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dossier - Ravageurs souterrains

La limace grise savoir ce qui la favorise

André Chabert* et Julie Fourrier* - Phytoma - n°643 - avril 2011 - page 34

Ce ravageur est sensible aux facteurs culturaux et climatiques : on peut adapter les uns et prévoir le risque lié aux autres
 ph. A. Chabert

ph. A. Chabert

La moutarde, utilisée comme CIPAN, est très utile pour piéger l'azote, mais elle peut être un abri pour les limaces à l'automne.

La moutarde, utilisée comme CIPAN, est très utile pour piéger l'azote, mais elle peut être un abri pour les limaces à l'automne.

 Photos : A. Chabert

Photos : A. Chabert

 ph. A. Chabert

ph. A. Chabert

Comme tout ravageur souterrain, les limaces sont très difficiles à maîtriser dès que commencent leurs dégâts. Afin d'éviter cela, il est possible d'agir par des pratiques agronomiques et par la lutte directe. Pour cette dernière, des pièges judicieusement placés et relevés peuvent permettre de repérer les remontées de population avant tout dégât ou présence visible, donc de ne traiter que si nécessaire, et à temps... Mais il n'est pas envisageable de multiplier les pièges et les passages pour les relever tout au long de la saison ! C'est pourquoi les moyens de prévoir le risque sont utiles. Voici, dans cet article, ce qu'on peut dire en 2011 des facteurs de risque connus, des pratiques agronomiques utiles et du modèle de prévision du risque élaboré par l'Acta. La première version de cet OAD, outil d'aide à la décision, date de 1996.

En grandes cultures, les limaces sont des ravageurs importants du colza, du blé, des orges d'hiver et de printemps, du tournesol et du maïs. Par essence très différents des arthropodes qui constituent la grande majorité des ravageurs des cultures, ces mollusques adaptés à la vie endogée sont difficiles à détecter. Leur biologie reste encore mal connue.

Pour optimiser la lutte, il est important de comprendre quels sont les facteurs agronomiques et climatiques déterminants dans l'évolution des populations afin d'adapter les pratiques et prévoir les risques.

Comprendre les facteurs déterminants

Relation avec les cultures

La limace grise est l'espèce la plus fréquente. En France, elle peut avoir deux générations par an, au printemps et à l'automne. Les cultures leur fournissent l'alimentation et l'abri nécessaires à leur développement (Figure 1).

Ainsi, si les conditions météorologiques de l'année sont favorables aux limaces, la couverture et l'appétence du colza leur permet de réaliser deux générations.

La génération d'automne a nettement plus de mal à se développer dans les cultures de blé ou d'orge qui, à cause de leur semis plus tardif, leur fournissent une alimentation automnale potentielle moindre. En revanche, dans ces cultures, la génération de printemps a généralement un développement optimal.

Les cultures de printemps (maïs, betteraves, tournesol) sont souvent des précédents nettement moins favorables aux attaques de limaces que les cultures d'hiver.

Mais à terme, cette dernière situation pourrait évoluer à cause de l'augmentation de la fréquence des cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN) avant les cultures de printemps. Certaines de ces CIPAN peuvent en effet favoriser les limaces.

Pratiques culturales pendant l'interculture et au semis

L'interculture est un moment important où l'on peut agir pour limiter le développement des populations.

Ainsi, le déchaumage mécanique post-récolte et le travail superficiel hors période de sécheresse permettent de limiter les pontes et de détruire les œufs. Ils évitent également le développement des repousses et adventices, ce qui évite de fournir de l'alimentation aux limaces.

Ces pratiques limitent également la mobilité des limaces et peuvent détruire directement les adultes présents.

L'expression des dégâts peut être restreinte en favorisant la vigueur de la culture et en semant dans des conditions poussantes.

Pour limiter l'accès des limaces aux graines et aux jeunes plantes, il faut éviter les sols creux et motteux et réaliser un lit de semences fin. On peut également préférer les semis profonds. Dans le cas des céréales et du colza, le roulage post-semis peut également être préconisé.

Rôle des auxiliaires

On peut également essayer de profiter de la faune auxiliaire en favorisant la prédation par les carabes, staphylins et araignées.

Certaines pratiques et divers aménagements sont connus comme bénéfiques pour la faune auxiliaire : limiter la taille des parcelles, réduire le travail du sol profond, réaliser des connexions entre les zones refuges et développer les bandes enherbées.

Facteurs climatiques

Cependant les facteurs climatiques ne sont pas à négliger. Par exemple, la période entre la ponte des œufs et l'éclosion ainsi que la durée de la phase juvénile varient en fonction des températures. Les durées de la croissance et de la phase adulte sont elles aussi influencées par les facteurs environnementaux locaux comme l'alimentation via les plantes en place, et la disponibilité en eau. Enfin, selon les conditions climatiques, les taux de multiplication des limaces peuvent être très variables.

Recherche d'un premier modèle

Quarante parcelles dans quatre régions

Pour la recherche d'un premier « modèle » limaces, l'étude initiale avait duré trois ans.

Le nombre de parcelles étudiées devait être assez important pour distinguer l'effet année de l'effet type de sol et de l'effet culture. Aussi l'étude a porté sur 40 parcelles : 20 cultivées en colza, 6 en maïs, 5 en blé et 9 en tournesol. Certaines d'entre elles ont dû être abandonnées du fait de l'absence de limaces. La plupart des parcelles ont été choisies grâce aux conseils d'agriculteurs et/ou aux dégâts constatés les années précédentes. Des piégeages ont été réalisés sur certaines d'entre elles durant la totalité de l'étude.

Ce réseau de piégeages a été réalisé dans les régions lyonnaise, dijonnaise, paloise et parisienne.

Les piégeages

Les relevés des pièges ont été effectués toutes les semaines. Ces relevés ont été espacés lors des périodes hivernales très froides ou des périodes estivales extrêmement sèches. Dans les parcelles présentant les populations de limaces les plus faibles, les pièges ont été mis en place uniquement un à deux mois après le semis. Les limaces piégées sont placées dans des flacons contenant de l'alcool pour être pesées individuellement.

Elles ont ensuite été réparties en quatre classes à partir de leur poids individuel :

• classe 1 : [0 mg ; 10 mg] : individus qui viennent d'éclore ;

• classe 2 : [10 mg ; 150 mg] jeunes limaces en croissance ;

• classe 3 : [150 mg ; 500 mg] : adultes ; • classe 4 : [500 mg et +] limaces les plus âgées.

Cette répartition en classes d'âges permet d'établir la structure de la population des limaces.

Le poids moyen de l'ensemble des limaces capturées a été utilisé pour décrire l'évolution des populations au cours du temps (Figure 2).

Hypothèse : les captures au piège reflètent l'activité, donc le risque

Pour la recherche du modèle, l'hypothèse développée est que le niveau de captures sous les pièges correspond à un niveau d'activité.

On peut en effet penser que, moins les conditions climatiques sont favorables à l'activité des limaces, moins il y a de déplacements nocturnes donc de limaces passant à proximité du piège et pouvant être attirées. Le niveau de capture baisse également car les limaces trouvent refuge dans le sol.

Lorsque les conditions deviennent encore moins favorables, le niveau de captures peut devenir nul. Et il est clair que l'activité est impossible lors de ces conditions climatiques extrêmes (trop chaudes, trop froides ou trop sèches). Cette fluctuation des captures a servi d'outil de base pour la recherche d'un modèle.

Recherche de relations entre captures et paramètres climatiques

Avec cette méthode, notre objectif était de trouver des relations entre ces fluctuations et différents paramètres climatiques enregistrés (températures de l'air et du sol, rayonnement, vitesse du vent, teneur en eau du sol...). Ces premières correspondances pouvaient être un fil directeur pour concevoir un modèle plus complet. De plus, le suivi de la biomasse des limaces pouvait fournir de précieuses informations sur la dynamique des populations dans les parcelles cultivées.

À la suite de l'étude, les niveaux de piégeage ont été mis en relation avec les conditions climatiques, permettant ainsi d'identifier les conditions compatibles avec l'activité des limaces.

Première version du modèle

Indice et corrélations

Pour toutes les parcelles étudiées, un indice « réel » a été calculé. Cette valeur a été déterminée en donnant la valeur 100 au plus haut niveau de captures obtenu dans la parcelle pour une saison donnée. Cet indice a servi de base à l'estimation du reflet du niveau d'activité des limaces. La base de l'indice a été déterminée pour chaque génération de limaces.

Dans une dizaine de sites, une étude des corrélations a été réalisée entre cet indice observé et de nombreuses variables climatiques. Le modèle choisi pour présenter un indice d'activité journalier des limaces a la forme mathématique suivante : Y = M1X1 + M²X2 + M3.

X1 : variable dépendant de la pluviométrie,

X2 : variables dépendant de la température.

M1, M², M3 : constantes.

Le tableau 1 et la figure 3 présentent des sorties en indices cumulés des populations de janvier à fin juillet et d'août à octobre.

Le premier cumul couvre en partie les périodes hivernale et printanière. Cette époque correspond au développement des œufs et à l'activité de pontes des adultes. Il est probable que ce niveau conditionne la « pression » des limaces au moment des semis de printemps.

La période août-décembre correspond au développement des jeunes limaces à l'automne.

Intérêt et limites

Cette première version du modèle a été disponible en 1996. Elle décrit les périodes favorables à l'activité de surface des limaces et permet de situer l'année en cours par rapport à des années de référence haute et basse.

Néanmoins, elle présente des lacunes pour les périodes estivale et hivernale où les limaces ont peu d'activité détectable en surface, mais qui sont néanmoins déterminantes dans la dynamique des populations.

Dix ans de tests à grande échelle

150 stations depuis 10 ans

Depuis le début des années 2000, ce modèle a été retravaillé et expérimenté à grande échelle avec la société Bayer. Depuis 10 ans, les informations issues de 150 stations réparties sur le territoire français sont diffusées hebdomadairement en période de risques limaces.

Et le travail continue !

Des valorisations et des améliorations de cette démarche sont actuellement envisagées dans le cadre de Vigicultures® et du bulletin de santé du végétal (BSV).

À la suite de ces travaux, nous commençons à mesurer l'effet de la succession des cultures, de chaque élément de l'itinéraire technique, de leur combinaison, et du climat. La figure 4 en est une schématisation.

La connaissance de ces éléments est stratégique pour « briser le cycle » des limaces. Mais ce travail de longue haleine doit se poursuivre.

<p>* Acta.</p>

Figure 1 - Ci-contre à droite, cycle de la limace grise (portrait à gauche) en lien avec le calendrier des cultures.

Figure 2 - Biomasse des limaces grises dans le cas d'une rotation colza-blé.

Figure 3 - Exemple de l'utilisation du modèle à Amilly. Indice des populations de 1997 à 2010.

Figure 4 - Relation entre des facteurs environnementaux, la biologie des limaces (hors reproduction) et les processus écophysiologiques étudiés.

Résumé

Pour éviter les dégâts de limaces (notamment la limace grise) dans les cultures, il faut agir préventivement, avant les pullulations du ravageur.

On peut jouer sur les facteurs agronomiques si l'on comprend leur interaction avec les populations de limaces : choix des cultures, pratiques culturales à l'interculture et lors du semis, actions favorisant la faune auxiliaire.

Par ailleurs, les facteurs climatiques influencent le niveau de population du ravageur. Un modèle de prévision met en relation l'activité journalière des limaces avec la pluviométrie et la température. Le but de cet OAD est d'évaluer le risque limaces donc de permettre de déclencher les traitements au bon moment en évitant ceux qui sont inutiles.

La version initiale du modèle, fruit de trois ans de travaux, a été lancée en 1996. Depuis lors, l'outil s'améliore constamment en se confrontant aux données de terrain par un suivi des parcelles. Ce dernier permet aussi de connaître de mieux en mieux l'effet des facteurs agronomiques.

Mots-clés : ravageurs souterrains, limace grise, Deroceras reticulatum, pratiques culturales, auxiliaires, facteurs climatiques, OAD (outils d'aide à la décision), modèle de prévision.

L'essentiel de l'offre

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