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dossier - Espaces verts et jardins : Théâtre de verdure

Épidémiosurveillance des gazons

Ollivier Dours* - Phytoma - n°645 - juin 2011 - page 16

Nouvelles d'une filière et d'un réseau en devenir
 Microdochium nivale sur gazon (ph. O. Dours)

Microdochium nivale sur gazon (ph. O. Dours)

Ci-contre, le regard va du rough au premier plan, avec son herbe haute où les dicotylédones sont acceptées à côté des graminées à gazon, au green plus loin, qui, pour les besoins du jeu, est tondu court et traité en cas d'attaque de bioagresseurs. Un aperçu représentatif de la diversité des gazons et pelouses, de l'extensif à l'intensif. ph. G. Vadrot

Ci-contre, le regard va du rough au premier plan, avec son herbe haute où les dicotylédones sont acceptées à côté des graminées à gazon, au green plus loin, qui, pour les besoins du jeu, est tondu court et traité en cas d'attaque de bioagresseurs. Un aperçu représentatif de la diversité des gazons et pelouses, de l'extensif à l'intensif. ph. G. Vadrot

La filière du golf et des gazons à vocation sportive ainsi que les gazons de placage et d'ornement se sont mobilisés pour fournir à l'épidémiosurveillance un suivi représentatif de la qualité sanitaire des gazons qu'ils ont à gérer. Le contexte cultural et biologique est un facteur essentiel lorsqu'on aborde les différents ravageurs et maladies communs aux gazons de graminées ; les gazons sont concernés aussi par la problématique du désherbage. Voici tout d'abord la présentation de la filière et du dispositif d'épidémiosurveillance. L'article suivant présentera les premières données issues de son travail, celles concernant le bilan phytosanitaire 2010 des gazons de golfs.

Comme pour toutes les productions végétales agricoles et non agricoles, la structuration de la surveillance phytosanitaire des gazons est un préalable utile voire indispensable à la mise en place de leur protection intégrée conforme aux objectifs du Grenelle de l'Environnement.

L'épidémiosurveillance, son utilité

Protection intégrée, les principes

Rappelons que la protection intégrée consiste à mettre en œuvre, pour protéger la santé d'un végétal contre ses bioagresseurs, tout un éventail de mesures d'abord préventives puis curatives, tant indirectes (ex. culturales) que directes : lutte physique (ex. désherbage mécanique ou manuel) ou biologique (ex. nématodes entomopathogènes contre les insectes du sol) en priorité, puis chimique (ex. fongicide ou herbicide conventionnel) si elle est indispensable.

La surveillance permet de…

Or c'est la surveillance qui permet de connaître les aléas de l'état de santé des gazons : présence d'organismes nuisibles dès leur survenue dans leur ampleur géographique et dans leur niveau de gravité. Pour les gazons comme pour les autres végétaux, un réseau d'épidémiosurveillance s'est donc mis en place.

Les informations que recueille le réseau

Ses finalités sont de :

– Mieux apprécier les risques phytosanitaires liés aux organismes nuisibles « de qualité » (déjà connus et contre lesquels on dispose de moyens d'action) afin d'aider au choix des stratégies d'entretien les mieux adaptées avec des interventions seulement en cas de besoin et suffisamment précoces, ce qui permet de limiter leur nombre.

– Détecter précocement les organismes émergents avant toute détérioration incontrôlable des situations (ex : insectes du sol : Sphenophorus, espèces adventices d'origine tropicale, etc.).

– Disposer des outils permettant de caractériser l'exposition des applicateurs, des joueurs et des milieux afin que les instances chargées de l'évaluation appréhendent mieux les risques liés à l'utilisation des produits phytosanitaires.

– Disposer d'indicateurs permettant d'évaluer l'efficacité des diverses méthodes de contrôle des bioagresseurs et d'identifier les baisses d'efficacité rapidement afin de lancer des actions correctives (nouvelles expérimentations, études de stratégies, dérogations…).

– Réduire les intrants pour préserver la qualité de l'eau, de l'air et du sol.

Utiliser les résultats

La mise en commun des résultats de cette surveillance permet de mieux connaître les problèmes et les pratiques, puis d'ajuster la nature des informations à diffuser. Celles-ci sont diffusées gratuitement, sous la forme d'un « Bulletin technique » à l'attention des professionnels de la filière souhaitant en bénéficier.

Les outils du réseau

Formation des observateurs

L'épidémiosurveillance est largement tributaire du diagnostic réalisé par des professionnels formés à reconnaître les parasites et les nuisibles des gazons.

Autrement dit, les membres du réseau doivent pouvoir identifier les bioagresseurs connus le plus précocement possible. Ils doivent aussi pouvoir repérer, là encore le plus tôt possible, la présence d'organismes encore inconnus.

Pour permettre cela, des programmes de formation continue des observateurs du réseau qui interviennent directement dans la démarche ont été mis en œuvre.

Deux guides pour la collecte d'informations

De plus, deux guides des gazons, le premier méthodologique et le second didactique et illustré, reprennent les principaux parasites et nuisibles des gazons de graminées. Utilisables par les observateurs pour la collecte de l'information, ils ont été rédigés par l'Institut Écoumène Golf et Environnement dans le cadre du schéma organisationnel national d'épidémiosurveillance.

Ces deux ouvrages s'attachent à agréger les problèmes sanitaires des gazons de graminées ; à ce titre, ils sont des outils indispensables pour constituer une expertise concernant l'entretien raisonné des gazons.

Confirmation des diagnostics

Mais les diagnostics et les identifications doivent pouvoir être confirmés, surtout s'il s'agit d'organismes nouveaux.

Ainsi la confirmation de l'identité du nuisible par une analyse et par un diagnostic si besoin sont d'ores et déjà mis en place pour les golfs et pour certains acteurs professionnels de la filière gazon. Mais ce n'est pas suffisant, l'épidémiosurveillance a besoin d'autres observateurs motivés par la démarche.

On signale pour recevoir des conseils en retour

Le site web « Feelgreen » dédié à l'épidémiosurveillance gérera les signalements en collectant les relevés agronomiques en vue de l'élaboration des « Bulletins techniques ».

Ce service Internet s'adresse aux observateurs occasionnels et référents qui fournissent à l'Institut Écoumène Golf et Environnement leurs relevés agronomiques au cours de la saison. Ce système doit permettre une remontée de l'information fiable du terrain afin de la mutualiser en direction des professionnels et non professionnels de la filière.

En retour, des points de situation, analyses de risque, conseils de saison et synthèses (notamment les bilans annuels !) pourront revenir vers le terrain avec un maximum de pertinence.

Rôle de l'Institut Ecoumène Golf et Environnement

Vaste champ de suivi

On a lu que les guides des gazons ont été rédigés par l'Institut Écoumène Golf et Environnement, et que cet institut gère également le service internet « Feelgreen ».

Ecoumène Golf et Environnement se propose de suivre tous les types de gazons qui doivent être pris en compte dans les réseaux d'épidémiosurveillance, en respectant le plan Ecophyto 2018 et son objectif de surveillance biologique du territoire. (Les zones herbeuses des autoroutes et parcs naturels régionaux ne sont pas de vrais gazons, car peu ou pas tondus mais fauchés. Ils pourront être considérés a minima dans les réseaux).

Indispensable, ce suivi doit être mis en œuvre de façon précise, afin d'en accroître l'efficacité et de minimiser les effets négatifs des produits phytopharmaceutiques sur l'air, l'eau et le sol.

Bilan 2010, seulement les golfs

Le bilan phytosanitaire des gazons établi en 2010 provient des renseignements fournis par les intendants de golfs en réponse à un questionnaire visant à la restitution des problèmes phytosanitaires rencontrés dans leur nature et gravité au cours de la campagne 2010 (voir tableau 1) et dans leur évolution par rapport aux années précédentes.

Dans l'état actuel de structuration du réseau (et même si le suivi des bio-agresseurs et la publication de conseils régionalisés ont été réalisés au fil de l'année dans plusieurs régions et pour différents types de gazons), c'est seulement à partir de ce travail, donc sur les gazons de golf, qu'une synthèse nationale a pu être faite. Elle est présentée p. 20 à 25.

Ceci dit les golfs abritent différents types de gazon et sont donc représentatifs de leur diversité.

Golf : la tonte fait le parcours et la diversité

En effet dans un golf, il y a plusieurs niveaux d'entretien suivant la destination du gazon : c'est la hauteur et la fréquence de tonte qui nous renseigne sur son niveau d'entretien.

La gestion des tontes rejoint les principes de la gestion différenciée par zones de jeu ; les zones en dehors du jeu doivent pouvoir être conduites de façon totalement naturelle. La variation de la hauteur de coupe aura donc des effets directs sur l'entretien sanitaire des gazons selon sa destination.

Les roughs, les plus extensifs

Les roughs (rugueux, en anglais) sont des zones herbeuses. Ils peuvent être assimilés aux pelouses des autoroutes ou parcs nationaux. Leur hauteur de tonte est égale ou supérieure à 100 mm. Hormis la ou les tontes, l'entretien y est minimal. Les produits phytosanitaires y sont très rarement appliqués.

Les pré-roughs

Les pré-roughs peuvent être assimilés aux pelouses classiques de Parcs et Jardins et Jardins privatifs avec la problématique des aoûtats en plus qui est un problème commoditaire dépendant du domaine de la santé publique. La hauteur des tontes varie de 20 à 30 mm. Ce type de gazon ne reçoit pas ou très peu de traitements phytosanitaires : pas de fongicide et seulement 1 voire 2 herbicides par an pour les plus intensifs.

Les fairways

Les fairways sont de véritables gazons, assimilés aux pelouses de type hippodrome (même si la hauteur de tonte de ces derniers est comprise entre 50 et 120 mm), parcs de châteaux ou de parcs et jardins et gazons privatifs d'entreprises ou de particulier désireux d'avoir un gazon de qualité. La hauteur de tonte est de 15 mm à 18 mm maximum.

Sur ces gazons, l'entretien est assez intensif même si on peut accepter un seuil d'adventices ou de maladies plus élevé que sur les gazons de prestige. Ils correspondent au type d'entretien et de problèmes des gazons à vocation sportive de type stade de foot ou rugby tondus de 20 à 30 mm. Toutes les méthodes culturales sont à mettre en œuvre en commençant par un choix des variétés raisonné, en veillant à constituer un mélange grainier adapté au climat de la région, et à mettre en œuvre les différentes méthodes culturales nécessaires.

Les départs et pré-greens

Les départs et pré-greens sont gérés de la même manière que les pelouses de « parcs et jardins de prestige », cimetières américains et gazons privatifs de haute tenue. Hauteur de tonte 8 mm à 15 mm maxi pour les départs et pré-green et 20 à 25 mm pour les gazons de prestige.

Sur ces gazons, l'entretien est intensif. Il correspond à un entretien et aux problèmes sanitaires des autres gazons à vocation sportive de type stade de foot de L1-L2 ou rugby du Top 14, ainsi que la filière des gazons de placage.

Les greens, les plus intensifs

C'est la partie du golf la plus intensive avec une hauteur de tonte comprise entre 3 et 4,5 mm. Sur ces gazons, il y a peu de marge de manœuvre. Le choix de l'espèce voire de la variété détermine leur comportement vis-à-vis des tontes rases et des maladies fongiques.

Le réseau et l'Institut : perspectives

Le réseau d'épidémiosurveillance est structuré par le travail de l'Institut Écoumène Golf et Environnement. La mise en œuvre de ce dispositif de collecte d'informations pour toutes les filières du gazon, permettra d'étoffer ce bilan. L'intérêt de la filière gazon pour l'épidémiosurveillance est grandissant et nombreux sont les acteurs qui s'attachent à une démarche de raisonnement des interventions chimiques, à la préservation de la faune et de la flore indigènes.

Par ailleurs, il est bon de rappeler que l'Institut Écoumène Golf et Environnement est fortement impliqué en tant qu'animateur de filière dans l'axe 5 du plan Ecophyto 2018 depuis son lancement.

Par le biais du « Bulletin de santé du végétal » (BSV) et d'une action complémentaire sur l'expérimentation, il souhaite jouer un rôle important pour le transfert aux acteurs de la filière des solutions de progrès possibles en vue de tendre vers les objectifs de réduction de l'usage des produits phytosanitaires et de réduction de leur impact.

Les expériences acquises par un grand nombre de ces acteurs montrent que la mutualisation de l'information peut leur permettre d'éviter des traitements inutiles. C'est bien cet objectif-là que s'est fixé Ecophyto 2018, les gestionnaires des gazons l'ont bien entendu.

<p>* Animateur filière Gazon Institut Écoumène Golf et Environnement.</p>

Tableau 1 - Distribution de l'origine géographique des réponses au questionnaire « Gazons de golfs » (sur un panel de 57 réponses) pour l'établissement du bilan phytosanitaire 2010.

À quoi servent les gazons ?

 ph. G. Vadrot

ph. G. Vadrot

Les gazons sont cultivés d'abord pour améliorer le cadre de vie. Selon les types de gazon et leurs usages, leur qualité sanitaire doit leur permettre de répondre à des exigences :

– fonctionnelles : protection contre l'érosion, filtre à eau dépolluant et à poussières, puits de carbone, réducteur de chaleur, de nuisances sonores et animales, etc.

– récréatives de nature sportive (jouabilité des terrains de golf, football, rugby en accord avec les niveaux d'entretien fixés par les fédérations sportives internationales, praticabilité des hippodromes…), ayant trait à la salubrité, bien-être et agrément du public.

– esthétiques, d'accompagnement paysager et de valorisation des infrastructures pour les pelouses d'agréments.

Ils supportent des enjeux économiques :

– Terrains de sport (golfs, stades de football et rugby), hippodromes et pelouses de prestige : compétitions nationales et internationales à forte image de marque.

– Gazons de placage : qualité pour la commercialisation et pour l'image professionnelle (exportations de gazons français et équipements des plus grands stades de football d'Europe et de golfs sur d'autres continents).

Résumé

Le réseau français d'épidémiosurveillance des gazons s'est mis en place en intégrant notamment la filière des gazons de golf et son Institut Ecoumène Golf et Environnement.

Ils sont à l'origine du bilan phytosanitaire des gazons de golf (détaillé dans l'article suivant) dont la description montre qu'ils sont représentatifs de la diversité des gazons français.

L'utilité, l'organisation et les outils (formations, guides des gazons, site web) de l'épidémiosurveillance sont présentés.

Mots-clés : espaces verts, ZNA zones non agricoles, gazons, golfs, épidémiosurveillance, Institut Ecoumène et Environnement.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :