Pratiques suivies dans le cadre de l'observatoire 2011 des pratiques de désherbage : 1 - Thermique à la flamme, Pessac le 17 mai. 2 - à l'eau chaude avec mousse, Carquefou le 14 avril. 3 - Thermique à l'eau, Etables-sur-Mer le 8 juin. 4 - Mécanique à la brosse métallique (sur rotofil) et… 5 - … manuel à la binette, Vincennes le 12 avril. Photos : Plante et Cité - ph. FREDON IdF
Où en est Compamed ZNA en juin 2011 ? En février dernier, Plante & Cité présentait cette « COMPAraison des MEthodes de Désherbage en Zones Non Agricoles ». Quatre mois après, ce programme comparant des méthodes de désherbage chimiques (apport d'herbicide) et alternatives (mécaniques, thermiques, manuelles) a bien avancé. Faisons le point.
Le programme Compamed ZNA, lancé en 2010, doit durer quatre ans jusqu'en 2013 inclus. Il se propose de comparer différentes méthodes de désherbage au sens strict du mot (obtention de surfaces sans végétaux herbacés) pour leur impact environnemental en notant également leur efficacité et leur coût. Le but est, à l'issue du travail, de proposer des critères de choix éclairé aux gestionnaires de ces surfaces.
Pour situer l'étude
Surfaces concernées
L'étude porte sur les surfaces, perméables ou imperméables, qui ne doivent pas être laissées colonisées par la végétation.
Certes la tendance est à diminuer leurs superficies au profit de la couverture des sols notamment au pied des végétaux cultivés en massifs ou en alignement mais aussi sur certaines circulations piétonnes. Cette couverture peut être constituée de végétaux vivants : herbacées ou autres plantes couvre-sol. Dans les massifs et alignements, elle peut aussi être assurée par des matières inertes : films ou feutres (il en est de bio-dégradables), mulchs perméables de déchets de tonte, BRF(1), copeaux divers, pouzzolane, etc. Mais en ZNA, il restera toujours des sols ni végétalisables ni « couvrables » : voies de circulation de véhicules voire piétons (trottoirs, allées sablées de jardins historiques, etc.), abords de certains bâtiments. Il faut et il faudra les désherber. Parfois de façon contraignante en intervenant dès l'apparition des végétaux, parfois de façon moins contraignante en attendant pour agir que soient atteints certains seuils (variant par exemple selon le type de surface en gestion différenciée).
Pourquoi comparer les techniques
Quitte à désherber ces surfaces, autant le faire de la façon la meilleure pour l'environnement. On sait que la tendance est au « zéro phyto », c'est-à-dire au bannissement des produits phytopharmaceutiques réputés être tous des pesticides chimiques, ce qui est faux pour les insecticides et fongicides(2), mais vrai pour les herbicides professionnels en ZNA. Ou du moins l'était lors du lancement de l'étude(3).
Encore faut-il choisir, parmi les méthodes alternatives au désherbage chimique existantes, celles qui ont un meilleur impact environnemental que les herbicides, justement. Or on manquait de références pour cela. Il existait bien une étude sur le sujet mais avec « un défaut rédhibitoire » : elle a été commanditée par une société fabricante d'herbicides.
Qui fait quoi ?
L'étude Compamed ZNA est inscrite dans le plan Écophyto 2018 dont le but est de réduire l'usage des pesticides, coordonnée par Plante & Cité et réalisée par des organismes experts indépendants des vendeurs d'outils de désherbage (herbicides ou alternatifs). Ces derniers n'apparaissent que parmi les soutiens au même titre que l'Office de l'eau ou l'interprofession horticole, et seulement par l'intermédiaire de l'UPJ(4) dans le cadre de l'accord cadre signé avec les pouvoirs publics sur la réduction des pesticides.
Les organismes impliqués dans Compamed ZNA sont cités dans l'encadré 1. Concrètement :
– Plante et Cité coordonne l'étude, mène et analyse le volet enquête, encadre l'observatoire des pratiques ailleurs qu'en Ile-de-France et sera le communiquant des résultats ;
– la Fredon Ile-de-France encadre l'observatoire des pratiques dans sa région ;
– le Cetev mène l'expérimentation de terrain ;
– Evea réalisera l'analyse environnementale sous forme d'ACV (analyses de cycle de vie) à partir des résultats des autres travaux.
2010-2011, observation
Enquête nationale
Le premier volet de l'étude est de travailler sur les pratiques réelles. Pour ce faire, une enquête a été lancée. Un questionnaire a été mis en ligne en 2010. Les questions portaient sur l'engagement global, l'historique du désherbage, l'identité des techniques et pratiques mises en œuvre avec les itinéraires techniques globaux, et enfin les problématiques décelées. Il y a précisément 433 réponses exploitables d'acteurs du désherbage en ZNA, dont 90 % de communes et collectivités locales.
Les résultats ne seront pas disponibles avant courant juillet. Ils affineront les premières informations issues des questions subsidiaires sur le désherbage de l'enquête ciblant la processionnaire du pin menée en 2009. Celles-ci ont été commentées il y a un an dans Phytoma par Caroline Gutleben et Ludovic Provost, respectivement Chargée de mission et Chargé de communication à Plante & Cité(5).
Mais une enquête donne du « déclaratif », comme le soulignaient C. Gutleben et L. Provost ; on y répond rapidement, à partir du souvenir parfois flou, partiel voire embelli de ce qu'on a fait. Les indications qu'elle donne, certes précieuses, doivent être précisées, affinées et rectifiées par un suivi sur la durée. C'est pourquoi un « observatoire des pratiques » a été mis en place.
Observatoire des pratiques
L'appel à participants a été lancé en décembre 2010. Une cinquantaine de gestionnaires d'espaces ont été intéressés. 35 ont commencé le travail, chacun souvent sur plusieurs sites. Ainsi en Ile-de-France, neuf gestionnaires participant totalisent une quarantaine de sites. Ailleurs, 26 participants suivent environ 140 sites. Chaque site doit être suivi de la première à la dernière intervention de désherbage de 2011.
En Ile-de-France, un représentant de la Fredon est présent sur chaque intervention réalisée sur chaque site suivi, sauf dans le cas (pas encore survenu le 10 juin), où trop de participants décideraient de traiter tous le même jour. Ailleurs, Plante & Cité ne peut pas aller partout tout le temps mais « chaque participant sera visité au moins une fois lors d'interventions sur au moins une partie de ses sites », explique Pauline Laïlle, chargée d'étude à Plante & Cité sur Compamed.
Lors de ces « visites », les données sont recueillies en direct par la Fredon ou Plante & Cité ; pour les autres interventions, les participants envoient les données en fin de journée.
Une grille pour noter es surfaces
Dans tous les cas, l'état de la surface est évalué avant l'intervention. Cet état est un indicateur de l'exigence d'entretien du gestionnaire puis, en saison, de la durée d'efficacité du désherbage précédent. Comment se fait l'évaluation ? P. Laïlle explique : « Nous avons mis au point une grille de notation. Elle est basée sur la densité de recouvrement du sol et la hauteur des plantes. Elle permet de faire des relevés sans avoir de connaissance particulière en botanique. » Cette grille a été évaluée et acceptée par l'ensemble des partenaires. Ainsi les notations sont comparables d'une région à l'autre.
En Ile-de-France, « nous évaluons l'état de la surface avant l'intervention avec les agents », explique Lucile Rimbault, chargée du dossier à la Fredon. Ailleurs, ce sont les gestionnaires du site qui font la notation.
Mesure des temps et des intrants
Puis sont enregistrées les autres données : temps de travaux, techniques utilisées et consommations d'intrants. Ce sont l'herbicide, l'eau et le carburant pour le désherbage chimique, l'eau et le carburant plus la préparation moussante éventuelle pour celui à la vapeur ou à l'eau chaude, le gaz pour le désherbage thermique direct.
Lors des interventions « visitées » (soit la quasi-totalité en Ile-de-France et un échantillon voulu représentatif ailleurs), les envoyés de la Fredon ou de Plante & Cité procèdent à des mesures plus détaillées. Ainsi les temps de travaux ne sont pas seulement notés en fin de journée mais chronométrés sur place. Ou encore pour le traitement thermique par brûleur : « On pèse les bonbonnes de gaz avant et après traitement, tout simplement », précise L. Rimbault.
Les données sur les intrants sont celles « nécessaires pour l'étude des impacts environnementaux des différentes techniques », expliquait Plante & Cité lors de son assemblée générale le 11 mai dernier. Avec les temps de travaux (coût de main-d'œuvre), elles alimentent l'évaluation économique.
Travail en cours
Le 8 juin, la Fredon Ile-de-France avait suivi 13 journées d'intervention sur 19 sites chez 5 participants, les 4 autres n'ayant pas encore désherbé les sites choisis pour cause de sécheresse. Le 9 juin, Plante & Cité avait suivi 43 interventions chez 15 participants. « Les partenaires éloignés d'Angers ont à cœur d'intervenir sur plusieurs sites lors de notre visite », explique P. Laïlle qui a réalisé personnellement 10 de ces 15 déplacements. D'autres interventions avaient eu lieu. Le 9 juin, les relevés de 167 interventions étaient déjà enregistrés dans l'observatoire.
Il s'agit d'itinéraires
Ce travail permettra d'évaluer des techniques mais surtout des itinéraires techniques.
En effet, une technique deux fois moins onéreuse et moins impactante sur l'environnement qu'une autre à chaque intervention, mais qui doit être répétée trois fois plus souvent, aboutira à un itinéraire technique plus cher et plus polluant sur l'année. Par ailleurs le même site peut faire l'objet d'itinéraires techniques « mixtes » dans l'espace et dans le temps.
Dans l'espace ? L. Rimbault donne un exemple : « Un des sites que nous suivons est une rue désherbée en mécanique à la brosse sur la chaussée et le gros des trottoirs, et « finie » manuellement, à la binette, le long des murs : deux techniques dans un itinéraire. » Ailleurs on peut désherber en chimique sur les allées larges à sols perméables, en mécanique sur celles à sols imperméables et en manuel sur les passages étroits, massifs, etc.
Dans le temps ? Un itinéraire peut « mixer » des techniques différentes sur l'année, d'autant que « certains les adaptent en cours de saison », révèle L. Rimbault. Ainsi le printemps 2011 a vu l'abandon de certaines interventions de désherbage thermique à gaz au profit du mécanique ou du thermique à l'eau. Il faisait trop sec.
À terme, Compamed se propose d'évaluer et comparer des itinéraires techniques afin de proposer les meilleurs. À cet effet, les données recueillies par l'observatoire vont « alimenter les analyses et modèles » pour l'ACV.
2011-2012, expérimentation
Pourquoi une « expé »
En attendant, l'expérimentation est une nécessité. Certes les suivis sont irremplaçables pour évaluer des pratiques et itinéraires réels, « grandeur nature ». Mais, d'un site à l'autre, les différences de sol, de climat, bref de conditions extérieures, compliquent singulièrement les comparaisons. Pour comparer précisément des techniques, il faut faire des essais dans les règles de l'art expérimental. Autrement dit, comparer des modalités (les techniques) différentes soumises aux mêmes conditions.
Le Cetev, organisme réalisant des essais officiellement reconnus BPE(6) en ZNA a été chargé de mener ces expérimentations.
Calendrier 2011-2012
Celles-ci ont commencé début avril 2011. Sept techniques différentes sont comparées entre elles sur sols imperméables et avec un témoin non traité. Sept techniques aussi, mais pas toutes les mêmes, plus un témoin non traité, sont comparés sur zones imperméables depuis juin. Les précisions sont dans l'encadré 2.
Chacun de ces deux essais durera un an. Les premiers résultats sur l'efficacité technique de chaque méthode sont attendus en fin d'année, et leur bilan définitif mi-2012.
L'efficacité est évaluée tout au long des essais, et les impacts sur la composition de la flore seront mesurés en 2012. Logique, c'est à ce moment-là qu'on pourra examiner l'effet d'une campagne de désherbage utilisant chaque technique.
Deux seuils
Points à noter : chaque technique est testée dans deux modalités différentes. La différence ? Les seuils d'intervention. Toutes les semaines, l'aspect de la végétation est noté sur toutes les parcelles d'essai. Cela permet d'évaluer l'efficacité du désherbage pour chaque parcelle et de voir celles sur lesquelles le seuil est atteint ; pour celles-là, le désherbage est réalisé le lendemain.
Pour le seuil dit « contraignant », les surfaces doivent rester d'aspect quasi dégagé de végétation et le traitement déclenché dès le début des levées. Pour celui « peu contraignant », la végétation est tolérée jusqu'à une certaine densité : nombre et hauteur de plantes, fixés par le protocole de l'essai.
Bien entendu, outre les dates d'interventions, les consommations d'intrants (carburant, herbicide, eau) et les temps de travaux sont notés. Les valeurs absolues de ces données peuvent différer de celles obtenues sur grandes surfaces (l'étude permettra d'évaluer ce biais) mais les comparaisons entre itinéraires seront de toute façon pertinentes.
2012-2013, exploitation
L'ACV démarre en 2012
Dès 2012, commencera l'ACV, analyse de cycle de vie, à partir des données de terrain recueillies grâce à l'ensemble des travaux, en particulier l'observatoire des pratiques. La méthodologie utilisée pour chaque méthode sera choisie par Evea, spécialiste reconnu en la matière, en toute transparence et avec l'accord du comité de pilotage de Compamed ZNA.
L'ACV permet, citons Plante & Cité, d'« établir un bilan environnemental global des techniques de désherbage, chimiques et alternatives ». Ses résultats devraient être disponibles en 2013.
Guide à suivre en 2013
Cette année-là, Plante & Cité sera donc en mesure de publier, citons ses écrits, un « Guide d'aide à la décision pour le choix raisonné des méthodes de désherbage » qui sera un « outil d'aide à la décision à destination des gestionnaires et des pouvoirs publics conçu à partir de références validées scientifiquement ». Vivement la publication !
<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Bois raméal fragmenté.</p> <p>(2) Rappel pour les lecteurs habitués, précision pour les autres : les produits phytopharmaceutiques (= destinés à soigner des végétaux ou des produits végétaux) sont en majorité des pesticides chimiques (= issus de la chimie de synthèse), mais certains sont des pesticides naturels (= d'origine naturelle, soit minérale, soit biologique) et d'autres, d'origine chimique ou naturelle, ne sont pas pesticides (ils n'ont pas d'action directe visant à tuer des bio-agresseurs). Des exemples ? Les bio-insecticides <i>Bacillus thuringiensis</i> (plusieurs souches autorisées de cette bactérie naturelle) et pyréthrines (extraites de végétaux), l'insecticide minéral kaolin (ou kaolinite), le bio-fongicide <i>Bacillus subtilis</i> souche 173 (encore une bactérie naturelle), le fongicide minéral soufre ou encore les phéromones pour le piégeage d'insectes. Signalons par ailleurs qu'il existe des pesticides qui ne sont pas phytopharmaceutiques.</p> <p>(3) Un produit à base d'acide pélargonique identique à celui produit par certains pelargoniums vient d'être autorisé sur le marché professionnel ZNA en 2011. Voir p. 36. Par ailleurs des herbicides d'origine biologique sont en cours de lancement aux États-Unis. Arriveront-ils en France ?</p> <p>(4) Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics (voir p. 32). Elle regroupe des entreprises fabriquant et/ou vendant des :</p> <p>– produits phytopharmaceutiques, pesticides (chimiques ou naturels) ou non ;</p> <p>– auxiliaires de lutte biologique ;</p> <p>– fertilisants, amendements et supports de culture ;</p> <p>– produits biocides (d'hygiène, etc.), eux-mêmes pesticides (chimiques ou naturels) ou non.</p> <p>(5) Voir C. Gutleben et L. Provost. <i>« Désherbage, les pratiques que déclarent les communes »</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 635 de juin-juillet 2010, p. 35 à 37.</p> <p>(6) Bonnes pratiques d'expérimentation. Reconnaissance par le MAAPRAT (Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire).</p>