées d'ambroisie. Ce semis décalé du tournesol (ou du soja) est fréquent en agriculture biologique.
Le binage est un moyen de lutte complémentaire efficace (Lieven et al., a, 2010). Il contribue lui aussi à limiter la pression de sélection des herbicides au même titre que la rotation.
Cette dernière favorise l'épuisement du stock semencier, surtout si elle est accompagnée d'une bonne gestion de l'interculture. Elle permet aussi l'alternance des modes d'action.
Le tournesol adventice : un cas particulier
Une solution nouvelle
Les tournesols adventices (H. annuus) ont de nombreux petits capitules sans dominance apicale et qui s'égrènent avant la récolte des tournesols cultivés. La dormance de leurs graines, très variable selon les populations, est bien plus longue que celle des tournesols cultivés (essais Cetiom 2007-2008). Pour le reste, leur biologie est identique.
Jusqu'à présent, seul le désherbage mécanique (binage) et l'arrachage manuel (en cas de faibles infestations) étaient efficaces pour les éliminer. L'emploi d'imazamox ou de tribénuron-méthyl rend la lutte possible car nous n'avons pas détecté de populations tolérantes, à l'inverse des tournesols sauvages américains (Canadian Food Inspection Agency, 2008).
Sa durabilité en question
Mais la question de la durabilité de ces solutions sur une parcelle infestée doit être posée. Il y a risque d'introgression de caractères génétiques des hybrides tant le flux de gène peut être élevé entre ces deux tournesols (Canadian Food Inspection Agency, 2008). Le risque est d'autant plus fort que la tolérance est liée à un seul gène. L'expression de cette tolérance se fait dès l'hétérozygotie pour le tribénuronméthyl mais exige en général une homozygotie pour l'imazamox.
Le Cetiom a conduit une expérimentation en 2008 pour quantifier les risques de transfert de la résistance aux imidazolinones ou aux sulfonylurées par croisements entre des tournesols cultivés résistants et des tournesols adventices. Le dispositif expérimental est décrit dans notre communication au Columa 2010.
Dans cet essai, 35 à 55 % des capitules de tournesols adventices ont fleuri en même temps que les hybrides cultivés. 28 % des graines prélevées sur les capitules des tournesols adventices situés au milieu d'hybrides tolérants aux inhibiteurs de l'ALS sont issues d'une pollinisation avec l'hybride tolérant. À une distance des hybrides tolérants de 0,4 à 20 m, le taux de graines issues de cette pollinisation croisée est inférieur : 8 à 15 %. À 50-60 m de la source de pollen hybride tolérant, le taux baisse à 0,2 %.
Il s'agit d'une seule année d'essais qu'il faudrait réitérer pour valider ses résultats. Néanmoins, ils suggèrent que le risque de transfert de tolérance aux herbicides du tournesol cultivé vers le tournesol adventice est très élevé.
Les réponses possibles
Ceci implique que l'efficacité des inhibiteurs d'ALS pour lutter contre les tournesols adventices dans les parcelles de tournesol cultivé tolérant ne sera durable qu'à condition de détruire systématiquement TOUS les tournesols adventices dans ces parcelles.
La pire des situations serait de semer une variété tolérante dans une parcelle infestée puis, pour une raison ou pour une autre, de ne pas appliquer l'herbicide de post-levée ou de rater le désherbage. La probabilité de voir dans les années suivantes des tournesols sauvages résistants est dans ce cas très élevée.
Il faudra aussi éviter que des parcelles cultivées en tournesols tolérants aux herbicides jouxtent des parcelles cultivées en tournesol classique infestées, même faiblement, par des tournesols sauvages dans les premiers mètres.
La lutte chimique doit viser une efficacité maximale pour écarter tout risque de fécondation croisée. Les essais réalisés depuis 2006 montrent une très bonne efficacité de ces herbicides sur tournesol sauvage. Mais ses levées échelonnées et l'absence d'efficacité racinaire des substances actives rendent la lutte chimique délicate. Il faut éviter les applications trop précoces (avant 2-4 feuilles de l'hybride) car les levées de tournesol adventice postérieures à l'application risquent alors d'être pollinisées par les hybrides. En application tardive (8-10 feuilles du tournesol sauvage), les zones méristématiques (action des inhibiteurs de l'ALS sur bourgeons terminal et axillaires) sont détruites mais la plante survit. De nouveaux bourgeons axillaires se différencient et une ou des tiges repartent. C'est davantage le cas avec le tribénuron-méthyl qu'avec l'imazamox, plus long à être détoxifié par l'adventice.
L'expérimentation menée en 2009 montre le risque de voir apparaître des petits capitules risquant d'être fécondés par l'hybride si la stratégie herbicide n'est pas adaptée (Tableau 2). Dans l'idéal, le tournesol adventice doit avoir son stade compris entre 2 et 4 feuilles pour être entièrement détruit par l'herbicide.
Activer les leviers agronomiques
Limiter le risque de transfert au maximum, c'est aussi activer tous les leviers agronomiques. Les premières infestations sont issues de problèmes de pureté variétale (à des taux de l'ordre de 0,01 à 0,04 %). Elles doivent faire l'objet d'arrachages manuels car les caractères sauvages ont une forte capacité à se conserver (sélection par fécondation non synchrone avec les hybrides). Le décalage de la date de semis à début mai est efficace pour épuiser le stock semencier, ainsi que le faux semis après la récolte des céréales voire celle du tournesol.
Enfin, le binage en complément de la lutte chimique est une opération de rattrapage pouvant parfaire l'efficacité de la post-levée, surtout si cette dernière n'est pas idéalement positionnée. En revanche, vu le faible taux annuel de décroissance, l'allongement de la rotation et le labour n'ont guère d'intérêt.
Culture du colza
Analyse du risque
L'introduction d'inhibiteurs de l'ALS pour désherber le colza peut paraître plus délicat car bon nombre de rotations ne comportent pas de rupture de cycle des adventices (rotation de cultures d'hiver). En effet, nos enquêtes culturales montrent que la fréquence d'un colza tous les 3 ans représente près de 60 % des surfaces (rotation dominante colza-blé-orge). Les rotations courtes, de type colza-blé sont peu fréquentes (5 % des surfaces en France, 16 % en région Poitou-Charentes).
L'utilisation de ces substances actives en mélange formulé ou en association avec des substances actives racinaires d'un groupe HRAC différent (K3, F3, O) limitera la pression de sélection à condition d'opter pour la stratégie la plus judicieuse. Néanmoins, ces substances actives, en général racinaires, peuvent se montrer d'une efficacité insuffisante, par exemple sur crucifères ou géraniums.
Si ces adventices sont aussi maîtrisées par un inhibiteur de l'ALS en céréales, la pression de sélection devient alors très importante. L'état de nos connaissances nous permet une première approche de cette évaluation sur les adventices les plus à risque. Des pistes de gestion sont alors proposées (Tableau 3).
Pistes de gestion
En comparaison avec le tournesol, nous estimons que le niveau de risque de voir une dicotylédone évoluer en population résistante peut être supérieur. C'est avant tout le cas sur crucifères. Mais les producteurs ne restent cependant pas démunis quant à la disponibilité de modes d'action différents sur colza.
Le Cetiom a obtenu des autorisations d'utilisation de la mésotrione en post-levée sur la base de résultats très positifs. La mise en œuvre de programmes herbicides d'automne sur céréales est fortement recommandée dans la lutte contre les graminées résistantes aux inhibiteurs de l'ALS ou tout simplement dans la gestion de la durabilité de ce mode d'action.
À l'avenir, ces programmes pourront intégrer des substances actives telles que diflufénicanil, ioxynil, bifénox, MCPP-P, etc., contre les crucifères. Cette stratégie concerne aussi les géraniums, même si les programmes avec inhibiteurs de l'ALS sur colza présentent une efficacité de l'ordre de 20 à 50 % non imputables à ce mode d'action.
Enfin, l'utilisation des groupes HRAC C2, K1, K2, K3 et N sur colza ou blé est incontournable dans la lutte contre les graminées, surtout si l'on augmente la pression de sélection dans la rotation avec l'imazamox (efficace sur graminées).
Faire jouer le levier agronomique
Le levier agronomique doit être optimisé. Les résultats et communications sont nombreux sur le thème de la gestion des graminées. Des travaux prometteurs sont en cours sur la gestion des dicotylédones en interculture (Lieven et al., b, 2010) car la biologie des graminées ne peut être complètement extrapolée.
Le labour reste aussi un moyen de lutte très efficace sur graminées voire gaillet.
Enfin, autant que possible, le maintien ou l'introduction de cultures de printemps est à privilégier. Cette mesure agronomique permet une rupture de cycle des adventices, favorise l'épuisement du stock semencier et facilite l'introduction de différents modes d'action.
Conclusion
Vu la prochaine augmentation de la pression de sélection par les inhibiteurs de l'ALS, le risque de voir évoluer la flore vers des populations résistantes est à envisager, en particulier pour les dicotylédones. Ce risque concerne d'abord les flores susceptibles d'être visées tous les ans avec ce mode d'action.
C'est le cas par exemple avec l'ammi-élevé, les crucifères (présents en cultures de tournesol et colza), les géraniums (présents en culture de colza) et les graminées. Vu l'importance de sa pression, l'ambroisie à feuilles d'armoise doit également être considérée comme une flore potentiellement à risque.
La durabilité des solutions à base d'inhibiteurs de l'ALS exige de mobiliser d'autres modes d'action en programme ou en alternance dans toute la rotation. Par exemple les programmes d'automne sur céréales pourraient devoir gérer les graminées mais aussi les dicotylédones.
Tous les leviers agronomiques doivent être activés. Le faux semis en interculture, aujourd'hui intégré dans la lutte contre les graminées, devra être étendu à celle des dicotylédones. De même, le décalage de la date de semis du tournesol peut être intéressant sur flores estivales en cas de forte pression. Le binage est à conserver voire développer tant son action curative est efficace.
Cette gestion se traduit par un surcoût. Mais celui-ci reste inférieur à celui de la maîtrise d'une population résistante.
Dans le cas spécifique d'une culture de tournesol envahie de tournesols adventices, il faut tenir compte du risque d'acquisition par l'adventice de la tolérance aux inhibiteurs de l'ALS. La pratique du désherbage doit être des plus rigoureuses et viser une efficacité maximale (stade d'application). La modulation de dose est à proscrire et tous les facteurs agronomiques doivent être mis en place (faux semis, décalage de la date de semis). Mais cette lutte doit avant tout débuter par l'arrachage manuel des premiers pieds.
<p>* CETIOM, 1, rue Péchabout, 47000 Agen. duroueix@cetiom.fr</p> <p>** CETIOM, Station Inter-Instituts, 6, chemin de la Côte-Vieille, 31450 Baziège. lecomte@cetiom.fr</p> <p>*** CETIOM, Centre de Grignon Avenue Lucien-Brétignières, 78850 Thiverval-Grignon. leflon@cetiom.fr, lieven@cetiom.fr</p> <p>(1) L'HRAC (Herbicide Resistance Action Committee) est un organisme international surveillant les résistances aux herbicides. Il classe ces produits en groupes de mode d'action, chacun pouvant inclure plusieurs familles chimiques.</p>
Columa là aussi...
Cet article cite la communication des mêmes auteurs à la 21e conférence du Columa « Journées internationales de lutte contre les mauvaises herbes » Dijon, les 8 et 9 décembre 2010. Version intégrale (bibliographie de 13 références) sur le CD-Rom des Actes de cette conférence sur place, puis : AFPP, 42, rue Raymond-Jaclard 94140 Alfortville cedex. afpp@afpp.net
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Cet article cite la communication des mêmes auteurs à la 21e conférence du Columa « Journées internationales de lutte contre les mauvaises herbes » Dijon, les 8 et 9 décembre 2010. Version intégrale (bibliographie de 13 références) sur le CD-Rom des Actes de cette conférence sur place, puis : AFPP, 42, rue Raymond-Jaclard 94140 Alfortville cedex. afpp@afpp.net
Figure 1
Intérêt d'associer la prélevée et la post-levée sur tournesol face à l'ambroisie A. artemisiifolia : comparaison des désherbages en prélevée seule, en post-levée seule et en associant les deux. Prélevée : aclonifen + flurtamone (Nikeyl).
Post-levée : tribénuron-méthyl (Express SX).
7 essais 2008-2010 sur tournesols tolérants au tribénuron-méthyl.
Efficacités élémentaires et moyenne (%).