Larve de tordeuse sur raisin. L'emamectine est autorisée sur vigne. Mais aussi en verger : pommier, poirier, pêcher, abricotier... ph. Syngenta
L'emamectine, issue de la fermentation de bactéries du sol Streptomyces avermitilis, est une substance insecticide de la famille des avermectines. En décembre 2010, elle a obtenu en France son autorisation de mise sur le marché contre tordeuses de la vigne, carpocapse et tordeuses des pommiers, poiriers, pêchers, abricotiers, cognassiers et nashis, sous les noms d'Affirm® et Proclaim®. Des extensions d'usages sur cultures légumières sont en cours d'évaluation. Spécifique des lépidoptères, l'émamectine présente la caractéristique intéressante pour les producteurs de ne pas avoir de résidu détectable à la limite de quantification de 0,01 mg/kg.
Des chercheurs japonais ont découvert, à la fin des années 70, la famille des avermectines dans les fermentations de bactéries filamenteuses du sol : Streptomyces avermitilis.
Les différentes molécules de la famille des avermectines ont des spectres d'efficacité variables : l'emamectine a un spectre spécifique des lépidoptères (tordeuses, carpocapse, noctuelles, etc.) Elle est homologuée en France depuis décembre 2010 pour la protection de la vigne, des pommiers, poiriers (donc cognassiers et nashis), pêchers et abricotiers.
Robustesse et souplesse grâce au mode d'action
Le mode d'action est d'agir au niveau des muscles, en tant qu'agoniste des canaux chlore. La substance se fixe de façon irréversible sur les récepteurs GABA et sur les récepteurs Glutamate H, inhibant la contraction musculaire de la larve (Zaborowski et al., 2008 et Nauen et al., 2002). La famille des avermectines est par ailleurs connue pour sa robustesse face aux résistances.
L'emamectine est active sur les différents stades de développement des lépidoptères. Lors de l'éclosion, la larve mord le chorion (paroi de l'œuf) et ingère ainsi une dose létale, permettant une efficacité ovo-larvicide (Figure 1 page suivante). La cotation IFV (Institut français de la vigne et du vin) réalisée sur eudémis montre une efficacité sur les larves depuis l'éclosion jusqu'à des stades larvaires tardifs.
Ce mode d'action permet une souplesse de positionnement et une efficacité dans les vignes et vergers sur les lépidoptères présents, même s'il sont d'espèces variées et à des stades de développement différents.
La question des résidus
La demande des consommateurs étant de plus en plus forte par rapport aux résidus, les producteurs visent à obtenir des denrées contenant le moins de résidus possible.
Actuellement, le seuil de détection pour la majeure partie des matières actives est de 0,01 mg/kg. La limite de quantification est la plus petite concentration pouvant être quantifiée avec une incertitude acceptable. Il s'agit d'une limite technique et non réglementaire.
L'équation d'Horwitz basée sur plus de 3 000 analyses inter-laboratoires montre que plus la limite de quantification est basse, plus le degré d'incertitude augmente.
Par exemple pour l'emamectine, en deçà du seuil de 0,01 mg/kg, la quantification a un pourcentage d'incertitude de 70 %.
Résidu, LMR, DAR : définitions
L'emamectine, substance d'origine naturelle, est extrêmement complexe (Figure 2) comme toutes les molécules de la famille des avermectines. Le résidu pertinent proposé par les autorités européennes est le métabolite « emamectine benzoate B1a », exprimé en « emamectine ».
Vu la complexité de la molécule, la méthode d'analyse mono-résidu est la plus fiable.
Les LMR de l'emamectine sont de 0,05 mg/kg sur raisin et 0,02 mg/kg sur pomme, poire et pêche (Règlement 1050/2009 du JOUE du 6/11/2009). Pour l'abricot, une LMR de 0,02 mg/kg a été votée en mars 2011 et vient d'être publiée au JOUE (Journal officiel de l'Union européenne). Les LMR européennes autorisent l'exportation des denrées agricoles dans les 27 pays de l'Union Européenne ainsi que dans les pays reconnaissant ces LMR. L'emamectine dispose de LMR dans les principaux pays importateurs de fruits, légumes et de vin.
Les délais avant récolte (DAR) ont été définis sur chaque culture (Tableau 1).
Étude de la dégradation de résidus d'emamectine
Des essais en BPE et BPL sont menés afin d'analyser la dégradation des résidus sur les denrées alimentaires. Dans ce cas, les applications sont réalisées régulièrement entre 21 jours avant la récolte et jusqu'au jour de la récolte.
Ces analyses montrent que très rapidement, le niveau de résidus devient non quantifiable (Figure 3 et Tableau 2).
Résultats
Depuis 2008, 58 analyses de résidus ont été menées soit pour la rédaction des dossiers d'homologation, soit pour une estimation des niveaux de résidus dans la pratique.
Pour les dossiers d'homologation, les essais sont menés avec doses et nombre d'applications majorés et délai avant récolte plus court que ceux autorisés, pour maximiser le risque résidus dans les essais.
Ces analyses montrent l'absence de résidus au seuil de détection de 0,01 mg/kg, même lorsque le risque est fortement majoré.
Les niveaux de résidus dans les raisins étant inférieurs à 0,01 mg/kg, ces niveaux restent toujours inférieurs à la limite de quantification dans les moûts et les vins (Tableau 3).
Les tests de vinifications (blanc, rosé, rouge et effervescent) réalisés montrent l'absence d'impact des traitements avec l'emamectine sur les différentes étapes de fermentation.
Dans les conditions pratiques d'utilisation (dose, nombre d'applications et DAR), les produits à base d'emamectine (Affirm et Proclaim) respectent parfaitement la LMR.
Intérêt face aux attaques tardives
Ce que permettent les « délais avant récolte »
On observe, selon les années, l'émergence de générations tardives qui causent des dégâts très proches des vendanges ou des récoltes de fruits. Le délai avant récolte (DAR) est court, ce qui permet l'utilisation de l'emamectine pour lutter contre ces attaques avant récolte.
Ainsi, en vigne l'emamectine peut être appliquée en 3e génération d'eudémis jusqu'à 7 jours avant récolte (raisin de table comme raisin de cuve), notamment en situation d'année précoce comme 2011. En arboriculture, il n'est pas rare d'avoir plusieurs dates de récolte sur une même parcelle, un court délai avant récolte permet alors une organisation facilitée du travail.
Dans le cadre de partenariats avec des stations expérimentales fruitières, des essais ont été conduits sur différentes espèces. Ainsi, la station de la Pugère conduit une expérimentation sur pommiers et fait part de son témoignage.
Témoignage de terrain
« Dans le Sud-Est, pour faire face au carpocapse, nous avons besoin de solutions à partir d'avril jusqu'à la récolte, sans compter que depuis quelques années, les vergers de pommiers sont également attaqués par la tordeuse orientale, ravageur bien connu des vergers de pêchers. Dans ce contexte difficile, l'arrivée de l'emamectine apporte une arme efficace contre les deux ravageurs. Les producteurs pourront également apprécier son faible délai avant récolte (3 jours). Cela leur permettra de protéger les variétés précoces même pendant les récoltes avec de surcroît une absence de résidus. »
Conclusion
L'emamectine est une nouvelle solution qui permet aux producteurs de répondre aux attentes des consommateurs en termes de qualité de produits agricoles notamment aux niveaux des résidus. En vigne, son mode d'action ovo-larvicide permet une large fenêtre d'application, tout en gardant une bonne protection grâce à sa persistance. En arboriculture, son mode d'action permet une réelle alternance dans les programmes de lutte contre le carpocapse et les tordeuses.
La substance permet aux producteurs d'assurer une protection efficace, y compris sur les attaques tardives, tout en n'ayant aucune incidence sur la qualité finale de la récolte. Affirm et Proclaim apportent aux producteurs une solution performante et sûre tout en répondant aux besoins des filières vigne et arboricole.
<p>* Syngenta Agro SAS.</p>
Spécialités, fiche d'identité
Noms commerciaux : Affirm et Proclaim.
N° AMM : 2100231.
Composition : 0,95 % d'emamectine benzoate.
Type de formulation : SG (granulé soluble dans l'eau).
Classement : N R51/53.
DRE : 6 heures.
ZNT : 20 m en vigne et 50 m en verger.
Nombre d'applications : 3 maxi par an.
Dernière minute
Depuis fin septembre 2011, Affirm et Proclaim bénéficient tous deux de dérogations :
• sur haricot, en traitement des parties aériennes ;
• contre les chenilles foreuses de la tige et des gousses ;
• à la dose de 1,5 kg/ha par application ;
• pour 3 applications maximum ;
• avec un DAR de 3 jours ;
• Valables jusqu'au 27 janvier 2012 (autorisation pour 120 jours).
M. Massardier, responsable technique de la Coopérative Sicoly basée dans le Rhône (69), a pu donner son avis concernant l'emamectine.
Pour lui, « les essais conduits en vergers de poiriers pour lutter contre le carpocapse montrent que cette nouvelle solution appliquée 3 jours avant la récolte (DAR de la substance active), est en adéquation et apporte la sécurité avec la LMR fixée à 0,02 mg/kg pour les fruits frais. De plus, la substance active répond aux exigences de la filière baby-food fixées à 10 ppb de résidus par kg ».