Coralie Aubin, de Biotek, entreprise basée dans le département de l'Aube (10) prestataire de services en expérimentation phyto agréée BPL et BPE(1), nous demande :
« Suite à votre article de Phytoma de novembre sur le décret n° 2011- 1325 concernant l'agrément des entreprises et le certificat individuel des personnes appliquant des produits phytos(2), sommesnous, nous prestataires de services en expérimentation, concernés par cet agrément ? Nos salariés expérimentateurs devront-ils obtenir un certificat individuel ? »
Certificat individuel, oui c'est sûr
D'abord, une chose est sûre : tous les salariés ayant à utiliser, à titre professionnel, des produits phytos autorisés comme tels, devront être titulaires d'un certificat individuel. Et ceci que leur employeur soit une entreprise agréée selon le décret 2011-1325 ou non…
Alors, cela concerne-t-il des salariés des entreprises prestataires en expérimentation ?
En effet, les produits testés sous ADE (autorisation de destruction pour expérimentation) avant AMM n'ont pas encore d'AMM, justement. On peut arguer que, ces produits n'étant pas encore des « produits phytopharmaceutiques » au sens légal, leurs utilisateurs sortiraient donc du champ du décret 2011-1325…
Certes… Mais, en pratique, les salariés d'une entreprise d'expérimentation ayant à tester des produits avant AMM utilisent, aussi, des produits phytos titulaires d'AMM.
En effet, ils comparent les produits testés à des références. Or ces dernières sont, forcément, des produits phytos autorisés ! De plus, certaines entreprises prestataires réalisent des « suivis post-AMM » de produits autorisés, et/ou testent des nouvelles variétés végétales qu'elles traitent avec des produits autorisés.
Les salariés d'entreprises prestataires ayant à appliquer des produits phytos ou encadrer leur application sont bien des « personnes physiques qui utilisent les produits phytopharmaceutiques dans le cadre de leur activité professionnelle » (termes de l'article 1er du décret). La cause est entendue : chacun devra être titulaire d'un certificat individuel.
Activité utilisateur, c'est sûr aussi
Logiquement, ils devront solliciter des certificats pour l'activité « Utilisation des produits ».
Ces certificats ont été créés par deux arrêtés du 21 octobre 2011 « portant création et fixant les modalités d'obtention du certificat individuel pour l'activité “Utilisation à titre professionnel des produits phytopharmaceutiques” ». Un arrêté concerne les catégories « décideur en exploitation agricole » et « Opérateur en exploitation agricole », et l'autre celles des « décideurs » et « opérateurs » en « travaux et services »(3).
Chaque entreprise devra avoir au moins un salarié certifié comme « décideur », encadrant les applicateurs certifiés « opérateurs ».
Le décideur pourra-t-il appliquer lui-même des produits ? Rien ne le dit mais cela paraît logique car :
– les certificats « décideurs » intègrent, selon l'annexe III des arrêtés, les connaissances des programmes des certificats « opérateurs » correspondants,
– il existe des applicateurs prestataires en entreprises unipersonnelles, tout comme des agriculteurs chefs d'exploitation qui travaillent sans salariés ni associés ou aides familiaux ; ils cumulent forcément les activités de décideur et d'applicateur.
Mais quelle catégorie ?
Mais faut-il briguer des certificats en « exploitation agricole » ou en « travaux et services » ?
Alors, là…
Il semble logique de choisir les certificats « en travaux et services » puisqu'il s'agit de travaux en prestation de services. Mais certains estiment que, pour les « opérateurs », si le travail est réalisé dans le cadre agricole (salariés du régime agricole et travaillant sur des exploitations), le certificat « Opérateur en exploitation agricole » conviendrait mieux. Or il est valable dix ans contre cinq pour les « Opérateurs en travaux et services ». À creuser au cas par cas avec sa DRAAF(4).
Agrément, fort probable
En attendant, parlons d'agrément. Les entreprises déjà agréées BPL et/ou BPE pour l'expérimentation phyto auront-elles l'équivalence avec le nouvel agrément ?
La réponse est non. Selon la DGER(5) du MAAPRAT que nous avons interrogée à ce sujet, « l'agrément prévu par le décret 2011-1325 est indépendant des BPL et BPE ». C'est clair.
Devront-elles solliciter le nouvel agrément ? « Oui, si elles font de la prestation de services pour (…) l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ».
Reste à savoir si l'utilisation de produits phytos effectuée dans le cadre d'une prestation de service globale d'expérimentation fait elle-même partie de la prestation de service. Ou si, au contraire, elle est préalable et extérieure à la prestation proprement dite.
Dans ce dernier cas (non facturation au client de la prestation d'application, etc.), on pourrait se passer de l'agrément… Mais cela semble « difficilement soutenable » selon des experts consultés.
Ainsi, il est probable que les entreprises prestataires en expérimentation devront être agréées selon le décret 2011-1325. Et pour cela titulaires de la « certification d'entreprise » préalable à l'obtention de l'agrément de la dite entreprise et organisée par les arrêtés parus le 21 décembre dernier (voir page 10 de ce numéro).
Cet agrément serait, logiquement, celui pour l'activité « application en prestation de service des produits phytopharmaceutiques » (article 1 du décret 2011-1325).
Quel calendrier ?
Mais au fait, combien de temps reste-t-il pour décrocher cet agrément ? Selon le décret (point II de l'article 3), il faudra l'avoir obtenu au 1er octobre 2013.
Et pour le certificat des personnels ?
On pourrait penser avoir jusqu'au 1er octobre 2014, délai maximal donné par le décret (point III de son article 3(6)) pour les certificats individuels d'utilisateurs…
Mais attention, c'est le code rural(7) qui le dit, « l'exercice des fonctions d'encadrement » et « d'application » concernant les produits phytos dans les entreprises agréées devra être « soumis à l'obtention du certificat individuel » correspondant.
Ainsi, dès le 1er octobre 2013, il faudra que tous les applicateurs de produits phytos et responsables ayant à les encadrer aient obtenu leur certificat individuel, respectivement comme « opérateurs » et comme « décideurs ».
De fait, c'est dans pas longtemps…
Comment avoir le certificat ?
Selon les arrêtés, il y a quatre voies d'accès possibles à ces certificats individuels. Ce sont, au choix :
– être titulaire d'un diplôme obtenu depuis moins de cinq ans ; les listes des diplômes pour les « décideurs » et les « opérateurs » sont en annexes des arrêtés ; il faut faire la demande, l'obtention est garantie ;
– suivre une formation, de trois jours pour les « décideurs en travaux et services » et de deux seulement pour les « opérateurs en travaux et services », « décideurs en exploitation agricole » et « opérateurs en exploitation agricole », auprès d'un organisme de formation habilité ;
– passer un test (sous forme de QCM(8)), à l'issue duquel, soit on obtient le certificat, soit on suit la formation de trois ou deux jours évoquée ci-dessus ;
– suivre une formation, de deux jours pour les décideurs en travaux et services et d'une journée pour les autres, suivie d'un test ; ensuite, soit on obtient le certificat, soit on doit suivre une journée de formation complémentaire à l'issue de laquelle on obtiendra le certificat.
Par ailleurs, les salariés titulaires d'un certificat DAPA vieux de moins de cinq ans, ou d'un certiphyto expérimental obtenu entre fin 2009 et juillet 2011, sont reconnus titulaires du « certificat individuel » correspondant jusqu'à la date d'expiration prévue. Ceci sans démarche particulière à faire.
À renouveler…
Et après ? Il faudra faire renouveler les certificats. Ce « renouvellement » est évoqué dans le décret comme pouvant être « obtenu dans les conditions prévues » pour les premières obtentions. Les arrêtés précisent que pour les voies d'accès « formation seule » et « formation + test », les durées peuvent différer de celles des premières obtentions. Elles sont de :
– deux jours pour toutes les « formations seules » (même de décideurs en travaux et services) ;
– un jour, le test, puis un jour complémentaire si nécessaire, pour les « formations + test ».
<p>(1) BPL = Bonnes pratiques de laboratoire (standard international GLP, good laboratory practices). BPE = Bonnes pratiques d'expérimentation (standard français).</p> <p>(2) Agrément et certificat, textes parus. <i>Phytoma</i> n° 648, novembre 2011, p. 4. NB : Le décret 2011-1325 est daté du 18 octobre 2011 et paru le 20 octobre au JORF.</p> <p>(3) Arrêtés du 21 octobre 2011, publiés au JORF le 22 et identifiés AGRE 1118298A pour l'utilisation en <i>« exploitation agricole »</i> et AGRE 1118297A pour celle en <i>« travaux et services »</i>.</p> <p>(4) Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt.</p> <p>(5) Direction générale de l'enseignement et de la recherche.</p> <p>(6) Mais si ! Ce sont les <i>« personnes physiques mentionnées au II de l'article L. 254-3 du code rural… »</i> citées dans le 4° de ce point III. (Ne pas confondre les articles L. 254-3 et R. 254-3).</p> <p>(7) Précisément son article L. 254-3.</p> <p>(8) Questionnaire à choix multiple.</p>