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dossier - Ravageurs

Méligèthes du colza le paysage de la résistance

André Fougeroux*, d'après deux communications à la CIRA - Phytoma - n°647 - octobre 2011 - page 24

Deux états des lieux de la résistance des populations de méligèthes aux insecticides pyréthrinoïdes, en Europe et en France
 ph. Syngenta

ph. Syngenta

Les populations de méligèthes (photo en médaillon) ne sont pas nuisibles au colza pendant sa floraison mais avant, quand elles s'attaquent aux boutons floraux (ci-dessus). ph. Syngenta

Les populations de méligèthes (photo en médaillon) ne sont pas nuisibles au colza pendant sa floraison mais avant, quand elles s'attaquent aux boutons floraux (ci-dessus). ph. Syngenta

En quelques années, la culture du colza a connu une progression remarquable et couvre désormais 1,5 million d'hectares en France. Cela en fait la troisième culture du pays en surface derrière les céréales et le maïs. Fatalement, on assiste en même temps à une montée en puissance des bio-agresseurs de la culture, en particulier les ravageurs. Parmi eux, le méligèthe dit « du colza », espèce dont le nom scientifique est Meligethes aeneus a, en plus, le mauvais goût de résister aux insecticides pyréthrinoïdes. Il est surveillé pour cela, tant au niveau européen qu'au niveau français. Les résultats de ces deux programmes de surveillance sont présentés le 26 de ce mois d'octobre à Montpellier lors de la session « Résistance » de la CIRA, Conférence internationale sur les ravageurs en agriculture. Évocation de ce paysage de la résistance.

De tout temps la productivité du colza a été limitée par les attaques de ravageurs de tous ordres : pigeons, limaces, pucerons, charançons, etc., et méligèthes.

Pourquoi parler des résistances d'insecticides aux méligèthes

Méligèthes : ils sont nuisibles

Ces petits coléoptères, plutôt sympathiques lorsqu'ils se contentent de consommer du pollen sur plantes en fleurs, posent problème aux colzaiculteurs si leur voracité s'exerce avant la floraison. À ce moment-là, les méligèthes percent les boutons floraux pour accéder au pollen donc endommagent le pistil et entraînent la stérilité puis la chute prématurée des fleurs. Cela détruit le potentiel de rendement qu'elles portent.

Auxiliaires : ils ne suffisent pas (encore) à réguler les méligèthes

Les méligèthes ont bien sûr leurs ennemis naturels, notamment des microhyménoptères parasitoïdes. Des études sont menées pour évaluer comment les aménagements et les systèmes de cultures pourraient améliorer cette lutte biologique par conservation. Il faut signaler à ce propos la remarquable thèse présentée en décembre 2010 par A. Rusch (voir encadré). Mais à ce jour ces auxiliaires ne suffisent pas à réguler les populations de méligèthes.

Aussi, dans tous les pays producteurs européens, les colzas sont protégés des attaques du ravageur par applications d'insecticides.

Le Cetiom conseille une intervention si le seuil d'un méligèthe par plante est atteint au stade boutons accolés (D1), ou bien celui de 3 méligèthes par plante au stade boutons séparés(E). Dès le début de la floraison, l'intervention n'est plus justifiée.

Insecticides : peu de diversité, donc des résistances

Depuis les années 80 les pyréthrinoïdes sont largement employées pour protéger les colzas, d'autant que plusieurs insecticides d'autres familles chimiques actifs contre les méligèthes ont été interdits. En raison de ce manque d'alternative, les populations de méligèthes ont développé une résistance depuis 1999. Il convient de connaître la répartition, l'importance et le développement de cette résistance. Ce suivi est très important car il conditionne la gestion à long terme de ces insectes.

Les travaux menés en France et en Europe font l'objet, lors de la Conférence internationale sur les ravageurs en agriculture (CIRA) de deux communications complémentaires : « Un exemple concret de projet coordonné par l'IRAC : le suivi de la résistance des méligèthes du colza aux pyréthrinoïdes en Europe » (Huard G. et al.) et « Résistance des méligèthes du colza (Meligethes aeneus F.) aux pyréthrinoïdes de synthèse : Bilan de 12 années d'enquête », par Y. Ballanger (Cetiom) et D. Detourné (Laboratoire de Loos-en-Gohelle).

Le suivi par l'IRAC en Europe

Une méthode harmonisée utilisée dans 22 pays

Le groupe Méligèthes de l'IRAC (Insecticide Resistance Action Committee, www.irac-online.org) a pour principal objectif de suivre l'évolution des populations résistantes en Europe. Une méthodologie simple (méthode IRAC N°11 version 3) permet d'évaluer le niveau de résistance de méligèthes collectés dans une région bien définie et placés dans des flacons imprégnés de lambda-cyhalothrine (pyréthrinoïde de référence). Le pourcentage d'insectes affectés comparé à un témoin non traité permet d'évaluer le niveau de résistance d'une population suivant cinq catégories : très sensible, sensible, modérément résistant, résistant, très résistant. La collecte de méligèthes est faite dans 22 pays européens.

Bilan : la résistance progresse

Les détails des résultats d'analyse des échantillons sont présentés lors de la CIRA et figurent dans la publication. Ils mettent bien en évidence la progression de la résistance dans toute l'Europe et notamment dans les pays du nord-ouest de l'Europe. Cette publication met en lumière l'impérieuse nécessité de connaître les mécanismes qui conduisent à cette résistance (résistance par oxydase, mutation...) afin de disposer rapidement de solutions nouvelles permettant la mise en place de stratégie d'alternance.

Des modes d'action insecticides différents ont été autorisés dans les divers pays européens : organosphosphorés et plus récemment néonicotinoïdes, spinosyns, indoxacarb, pymétrozine. Mais ces alternatives ne sont pas disponibles dans tous les pays et dépendent des homologations nationales. Ainsi en France, outre des pyréthrinoïdes, seuls un organophosphoré et un néonicotinoïde sont autorisés contre les méligèthes.

Le suivi par l'AFPP en France

Autre méthode complémentaire

En France, un groupe de travail « méligèthes » a été créé en 1999 au sein de la commission ravageurs et auxiliaires de l'AFPP suite aux attaques massives du ravageur dans l'est du pays.

Animé par R. Delorme puis par Y. Ballanger, ce groupe a rassemblé les compétences de nombreux organismes : CETIOM, INRA, SRPV Nord-Pas-de-Calais, SPV et sociétés phytosanitaires. La présentation réalisée lors de la CIRA fait le bilan de douze ans de travaux de ce groupe.

Le test utilisé diffère de la méthode suivie par l'IRAC, d'abord par la pyréthrinoïde de référence (cyperméthrine) ensuite par l'échelle de classification qui compare la DL50 observée suite au test à la dose d'emploi. Il y a 5 classes ainsi déterminées : a, b, c, d, e.

Résultats

Si les populations les plus résistantes restent relativement rares, les populations de méligèthes les plus fréquentes se situent dans des classes de sensibilité intermédiaires aux pyréthrinoïdes.

À l'échelle française comme en Europe, les populations moins sensibles s'étendent à de nouvelles régions pour lesquelles le colza représente une culture moins fréquente que dans le centre et l'est de la France.

Cohérence

Ces deux exemples (IRAC, Groupe « méligèthes » de la commission Ravageurs et Auxiliaires de l'AFPP) illustrent de manière éclatante l'intérêt d'une approche en groupe de travail pluridisciplinaire face à un problème parasitaire qui concerne l'ensemble d'une filière.

En effet, cela permet une large couverture du territoire et les échanges au sein du groupe maintiennent un élan qui offre aussi la possibilité d'études sur de longues périodes. Études riches d'enseignement comme le montrent ces travaux sur 12 ans du groupe AFPP lequel publie aussi chaque année une « Note nationale méligèthes » réactualisant ainsi les connaissances et les recommandations.

À cet égard les groupes de travail de l'AFPP apportent cette opportunité en rassemblant de nombreuses compétences au service de la protection des plantes.

<p>* Syngenta, Vice-président de la Commission AFPP</p> <p>Ravageurs et Auxiliaires. andre.fougeroux@syngenta.com</p> <p>** Makhteshim Agan France.</p> <p>*** CETIOM.</p> <p>** ** Laboratoire de Loos-en-Gohelle.</p>

Méligèthes et paysage : thèse d'Adrien Rusch

Titrée « Analyse des déterminants des attaques de <i>Meligethes aeneus</i> (Coleoptera, Nitidulidae) et de sa régulation biologique à l'échelle agricole : contribution à l'amélioration de la protection intégrée du colza », la thèse d'A. Rusch vaut la lecture.

Cette thèse, qui regroupe plusieurs études complémentaires sur les méligèthes du colza, illustre bien l'évolution des approches concernant ces ravageurs difficiles.

En effet, cette analyse intègre les effets, dans les parcelles portant ou ayant porté du colza, des pratiques agricoles mais aussi des éléments semi naturels environnants, sur les populations de méligèthes et des microhyménoptères parasitoïdes associés. À cet égard, A. Rusch a montré que le contexte paysager joue un rôle majeur sur ces populations.

En effet, les dégâts de méligèthes sont liés à l'importance des éléments semi naturels dans le paysage. Ceux-ci constituent des sites d'hivernation pour ces ravageurs. La nutrition azotée de la plante permet une compensation de ces dégâts.

La complexité du paysage joue aussi un rôle majeur sur leurs principaux parasites (microhyménoptères) et notamment Tersilochus heterocerus. Ces éléments semi-naturels jouent probablement un rôle sur les sites d'hivernation de ces populations mais aussi sur les ressources alimentaires pour les adultes de parasitoïdes. Les études montrent aussi le rôle favorisant d'un travail superficiel du sol sur le parasitisme des méligèthes par T. heterocerus.

Enfin la connaissance d'indicateurs paysagers permet d'identifier les situations à risque concernant les méligèthes.

Ce travail montre que la protection des cultures peut intégrer non seulement les systèmes de cultures mais aussi le contexte paysager. Cette vision systémique permet d'orienter les pratiques agricoles mais aussi la gestion du paysage afin de favoriser les services éco systémiques comme la régulation naturelle des ravageurs tout en minimisant les facteurs favorisant les ravageurs.

Après la protection intégrée et la production intégrée, voilà qui pourrait s'intituler « gestion intégrée de territoire ».

En savoir plus : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/58/98/02/PDF/These_ARusch.pdf

Résumé

Le 26 octobre 2011, lors de la session « Résistance » de la 9e CIRA organisée par l'AFPP, deux communications traitent de la résistance des méligèthes du colza aux insecticides pyréthrinoïdes.

L'une, émanant de l'IRAC, fait état de la progression de la résistance en Europe, notamment dans le nord-ouest de l'Union européenne. L'autre, émanant du groupe Méligèthes de la commission Ravageurs et Auxiliaires de l'AFPP qui effectue un suivi (monitoring) de la résistance depuis 12 ans, fait état de sa progression également en France.

Les substances de références et les méthodologies diffèrent mais les résultats de deux études convergent.

Mots-clés : ravageurs, colza, méligèthes Meligethes aeneus, insecticides, pyréthrinoïdes, résistance, IRAC Insecticide Resistance Action Commitee, AFPP, Association française de protection des plantes, CIRA, Conférence internationale sur les ravageurs en agriculture.

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