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dossier - Cultures spécialisées

Protéger les cultures d'été de concombre sous abri

Anne-Isabelle Lacordaire* - Phytoma - n°640 - janvier 2011 - page 32

Un nouveau conditionnement de l'acarien auxiliaire Neoseiulus californicus et sa technique d'introduction contre les acariens ravageurs
 ph. Koppert

ph. Koppert

Ci-dessus, larves et adulte de Neoseiulus californicus et, en petit, un autre adulte. En haut de page, le nouveau conditionnement. Photos : Koppert

Ci-dessus, larves et adulte de Neoseiulus californicus et, en petit, un autre adulte. En haut de page, le nouveau conditionnement. Photos : Koppert

Les producteurs de légumes sous abri travaillant en PBI (protection biologique intégrée) connaissent l'acarien prédateur Neoseiulus californicus, auxiliaire utilisé contre les acariens phytophages. C'est un coureur de fond qu'il ne faut pas utiliser en « rattrapage » face à des pullulations d'acariens ravageurs mais bien en préventif, afin d'empêcher ces explosions. Pour cela, un conditionnement « spécial longue durée » permettant une libération lente d'auxiliaires fonctionnels a été mis au point par la société Koppert. Comment l'utiliser au mieux ? Tout apporter en début de saison ou moitié par moitié ? Voici des réponses, suite à des essais sur concombre.

L'acarien prédateur Neoseiulus californicus (Mc Gregor) (syn. Amblyseius californicus) fait l'objet d'études en culture de concombre depuis plusieurs années.

En effet, cet auxiliaire a montré ses capacités pour réguler les populations du tétranyque tisserand Tetranychus urticae (Koch) lors d'essais menés depuis 2008 dans cette culture. Sa capacité d'adaptation à des hygrométries relativement faibles en fait un auxiliaire de choix sur cultures estivales, en conditions très favorables aux acariens phytophages. Ce prédateur « de fond » supporte le jeûne ce qui permet une installation préventive.

Les travaux de la société Koppert BV ont abouti, en janvier 2010, à la mise au point d'un nouveau conditionnement de cet auxiliaire, nommé Spical Plus. Il s'agit de sachets à suspendre, avec une libération lente des N. californicus, adaptés à une installation préventive.

Des résultats d'essais conduits en culture de concombre d'été dans deux régions françaises sont présentés ici ; ils montrent l'impact utile de N. californicus sur les populations de T. urticae et l'intérêt de ce nouveau conditionnement, et informent sur la façon de l'apporter.

Deux sites d'essais ont été choisis, l'un dans le sud-est et l'autre dans le nord de la France.

Deux essais complémentaires

Site A, en sol et au sud

Sur le site méridional, la culture de concombre plantée en semaine 17 est en sol, dans six tunnels de surfaces égales répartis équitablement entre les deux modalités testées :

– modalité 1 : un apport unique, à raison d'un sachet de Spical Plus/3 plantes ;

– modalité 2 : deux apports d'un sachet de Spical Plus/6 plantes (donc demi-dose par rapport à la modalité 1 à chaque apport mais la même quantité totale par saison).

Chaque serre tunnel abrite une parcelle élémentaire de 182 m² (52 m x 3,50 m), constituée de deux double-rangs de culture de sa partie centrale. Chaque parcelle élémentaire compte 364 plantes sur lesquelles sont réalisées des observations. L'essai s'étant déroulé en production, il n'a pas été possible d'avoir de modalité témoin. Par ailleurs une protection biologique intégrée a été conduite sur cette culture.

Un lâcher d'auxiliaires a été réalisé en semaine 24 dans les deux modalités ; le renouvellement a été effectué semaine 28 dans la modalité 2.

Site B, hors-sol et au nord

Sur le site de la moitié nord de la France, la culture est hors-sol dans une serre comprenant 2 blocs de 3 modalités chacun.

La plantation a lieu semaine 28. Chaque parcelle élémentaire comprend 4 rangs situés dans la même chapelle. Il y a 6 rangs entre chaque parcelle élémentaire pour la constitution de zones tampons.

Les modalités sont :

– modalité 1, témoin : pas d'apport,

– modalité 2 : 1 sachet pour 3 plantes,

– modalité 3 : 1 sachet pour 5 plantes, avec renouvellement.

Des lâchers ont été réalisés en semaine 31 dans les modalités 2 et 3 et le renouvellement a été effectué la semaine 35 dans la modalité 3.

Feuilles et demi-feuilles à la loupe

Le mode d'observation est identique dans les deux sites :

– 60 feuilles par modalité observées chaque semaine : 30 jeunes et 30 d'âge intermédiaire ; les extrémités des rangs et les rangs extérieurs ne sont pas pris en compte lors des observations ;

– la gravité de l'attaque des acariens ravageurs combine sa fréquence et son intensité ;

– l'intensité est évaluée sur chaque feuille selon une échelle de valeur allant de 0 (feuille indemne) à 4 (+ de 50 % de surface foliaire affectée par les acariens) en passant par 1 (attaque visible mais ponctuelle), 2 (10 à 25 % de la surface affectée) et 3 (25 à 50 % de la surface) ;

– la fréquence d'attaque est exprimée en pourcentage du nombre de feuilles attaquées sur le nombre de feuilles total par classe ;

– les phytoséiides sont dénombrés sur 20 demi-feuilles observées dans chaque parcelle élémentaire et chaque modalité.

Résultats dans le Sud

Différences entre modalités

Les premiers dégâts observés sur feuilles apparaissent dans les deux modalités 8 semaines après la plantation, en semaine 25.

En modalité 1 (figure 1), la fréquence d'attaque ne dépasse pas 5 % jusqu'en semaine 29 avec une intensité seulement de classe 1. En semaine 30 (dernier comptage, 2 semaines avant la sortie des plantes), la fréquence d'attaque monte à 26 % de feuilles attaquées en classe 1 et 1 % en classe 2.

En modalité 2 (Figure 2), la fréquence d'attaque sur feuilles est déjà 10 % en moyenne en semaine 26, avec des dégâts encore de classe 1. Les dégâts de classe 2 apparaissent à partir de la semaine 27 (1,1 %). Les dégâts s'intensifient dès la semaine 28 et explosent ensuite. La fréquence d'attaque passe en effet de 17,3 % (semaine 28) à 34,4 % (semaine 29) avec des classes 2 et 3 pour atteindre 68 % dont 17 % de plantes de classe 3 et 51 % des classes 1 et 2 confondues en semaine 30.

Les fortes attaques apparaissent avec une localisation différenciée : on observe les premières infestations de tétranyques dans les tunnels situés au nord-est, les plus exposés aux vents dominants.

Le test de Student montre une différence significative entre les 2 modalités sur les semaines 29 et 30 (P < 0,05 avec P = 0,0182 en semaine 29 et P = 0,04577 en semaine 30) avec davantage de dégâts dans la modalité 2 que dans la 1.

À nombre égal sur la saison, mieux vaut « tout d'un coup »

Les populations d'acariens phytophages sont restées faibles jusqu'à la fin de la culture dans la modalité 1 (1 sachet/3 plantes). Ceci nous autorise à penser que les phytoséiides ont permis de contenir les populations des tétranyques à un niveau tout à fait acceptable par le producteur sans engendrer de pertes de plantes.

La baisse des populations de phytoséiides en semaine 27 dans les deux modalités pourrait résulter de l'effet non intentionnel de traitements fongicides.

On note à partir de la semaine 28 une bonne dynamique et une croissance régulière de la population des auxiliaires dans la modalité 1. Alors que les sachets n'ont pas été renouvelés, le nombre de phytoséiides observés est deux fois supérieur (7/demi-feuille) à celui de la modalité 2 (3,6/demi-feuille) en semaine 30. Il semble donc que la densité de 1 sachet/3 plantes donne une meilleure réponse sur la répartition de l'auxiliaire dans la culture en période estivale. Dans la modalité 1 sachet/6 plantes, les tétranyques colonisent plus rapidement les plantes que les N. californicus. Malgré le nouvel apport d'auxiliaires, ses populations n'augmentent pas de façon significative. Cette réponse fonctionnelle trop lente laisse supposer que ces prédateurs ont besoin de temps pour parcourir la distance entre les points de lâcher et ne permettent pas, dans ces conditions, de contenir les ravageurs. Néanmoins, la culture arrivant à son terme, aucun traitement acaricide n'a été réalisé.

Par ailleurs, l'utilisation d'Amblyseius swirskii, prédateur de thrips, à même dose dans les deux modalités, révèle un biais de nos observations. Cependant, les identifications des phytoséiides réalisées sous microscope au cours d'autres essais montrent dans la majorité des cas un taux supérieur de N. californicus dans les foyers d'acariens comparé au nombre A. swirskii.

Il a été également observé que les phytoséiides étaient retrouvés aussi bien sur des plantes avec sachet que sur des plantes sans sachet.

Résultats dans le Nord

Différences avec le témoin, et entre apports

Sur le site « nordiste », les premiers dégâts sont observés en semaine 29 dans les modalités 2 et 3 et en semaine 30 dans la modalité 1. Dans les trois modalités, la fréquence est inférieure à 5 % avec une intensité faible (de classe 1) jusqu'à la semaine 35 incluse.

À partir de la semaine 36, la modalité 1 (témoin) présente significativement plus de dégâts que les deux autres modalités, avec 32 % de fréquence d'attaque comprenant les classes 1, 2 et 3. La modalité 2 (1/3) reste au niveau le plus faible, 9 %, significativement différent de celui de la modalité 3 (1/5 renouvelé en semaine 35) 18 % (Figures 3, 4 et 5). En semaine 37, la fréquence d'attaque atteint 32 % dans la modalité 3 malgré le renouvellement de lâcher, même si l'intensité reste de classe 1. Les modalités 1 et 2 atteignent 18 % (Figures 3, 4 et 5).

Un traitement acaricide généralisé (floramite) réalisé la semaine 37 n'obtient pas les résultats escomptés. En effet, il n'a pas été remarqué beaucoup d'individus morts en semaine 38. La fréquence d'attaque augmente fortement en semaine 39, dans la modalité 1 (témoin) avec une fréquence d'attaque de 56 % dont 6 % en classes 3 et 4. Par ailleurs, la modalité 3 (1/5) présente la fréquence d'attaque la plus élevée après le témoin avec 37 % de feuilles attaquées, dont 5 % avec des dégâts en classes 3 et 4.

Là encore, c'est mieux d'un coup

Les populations de ravageurs sont bien contenues dans la modalité 2 (1 sachet/3 plantes) avec seulement 1 % de dégâts de classe 2 observés. En revanche dans le témoin, malgré la présence des phytoséiides, les populations d'acariens phytophages sont les plus élevées et ne sont pas contrôlées. Dans la modalité 3 (1 sachet/5 plantes), des dégâts de classes 2, 3 et 4 sont observés.

Ainsi, sachant que les populations de ravageurs sont initialement identiques dans les trois modalités, on peut dire que N. californicus a eu une action positive de réduction des tétranyques. Comme dans l'essai précédent, les auxiliaires sont bien présents dans les foyers d'acariens.

De plus, à quantité égale d'auxiliaires apportée avec ce conditionnement à libération lente, il est préférable d'effectuer un apport dense, précoce et unique que de le fractionner en deux « demi-doses ».

Conclusion

Un auxiliaire présent qui se cache aisément, un travailleur de fond assurément

Les essais sur culture de concombre de l'été 2010 au nord comme au sud de la France ont montré que N. californicus était présent sur les feuilles et plus particulièrement dans les foyers d'acariens phytophages.

Par ailleurs l'intérêt du lâcher précoce est confirmé. En effet, il est préférable de procéder à un seul lâcher concentré qu'à deux lâchers à demidoses à un mois d'intervalle. Dans le cadre de ces essais, l'effet dose optimise les réponses fonctionnelle et numérique.

De plus, on peut aisément penser que la répartition des auxiliaires en est favorisée, surtout dans ces conditions estivales, lorsque les ravageurs se développent très rapidement et que les auxiliaires ont des difficultés à les rattraper.

Cependant, afin d'être plus précis dans les analyses, il aurait été intéressant de poursuivre quelques semaines de plus les observations et d'identifier en plus grand nombre les phytoséiides rencontrés.

Spical Plus présente de nombreux avantages : réduction des traitements phytosanitaires, économies de main-d'œuvre, sécurité réglementaire (pas de délai de rentrée, de délai avant récolte ni de limites maximales de résidus). Il permet aussi au producteur d'avoir un laps de temps plus long pour faire face à une situation donnée soit par des interventions phytosanitaires soit par des lâchers d'autres auxiliaires comme Phytoseiulus persimilis.

Enfin, cette innovation peut s'utiliser dans bien d'autres cultures telles que les cultures ornementales ; son action préventive est une aide précieuse dans la gestion des tétranyques.

<p>* Koppert France R &amp; D.</p> <p>147, avenue des Banquets. 84300 Cavaillon. info@koppert.fr</p>

Figure 1 - Essai sud de la France, modalité 1 : gravité d'attaque des tétranyques et présence de phytoséiides avec l'apport de Spical Plus (1 sachet/3 plantes) en semaine 24, sans renouvellement.

Figure 2 - Essai sud de la France, modalité 2 : gravité d'attaque des tétranyques et présence de phytoséiides avec deux apports de Spical Plus (semaine 24 puis semaine 28), chacun d'1 sachet/6 plantes.

Figure 3 - Modalité 1. Témoin, région nord de la France.

Figure 4 - Modalité 2, région nord de la France. Gravité d'attaque des tétranyques, avec un sachet de Spical Plus pour 3 plantes sans renouvellement de lâchers.

Figure 5 - Modalité 3, région nord de la France. Fréquence et intensité d'attaque des tétranyques, avec un sachet de Spical Plus pour 5 plantes, renouvelé en semaine 35.

Remerciements

aux producteurs qui nous ont accueillis dans leurs exploitations et nous ont permis de mettre en place les essais ; à Jean-Casimir Moussa et Marine Penisson diplômés de Master sans qui ces essais n'auraient pas pu être réalisés, pour les suivis qu'ils ont effectués et la rédaction des comptes rendus d'essais qui ont servi de support à la rédaction de cet article.

Résumé

L'acarien prédateur Neoseiulus californicus est utilisé comme auxiliaire contre les acariens phytophages tels que Tetranychus urticae dans le cadre de la PBI, notamment sur cultures sous abris.

Deux essais menés en 2010 sur cultures de concombre d'été, l'une en sol et l'autre horssol, ont testé un nouveau conditionnement de cet auxiliaire nommé Spical Plus et consistant en sachets à libération lente.

Leurs résultats montrent :

– l'efficacité du prédateur (différence avec le témoin non traité dans l'essai où un tel témoin a pu être mis en place, état global des cultures dans les deux essais) ;

– dans les deux essais, la supériorité d'un apport massif (1 sachet/3 plantes) mais unique et précoce avant la présence visible des acariens phytophages, par rapport au fractionnement de l'apport en deux passages.

Ainsi cet auxiliaire confirme son intérêt en PBI par apports préventifs, avec ce nouveau conditionnement adapté.

Mots-clés : concombre, été, acarien phytophage Tetranychus urticae, PBI, protection biologique intégrée, auxiliaires, acarien prédateur Neoseiulus californicus, conditionnement, Spical Plus.

L'essentiel de l'offre

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