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Note commune maladies des céréales

Groupe de travail INRA*, DGAL-SDQPV**, Arvalis-Institut du végétal et ANSES*** - Phytoma - n°640 - janvier 2011 - page 39

Bilan de campagne 2010 notamment vis-à-vis des résistances et recommandations pour 2011
Fusariose (ph. Dubournet)

Fusariose (ph. Dubournet)

Voici la version 2011 de la note commune sur les maladies des céréales : état des lieux de la résistance des pathogènes aux fongicides et recommandations qui en découlent. Quoi de neuf ? D'abord l'évolution de Septoria tritici, agent de la septoriose, et ses « phénotypes émergents ». Ces nouvelles souches ont progressé en 2010, même si elles restent marginales. À quoi résistent-elles, par quels mécanismes et avec quelle vigueur ? Réponses ci-après. Pour les autres maladies, les tendances de l'an dernier se confirment et leur rappel est utile. Quant aux recommandations, elles bougent vis-à-vis du piétin-verse et méritent qu'on y revienne pour les autres maladies. Enfin, cette édition est enrichie d'un précieux tableau resituant les fongicides.

Septoriose (S. tritici)

Évolution : phénotypes émergents

La résistance aux QoI (strobilurines, famoxadone) concerne l'ensemble des régions céréalières françaises. Son implantation est maintenant généralisée sur tout le territoire y compris dans les régions du sud et l'efficacité de toutes les strobilurines est fortement compromise.

Les souches de S. tritici moyennement résistantes aux triazoles (principale classe d'IDM) restent largement majoritaires dans toutes les régions. Pour mémoire, ces souches sont faiblement résistantes, et pour une part, entièrement sensibles au prochloraze, en particulier dans les régions de la façade atlantique.

Plusieurs phénotypes émergents, notamment plus résistants aux triazoles et au prochloraze, sont détectés depuis 2008. Ces phénotypes émergents sont en progression en 2010, mais restent le plus souvent marginaux dans les populations (3 %). Ils correspondent à deux sous-groupes(1) :

(1) un sous-groupe (dit « non MDR ») pour lequel les différentes catégories de souches présentent de forts niveaux de résistance à un ou quelques triazoles, liés à la sélection de nouvelles combinaisons de mutations dans le gène cible des IDM et

(2) un sous-groupe dit « MDR » (pour Multiple Drug Resistance), pour lequel les isolats sont très résistants à la plupart des IDM et faiblement résistants aux SDHI (Inhibiteurs de la Succinate DésHydrogénase, comprenant les carboxamides), suite à l'acquisition d'un nouveau mécanisme de résistance qui permet au champignon d'excréter plus efficacement les fongicides.

Étant donné les faibles fréquences de ces nouvelles souches, l'efficacité des fongicides ne semble pas affectée par cette évolution récente des populations. Les premiers résultats d'étude de la pression sélective montrent que tous les unisites testés (triazoles, imidazoles, SDHI) seuls ou en mélanges pourraient exercer une pression de sélection plus ou moins forte sur tout ou partie de ces populations émergentes.

Recommandations

Malgré une érosion de l'activité des triazoles au champ, les plus efficaces demeurent intéressants (essentiellement époxiconazole et prothioconazole). Par ailleurs, l'action des triazoles doit généralement être renforcée par des fongicides multisites (chlorothalonil, mancozèbe), le boscalid ou le prochloraze.

L'utilisation d'une même substance active unisite : boscalid, époxiconazole, prothioconazole ou prochloraze et, d'une manière générale, de tous les triazoles, sera limitée à une application par saison. Limiter autant que possible le nombre de traitements et diversifier les modes d'action et les substances actives, sont certainement les moyens les plus sûrs de ralentir la pression de sélection.

Oïdium du blé et de l'orge B. graminis f. sp tritici et B. graminis f. sp hordei

Pas d'évolution significative

La maladie reste peu présente. La résistance aux strobilurines est probablement toujours fortement implantée en France mais reste peu fréquente dans le Sud.

Bien que la résistance aux deux classes d'IBS (IDM et « amines ») soit largement installée en France, de nombreuses molécules conservent une activité intéressante.

Des souches d'oïdium du blé fortement résistantes au quinoxyfène sont décelées en France (Champagne surtout). Si l'activité du quinoxyfène peut être affectée, le proquinazid, quoique présentant une résistance croisée avec le quinoxyfène, reste efficace en toutes situations.

Le cyflufénamid et la métrafénone possèdent des modes d'action différents des fongicides précédemment cités. Depuis 2009 des souches d'oïdium du blé moyennement résistantes à la métrafénone ont été observées à faible fréquence, en France. Quelques rares souches fortement résistantes ont été détectées en Champagne en 2010 à très faible fréquence et dans d'autres pays européens depuis 2009. Par ailleurs, l'oïdium du triticale est sensible à l'ensemble des anti-oïdium utilisés sur blé.

Recommandations

La famille des QoI ne doit plus être considérée comme efficace sur oïdium dans la plupart des régions. De même, le cyprodinil ne présente plus d'efficacité suffisante sur oïdium.

Le quinoxyfène ne peut plus être utilisé seul sur oïdium du blé en situation de résistance. De même, on préférera utiliser la métrafénone, la fenpropidine ou le fenpropimorphe en association avec un autre anti-oïdium.

La métrafénone, le cyflufénamid et le proquinazid restent efficaces sur les populations actuelles d'oïdium des céréales. Cependant, leur utilisation sera limitée à une application par saison avec, si possible, une alternance dans l'espace et dans le temps.

Piétin-verse (Oculimacula spp.)

La situation n'évolue guère

L'espèce dominante en France est Oculimacula yallundae (type rapide) et les souches rencontrées actuellement sont fréquemment résistantes à la plupart des IDM, notamment au prochloraze mais pas au prothioconazole.

Des souches résistantes spécifiquement au cyprodinil continuent d'être détectées en France à une fréquence non négligeable au sein des deux espèces d'Oculimacula spp. mais sans incidence pratique notable.

Vis-à-vis du prothioconazole, du boscalid et du cyprodinil, des souches multi-résistantes présentant des niveaux de résistance faibles sont, depuis quelques années, régulièrement observées, sans que leur présence n'affecte l'efficacité des spécialités concernées.

La métrafénone ne semble pas concernée par ce phénomène, ni par une résistance spécifique.

Mais les recommandations s'adaptent

Les niveaux d'efficacité observés en essais sont généralement faibles. Le cumul de plusieurs substances actives est souvent nécessaire pour obtenir une efficacité satisfaisante. Plus généralement, les associations de modes d'action améliorent l'efficacité au champ.

Une alternance des modes d'action, annuelle pied/feuilles et entre années pour le premier traitement est recommandée pour limiter le risque de résistance.

Le prochloraze généralement peu efficace sur piétin verse est à réserver à la lutte contre la septoriose. La métrafénone étant active sur piétin verse et sur oïdium, limiter son utilisation à une application par saison.

Rappel : la lutte génétique offre une alternative efficace à la lutte chimique.

Helminthosporiose du blé (H. tritici-repentis ou Drechslera tritici-repentis)

Situation et recommandations stables

En Europe du Nord, certaines souches d'Helminthosporium tritici-repentis présentent des mutations dans le gène codant pour le cytochrome b (cible des QoI), soit en position 129 (faible niveau de résistance), soit en position 143 (fort niveau de résistance). Ces deux mutations peuvent être retrouvées dans une même population. L'efficacité des strobilurines pourrait alors être sévèrement affectée si les fréquences de souches fortement résistantes sont importantes.

En France, ces deux mutations sont détectées régulièrement à de faibles fréquences. Aucune baisse d'efficacité n'a été observée.

Recommandations : Utiliser les strobilurines en association avec un triazole efficace sur helminthosporiose du blé (notamment prothioconazole, tébuconazole, propiconazole) dans les situations favorables à la maladie.

Maladies de l'orge

Helminthosporiose (H. teres), stabilité aussi

En France, la résistance d'H. teres aux QoI, bien implantée, semble stabilisée depuis 2006. La mutation située en position 129 (cytochrome b) induit des niveaux de résistance faibles à modérés. En situation de résistance, l'efficacité au champ de toutes les strobilurines est affectée. L'azoxystrobine est la molécule la plus pénalisée par la résistance, alors que la pyraclostrobine est la moins impactée. La picoxystrobine et la trifloxystrobine présentent des résultats intermédiaires et similaires entre eux. L'apport de la fluoxastrobine testée en association avec du prothioconazole présente une efficacité le plus souvent inférieure à la trifloxystrobine.

Une dérive de sensibilité des IDM a été observée, associée à une dérive de l'efficacité de ces fongicides. Le prothioconazole reste le plus efficace de la famille sur cette maladie.

Cyprodinil et boscalid constituent deux autres modes d'action, non concernés actuellement par la résistance.

Recommandations : Toujours associer les strobilurines à des fongicides efficaces présentant d'autres modes d'action (en particulier prothioconazole ou cyprodinil). Diversifier en pratiquant l'alternance : éviter les doubles applications de strobilurines, prothioconazole, époxiconazole, cyprodinil ou boscalid.

Ramulariose (Ramularia collo-cygni), stabilité encore

Observée pour la première fois en France en 2002, la ramulariose s'est rapidement étendue dans toutes les zones de culture des orges et escourgeons. Les analyses réalisées depuis 2008 ont révélé des fréquences élevées de souches de R. collo-cygni fortement résistantes aux strobilurines et présentant un cytochrome b modifié en position 143. L'efficacité de cette classe de fongicides est en pratique fortement affectée.

Recommandations : La ramulariose, difficile à distinguer du reste du complexe, est prise en compte avec les grillures et l'helminthosporiose. Les trois matières actives les plus efficaces sont : un multisite, le chlorothalonil ou parmi les unisites, le prothioconazole et le boscalid.

Rhynchosporiose (Rhynchosporium secalis), stabilité toujours

Quelques souches résistantes aux strobilurines et présentant la substitution G143A (cytochrome b) ont été décelées en France en 2008. Elles n'ont été retrouvées ni en 2009, ni en 2010. Recommandations : les triazoles seuls ou associés au cyprodinil donnent de bons résultats.

Rouilles des céréales (P. recondita, P. striiformis, P. hordei)

Dans l'état actuel des connaissances, la rouille brune et la rouille jaune ne sont pas concernées par des phénomènes de résistance en pratique vis-à-vis des triazoles ni des strobilurines.

Recommandations : Tenir compte des potentialités intrinsèques sur rouilles des substances actives entrant dans les programmes. Actuellement, les associations de triazoles et de strobilurines procurent les meilleures efficacités contre ces parasites.

Fusarioses des céréales (M. majus, M. nivale, F. graminearum, F. culmorum, F. avenaceum, F. tricinctum, F. poae et F. langsethiae)

Situation stable

2007, 2008 et dans une moindre mesure 2009 et 2010 ont été marquées par des attaques sur épis de Microdochium spp. Depuis 2007, la résistance de Microdochium spp. aux strobilurines est largement implantée, avec de forts niveaux de résistance. Ce phénomène est généralement déterminé par la substitution G143A dans le cytochrome b, mais d'autres mécanismes pourraient être impliqués. Cette mutation semble plus implantée chez M. majus qui est également dominant, et entraîne des baisses d'efficacité en pratique des strobilurines.

La majorité des souches de Microdochium spp. sont résistantes aux benzimidazoles et aux thiophanates. Ces souches cumulent aussi, fréquemment la résistance aux strobilurines. En revanche, les souches de F. culmorum, F. graminearum et F. langsethiae restent pratiquement toutes sensibles aux benzimidazoles et thiophanates. Enfin, aucune dérive de sensibilité aux IDM n'a été observée pour ces espèces de Fusarium spp sur lesquelles la plupart des strobilurines ont peu ou pas d'efficacité.

Recommandations inchangées

Microdochium spp : parmi les IBS, seul le prothioconazole présente une bonne efficacité en pratique ; le prochloraze et le fenpropimorphe présentent des potentialités intéressantes. Le thiophanate-méthyl et les strobilurines ne présentent plus d'intérêt sur M. majus et M. nivale depuis la généralisation de ces résistances.

• Fusarium spp : pour contrôler les diverses espèces de Fusarium en particulier F. graminearum, on peut utiliser des IDM (ex. prothioconazole, tébuconazole ou metconazole) ou encore le thiophanate-méthyl, car les populations actuelles sont sensibles à ces fongicides.

Recommandations générales pour 2011

Préférer des variétés peu sensibles aux maladies et éviter d'utiliser des variétés de blé ou d'orge sensibles sur de grandes surfaces.

Diversifier les variétés à l'échelle de l'exploitation, de la micro-région et d'une année sur l'autre pour favoriser la durabilité des résistances.

• Privilégier les pratiques culturales permettant de réduire le risque parasitaire, notamment en limitant l'inoculum primaire (ex. rotation, labour, date de semis, gestion des repousses de céréales notamment dans l'interculture...) ou la progression de la maladie (densité, azote).

Ne traiter que si nécessaire, en fonction du climat, des conditions de culture, des modèles et des observations.

Raisonner le positionnement des interventions en fonction du développement des maladies grâce à des méthodes fiables d'observation et de suivi de l'épidémie (modélisation puis symptômes).

Limiter le nombre d'applications chaque saison avec des matières actives de la même famille (caractérisées généralement par une résistance croisée positive). De même, si une matière active peut être utilisée en traitement de l'épi et en traitement des semences, éviter si possible de cumuler 2 traitements avec elle.

Éviter l'application inutile de substance active, en adaptant le spectre des produits utilisés au risque réel.

Diversifier les modes d'action en alternant ou en associant les molécules dans les programmes de traitements, pour minimiser le risque de développement de résistance ou/et pour faire face à un problème de résistance en pratique pour une famille donnée.

• Sur céréales, certaines maladies sont concernées par la résistance aux strobilurines et d'autres non. Pour limiter les risques, il reste préférable de limiter le recours aux strobilurines à une intervention par saison.

• Pour les IDM, vis-à-vis des maladies des céréales, les substances actives les plus efficaces peuvent être utilisées même en situation de résistance. Eviter de recourir à la même molécule, plus d'une fois par saison. Par ailleurs, leurs performances seront améliorées en association avec d'autres modes d'action, voire, dans le cas de mélanges, entre certains IDM complémentaires.

<p>* Institut national de la recherche agronomique.</p> <p>** Direction générale de l'Alimentation, sous-dir. de la Qualité et de la Protection des végétaux (du MAAPRAT).</p> <p>*** Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.</p> <p> (1) Leroux P., Walker A.S., Multiple mechanisms account for resistance to sterol 14α-demethylation inhibitors in field isolates of <i>Mycosphaerella graminicola. Pest. Manag. Sci.</i> (2010). In Press.</p>

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Avertissement

Le chapeau ci-dessus ainsi que les inter-titres dans le texte sont de la rédaction de Phytoma.

Le texte de la note est, lui, dû au groupe de travail.

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