Retour

imprimer l'article Imprimer

dossier - CULTURES ORNEMENTALES

Résister en finesse le gazon peut le faire

Marianne Decoin* - Phytoma - n°641 - février 2011 - page 18

Protéger la santé des végétaux d'ornement en agissant avant le semis, le cas du gazon
Parcelle de présentation de gazon sur un salon (SalonVert 2010). Les 4 variétés composant ce mélange ont été testées pour leur VAT, valeur agronomique et technologique, y compris leur résistance aux maladies. ph. M. Decoin

Parcelle de présentation de gazon sur un salon (SalonVert 2010). Les 4 variétés composant ce mélange ont été testées pour leur VAT, valeur agronomique et technologique, y compris leur résistance aux maladies. ph. M. Decoin

Une des pratiques destinées à protéger la santé des végétaux commence avant leur semis ou leur plantation. Bien avant. Il s'agit de la sélection de végétaux présentant une bonne tolérance ou résistance variétale à leurs bioagresseurs. Elle permet aux acheteurs de matériel végétal (semences ou plants) de choisir des variétés peu gourmandes en intrants. Cette sélection pour la santé concerne les cultures alimentaires comme ornementales, mais pour ces dernières elle n'est encadrée et évaluée officiellement que sur les gazons. Elle permet d'obtenir des variétés de gazons plus tolérantes face aux maladies alors que leur feuillage est de plus en plus fin. Évocation.

On sait que l'innovation variétale peut être un outil de santé végétale. Elle permet de proposer des végétaux tolérants ou résistants à leurs bioagresseurs. Une fois semés ou plantés exactement comme les autres, ils auront besoin de moins d'interventions, qu'il s'agisse de surveillance, de taille sanitaire, de prophylaxie ou d'apports de produits phytopharmaceutiques dont la majorité sont des pesticides. À l'heure du plan Écophyto 2018, c'est appréciable.

Et cela concerne les cultures alimentaires mais aussi les végétaux d'ornement avec qui le public est en contact direct dans les jardins publics ou privés voire dans les logements.

Certifié, catalogué…

On sait aussi que l'innovation variétale ne se brevette pas, du moins si elle est d'origine naturelle(1). Mais elle peut se certifier, et ceci à deux sens du terme.

Il y a d'une part par le COV, certificat d'obtention végétale, démarche privée, facultative et volontaire des obtenteurs pour protéger leur variétés. Et il y a, d'autre part, la certification des variétés dans le cadre de leur inscription au catalogue officiel de leur catégorie de végétal.

Le MAAPRAT(2), ministère chargé de l'Agriculture, inscrit les variétés à leur catalogue sur avis du CTPS, Comité technique permanent de la sélection. Celui-ci garantit que la variété est distincte (différente des autres), homogène (tous les sujets partagent les caractéristiques variétales) et stable (ces caractéristiques se maintiennent d'une génération à l'autre).

De plus, l'inscription d'une variété ne peut avoir lieu qu'après évaluation de sa VAT (valeur agronomique et technologique) : ce qui se passe de l'implantation à la récolte et ce qu'on peut faire du végétal cultivé (exigences culturales, impact environnemental, rendement, qualité, etc.) Cette évaluation de VAT demande trois ans de tests menés par le GEVES, Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences.

Mais aujourd'hui ces catalogues officiels n'existent que pour les espèces destinées au départ à l'alimentation humaine ou animale : grandes cultures, cultures fourragères et légumières, vigne et vergers(3).

Gazon au catalogue

Trois ans, cinq maladies

Ainsi, les seules cultures ornementales concernées par une inscription à un catalogue officiel sont les graminées à gazon dont le catalogue a été créé en 1972. En effet, elles appartiennent aux mêmes espèces que les graminées fourragères bien qu'elles soient sélectionnées sur des critères différents(4).

Parmi les tests de VAT menés par le GEVES sur gazon, il y a l'évaluation de tolérance aux maladies. Le comportement de toutes les variétés est évalué, sans apport de fongicides, pour le fil rouge, les rouilles, l'helminthosporiose, la fusariose hivernale et la fusariose estivale. Toutes les variétés sont testées sur au moins deux maladies et en général davantage. Ainsi, la majorité des ray-grass anglais inscrits en 2010 (49 sur 95) sont testés sur les cinq maladies et les autres sur quatre d'entre elles, en n'« échappant » qu'aux notations de fusariose estivale (Tableau 1).

Une variété bien notée par rapport à l'ensemble des maladies sur lesquelles on l'a testée aura toutes les chances d'être vraiment rustique donc adaptée à une conduite bas intrants.

On peut ainsi évaluer le comportement de toutes les variétés au fur et à mesure qu'elles sont lancées. On peut aussi suivre l'évolution du niveau de résistance en fonction de la date d'inscription des variétés.

Une évolution positive

Or cette évolution est positive. Les sélectionneurs ont réussi à mener de pair les améliorations « esthétiques » (aspect général, finesse du feuillage, densité), la fonctionnalité (résistance au piétinement, pérennité au bout de trois ans, comportement l'été sans arrosage – ce dernier critère ayant un impact environnemental !) mais aussi la résistance globale aux maladies.

La rapidité d'installation est évaluée au bout de deux puis six mois, et le taux de recouvrement au bout d'un an. Ces critères sont esthétiques, fonctionnels (pouvoir marcher et jouer sur la pelouse) mais aussi phytosanitaires : plus un gazon s'installe vite avec une bonne « fermeture du tapis », comme disent les sélectionneurs, moins il sera envahi d'adventices et moins on aura à le désherber.

Ainsi, en 2010, le GNIS a présenté à la presse les résultats d'une étude rétrospective réalisée par l'INRA et l'ACVF, Association des créateurs de variétés fourragères dont dérivent celles à gazon, on l'a vu.

Cette étude a comparé les 31 principales variétés de ray-grass anglais utilisées sur gazon depuis trente ans pour différents critères, en les regroupant par date d'inscription. Ainsi pour la rouille, le progrès génétique a permis de gagner 0,44 point par décennie sur une échelle allant de 1 à 9, les autres critères progressant en même temps (Tableau 2).

Europe, environnement, ce qui est en cours

Un réseau élargi depuis 2008

Les améliorations en matière de gazon vont continuer, et leur évaluation aussi.

D'abord, celle-ci s'européanise. Il a été décidé de tester les gazons dans des sites représentant les six zones agro-climatiques européennes : océanique, semi-océanique, semi-continentale, continentale, nordique et méditerranéenne. Ceci afin de connaître leur comportement dans un maximum de situations différentes. Aux 8 sites français d'évaluation de VAT pré-existant (2 en zone océanique, 3 en semi-océanique, 1 en semi-continentale, 2 en méditerranéenne) se sont ajoutés en 2008 6 autres sites européens : 1 en Irlande (zone océanique), 2 en Allemagne (semi-continentale), 2 en Suède (zone nordique) et 1 en Hongrie (zone continentale). Ainsi les six types de zones sont représentés. Ils apporteront d'utiles compléments sur le comportement des nouvelles variétés.

Le travail a commencé en 2008. Les essais VAT durant trois ans, les premiers gazons inscrits aux catalogues français et européen selon cette nouvelle organisation sortiront en 2011.

Vers la VATE

Ensuite, sur gazons comme sur cultures alimentaires, la VAT (valeur agronomique et technologique) va évoluer vers la VATE (valeur agronomique, technologique et environnementale). Le CTPS espère aboutir d'ici 2012. En précisant qu'il ne s'agit pas d'une révolution mais d'une évolution.

Ce n'est pas une révolution : la résistance aux maladies était déjà mesurée et, on l'a vu, elle évolue bien. De même, les notations de comportement estival des variétés sont faites sans arrosage, ce qui renseigne sur la possibilité d'utilisation économe en eau.

Il y aura des évolutions : le critère « réduction des déchets de tonte » va probablement être évalué. Cela va encourager l'évolution vers des gazons « couvrant » toujours aussi vite voire encore plus vite, mais qui ensuite ne « montent » pas trop donc exigent le moins possible de passages de tonte consommateurs d'énergie et de gaz à effet de serre.

Autre projet, annonce le CTPS, « rechercher des gazons peu gourmands en azote. Les travaux pourraient s'orienter vers la sélection de légumineuses qui, semées en mélange avec des graminées, fourniraient un vrai gazon : feuillage fin, supportant les tontes, etc. Il faudra que la réglementation européenne permette de classer les légumineuses en plantes à gazon. »

Et les autres végétaux ?

Pas de catalogue

Pour les autres végétaux d'ornement, il n'y a pas de catalogue officiel donc pas d'évaluation officielle de comportement variétal vis-à-vis des bioagresseurs : résistance, tolérance, niveau de sensibilité. Les sélectionneurs qui travaillent ces critères les font reconnaître autrement.

Roses d'outre-Rhin

Ainsi, en Allemagne, l'ADR, Allgemeine Deutsche Rosenneuheitenprüfung(5), évalue depuis plus de 50 ans les variétés de rosier à lui soumises par des obtenteurs, y compris français.

Chaque variété est testée durant 3 ans sur un réseau de 11 stations d'essais réparties sur le territoire allemand. Une organisation comparable à celle de nos catalogues officiels. Les tests sont menés sans traitement et la tolérance aux bio-agresseurs est un critère essentiel. Tous les ans, a lieu l'évaluation finale des rosiers avec décision d'inscription ou non(6). La mention « inscrit ADR » est une référence dont peuvent se targuer certaines variétés françaises.

France, prix rose et label rouge

En France, la SNHF(7) a initié un « Grand Prix de la rose » basé sur l'évaluation des variétés de rosier sur 7 sites répartis en France, durant 2 ans (3 pour les sarmenteux). La tolérance aux maladies est évaluée. Les tests ont démarré en 2006 pour la première remise de prix en 2008.

Autre évaluation, celle du label rouge. Toujours à l'initiative de la SNHF, l'association « Excellence Végétale » a été créée pour faire bénéficier les végétaux d'ornement du fameux label. Les premiers dahlias label rouge seront disponibles en 2011. D'autres espèces pourraient suivre.

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Dans les PGM, plantes génétiquement modifiées que le grand public appelle OGM bien que les PGM ne soient pas les seuls OGM existants, les transgènes ou certaines étapes des constructions génétiques peuvent être brevetés. Mais aucune PGM n'est autorisée à la culture en France.</p> <p>(2) Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire.</p> <p>(3) Pour ces derniers, le catalogue est uniquement français ; pour les autres cultures, il y a un catalogue français et un catalogue européen.</p> <p>(4) Les variétés à gazon sont aujourd'hui très différentes des variétés fourragères. Ces dernières sont sélectionnées pour s'installer vite puis continuer à pousser vigoureusement car elles doivent être productives en biomasse fourragère. Pour le gazon, on sélectionne aussi la rapidité d'installation, mais ensuite on recherche une herbe fine et dense mais qui ne pousse pas trop vite une fois qu'elle a couvert le sol afin de ne pas devoir la tondre trop souvent.</p> <p>(5) Examen général allemand de l'innovation rosier.</p> <p>(6) En France certains disent improprement « concours ADR ». En fait il s'agit d'un examen avec inscription ou non selon le niveau (nombre de variétés inscrites variable mais niveau constant d'une année à l'autre), et non d'un concours ou d'un prix (lequels désignent les meilleurs de l'année avec, d'une année à l'autre, un nombre de lauréats constant mais un niveau variable).</p> <p>(7) Société nationale d'horticulture de France.</p>

Tableau 1 - Tolérances aux maladies testées sur les graminées à gazon inscrites au catalogue 2010, selon les espèces (ou catégorie) de graminées.

Tableau 2 - Progrès génétique en création variétale « gazon » : le ray-gras anglais.

Résumé

La sélection variétale peut être un outil de la santé végétale en améliorant le comportement des espèces cultivées face à des bioagresseurs. Pour la production des graminées à gazon, l'inscription au catalogue officiel des espèces et variétés en tient compte dans les tests de VAT. La résistance à plusieurs maladies est testée sur toutes les espèces et variétés concernées.

Une étude réalisée par l'INRA et l'ACVF sur les 31 principales variétés de ray-grass anglais à gazon utilisées en France montrent que la sélection variétale a, effectivement, amélioré la résistance aux maladies (gain de 0,44 point de résistance à la rouille par décennie sur 30 ans) en même temps que d'autres caractéristiques telles que la finesse du feuillage et la densité.

Le travail évolue, sans révolution, vers une meilleure prise en compte et une reconnaissance de la prise en compte actuelle, dans la sélection variétale, de l'environnement en lien avec la santé végétale : réseau d'expérimentation VAT élargi (6 stations de 4 pays européens ont rejoint les 8 stations françaises), VAT évoluant vers la VATE.

Pour les autres espèces ornementales, les efforts des sélectionneurs ne sont pas évalués par un catalogue officiel mais autrement : inscription ADR des rosiers (référence allemande reconnue) depuis plus de 50 ans et Grand Prix de la rose SNHF depuis 2006, création récente du label rouge dahlia.

Mots-clés : cultures ornementales, sélection variétale, graminées à gazons, catalogue officiel, VAT (valeur agronomique et technologique), tolérance, résistance, maladies, VATE (valeur agronomique, technologique et environnementale), rosier, ADR (Allgemeine Deutsche Rosenneuheitenprüfung).

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :