ThermoSeed™ est un nouveau procédé de désinfection des semences par thermothérapie. Utilisé depuis 2006 en Suède, en station de semences, sur céréales à paille, il est développé depuis 2008 par Incotec, société hollandaise spécialisée dans les procédés d'amélioration de la qualité des semences. Procédé physique, c'est donc bien une méthode alternative. Attention, il met en œuvre la vapeur d'eau... mais aussi beaucoup de « matière grise » c'est-à-dire de technique et de précision ! Présentation du principe, son fonctionnement, ses résultats en Scandinavie et les premiers tests en France avec la FNAMS et Arvalis-Institut du végétal.
Les pathogènes portés par les semences constituent une contrainte significative pour les agriculteurs. Sur céréales à paille, les semences contaminées peuvent notamment conduire à une pénalisation du peuplement (fusarioses), du rendement ou encore de la qualité de la récolte (carie, toxines). Un autre risque inhérent à l'utilisation de semences non saines est celui de la contamination du sol.
Pathogènes transmis par les semences : une problématique toujours d'actualité
Pour lutter contre ces pathogènes et se prémunir des risques associés, les semences de céréales font très fréquemment l'objet d'un traitement fongicide avec des substances actives issues de l'industrie phytosanitaire.
Depuis quelques années, les conditions d'utilisation des produits phytopharmaceutiques évoluent en lien avec des exigences accrues concernant leur l'impact sur l'environnement et la santé des agriculteurs et personnels de l'industrie des semences. Au-delà des évolutions réglementaires, il s'agit aussi de répondre aux demandes de plus en plus exigeantes des consommateurs et de l'industrie agroalimentaire acheteurs des produits agricoles.
Dans ce contexte, différentes recherches sont développées pour réduire, ou si possible remplacer, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. La thermothérapie est la voie que la société Incotec a choisie pour mettre au point un nouveau procédé de désinfection des semences, nommé ThermoSeed(1) (Incotec, 2012).
Procédé minutieusement contrôlé
Le principe
Le traitement est effectué à l'aide de vapeur d'eau à des températures élevées, sur lit fluidisé (photo). Il conduit, en quelque sorte, à une pasteurisation des semences.
Grâce à de nombreuses années de développement et d'expériences, le protocole élaboré, et breveté, permet de désinfecter les semences sans faire baisser leur taux de germination et leur vigueur (Figure 1). Le procédé est minutieusement réglé selon le protocole breveté.
Un pré-test pour chaque lot
Les conditions de traitement sont optimisées à l'aide d'un pré-test appliqué sur chaque lot de semences dans un laboratoire de l'entreprise Incotec. Lors de ce pré-test, des sous-échantillons sont traités avec le procédé dans une machine de laboratoire, chacun avec un protocole différent (intensité). L'effet de chaque protocole sur la vigueur et les champignons pathogènes est analysé. Le protocole optimal de traitement est alors déterminé à l'aide d'un modèle mathématique. Puis cette « recette optimale » est transmise à la machine en station de semences par internet.
Les analyses de vigueur effectuées dans le prétest permettent, au delà de l'optimisation du procédé, de retirer de la commercialisation des lots manquant de vigueur dès le départ.
Développé sur céréales à paille en Scandinavie
Utilisation en Suède
Depuis 2006, ce procédé est utilisé en Suède pour le contrôle des champignons phytopathogènes, par la coopérative agricole Lantmännen. Environ 15 000 t de semences de céréales sont traitées tous les ans (orge de printemps, avoine, blé et secondairement seigle et triticale).
Lancement en Norvège
Le deuxième utilisateur, la coopérative norvégienne Felleskjøpet, vient d'installer début 2012 deux lignes qui vont traiter environ 25 000 t par an. Les producteurs de semences norvégiens sont en effet confrontés, sur leurs deux cultures dominantes que sont l'orge et l'avoine, à des problèmes de fusarioses et d'helminthosporiose non résolus par les fongicides de synthèse disponibles sur le marché scandinave.
Efficacité sur divers pathogènes testée en Scandinavie
Le procédé de traitement a fait l'objet de nombreuses évaluations, notamment par l'Université suédoise des sciences agricoles (SLU) et les coopératives Lantmännen et Felleskjøpet. Ces évaluations, en majorité sur des lots à contaminations significatives voire élevées, ont montré une efficacité comparable à celle des produits phytosanitaires pour contrôler des pathogènes séminicoles importants en Scandinavie.
Pour le blé, les essais ont porté sur des agents responsables de fontes des semis (Microdochium, Fusarium) et sur la septoriose (S. nodorum). Ils ont conduit à un gain moyen de rendement équivalent à celui obtenu avec une référence commerciale de traitement des semences fongicide (Figure 2).
Vis-à-vis de la carie commune (Figure 3), l'efficacité n'est pas totale mais le procédé présente une forte efficacité avec une baisse très significative du taux d'épis cariés. Le procédé contribue à préserver le sol d'une contamination par des semences contaminées. En revanche, il ne protège pas d'une contamination par le sol.
Sur orge de printemps, les essais ont porté essentiellement sur l'helminthosporiose qui pose des problèmes importants sous le climat scandinave (Figure 4).
Les situations d'échec concernent à ce jour le charbon nu du blé et de l'orge. Elles peuvent être liées à une résistance partielle du pathogène à la température et/ou à son positionnement (au niveau de l'embryon).
Évaluation en conditions françaises
Efficacité, premiers tests sur blé
En vue d'un développement international du procédé ThermoSeed, des évaluations sont conduites hors Scandinavie sur semences de céréales, potagères et autres (Forsberg, 2011). En France, Incotec développe des essais avec Arvalis-Institut du végétal et la FNAMS pour tester l'efficacité du procédé sur des semences françaises et dans des conditions agricoles françaises. Les premiers travaux ont porté sur le blé avec des contaminations élevées de Microdochium spp et/ou de Fusarium roseu m (Figure 5 p. 42).
Cette évaluation sur des semences françaises de blé, initiée en 2010, est actuellement en cours. Elle fera l'objet d'une publication plus spécifique.
L'efficacité de ce traitement est comparée à celle d'un traitement de semences fongicide de référence. Les lots testés ne sont pas représentatifs de la qualité sanitaire des lots français, mais leur sélection a pour objectif de permettre une meilleure discrimination des différents traitements, avec des niveaux de contamination élevés et des semis tardifs.
Dans ces conditions, les premiers résultats témoignent d'une efficacité de ce procédé avec, selon les situations, des différences significatives ou non par rapport à la référence. Les études sont poursuivies afin de mieux identifier les conditions de succès ou d'échec.
Sélectivité testée aussi
Parallèlement à l'étude d'efficacité, Incotec et la FNAMS se sont attachés à évaluer la sélectivité du procédé, à l'aide d'un test de laboratoire développé par la FNAMS reproduisant des conditions pénalisantes (basse température et substrat à capacité de rétention d'eau sur lots indemnes de pathogènes).
Les premiers résultats sont très positifs. Il n'y a pas eu de problème de sélectivité sur les neuf lots testés, avec même dans certains cas un accroissement de la vigueur. En effet, pour plusieurs lots, le procédé a conduit à une amélioration du taux de germes normaux par rapport au témoin non traité (Figure 6), un effet qui est parfois visible au champ (photo).
Conclusion
Le procédé ThermoSeed constitue un moyen de lutte contre de nombreux pathogènes transmis par les semences, notamment sur céréales à paille. Les résultats obtenus en Scandinavie et son utilisation actuelle en Suède témoignent de l'alternative réelle offerte par ce procédé sur blé tendre et sur orge de printemps vis-à-vis de nombreux pathogènes.
Les évaluations actuellement en cours en France sur blé permettront de mieux connaître l'efficacité du procédé transposé dans des conditions françaises.
Concernant la sélectivité, les premiers résultats obtenus en laboratoire en conditions difficiles s'avèrent prometteurs. Mais ce procédé étant défini et adapté à chaque lot de semences, les différentes évaluations sont à poursuivre pour proposer un outil adapté à la diversité des situations françaises.
Il peut évidemment trouver sa place en agriculture biologique. Mais aussi, comme c'est le cas en Scandinavie, il est possible que les performances de la méthode puissent être estimées attractives pour un développement en agriculture conventionnelle en stations de semences françaises. Cela pourrait contribuer, dans un avenir proche, à une réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.
<p>* Incotec France. SARL, 4, rue Fernand-Forest, 49000 Angers. Tél. 02 41 73 27 79 (Pascal Parize).</p> <p>** FNAMS, Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.</p> <p>*** Arvalis-Institut du végétal.</p> <p>(1) Marque déposée.</p>
Incotec aujourd'hui : de nouveaux projets
Incotec débute cet hiver l'utilisation du procédé ThermoSeed sur semences d'épinard aux Pays-Bas, avec un débit de 200 kg/h.
Par ailleurs, la société réalisera en 2012 les premiers tests d'un système mobile d'une capacité de 2 t/h. L'enjeu est de permettre l'utilisation du procédé à des sociétés de semences ayant des volumes réduits à traiter et ne voulant pas investir dans une machine telle que celle développée à ce jour.
Incotec a une antenne en France à Angers (49) depuis 2011, pour accompagner l'introduction de cette technologie sur céréales, cultures porte-graine potagères et autres semences.