Certains acariens prédateurs font office d'auxiliaires contre des mouches nuisibles à des cultures. Ils n'agissent pas comme leurs parentes les araignées tueuses de mouches adultes, mais s'attaquent plutôt aux larves et œufs. C'est le cas de Macrocheles robustulus. Cet acarien du sol est déjà utilisé sous serre contre les mouches de terreaux, mais on ignorait son potentiel contre les mouches s'attaquant, en pleine terre, à des cultures maraîchères. En 2011, nous avons effectué des essais sur culture de radis, sous tunnel et en plein air, avec ou sans apport de mulch sur le sol. Les résultats contre les mouches du genre Delia sont encourageants pour l'acarien, moins pour le mulching dans nos conditions. Voyons comment et pourquoi.
La mouche du chou, Delia radicum L. et la mouche des semis, Delia platura M. peuvent causer des préjudices économiques importants en culture de radis. Depuis le retrait du marché de la substance active chlorfenvinphos en 2007, plus aucune spécialité phytosanitaire n'est autorisée contre ces ravageurs sur cette culture, et l'usage des filets est encore marginal.
Depuis l'automne 2010, la société Koppert propose un nouvel acarien prédateur du sol, Macrocheles robustulus B. Cet acarien, naturellement présent dans les sols riches en matière organique, a montré en laboratoire un potentiel intéressant pour la prédation des œufs et des jeunes larves de Delia radicum L.
Les résultats de deux essais mis en place en 2011 chez un maraîcher de la région nantaise sont présentés ici ; ils montrent l'action de l'acarien sur les populations de mouches.
Ces essais en condition de production avaient pour but, d'une part d'évaluer le potentiel de prédation de M. robustulus B., introduit à différentes doses, sur les populations de mouche du genre Delia, d'autre part, de mesurer l'installation de l'acarien et de tester l'effet, pour favoriser son développement, de la mise en place d'une couche de mulch dont l'impact sur la culture a de même été mesuré.
Essai sous abri
Effet dose et effet mulch testés
L'essai a été mis en place sous un tunnel plastique de 800 m². Un dispositif en bloc de Fisher à quatre répétitions a été adopté. Les radis ont été semés fin avril.
Deux doses de M. robustulus ont été testées :
Dose 1 : apport au semis, 250 individus/m².
Dose 2 : apport au semis de 250 individus/m², puis apport de 750 individus/m² une semaine après (donc 1 000 individus/m² au total). Le fractionnement de dose permet une protection de la culture dès le semis notamment vis-à-vis de D. platura M., mouche susceptible de pondre très tôt dans le cycle de culture.
On a combiné la mise en place d'une couche de mulch (à base d'épluchures de pomme de terre déshydratées donc indemne de Delia sp.), une semaine après le semis sans effet préjudiciable pour la levée du radis.
Les deux doses ont été testées avec ou sans apport d'une couche de mulch d'un centimètre d'épaisseur. Au total, avec les témoins avec ou sans mulch, six modalités ont été étudiées.
Observations des dégâts
À la fin de la culture, lors de la récolte, 100 radis ont été prélevés par parcelle élémentaire. Les observations ont eu lieu sur le système racinaire et le collet des radis.
Ces observations ont permis de distinguer les radis sains de ceux attaqués par les mouches du genre Delia.
Résultats sans mulch
Bien que l'analyse statistique réalisée sur ces données ne permette pas de discriminer entre elles les modalités pour lesquelles le mulch n'a pas été apporté, quelques tendances se dégagent (Figure 1). En effet, dans le témoin sans mulch, le taux de radis attaqués est d'environ 18 %, alors qu'avec M. robustulus apporté à la dose 1, le taux de radis attaqués est 4 fois plus faible (5,25 %). Ce taux est encore plus faible lorsque M. robustulus est apporté à la dose 2 (1,75 % de radis attaqués).
Résultats avec mulch
On observe au niveau de la modalité mulch seul un pourcentage d'attaque supérieur au témoin sans mulch (43 % de radis attaqués) mais pas différent statistiquement de manière significative.
Lorsque l'apport de M. robustulus à la dose 1 est combiné à une couche de mulch, le pourcentage de radis attaqués est divisé par deux (17 %). À cette dose, l'acarien réduit les attaques mais ne semble pas capable de contrôler efficacement les populations de ravageurs. À la dose 2, le pourcentage de radis attaqués est statistiquement différent du témoin mulch. À cette dose, M. robustulus semble, dans le cadre de cet essai, avoir une action : le taux de radis attaqués est d'environ 2 % seulement.
Essai plein air
Trois doses en mai
Un autre essai a été mis en place en mai, sur une parcelle de 500 m². Un dispositif en bloc de Fisher à deux répétitions a été adopté. Trois doses de M. robustulus ont été testées avec toujours un seul apport au semis.
Dose 1 : apport de 100 individus/ m².
Dose 2 : apport de 250 individus/m².
Dose 3 : apport de 1 000 individus/m².
Seule la dose 1 a été testée en combinaison avec un apport de mulch.
Résultats sans mulch
Même si, statistiquement, au seuil de 5 %, on ne peut pas discriminer les modalités entre elles, quelques tendances sont observées (Figure 2).
Au niveau du témoin sans mulch, 13 % des radis sont attaqués par des mouches. Avec M. robustulus introduit à la dose 1, le pourcentage d'attaque n'est que légèrement inférieur au témoin. C'est à la dose 2 que les attaques sont le plus réduites pour atteindre 4.5 % de radis attaqués. À la dose la plus forte (dose 3), le pourcentage de radis avec dégâts est légèrement supérieur à celui observé lorsque M. robustulus est introduit à la dose 2.
Résultats avec mulch
Au niveau de la modalité mulch seul, on observe deux fois plus d'attaques qu'au niveau du témoin. L'apport de M. robustulus à la dose 1 combiné à une couche de mulch, a permis de réduire de moitié par rapport à la modalité mulch seul, avec un pourcentage d'attaque légèrement supérieur à la modalité où M. robustulus est introduit à la dose 1 sans le mulch.
Maintien de l'acarien dans le sol
Pour vérifier la présence de M. robustulus, des prélèvements de sol ont été effectués au moment de la récolte, dans une parcelle pour chaque modalité. Les échantillons ont été soumis à la technique du Berlese Tullgren pour extraire et estimer les acariens prédateurs présents.
Les extractions réalisées sous abri ont permis de mettre en évidence la présence de M. robustulus 29 jours après son introduction.
En revanche aucun acarien n'a été retrouvé dans les échantillons provenant de l'essai de plein champ. Ceci pourrait s'expliquer à la fois par la présence de nourriture en moindre quantité, la pression en ravageur étant plus faible lors de cet essai mais aussi, par des conditions plus asséchantes moins favorables à son développement (printemps 2011 sec).
Bilan provisoire
Un auxiliaire au potentiel intéressant
Les deux essais conduits en culture de radis confirment ce qui avait été montré en laboratoire, à savoir que M. robustulus est capable de consommer les œufs et les jeunes stades larvaires des mouches du genre Delia.
Une tendance prononcée à la réduction des attaques se dessine dans les deux essais.
Ainsi, introduit à la dose de 250 individus par mètre carré, M. robustulus a permis de réduire les attaques : passage de 17,75 % à 5,25 % sous abri et de 13 % à 4,5 % en plein air. Ce taux peut paraître faible mais il est très rare d'observer, en condition de production, des taux d'attaques aussi élevés que ceux mesurés au niveau des modalités témoins des essais.
Le mulch attire les mouches
Ces essais permettent de tirer quelques enseignements quant à l'intérêt très limité de la mise en place d'une couche de mulch sur les parcelles. En effet, il a été mis en évidence dans cet essai que le mulch attire les mouches du genre Delia et stimule l'oviposition des femelles.
Dans ces conditions, la pression parasitaire au niveau des parcelles avec le mulch est telle que les taux d'attaques sont élevés et qu'il faut introduire l'acarien à forte dose pour optimiser la lutte avec le prédateur.
Ainsi le mulch, tel que testé, n'a pas rendu le service espéré sur la culture.
Sous abris, l'acarien subsiste
Par ailleurs, l'essai en culture de radis sous abri a mis en évidence le fait que l'acarien est capable de se maintenir dans des sols à tendance sableuse une trentaine de jours après son introduction et ce, même au niveau des modalités sans mulch.
Ce résultat n'est pas valable en plein air dans les conditions très sèches du printemps 2011.
Avenir prometteur
Plusieurs essais ont été menés en 2011 avec cet acarien prédateur en maraîchage de plein champ vis-à-vis de problématiques prenant de l'importance, souvent, vu l'absence de solutions phytopharmaceutiques. Face à ces impasses, les méthodes alternatives demandent alors à être développées.
C'est ainsi que les essais ont été conduits en partenariat avec différentes stations régionales d'expérimentation. Divers thèmes ont été abordés tels que le thrips sur poireau et surtout les mouches – mouche de la carotte, mouche de l'oignon sur poireau, mouche du chou sur chou – et seront pour la plupart reconduits en 2012. Ils devraient permettre de valider l'impact positif de cet auxiliaire, associé ou non à d'autres techniques de biocontrôle.
<p>* Koppert France R&D, 44860 Pont-Saint-Martin. info@koppert.fr</p>