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Désherbage du maïs sur le rang au semis

Estelle Martinaud*, Philippe Garde*, Séverine Jeanneau* et Jean-Marie Compagnon* - Phytoma - n°645 - juin 2011 - page 44

Une solution testée en zones sensibles aux risques de transferts dans l'eau
 ph. Syngenta

ph. Syngenta

Semoir équipé d'un système de pulvérisation sur le rang au semis. Le dispositif est équipé d'un DPA (débit proportionnel à l'avancement) afin de délivrer une dose d'herbicide régulière sur le rang. ph. Syngenta Agro

Semoir équipé d'un système de pulvérisation sur le rang au semis. Le dispositif est équipé d'un DPA (débit proportionnel à l'avancement) afin de délivrer une dose d'herbicide régulière sur le rang. ph. Syngenta Agro

Résultat du désherbage sur le rang au semis quand la pluviométrie a été suffisante après le désherbage. L'interrang pourra être biné si les conditions le permettent : sol sec et absence de pluie dans les 48 heures, semis soigné, parcelle pas trop caillouteuse, pression en vivaces raisonnable. Si le binage n'est pas faisable, un rattrapage par herbicide de post-levée peut être envisagé. ph. Syngenta Agro

Résultat du désherbage sur le rang au semis quand la pluviométrie a été suffisante après le désherbage. L'interrang pourra être biné si les conditions le permettent : sol sec et absence de pluie dans les 48 heures, semis soigné, parcelle pas trop caillouteuse, pression en vivaces raisonnable. Si le binage n'est pas faisable, un rattrapage par herbicide de post-levée peut être envisagé. ph. Syngenta Agro

En 2010, treize essais-démonstrations de désherbage du maïs sur le rang au semis ont été mis en place dans des zones sensibles en Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie par la société Syngenta Agro. Cette technique de désherbage, qui réduit de deux tiers la quantité d'herbicide de prélevée appliquée, peut contribuer à préserver la qualité de l'eau vis-à-vis de ces herbicides dans les zones sensibles aux transferts de produits. Voici le bilan de cette campagne de démonstration qui fait le point sur l'efficacité, la faisabilité, le temps de travail et le coût de cette technique. Même s'il ne s'agit que d'une première année, les résultats sont éclairants.

Graminées estivales, véroniques, linaire… autant d'adventices qui se révèlent difficiles à gérer dans le maïs avec les produits de post-levée. Sur de telles flores, l'intérêt des herbicides de la famille des chloroacétamides n'est plus à démontrer. En effet, ces substances racinaires présentent une meilleure régularité d'efficacité contre ces flores que les autres produits. En revanche, elles peuvent être plus sensibles au transfert dans l'eau car elles sont utilisés à des grammages plus importants sur des sols en général nus.

Pour préserver la qualité des eaux vis-à-vis de ces herbicides et ainsi les pérenniser, il est important d'adapter sa stratégie de désherbage sur des parcelles à fort risque de transfert de produits dans l'eau.

Matériel spécifique

Sur ces parcelles, il est possible de réduire la quantité d'herbicide de prélevée employée en utilisant du désherbage sur le rang au semis. Ainsi, au lieu de traiter en plein toute la surface du champ, on traite seulement une bande de 30 cm au niveau du rang de maïs (Figure 1), là où la concurrence des adventices sera la plus préjudiciable au maïs lors de sa levée.

Pour être certain que le rang de maïs soit bien couvert par l'herbicide, le désherbage sur le rang est réalisé en même temps que le semis.

Il faut donc équiper le semoir d'un dispositif de pulvérisation, de préférence avec un système dpa (débit proportionnel à l'avancement) pour que la dose d'herbicide soit identique quelle que soit la vitesse d'avancement du tracteur (photo ci-dessus).

Avec cette technique, seulement un tiers de la surface du sol est traité. Par ailleurs, la hauteur de pulvérisation est plus basse, ce qui peut réduire le phénomène de dérive. En revanche, cela demande une bonne organisation du chantier pour réussir à gérer le semis et la pulvérisation simultanément.

Efficacité du désherbage sur le rang au semis

Description des démonstrations

13 démonstrations de désherbage au semis ont été réalisées en Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie en 2010. Deux types de désherbage ont été réalisés à chaque démonstration : un traitement herbicide localisé sur le rang et un autre en plein sur toute la surface du sol. L'herbicide utilisé était du Camix (S-métolachlore + bénoxacor + mésotrione) à deux doses différentes : 3 ou 3,5 l/ha de surface effectivement traitée (donc quantité 1 ou 1,2 l/ha sur la surface totale du champ désherbé sur le rang, seul un tiers de la surface étant désherbé).

Les exploitations sur lesquelles ont été faites les démonstrations sont de type polyculture élevage, cas majoritaires dans ces régions, avec des rotations incluant du maïs, des céréales à paille, des prairies temporaires et parfois du colza. Les espèces d'adventices les plus souvent retrouvées sur ces parcelles étaient des chénopodes, morelles, pensées et stellaires intermédiaires. Cinq parcelles sur 13 présentaient une flore difficile (graminées estivales, véroniques). Des vivaces ont été retrouvées en abondance sur 4 parcelles (chardons, laiteron des champs…)

Une efficacité comparable entre les deux types de désherbage à la dose de 3,5 l/ha

À partir des données obtenues nous avons modélisé l'efficacité des deux types de désherbage au semis (en plein et sur le rang), pour les deux doses différentes de Camix (3 ou 3,5 l/ha), en fonction de la pluviométrie dans les 15 jours suivant le semis. Le résultat apparaît figure 2. Sans surprise, l'efficacité des désherbages augmente avec la pluviométrie dans les 15 jours suivant le semis. Les produits racinaires doivent en effet être en solution pour être absorbés par les racines des adventices et atteindre leur cible. Les agriculteurs ont été satisfaits du désherbage au semis lorsque la pluviométrie dans les 15 jours suivant cette intervention était supérieure à 10 mm.

Nous avons également noté un effet dose : l'efficacité est meilleure à 3,5 l/ha de Camix par rapport à 3 l/ha, que ce soit pour le traitement sur le rang ou en plein.

Enfin, si l'on compare les deux types de désherbage, le traitement sur le rang est aussi efficace que celui en plein à la dose de 3,5 l/ha, à condition que la pluviométrie soit suffisante pour que l'herbicide soit efficace. En revanche, à la dose la plus faible, le traitement sur le rang apparaît un peu moins efficace que le désherbage en plein dans les mêmes conditions.

Cette différence entre traitement en plein et sur le rang pourrait s'expliquer par l'absence de recouvrement entre les jets de pulvérisation lors du traitement sur le rang, ou à une largeur traitée plus importante que prévu sur des sols plus compacts (jusqu'à 35 cm de largeur).

Nous conseillons donc de garder une dose élevée de produit, proche de celle d'homologation (3,75 l/ha) pour le désherbage sur le rang.

Résultat final après un ou plusieurs binages de l'inter-rang ou un rattrapage chimique

Lorsqu'il est suivi d'un rattrapage chimique, le désherbage sur le rang permet d'obtenir un résultat final proche de celui que les agriculteurs obtiennent avec leur stratégie (figure 3). S'il est suivi de binage(s), le désherbage sur le rang semble donner un résultat moins satisfaisant. Même si la pluviométrie a permis une bonne efficacité du désherbage de prélevée, le rang est alors un peu moins propre car il a reçu seulement un passage d'herbicide (le binage ne touche que l'inter-rang). Si le désherbage de prélevée n'a pas été efficace du fait d'une pluviométrie insuffisante après le semis, le résultat est mauvais après binage(s) : les adventices présentes sur le rang finissent par gagner et recouvrir aussi l'inter-rang.

Faisabilité de cette technique

Contraintes liées à la pluviométrie

Nous avons vu que l'efficacité d'un désherbage au semis est très influencée par la quantité de pluie tombée ensuite, et qu'il faut plus de 10 mm de pluie dans les 15 jours suivant le semis pour que le résultat soit satisfaisant.

À partir de données de 13 stations météos régulièrement réparties sur notre zone d'étude, nous avons calculé la proportion de jours disponibles pour le semis du maïs où un désherbage réalisé en même temps que le semis devrait être efficace. Ainsi, le résultat devrait être satisfaisant 82 % des jours où cette technique est utilisée.

Sept agriculteurs partenaires sur 13 ont été satisfaits lors des démonstrations de désherbage, soit 54 % de satisfaction. Cette faible proportion s'explique par la sécheresse après les semis. En moyenne seuls 35,5 mm d'eau sont tombés sur la zone d'étude du 20 avril au 30 mai 2010.

Contraintes liées au vent

La réglementation impose que la vitesse du vent ne dépasse pas 3 Beaufort (19 km/h) pour pouvoir pulvériser. Cette limite s'applique aussi à un désherbage réalisé au semis. Nous avons souhaité savoir dans quelle mesure le vent serait une contrainte pour semer et désherber simultanément.

Nous avons déterminé la proportion de jours disponibles pour semer le maïs avec une vitesse journalière du vent inférieure à 10 km/h, comprise entre 10 et 15 km/h, 15 et 19 km/h, et supérieure à 19 km/h.

Dans 53 % des cas, la vitesse relativement faible (< 15 km/h) ne constitue pas d'obstacle majeur pour désherber au semis. Dans 30 % des cas, la vitesse moyenne est comprise entre 15 et 19 km/h. Ces jours-là, cette technique ne serait pas utilisable aux heures où la vitesse du vent dépasserait la limite réglementaire. Enfin, il y a 17 % des jours disponibles pour le semis où la vitesse du vent excède 19 km/h, ce qui interdit de désherber ces jours-là (Figure 4).

Ceci dit, ces restrictions s'appliquent aussi au semis de maïs lui-même si le semoir est pneumatique et la semence traitée. De plus, il faut prendre en compte la vitesse du vent sur la parcelle et à 30 cm du sol, en général inférieure à celle « officielle », enregistrée sur des capteurs des stations météo situés bien plus haut.

Autres critères

Comparaison économique

Nous avons déterminé le coût de la stratégie de désherbage des agriculteurs lorsqu'ils font de la prélevée en plein, comparé à celui du désherbage sur le rang suivi soit d'un ou deux binages, soit d'un rattrapage chimique (Figure 5).

Financièrement, la stratégie désherbage sur le rang suivi d'un binage se distingue nettement des autres : environ 20 €/ha de moins. Son coût en herbicide est bas (seulement 18 €) et il n'y a qu'un seul binage. Cependant, pour bien dégager l'inter-rang et lutter contre les repousses, il faut en général au moins deux binages.

Classement pour la rapidité

La technique la plus rapide est le désherbage sur le rang suivi d'un rattrapage chimique. Dans ce cas, le désherbage est fait en même temps que le semis de l'agriculteur, ce qui lui fait gagner du temps (9 mn/ha de moins).

Les stratégies de désherbage sur le rang avec binage de l'inter-rang prennent plus de temps à l'agriculteur du fait du faible débit de chantier du binage. Il faut en moyenne 28 mn pour biner 1 ha contre 10 mn de désherbage chimique.

Quantités et IFT

L'IFT herbicide maïs baisse légèrement avec le désherbage sur le rang suivi d'un rattrapage chimique, par rapport aux stratégies des agriculteurs. L'IFT herbicide de prélevée est nettement diminué mais le rattrapage chimique est systématique pour dégager l'inter-rang.

Si le désherbage sur le rang est suivi d'un ou plusieurs binages, l'IFT de 0,35 est celui de l'herbicide de prélevée seul. Un IFT aussi bas peut être une solution pour un agriculteur engagé en MAE dont la flore est difficile à gérer en post-levée.

D'autres démonstrations sont réalisées partout en France sur cette thématique, afin de pouvoir adapter les solutions proposées aux contextes locaux (flore, rotation, type de transferts…)

Conclusion

Au vu des résultats obtenus en 2010, synthétisés tableau 1, le désherbage de prélevée sur le rang semble être une solution utilisable par les agriculteurs pour limiter le risque de transfert de produits. Cette technique permet si nécessaire d'abaisser de manière significative la quantité d'herbicide de prélevée employée.

En revanche, si la deuxième intervention est du binage, les contraintes matérielles sont assez importantes et le temps de travail supérieur. Ainsi nous conseillons d'utiliser le désherbage sur rang suivi de binages en priorité sur les parcelles identifiées à fort risque de transfert de produits dans l'eau.

<p>* Syngenta Agro, Département Développement, Filières et Stewardship.</p>

Figure 1 - Schéma de la pulvérisation sur le rang (R) ou en plein (P) au semis. La pulvérisation sur le rang peut être faite avec 4 buses situées au-dessus de la ligne de semis, à une faible hauteur (30 cm du sol). La pulvérisation en plein est réalisée avec 6 buses, à une hauteur plus importante.

Les traits noirs verticaux symbolisent les rangs de maïs.

Figure 2 - Évolution de l'efficacité du désherbage au semis en fonction de la pluviométrie, de la dose (3 ou 3,5 l/ha) et de la méthode de désherbage (sur rang (R) ou en plein (P)).

Figure 3 - Notes de satisfaction attribuées au désherbage sur le rang suivi d'une ou deux interventions de binage (R + binage), d'un rattrapage chimique (R + post), et notes attribuées aux désherbages des agriculteurs (itinéraires variés, comportant au moins un désherbage en plein dans 12 cas sur 13).

Figure 4 - Proportion de jours disponibles pour semer le maïs du 20 avril au 15 mai, avec différentes classes de vitesse journalière du vent (moyenne sur 15 ans).

Figure 5 - Comparaison du coût, du temps de travail et de l'IFT de 4 stratégies différentes : une habituellement réalisée par les agriculteurs (prélevée en plein suivie d'un rattrapage en post si nécessaire), trois de désherbage sur le rang suivi d'au moins une intervention en post-levée : soit application d'un herbicide (R+post), soit un binage (R + binage), soit deux binages (R + 2 binages).

Le coût en carburant, en herbicides, l'amortissement du matériel, le temps passé et les IFT sont obtenus à partir de questionnaires soumis aux 13 agriculteurs partenaires. Les frais d'entretien du matériel proviennent du guide régional 2010 des CUMA de l'Ouest. Le coût du système de pulvérisation au semis a été évalué à 10 €/ha (4000 € d'investissement, 80 ha/an, amortissement sur 5 ans).

Tableau 1 - Bilan récapitulatif des stratégies utilisées lors des 13 démonstrations.

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Résumé

Pour préserver la qualité de l'eau vis-à-vis des herbicides de la famille des chloroacétamides, il est possible de réduire la quantité d'herbicide employée avec la technique du désherbage sur le rang au semis. 13 démonstrations ont été réalisées en 2010 en Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie pour tester cette technique. Si le désherbage sur le rang au semis est suivi d'un rattrapage chimique, il s'avère que le coût et le résultat de cette technique sont similaires à celui des stratégies de prélevée pratiquées par les agriculteurs. Si la deuxième intervention est du binage, cette technique demande plus de temps de travail pour un résultat légèrement moins bon, mais avec un IFT très bas.

Mots-clés : désherbage maïs, chloroacétamides, qualité de l'eau, désherbage mixte.

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