Le Pseudomonas syringae cause des chancres avec écoulements sur tronc (à droite) et pousses (ci-dessous), et des symptômes sur feuilles (médaillon en haut de page) voire fruits. Les Actinidia chinensis, qui produisent les kiwis à chair jaune, semblent particulièrement sensibles. Photos : J.P. Faure, SRAL Rhône-Alpes
Après avoir été vendu comme un fruit exotique, le kiwi est devenu une production française : des vergers d'Actinidia deliciosa fournissent du kiwi classique à chair verte, et la culture d'Actinidia chinensis, producteur de kiwis à chair jaune, a récemment été lancée. Mais courant 2010, le Psa est arrivé dans nos vergers... Derrière ce sigle se cache une redoutable bactérie du genre Pseudomonas, voilà pour le « P », de l'espèce syringae, voilà le « s », et du pathovar actinidiae c'est-à-dire adapté à l'actinidia, voilà pour le « a ». Un plan de surveillance a été mis en place en France en 2011. Bilan.
L'apparition de premiers foyers de la bactérie pathogène Pseudomonas syringae pathovar actinidia, en abrégé Psa, dans les vergers de kiwi français durant l'été 2010 puis en sortie d'hiver dernier(1), a déclenché un plan de surveillance national initié et coordonné par le ministère français chargé de l'Agriculture (MAAPRAT(2), par l'intermédiaire de sa DGAL/SDQPV(3)) et les Services régionaux de l'alimentation (SRAL) des régions concernées : Aquitaine, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Corse, Pays de Loire, Languedoc- Roussillon et Poitou-Charentes.
Cette bactérie est inscrite sur la liste d'alerte de l'Organisation européenne de la protection des Plantes (OEPP) depuis novembre 2009 (suite aux dégâts dans les vergers italiens durant l'hiver 2007-2008).
Elle est à ce titre intégrée en annexe B de l'arrêté du 31 juillet 2000 modifié établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets soumis à des mesures de lutte obligatoire sous certaines conditions (prise d'un arrêté préfectoral).
Évaluation du risque et des enjeux
En France, il y a 4 300 ha de kiwi dont près de la moitié, 1 865 ha, en Aquitaine. Suite à une analyse de risque phytosanitaire simplifiée intégrant la sensibilité variétale et l'origine géographique des plants, les vergers priorisés dans le plan de surveillance, sont par ordre d'importance :
a) Les kiwis à chair jaune (Actinidia chinensis) et ceux à chair verte d'Actinidia deliciosa précoce correspondant aux nouvelles variétés plantées en France ces dernières années (environ 400 ha).
b) Les vergers de kiwi à chair verte plantés depuis 2006 et dont les plants sont d'origine italienne ou néozélandaise.
c) Les autres vergers de kiwi à chair verte de type Hayward plantés depuis 2006.
Suite à cette analyse de risque phytosanitaire, le plan de surveillance devait donc se focaliser au minimum sur 550 ha. La prospection a été élargie en particulier à des vergers sans risque apparent mais ceinturés par des parcelles contaminées (Figure 1).
Suite à l'analyse de risque phytosanitaire, nous constatons que l'échantillon des parcelles de kiwi prospectées n'est pas représentatif puisque Actinidia chinensis regroupant des variétés plus sensibles au Psa représente 9,7 % (4,2 % au plan français).
Ce groupe est donc volontairement sur-représenté.
Prospection et analyses
Méthodologie de terrain
Initiée dès l'été 2010 suite aux premiers cas positifs dans le département de la Drôme pour le Sud-Est et dans les Pyrénées-Atlantiques pour le Sud-Ouest, la prospection coordonnée par le MAAPRAT s'est déroulée en collaboration avec les organisations de producteurs de kiwi et le Bureau interprofessionnel du kiwi (BIK).
Sur le terrain, les vergers à prospecter ont été visités par les techniciens des groupements de producteurs ou les agents des SRAL ou des Fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) selon un protocole national. Les identifications bactériennes ont toutes été réalisées par le Laboratoire de la santé des végétaux de l'Anses à Angers.
Tests de laboratoire
Pseudomonas syringae pv actinidiae (Psa), agent causal du chancre du kiwi, a été détectée pour la première fois en France en juillet 2010 (1) par isolement sur milieu de culture et identification des souches isolées à l'aide de tests phénotypiques, nutritionnels et moléculaires tels que décrits par Takikawa et al., (1989), Scortichini et al., (2002), Vanneste (2010).
Le Laboratoire de la santé des végétaux de l'Anses, en collaboration avec les équipes néo-zélandaises et italiennes, a montré que les souches françaises isolées en 2010 appartenaient au même groupe que les souches italiennes et néo-zélandaises et étaient de type virulent (2).
L'utilisation des techniques de typage par rep- PCR (BOX PCR) est en cours sur la collection de souches isolées en 2011 dans le but d'établir la présence ou non d'un seul type de souche sur le territoire français.
Bilan de prospection
Les principales régions concernées par la culture du kiwi en France ont participé au plan de surveillance Psa (Tableau 1).
La superficie totale prospectée (2 066,45 ha) représente 50,6 % de la surface de kiwi des régions prospectées. C'est très supérieur à la surface minimum devant être prospectée suite à l'analyse de risque (550 ha).
On constate que le cœur de la zone de production française de kiwi (région Aquitaine) est particulièrement bien prospecté (69 % de la surface régionale) (Tableau 1).
Résultats du plan de surveillance
Géographie et nombre de cas
Le plan de surveillance étant orienté sur les variétés et les origines de plants à risque, sauf exception (Pays de Loire), le nombre de cas positifs est en relation avec les surfaces prospectées dans chaque région.
Ainsi, si la région Pays de Loire représente 10,08 % des cas positifs nationaux, il s'agit d'un artefact lié à une phase de validation méthodologique de l'Anses (Angers).
Le nombre de cas positifs après analyse (notion de présence) est reporté dans le tableau 2, et les communes concernées sur la figure 2, page précédente.
Un lot (lot= verger) est défini comme : même variété, même porte-greffe, même origine des plants, même date de plantation.
Répartition variétale
Les variétés d'Actinidia chinensis sont sur-représentées dans l'échantillon (9,7 % dans l'échantillon pour 4,2 % de la surface nationale), mais ce groupe variétal représente 29,41 % des résultats positifs, 17,2 % des surfaces de kiwis à chair jaune sont contaminées (Tableau 3).
Ce résultat met en évidence une plus grande sensibilité d'A. chinensis et, dans une moindre mesure, des variétés de type A. deliciosa précoce (11,9 % des surfaces d'A. deliciosa précoce françaises contaminées) au P. syringae pv actinidiae.
Surfaces contaminées, deux modes d'estimation : une faible surface de laboratoire
Considérant qu'une analyse positive sur un lot de kiwi (même variété, même porte-greffe, même origine des plants, même date de plantation) échantillonné au champ affecte l'ensemble de la surface de ce lot, 108 ha de kiwi sont contaminés en France (Tableau 4).
Cette surface ne représente que 2,51 % de la surface en kiwi française, elle concerne la variété Hayward pour 1,2 % de la surface de kiwi française. Ce pourcentage reflète bien davantage la très forte importance de cette variété en France (90,5 % de la surface de kiwi nationale) que son éventuelle sensibilité au Psa.
Au plan géographique, plus de la moitié de la surface contaminée se trouve en région Aquitaine qui représente 45,7 % de la surface de kiwi cultivée en France. Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes sont ensuite les deux régions les plus concernées en termes de surfaces contaminées (respectivement 14,1 ha et 13,6 ha).
Au dire d'expert, davantage de contaminations
Lors de cette prospection réalisée en 2011, certains lots présentant des symptômes « typiques » de Psa ont été déclarés contaminés « au dire d'expert ». Sur cette base (Tableau 4), on observe 374,03 ha de kiwi contaminés au plan national soit 8,7 % de la superficie française (les surfaces de Hayward contaminées couvrent à elles seules 5,9 % de la superficie nationale de kiwi). Toujours sur cette base, les vergers d'A. chinensis (chair jaune), qui couvrent 4,2 % des surfaces de kiwi cultivées en France, seraient contaminés à 41,2%, et ces vergers d'A.chinensis contaminés représenteraient 22,3 % des surfaces contaminées toutes variétés confondues (Figure 3). Ceci traduit là encore la forte sensibilité de ce groupe variétal à la bactérie.
Dans l'état actuel de la situation (374,03 ha de kiwi contaminés), on observe près de 12 ha arrachés ou en cours d'arrachage (variétés jaunes et d'A. deliciosa précoce essentiellement). Parmi les vergers recépés partiellement représentant au total l'équivalent de 38,84 ha, 60 % concernent des variétés à chair jaune.
Ce qu'on peut en tirer
Pour les kiwis jaunes et les variétés vertes précoces
Suite à la première détection de Psa sur kiwi en France en été 2010, et à la mise en place d'un plan de surveillance national coordonné par la DGAL/SDQPV, on constate la présence de cette bactérie pathogène sur l'ensemble des zones de production française pour 8,7 % de la surface de kiwi nationale. Malgré une surreprésentation volontaire des variétés de type A. chinensis et du groupe d'A. deliciosa précoce dans l'échantillonnage 2011, nous confirmons une plus grande sensibilité de cet ensemble de variétés qui représente 31,9 % des surfaces contaminées au plan national.
L'origine du matériel semble jouer un rôle prépondérant dans la distribution de cette maladie. Il est encore prématuré de mettre en relation les conditions pédo climatiques et les conditions culturales avec l'épidémiologie de cette bactérie sur le territoire français.
Et pour la variété Hayward ?
En absence de données épidémiologiques françaises relatives à la variété Hayward, qui représente 90 % de la surface nationale de kiwi, et à l'évolution de son comportement au plan économique, il faut rappeler : la mise en œuvre de toutes les mesures prophylactiques (assainissement des parcelles contaminées, gestion des sources d'approvisionnement en plants…) permettant de diminuer la charge bactérienne de l'environnement est le premier préalable indispensable au maintien de la pérennité économique de cette variété.
Plan 2012 prévu
Ce premier plan de surveillance mis en place en 2011 sera poursuivi en 2012 avec la même collaboration entre le Ministère de l'Agriculture, l'Anses, le Ctifl, l'inter profession du kiwi et les organisations de producteurs.
Au delà de l'établissement de la situation, il est important de mieux comprendre l'épidémiologie de Psa dans nos conditions pédoclimatiques et agronomiques par bassins de production. Pour cela, un comité scientifique national associant l'Anses et l'INRA a été mis en place en 2011 en lien avec la recherche scientifique internationale (Italie et Nouvelle-Zélande).
L'identification précise des souches de Psa qui a débuté en 2011 doit nous permettre de mieux cerner la virulence du pathogène en lien avec la pérennité économique de nos vergers.
Tenant compte des premiers résultats qui semblent démontrer la présence de souches virulentes dans la plupart de nos zones de production, et des recombinaisons géniques possibles au niveau de ces bactéries, il est important de rappeler que la simple détection de Pseudomonas syringae pathovar actinidia, virulent ou non, doit obligatoirement déclencher la mise en œuvre des mesures prophylactiques (recépage, arrachage des pieds contaminés…)
Ce plan de surveillance est complété par un volet expérimentation (mis en place en 2011 par les services de la DGAL) dont l'objectif essentiel est d'identifier le plus rapidement possible les mesures préventives et curatives les plus efficaces (luttes conventionnelle et alternative faisant appel aux stimulateurs de défense des plantes) à mettre en œuvre par l'arboriculteur.
<p>* DRAAF-SRAL Aquitaine.</p> <p>** DGAL-SDQPV.</p> <p>(1) Voir <i>Phytoma</i> n° 644, mai 2011, p. 6.</p> <p>(2) Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire.</p> <p>(3) Direction Générale de l'Alimentation/Sous-direction de la Qualité et de la Protection des végétaux.</p>
Figure 2 - Géographie du PSA en France.
Communes contaminées au 26 novembre 2011 par Pseudomonas syringae actinidiae selon le plan de surveillance national.
Figure 1 - Plan de surveillance, le « kiwi jaune » volontairement sur-représenté.
Comparaison entre la répartition des différentes variétés plantées et celles prospectées dans le cadre du plan de surveillance national : celui-ci priorise les variétés et origines à risque.
Figure 3 - Des différences de sensibilité variétales évidentes.
Répartition variétale des vergers contaminés par Pseudomonas syringae pv actinidiae, et taux de contamination des trois variétés ou groupes variétaux principaux. Estimation basée sur les résultats de laboratoire + les dires d'experts.