Même les gazons les mieux sélectionnés pour leur tolérance variétale à des bio-agresseurs peuvent avoir besoin d'être protégés durant leur production. Cette protection a vu du nouveau. Neuf substances, toutes venant de l'agriculture, arrivent dans des produits ayant récemment obtenu des AMM (autorisations de mise sur le marché) pour le secteur. Ou plutôt les deux secteurs.
Car la production de gazons représente en fait deux types de cultures : celle de semences d'une part et d'autre part celle de gazons prêts à poser produits en gazonnières.
Production de semences de gazons
Trois fongicides issus des grandes cultures
Les producteurs de semences de gazon ont à leur disposition les produits autorisés sur cultures porte-graine de graminées, dites aussi « graminées porte-graine ». En 2010, trois substances actives fongicides déjà autorisées en grandes cultures sont arrivées dans ce secteur (Tableau 1).
Il y a le flusilazole, triazole connu depuis les années 1980. Il s'agit moins d'une innovation au sens strict du terme que d'un rattrapage sur le retard existant pour les graminées porte-graine par rapport aux grandes cultures.
Il est utilisable depuis l'automne dernier sur les graminées à gazon dans Capitan S (et ses triplés Punch One et Version S) de Du Pont de Nemours, fongicides par ailleurs autorisés sur céréales. Leur nouvelle autorisation vise exactement les « maladies foliaires nécrotiques des graminées porte-graine », une définition large pour ce produit polyvalent.
Les deux autres substances, nommées spiroxamine et prothioconazole, représentent davantage d'innovation. Certes, elles aussi sont bien connues en agriculture. Mais elles sont plus récentes : la spiroxamine date de la fin des années 90 et le prothioconazole n'est arrivé qu'en 2006.
De plus, leur association est inédite. Proposée par Bayer CropScience, elle a été autorisée en 2010 sous le nom d'Input sur graminées porte-graine en même temps que sur blé. Là, il ne s'agit pas d'un rattrapage mais bien d'un accès direct à l'innovation ! La spécialité est autorisée contre l'« oïdium sur graminées porte-graine ».
À noter que ces deux substances sont chacune la seule représentante de sa famille chimique(1), avec des modes d'action proches de celui des triazoles mais différents entre eux.
Un herbicide trie les pâturins
La quatrième substance nouvelle pour le gazon est un herbicide, l'éthofumesate (Tableau 1). Il est proposé dans le produit Tramat F lui aussi de Bayer CropScience France. Il s'agit d'un classique de désherbage de la betterave depuis une vingtaine d'années ! Mais il était attendu pour la production de gazons.
En effet, c'est une des rares substances sélectives des graminées à gazon qui soit efficace contre le pâturin annuel, espèce redoutée par les producteurs de semences de gazon.
Car si un lot de ces semences contient du pâturin annuel, celui-ci aura une fâcheuse tendance à envahir le terrain l'année de plantation au détriment des graminées pérennes. Ensuite, comme toute annuelle qui se respecte, il disparaîtra en fin de saison pour laisser des trous inesthétiques où pourront prospérer des plantes indésirables. Ce que les acheteurs pardonnent difficilement.
Si on n'a pas pu éliminer le pâturin annuel sur la parcelle de production, il faudra impérativement l'écarter des lots de graines récoltées. C'est possible (ses graines se différencient à l'œil nu de celles d'un honnête pâturin des prés, graminée pérenne à gazon), mais il est difficile de garantir un tri efficace à 100 %. Il vaut mieux agir en amont. On comprend pourquoi l'autorisation de l'éthofumesate était attendue…
Pour l'instant, il s'agit d'une dérogation pour une durée indéterminée, octroyée vu les besoins du secteur. Elle pourrait déboucher sur une extension d'emploi en bonne et due forme.
Un insecticide original
La cinquième substance est un insecticide, plus exactement un aphicide : il combat principalement les pucerons. C'est la flonicamide de Tepekki, de Belchim Crop Protection.
Le produit a obtenu une extension d'emploi sur diverses « cultures porte-graine mineures », parmi lesquelles l'usage contre les pucerons sur les graminées porte-graine est bien précisé. C'est une substance récente puisque sa première autorisation en France date de 2005(2). De plus, elle est l'unique représentante de sa famille chimique(3), originale pour le secteur.
Il s'agit donc bien d'une innovation et d'une diversification des modes d'action. Intéressant face à la disparition prochaine de la bifenthrine. Les produits qui contiennent cette pyréthrinoïde (Bistar, Brigade, Talstar Flo) ne pourront plus être utilisés sur graminées porte-graine, ni sur quelque végétal que ce soit d'ailleurs, après le 30 mai prochain.
Côté gazonnières
Un herbicide joue sélectif
Passons aux gazons prêts à poser produits en gazonnières. C'est la seule production horticole considérée comme relevant des « zones non agricoles » par le réseau de SBT (voir p. 21). De fait, elle utilise pour sa protection phytosanitaire des produits autorisés sur gazons et utilisés en espaces verts : jardins publics, golfs, terrains de sport, etc.
Mais certains produits autorisés sur gazons ne sont pas utiles en gazonnières, voire même ne conviennent pas.
Certains ne sont pas utiles : ainsi les mousses n'envahissent que des gazons en place depuis longtemps et/ou soumis à des conditions (humidité, ombrage, etc.) qu'on prend soin d'éviter en gazonnière ; les anti-mousses n'y ont donc pas d'intérêt, sauf exception.
Certains ne conviennent pas : pour « jouer dans la cour » des gazonnières, les herbicides doivent être parfaitement sélectifs des jeunes graminées, autant que sur greens de golfs et plus que sur la plupart des gazons en place.
C'est le cas de Xokko Select WG de Compo Expert (Tableau 2). Lancé en même temps en ZNA, c'est un des rares herbicides gazons assez sélectif pour être utilisable sur gazon en production. Sa nouveauté vient de la carfentrazoneéthyl, substance autorisée sur céréales depuis 1998 et qu'il introduit sur gazon. Il l'associe au MCPP-P déjà connu dans le secteur.
Trois fongicides venus des champs
Les trois autres substances sont des fongicides. Elles sont déclinées dans trois produits de Syngenta Agro (Tableau 2).
Il y a d'abord le propiconazole de Banner Maxx. Triazole connu sur céréales depuis les années 80, il est désormais autorisé sur gazon contre les fusarioses estivales et hivernales, le dollar spot, le complexe à helminthosporiose, les anthracnoses, le fil rouge, l'oïdium, les rhizoctones et les rouilles. Bref, il est d'ores et déjà considéré comme un des fongicides gazons les plus polyvalents du marché.
Ensuite, le fludioxonyl et le cyprodinil. Ces deux substances lancées en grandes cultures en 1993 sont nouvelles sur gazon et, de plus, appartiennent à des familles chimiques(4) originales pour le secteur. Le fludioxonyl est proposé seul dans Medallion et associé au cyprodinil dans Glazenn. Les deux spécialités visent particulièrement les fusarioses, tant estivales qu'hivernales. Ces deux maladies sont très nuisibles aux gazons en place, mais peuvent toucher aussi certaines gazonnières.
<p>(1) Pour les curieux : spirocétalamines pour la spiroxamine et triazolinéthiones pour le prothioconazole.</p> <p>(2) A temps pour être annoncée dans Phytoma de novembre 2005 (n° 587, p. 63) mais pas dans l'Index phytosanitaire Acta 2006, actualisé au 30 juin 2005.</p> <p>(3) Encore pour les curieux : la famille chimique de la flonicamide est celle des pyridines-carboxamides ; elle est proche des pyridines-azométrines. Mais l'unique représentante de cette dernière famille, la pymétrozine, n'est pas autorisée sur graminées porte-graine. Source : Index phytosanitaire Acta 2011, p. 143 et p. 180.</p> <p>(4) Toujours pour les curieux : phénylpyrroles pour le fludioxonyl et anilinopyrimidines pour le cyprodinil.</p>
Tableau 1 - Produits de protection pour la production de semences de gazons ayant obtenu récemment des AMM sur graminées porte-graine.