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dossier - Vigne, les histoires et la pratique

Vigne, les histoires et la pratique

Marianne Decoin, Phytoma - Phytoma - n°649 - décembre 2011 - page 15

Il est usuel, dans la communication politique et la publicité, de pratiquer le « story-telling », anglicisme pour dire, ou plutôt ne pas dire, « racontage d'histoire » (1). C'est vrai, tout récit accroche l'attention à la lecture. Mais en même temps, lecteurs, vous êtes des professionnels, et le service que nous vous devons est de vous indiquer les conséquences pratiques des faits présentés. C'est ce que vise ce dossier.
Détail de la photo de couverture, prise sur la parcelle de Fournès, dans le Gard, où des érigérons résistent au glyphosate (Voir p. 25). ph. CAPL (84)

Détail de la photo de couverture, prise sur la parcelle de Fournès, dans le Gard, où des érigérons résistent au glyphosate (Voir p. 25). ph. CAPL (84)

Alain Bouquet, à droite, dans un des vignobles d'essais et de mise au point du porte-greffe qui porte aujourd'hui son nom. 36 ans de travail de sélection classique avant l'inscription officielle. ph. N. Ollat, INRA

Alain Bouquet, à droite, dans un des vignobles d'essais et de mise au point du porte-greffe qui porte aujourd'hui son nom. 36 ans de travail de sélection classique avant l'inscription officielle. ph. N. Ollat, INRA

Santé de la vigne en 2011, détection en 2010 d'une résistance nuisible, long travail pour trouver une résistance utile, innovations d'un an... Récits, avec les conséquences pour les viticulteurs que vous êtes ou que vous conseillez.

Surveiller la vigne

p. 17, bilan phytosanitaire, histoire d'une année pour préparer la suite

La publication du bilan phytosanitaire est une réalisation du réseau d'épidémiosurveillance vigne coordonné par J. Grosman, expert-référent national de la DGAl-SdQPV. L'intérêt de cette histoire de l'année 2011 vue au niveau des ceps est que, en prenant date de ce qui s'est passé, elle sert de base aux conseils et décisions futures.

Cela vaut pour les maladies et ravageurs « annuels » gérés à l'échelle de la campagne : maladies et ravageurs du feuillage et des grappes. Leur rapport avec le climat particulier de 2011 permet de mieux comprendre les relations climat/bioagresseurs. Donc mieux prévoir la pression de ces bioagresseurs en fonction des relevés et prévisions climatiques.

Et les affections pluriannuelles : maladies du bois et flavescence dorée ? Leur expression peut certes dépendre du climat de l'année, 2011 l'a confirmé. Mais les tendances pluriannuelles sont lourdes : multiplication des foyers de flavescence et poids croissant des maladies du bois. La protection des ceps se pense (ou se pensera) sur plusieurs années.

p. 25, résistance au glyphosate, histoire d'une vergerette coriace

L'histoire de l'érigéron, alias vergerette, résistant au glyphosate commence en 2010 ? Non ! C'est l'histoire de sa reconnaissance en France qui a débuté en 2010. Mais le phénomène avait probablement émergé avant dans quelques individus ayant toléré des traitements au glyphosate et passés quasi inaperçus. En 2010, ils ont été assez nombreux pour se faire remarquer. Puis ont suivi les tests, rapportés ici.

Et, au fait, il ne s'agit pas de mutation induite par le produit, mais de sélection suite à des utilisations répétées de ce produit. Les rarissimes individus « pré-résistants » ont survécu et fait souche. Leur descendance, résistante, a prospéré sans concurrence du reste de la flore et est devenue moins rare avant de constituer une coriace population.

Conséquences pratiques ? En 2010, la résistance avérée concernait une parcelle. à ce jour, on n'a pas encore les résultats du suivi effectué en 2011. Mais déjà un dispositif de surveillance est en place. Il est opérationnel et des conseils de gestion sont donnés. D'abord ne pas laisser l'érigéron s'ériger : intervenir avant l'élongation de sa tige.

Des outils pour la protection

p. 29, le Nemadex Alain Bouquet, trente-six ans d'histoire

Le dossier continue en présentant de nouveaux moyens de protection de la vigne. Le premier d'entre eux n'est pas un produit mais de la tolérance génétique.

C'est celle d'un porte-greffe qui combat le courtnoué en freinant la colonisation de ses racines par les nématodes vecteurs du virus. Nommé Nemadex Alain Bouquet, du nom de son créateur (et par ailleurs résistant au phylloxéra), il a été obtenu par sélection classique. Et oui, ce n'est pas la vigne OGM de Colmar !

Le travail a commencé en 1975 : 36 ans d'efforts. Pour nos lecteurs fidèles et à bonne mémoire, ce Nemadex Alain Bouquet n'est autre que le « MTP 3146-1-87 » évoqué comme prometteur dans un point sur le court-noué paru fin 2005(2). à l'époque, on espérait son inscription au catalogue en 2008, finalement ce fut 2011.

L'article est intéressant comme un exemple de la longue patience nécessaire à la recherche, face à la mode des contrats de trois ans...

Mais aussi côté conséquences pratiques :

– l'intérêt qu'a, concrètement, ce porte-greffe bientôt disponible pour les viticulteurs ;

– les apports de ce travail pour la mise au point des futurs petits frères du Nemadex.

p. 34, innovation produits phytos, histoire de doux et de bios

Place ensuite aux nouveautés en matière de produits de protection de la vigne. Il s'agit dans tous les cas de produits phytos (= phytopharmaceutiques) autorisés comme tels.

Signe des temps : trois des neuf produits cités ont leur principe actif d'origine biologique : un extrait bactérien et deux micro-organismes. Par ailleurs, quatre sur neuf sont non classés au plan toxicologique ; autrement dit leur toxicité pour l'homme est très faible. Quant aux cinq autres, leur classement est bénin et représente souvent un progrès par rapport aux produits qu'ils viennent concurrencer. Ce qui ne les empêche pas, précisons-le, d'être efficaces.

En plus, certains apportent des modes d'action nouveaux pour la vigne.

Conséquences pratiques ? Une plus grande diversité des outils pour la protection de la vigne, bienvenue après les interdictions des années précédentes, en même temps qu'une amélioration pour la sécurité des applicateurs et des consommateurs.

Quant au lancement ou à la prise en main des trois produits d'origine biologique par de grandes sociétés phytosanitaires, des « chimistes historiques(3) », c'est une « story » en soi.

Conséquences pratiques ? La possibilité d'accompagnement technique et commercial intensifié pour le développement de ces produits. Histoires à suivre.

<p>(1) <i>« Racontage d'histoire »</i> suggère <i>« raconter des histoires »</i> peut-être fausses. Alors on ne traduit pas... Même phénomène pour le ray-grass, nom anglais de l'ivraie. On dit ivraie quand elle est mauvaise herbe (ex. l'ivraie raide résistante au glyphosate citée au détour de l'article p. 25), mais pas quand elle est fourragère ! Pourtant il s'agit dans tous les cas d'espèces du genre <i>Lolium</i>.</p> <p>(2) Esmenjaud D., Voisin R., Fritsch J., Bouquet A., Lemaire O. et Claverie M., 2005 - Le court-noué de la vigne – II – Le point sur la lutte contre la maladie à la journée « Alternative » du 28 avril 2005. <i>Phytoma</i> n° 587, novembre 2005, pp. 43 à 48.</p> <p>(3) Bayer et Basf, chimistes depuis plus d'un siècle, et Syngenta, issu des chimistes Sandoz, Ciba et ICI comme Imperial Chemical Industry – ce qui nous ramène à l'Empire britannique, by Jove !</p>

L'essentiel de l'offre

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