Le 15 mars, la Société française des gazons (SFG) a tenu sa journée technique annuelle en même temps que son Assemblée générale sur le site de l'hippodrome d'Auteuil, en présence des gestionnaires du site et de France Galop. Journée riche d'informations sur les filières du gazon et leur avenir. Au programme, des exposés sur l'innovation génétique et technologique, les bonnes pratiques, le cadre réglementaire et la codification des pelouses extensives, thèmes déjà évoqués dans Phytoma. Et l'occasion de découvrir la démarche environnementale de l'hippodrome. Passionnante.
Scientifiques, techniciens, entrepreneurs et industriels étaient réunis lors de cette journée pour faire le point sur la SFG (voir à ce sujet l'encadré « La SFG évolue »), mais aussi afin de trouver des solutions pour encourager la filière pelouses à travers l'innovation, les échanges avec des partenaires européens, les perspectives et notamment l'anticipation des besoins des professionnels. La journée a été ponctuée d'interventions techniques.
Hippodrome d'Auteuil, la démarche
Inscrit dans le Bois et la Ville
Ainsi les gestionnaires de l'hippodrome d'Auteuil ont offert aux participants une visite du site : l'hippodrome lui-même, ses installations hydrauliques souterraines nécessaires pour son arrosage et le chantier d'un futur terrain de sport qui le jouxtera. Surtout, ils ont présenté leur démarche éco-responsable.
La volonté des gestionnaires du site était de respecter la charte du Bois de Boulogne et sa certification ISO 14001 obtenue en 2001, et d'accompagner la Ville de Paris dans sa démarche environnementale. La certification de l'hippodrome a été obtenue en mai 2005 suite à un travail de mise aux normes entamé en novembre 2003.
De l'herbe arrosée et tondue
De nombreux travaux ont été initiés à cet effet. Ils portent sur la gestion de l'eau, de la fertilisation et des intrants phytosanitaires.
En effet, les gazons des pistes de courses d'obstacles telles qu'à Auteuil ne sont pas des pelouses extensives. Il faut les arroser suffisamment pour préserver la souplesse du sol et les tondre souvent (deux fois par semaine en saison) pour les maintenir à hauteur quasi constante. Ils doivent rester en bonne santé, d'où la nécessité de protection phytosanitaire en cas d'attaque de certains bioagresseurs et de fertilisation pour permettre une repousse rapide.
Car ils sont soumis à rude épreuve : les abords des pistes sont piétinés par les spectateurs et, surtout, les pistes elles-mêmes sont foulées par 4 500 chevaux par an en moyenne ! Ces champions sont lancés au grand galop, retombent de haut après les obstacles, et n'ont donc pas vraiment le sabot léger...
Ajoutons que l'hippodrome comporte des espaces jardinés pour permettre aux spectateurs de circuler en contribuant au plaisir de leurs yeux. Espaces qu'il faut aussi entretenir.
Iso 14001, qu'est-ce ?
Mais des pratiques adaptées, l'utilisation de matériels appropriés et des aménagements judicieux permettent de satisfaire aux exigences de cet entretien en ménageant l'environnement. La norme ISO 14001 permet de normaliser cela c'est-à-dire l'organiser et le garantir.
La démarche s'est mise en place en cinq étapes :
– analyse environnementale ;
– planification ;
– mise en place du programme ;
– contrôle ;
– certification.
Et ses résultats
Ce qu'on peut faire à 12 cm
Par exemple, l'analyse l'a montré, la hauteur de tonte élevée (12 cm) de ces pistes engazonnées, destinée à ménager la souplesse du « tapis », offre des possibilités intéressantes.
D'abord elle permet de tolérer des espèces bannies sur d'autres pelouses sportives ou de prestige (trèfle, etc.). On a donc pu diminuer l'usage des herbicides sélectifs.
Ensuite elle autorise la pratique du mulching qui consiste à laisser sur place les déchets de tonte, car le volume de ces déchets est faible par rapport à la masse végétale sur pied. Cette pratique a été adoptée dès le début de la mise aux normes. Elle a permis de limiter l'arrosage et la fertilisation. De plus, cette dernière utilise désormais des engrais à libération lente.
Précision d'application
Pour les traitements phytosanitaires restant indispensables, le programme a conduit notamment à la tenue d'un registre « phyto », à des audits réguliers, à l'achat d'une armoire de stockage conforme et de deux matériels améliorant la précision d'application : un Pulvépur et un Dosatron (marques déposées).
Le Pulvépur est un système de pulvérisation sans ajout d'eau pour traiter sur petite largeur (allées, etc.) Il est utilisé selon les besoins sur tout le site de l'hippodrome. Pour sa part le Dosatron est un système de dosage proportionnel à l'avancement (DPA) sans électricité adjoint à un pulvérisateur à rampe, pour traiter les pistes.
Tous deux permettent un gain de temps et une diminution des risques pour l'applicateur. De plus, grâce à la précision de dosage et/ou d'application, on diminue la quantité de produit utilisé… et on fait chuter celle de produit rejeté dans l'environnement, celui qui rate sa cible en cas d'application imprécise.
Gestion des déchets
Enfin, l'hippodrome a fait en 2007 l'acquisition d'un Phytobac (là encore marque déposée !) Ce dispositif permet de gérer les effluents des traitements phytosanitaires et du lavage du matériel de traitement sans générer de déchets dangereux.
Une filière spécifique a été mise en place pour les autres déchets tels qu'EVPP (emballages vides de produits phytos) mais aussi huiles usagées issues des divers appareils de traitement, tonte et autres opérations d'entretien, ou encore les batteries.
Ces pratiques au service de l'environnement ont permis à France Galop, propriétaire de l'hippodrome, de remporter en 2008 le trophée des technologies Economes et Propres délivré par l'ADEME(1).
Par ailleurs
Progrès génétique
Parmi les autres exposés de la journée, notons celui sur le progrès génétique en gazon présenté par Christian Huyghe, Directeur scientifique adjoint de l'Inra et Président de la section Fourrages et gazons du CTPS(2). Il a présenté l'évolution des réseaux et des critères d'inscription des variétés que nous avions évoquée en février dernier(3), ainsi que les résultats de l'étude menée conjointement par l'ACVF(4) et l'INRA. évoquée aussi dans Phytoma en février(5), cette étude montre que le progrès génétique a permis d'améliorer à la fois l'esthétique, la finesse des gazons et leur résistance aux maladies.
Des extensives et des produits
Autre exposé intéressant, celui de Gilbert Turcan, de la commission PAE (Pelouses alternatives extensives) de la SFG, et par ailleurs responsable du département Relations entreprises et Formation continue de Tecomah, l'Ecole de l'environnement et du cadre de vie. Il portait sur la codification des pelouses alternatives extensives déjà présenté à Salon Vert 2010(6). Cela a été l'occasion d'une discussion sur l'absence de codification reconnue pour l'ensemble des acteurs de la filière des gazons.
Par ailleurs Jacques My et émilie Basuyau, respectivement Directeur général et Responsable relations publiques de l'UPJ, ont présenté l'approche raisonnée de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques pour la gestion des pelouses, souvent la cible d'attaques de maladies, ravageurs ou herbes indésirables. En soulignant que les produits phytos homologués, ceux qui ont une AMM, ont été testés et que leurs conditions d'emploi en toute sécurité sont connues. La question de la biodiversité a été abordée : existe-t-il une méthode d'entretien des pelouses meilleure qu'une autre ? La discussion n'est pas close.
Du diagnostic
Enfin, la société Force A a présenté une innovation déjà évoquée dans Phytoma en octobre 2009(7). Elle permet de réaliser un diagnostic santé-nutrition azotée sur gazon sans procéder à une coupe systématique grâce à un capteur optique appelé le Multiplex.
<p>* Responsable communication et relations publiques à l'UPJ, Union pour la protection des jardins et des espaces publics.</p> <p>** Phytoma.</p> <p>(1) Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'énergie.</p> <p>(2) Comité technique permanent de la sélection (des plantes cultivées).</p> <p>(3) Voir <i>« Résister en finesse, le gazon peut le faire »</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 641, février 2011, p. 18 à 20.</p> <p>(4) L'ACVF est l'association des créateurs de variétés fourragères, dont dérivent les graminées à gazon.</p> <p>(5) Même référence que (3).</p> <p>6) Voir <i>« Pelouses extensives, la SFG codifie »</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 637, octobre 2010, p. 7.</p> <p>(7) Voir la partie <i>« Gestion de la fertilisation azotée des gazons à l'aide d'un outil de diagnostic »</i> de l'article de C. Gestain <encadre>« Pour gérer les gazons, diversité et anticipation »</encadre> dans <i>Phytoma</i> n° 626-627, octobre 2009, pages spéciales ZNA, p. VIII à XI.</p>