Depuis le point fait en octobre 2010(1), des nouveautés notables sont venues enrichir la gamme des produits phytopharmaceutiques disponibles en zones non agricoles. Ce sont neuf produits dont cinq jouent la carte du naturel. La « montée en puissance » de ce naturel signalée l'automne dernier se confirme donc. D'autant qu'il y a aussi du nouveau côté auxiliaires de lutte biologique et barrières physiques.
Voyons d'abord le marché professionnel, celui des espaces verts, voiries, etc. Six nouveaux produits ont été autorisés, ils sont listés dans le tableau 1. Trois sont des herbicides. Rappelons que cette catégorie représente 84 % du marché, ou en tout cas le représentait en 2010 (voir p. 32).
Trois herbicides « pros »
Une « première » inventée par le pélargonium
L'acide pélargonique est désormais proposé seul dans Devatol de Neudorf vendu par Bayer EV (il est également autorisé, mais ne sera pas vendu à notre connaissance, sous le nom de Finalsan). Il peut intéresser un gestionnaire de site cherchant des produits à image naturelle. En effet on trouve de l'acide pélargonique dans les tissus de pélargonium (dit souvent « géranium »). Certes cette substance avait déjà été lancée l'an dernier mais associée à l'hydrazide maléique qui est issu de la chimie de synthèse (voir l'encadré 1).
Le produit est autorisé en PJT c'est-à-dire pour les allées de parcs, jardins et trottoirs, à la fois pour le désherbage et la destruction des mousses. Il l'est aussi pour le désherbage des CFD (cultures florales diverses) et du rosier, en pépinières et horticulture ornementale : production de rosier, CFD et aussi précisément glaïeul et tulipe.
Association pour les arbres et arbustes
Les deux autres herbicides sont classiques, chacun d'eux associe deux substances actives.
Il y a d'abord le iodosulfuron-méthyl-sodium et le diflufénicanil (alias DFF) dans Valdor Expert, lui aussi vendu par Bayer EV. Ces substances sont connues et reconnues en agriculture – et aussi depuis un an en ZNA dans l'herbicide PJT Valdor Flex. Le nouveau produit est, lui, réservé au désherbage des arbres et arbustes d'ornement, en abrégé AAO. Il bénéficie des modes d'action différents et complémentaires de ses deux substances, et d'une efficacité sur un large spectre d'adventices notamment les matricaires souvent problématiques en pépinières arbustives mais aussi dans certains espaces verts ou publics.
Bientôt pour les zones herbeuses
Vient ensuite l'association d'aminopyralid et de fluroxypyr, deux substances anti-dicotylédones de Dow AgroSciences. Le fluroxypyr est connu en agriculture et en ZNA (associé à d'autres substances). Mais l'aminopyralid est totalement nouveau. Cette autorisation en zones non agricoles est sa toute première arrivée sur le marché phytopharmaceutique français.
Le nouvel herbicide, inédit dans sa composition, l'est aussi par son usage. C'est le premier autorisé sur « zones herbeuses ». Il s'agit de surfaces enherbées mais gérées de façon extensive : non pas tondues mais fauchées ou broyées peu souvent. On y tolère volontiers d'autres espèces de graminées que les gazonnières sélectionnées, mais il faut les garder des dicotylédones envahissantes et/ou broussailleuses. Or le produit est actif contre les premières comme l'ambroisie, le raisin d'Amérique, etc. Quant aux secondes, des autorisations pour le débroussaillement sont demandées. En attendant, aucune spécialité n'est encore commercialisée… Et le ou les nom(s) sous le(s)quel(s) elle(s) sera(ont) lancée(s) pas encore fixé(s). Suspense.
Trois fongicides « pro »
Un bio sur les rosiers
Place ensuite aux nouveaux fongicides. Ils sont trois aussi mais la proportion s'inverse : deux produits naturels contre un conventionnel.
L'AQ 10, de De Sangosse, est à base du champignon Ampelomyces quisqualis. Il est autorisé contre les oïdiums de diverses espèces légumières (inconnus en espaces verts... sauf soudaine folie des cucurbitacées dans les décorations florales), mais aussi contre l'oïdium du rosier.
Il peut donc intéresser des gestionnaires de roseraies voulant n'utiliser que des produits autorisés en agriculture biologique donc a priori acceptables par les usagers adeptes de ladite agriculture bio. Dans ce cas, la nouvelle préparation peut alterner avec le soufre pour résoudre le problème oïdium.
Comme c'est un produit vivant et même s'il est composé de spores qui sont les formes de conservation du champignon, il faut quelques précautions pour le stockage : pas plus de 25 °C et pas de gel ; il peut se garder deux ans à 4 °C à l'obscurité dans son emballage d'origine.
Un autre pour les fleurs
Par ailleurs la souche 173 de la bactérie Bacillus subtilis a été autorisée dans Serenade Max, de Basf Agro sur cultures florales diverses (CFD) en même temps que divers usages agricoles. Certes la société travaille surtout en agriculture et les CFD en question correspondent plutôt à l'horticulture florale, agricole donc. Mais rien n'interdit à un gestionnaire d'espace non agricole d'utiliser le produit pour sa propre production florale et pour les fleurs en place : ne sont-elles pas cultivées et diverses ?
Quoiqu'il en soit, le produit est officiellement autorisé pour la « stimulation des défenses naturelles » contre les « maladies diverses (bactérioses, botrytis, oïdium) » de ces cultures florales.
Penser au mildiou
Le troisième fongicide, conventionnel lui, vise une autre cible que les deux premiers : c'est un anti-mildiou. Une famille de maladies restée discrète au printemps 2011 mais souvent fort nuisible. La nouvelle substance se nomme cyazofamide, elle est proposée dans Ranman Top, d'ISK Biosciences, distribué par Belchim Crop Protection. Elle était déjà autorisée en agriculture sur vigne (en association dans Mildicut) et sur pomme de terre et tomate notamment (dans Ranman). Mais le nouveau produit est autorisé entre autres sur CFD et AAO. Il conviendra aussi bien aux fleurs et arbres et arbustes d'ornement des zones non agricoles qu'à ceux de l'horticulture florale et des pépinières, qui l'attendaient vu sa belle efficacité.
Marché « amateurs », trois produits
Bien que pesant plus lourd que le marché professionnel au plan économique (voir p. 32), le secteur du jardinage amateur a vu peu de réelles nouveautés depuis l'automne dernier. Trois produits seulement, plus une extension d'emploi et deux nouvelles formulations quasi jumelles (tableau 2).
Herbicide rosier
D'abord une association d'oxadiazon et de pendiméthaline a été autorisée pour désherber les AAO et les rosiers. Nommée Actirose Plus, elle est proposée aux amateurs par Scotts France. Associant les deux substances herbicides à des matières fertilisantes, elle est autorisée à la fois comme herbicide et comme engrais.
Encore l'acide pélargonique
Ensuite les amateurs, comme les professionnels, pourront utiliser l'acide pélargonique seul. Mais dans une formulation prête à l'emploi de Neudorff. Nommée Finalsan AF, elle est autorisée en PJT, sur rosier, CFD et AAO.
Et encore le Bacillus subtilis
Le B. subtilis souche 173 est lui aussi proposé aux jardiniers amateurs dans Serenade Jardins distribué par Bayer Jardin. Comme son « cousin » agricole, il est autorisé sur cultures florales contre bactérioses, botrytis et oïdium, et contre diverses maladies sur des végétaux alimentaires de jardin, outre-Mer compris(2).
Extensions et formulations
Signalons aussi l'extension d'emploi de Karaté K Jardins, insecticide de Syngenta Agro associant la lambda-cyhalothrine et le pyrimicarbe, contre les scolytes. Par ailleurs, Polysect Ultra PR et Polysect Ultra Bâtonnet sont deux nouvelles présentations de l'acétamipride. Il s'agit de bâtonnets adaptés aux plantes en pots et containers. Piqués dans le substrat, ils combattent des insectes du sol mais aussi, systémie oblige, des piqueurs-suceurs type cochenilles difficiles à toucher en pulvérisant ; eux aussi contiennent des matières fertilisantes et ont la double autorisation.
Auxiliaires, parlons nématodes
Reste enfin le secteur des macro-organismes auxiliaires. Pour l'instant on peut les mettre sur le marché librement : pas besoin d'AMM(3). Certains d'entre eux sont microscopiques, ce sont les nématodes. Il existe des espèces nuisibles. Mais d'autres sont utiles, très utiles.
Du sol au palmier
Il en est ainsi des nématodes entomopathogènes c'est-à-dire actifs contre les insectes. Leur utilisation se développe contre les ravageurs du sol sur gazon. Certaines espèces sont utilisées dans le secteur professionnel, notamment sur golfs contre les larves de tipules, évoquées par Ollivier Dours dans l'article p. 20.
Des nématodes sont également proposés aux amateurs : ainsi Vilmorin lance ce mois de juin 2011 une préparation à base de Steinernema carpocapsae à la fois contre les ravageurs du sol (larves de tipules, vers gris, noctuelles et courtilières) et les larves du papillon palmivore Paysandisia archon. Rien d'étonnant : ce même S. carpocapsae est utilisé par des professionnels en espaces verts contre les nouveaux ravageurs du palmier, notamment P. archon(4), parmi les moyens alternatifs (voir aussi l'encadré 2).
Le tigre enfin dompté ? … sur platane
Et puis des nématodes sont désormais proposés, mais pas tout seuls, contre le tigre du platane Corythucha ciliata. Cet insecte cause des « décolorations, chutes prématurées du feuillage, excrétion de miellat, dissémination des insectes dans les habitations, les terrasses des cafés ou les restaurants », expliquent Koppert et If Tech dans un communiqué commun. Les deux sociétés participent depuis 2008 à un programme de recherche de moyens biologiques de protection avec Agrocampus Ouest, l'université d'Angers, Plante & Cité et la Fredon Provence-Alpes-Côte-d'Azur.
Ce programme nommé PETAAL (Protection, environnement et technologie des arbres d'alignement) finira en 2012. De premiers résultats seront publiés cet automne et la dernière campagne d'expérimentation bat son plein, mais déjà les deux sociétés proposent un « programme innovant » pour une protection des platanes (et leurs alentours) dès cet été.
La stratégie combine deux auxiliaires : un nématode, donc – c'est un Steinernema fourni par Koppert sous le nom commercial de Tigranem – et des chrysopes élevées par If Tech. L'union fait la force pour chasser le tigre.
<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Voir <i>« Entretien des ZNA, espaces verts comme jardins – Produits phytos, 13 substances inédites et d'autres nouveautés »</i> dans <i>Phytoma</i> n° 637, octobre 2010, p. 24. Les 13 substances étaient arrivées en 1 an. Rappel dans l'encadré 1.</p> <p>(2) Végétaux sur lesquels Serenade Jardins est autorisé : tomates, laitues, cucurbitacées à peau comestible et cucurbitacées à peau non comestible (pour le potager), fruits à noyaux, fruits à pépins, noyer et kiwi (pour les arbres fruitiers métropolitains), petits fruits, PPAMC (plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires) et vigne, ainsi qu'avocatier, bananier et manguier (pour les départements et territoires d'Outre-Mer), et enfin cultures florales diverses.</p> <p>(3) Autorisation de mise sur le marché.</p> <p>(4) Voir <i>« Palmier, efficacité curative du nématode Steinernema carpocapsae contre le papillon palmivore</i> Paysandisia archon <i>: résultats d'essais »</i>, de Laurène Pérez & al., ainsi que <i>« Palmier, les deux politiques contre le papillon palmivore et le charançon rouge »</i>, dans <i>Phytoma</i> n° 637, octobre 2010, respectivement p. 14 et p. 22.</p>