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Mieux connaître

Mieux connaître Armicarb,

Marie Daguier*, Géraldine Drouin**, Valérie Arnal**, Serge Vigano** et Christophe Zugaj** - Phytoma - n°652 - mars 2012 - page 50

fongicide anti-oïdium des petits fruits utilisable jusqu'à la veille de la récolte
 ph. De Sangosse

ph. De Sangosse

Le fraisier est une culture pour laquelle ce nouvel anti-oïdium est à utiliser en programme, notamment en fin de cycle car il est exempté de LMR et son DAR (délai avant récolte) est d'un jour seulement. ph. De Sangosse

Le fraisier est une culture pour laquelle ce nouvel anti-oïdium est à utiliser en programme, notamment en fin de cycle car il est exempté de LMR et son DAR (délai avant récolte) est d'un jour seulement. ph. De Sangosse

Une nouvelle spécialité fongicide de contact, l'Armicarb, à base de bicarbonate de potassium à 85 %, est développée par De Sangosse Agriculture pour lutter contre l'oïdium du fraisier, du cassissier, du groseillier et du framboisier. Par son niveau d'efficacité et son profil toxicologique favorable, le produit présente une alternative aux autres solutions actuellement autorisées. Son mode d'action par contact et multi-sites limite les risques d'apparition de résistance. Utilisable en agriculture biologique, il est exempté de LMR et peut être appliqué jusqu'à la veille de la récolte sans risque de résidus.

L'Armicarb a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un usage anti-oïdium en traitement des parties aériennes sur fraisier à la dose de 3 kg/ha, ainsi que sur cassissier, groseillier, framboisier et autres rubus, à la dose de 5 kg/ha.

De quoi est-il fait ?

Il s'agit d'une poudre soluble dans l'eau (SP) à base de bicarbonate de potassium d'une grande pureté, concentré à 85 % dans une formulation originale garantissant une excellente tenue en suspension et optimisant son efficacité et sa sélectivité.

Le produit, non classé au plan toxicologique, ne peut pas être bioaccumulé car le bicarbonate de potassium est naturellement présent dans l'environnement (eau et sol) et dans les organismes animaux et végétaux.

Au plan écotoxicologique, les études réalisées sur les oiseaux, la faune et la flore aquatiques ainsi que sur les abeilles ont permis de valider un très faible risque de la substance active ainsi que de ses métabolites lorsque le produit est mis en œuvre dans le cadre des bonnes pratiques d'utilisation.

Comment agit-il ?

Cet anti-oïdium est un produit de contact. Le bicarbonate de potassium agit sur les cellules des champignons de plusieurs familles. Il a une action multi-sites : inhibition du développement des hyphes mycéliens et des spores en perturbant le pH et la pression osmotique cellulaires par interaction entre les ions carbonates et bicarbonates, activée par la présence d'eau (Figure 1).

En présence d'eau, la spécialité se dissocie totalement en ions K+ et HCO3- (KH CO3 + H2O — HCO3- + K+ + H2O). Elle n'est pas persistante.

Action ions bicarbonates/ions carbonates

La préparation possède des propriétés préventives avec un niveau d'efficacité optimal si elle est appliquée avant l'apparition des symptômes de la maladie ou dès leur apparition. Cependant, elle possède aussi un effet « stoppant » si elle est appliquée un à deux jours maximum après l'apparition des symptômes.

Aucun cas de résistance au bicarbonate de potassium n'étant connu à ce jour, le produit est donc recommandé dans la mise en place de programmes de lutte anti-oïdium dans le cadre d'une gestion du développement des résistances.

Quelles sont ses performances ?

Contre l'oïdium du fraisier

L'oïdium dû à Podosphaera aphanis est actuellement le problème phytosanitaire dominant en culture de fraisier. Il peut être responsable de pertes de production allant jusqu'à 50 % de la récolte de fraises. L'Armicarb est testé sur fraise depuis 2006, dans des programmes en association avec d'autres spécialités fongicides.

En 2011, il a été appliqué à 3 kg/ha en programme sur fraisiers de variété Candiss, en alternance avec une référence chimique à persistance de 14 jours (Tableau 1).

Même si au regard de la pression parasitaire dans l'essai, la cadence de la référence chimique aurait pu être abaissée à 10 jours, les résultats montrent l'amélioration de performance du programme intégrant le nouveau produit par rapport à celui ne l'intégrant pas, avec une efficacité supérieure à celle de la référence chimique seule (Figures 2 et 3).

Contre l'oïdium du cassissier

Actuellement, le nombre de molécules autorisées contre l'oïdium du cassis est limité, ce qui n'est pas sans incidence car leur utilisation pourrait conduire à terme à des phénomènes de résistance. De plus, leur application proche de la récolte pourrait comporter un risque en matière de résidus, alors que le strict respect des DAR (délais avant récolte) amène un risque de dégâts d'oïdium. Ainsi, face à des attaques tardives d'oïdium, les producteurs peuvent se trouver dans une « impasse technique ». L'Armicarb est donc testé depuis 2008, principalement par les stations de La Morinière, de la Fredon Bourgogne et du réseau des SRAL.

Nous rapportons ici un essai BPE réalisé en 2008 par la Fredon sur la variété Noir de Bourgogne. Le produit a été appliqué à 5 kg/ha avec une cadence de 10 à 12 jours après cumul de précipitations de 25 mm. Cette stratégie est comparée à un programme de référence. La première intervention a été réalisée dès le stade de sensibilité du cassis à l'oïdium soit au stade F3 (Tableau 2).

L'attaque d'oïdium s'est caractérisée par une arrivée tardive mais une progression spectaculaire. L'intensité à la dernière notation indique un niveau d'attaque très élevé (Figure 4). Avec ce haut niveau d'attaque, la nouvelle spécialité procure une qualité de protection significativement supérieure à celle du programme de référence à la première notation, et une efficacité comparable voire meilleure à la deuxième notation : 74,2 % d'efficacité contre 64,2 % avec la référence (Figure 5).

En 2011, le pouvoir « stoppant » du produit sur le niveau d'infestation a été testé dans un essai non BPE à la Fredon Bourgogne.

Pour cela, le nouveau produit est appliqué à la dose de 5 kg/ha dès l'apparition des premiers symptômes et sur oïdium déclaré. Les efficacités de ces modalités sont comparées à celles d'une référence chimique préventive et curative appliquée à sa dose autorisée dans les mêmes conditions, ainsi qu'au témoin non traité.

Les résultats obtenus (figure non montrée) montrent une très bonne protection en préventif, d'un niveau au moins égal voire supérieur à la référence (pas d'analyse statistique). L'efficacité semble bonne aussi sur oïdium déclaré, le produit ayant en moyenne davantage freiné la progression de la maladie que ne l'a fait la référence. Cela suggère qu'on pourrait espérer intégrer le nouveau produit en fin de programme sur oïdium déclaré, limitant d'une part le risque de développement de résistance chez les molécules fongicides et, d'autre part, la présence de résidus dans les fruits.

Ces résultats seront à confirmer dans le cadre d'essais BPE complémentaires.

Comment l'utiliser ?

Recommandations générales

De par sa nature chimique, l'Armicarb est soumis à certaines contraintes d'utilisation qui, si elles sont respectées, permettent d'en optimiser le stockage et l'efficacité au champ.

En effet, ce produit est sensible à l'humidité et doit être conservé en conditions sèches.

Il atteint son efficacité optimale en conditions légèrement basiques, c'est pourquoi il ne doit pas être mélangé avec des produits acides ; l'acidification de la solution pourrait entraîner une diminution d'efficacité.

Par ailleurs, il ne faut pas le mélanger avec des produits ayant des formulations EC et avec des engrais solubles.

En cas de pluie supérieure à 20 mm, l'application devra être renouvelée.

Recommandations sur fraisier

Sur fraisier, la dose homologuée et préconisée est de 3 kg/ha. Il est conseillé d'alterner l'emploi du produit avec d'autres fongicides et de l'appliquer en fin de cycle, à une cadence de 7 jours entre deux applications afin de profiter de l'exemption de LMR dont il bénéficie.

Dans ces conditions, le produit apporte une protection élevée et permet de contrôler l'infestation par la maladie.

La spécialité peut être combinée en programme avec des spécialités fongicides homologuées, en fonction de la problématique parcellaire. Elle doit être appliquée de manière préventive, dès l'apparition des premiers symptômes, en conditions d'hygrométrie élevée.

Et sur cassissier

Sur cassissier, l'arrivée de cette nouvelle spécialité est très importante pour la filière qui dispose de peu de molécules contre l'oïdium. Elle limite le risque de développement de résistance chez les autres fongicides et, de plus, la présence de résidus dans les fruits, souci permanent au sein de cette filière.

Grâce à son absence de LMR et son DAR d'un jour seulement, la spécialité s'intégrera parfaitement en fin de programme. Elle peut s'appliquer en préventif, mais aussi même sur oïdium déclaré, à 5 kg/ha.

Conclusion

Ce nouvel anti-oïdium offre une protection élevée sur fraisier et cassissier, du niveau de celui de la référence voire supérieur dans certains cas. Son mode d'action multi-sites et son exemption de LMR en font un candidat stratégique dans le cadre de la gestion du développement des résistances et pour des applications de fin de cycle. Il peut être utilisé seul ou en alternance avec d'autres spécialités fongicides.

Son spectre d'action large a montré son intérêt sur d'autres pathosystèmes contre lesquels le produit pourrait être disponible à l'avenir. Des essais sont en cours sur oïdium de la tomate, de l'aubergine et du poivron, oïdium du concombre, de la courgette et du melon, tavelure du pommier, moniliose des fruits sur pêcher, oïdium et botrytis de la vigne...

<p>*De Sangosse SAS, Chef de projet biocontrôle en maraîchage et arboriculture.</p> <p>** De Sangosse Agriculture.</p>

Substance et produit, statuts légaux

Le bicarbonate de potassium, inscrit en septembre 2009 à l'Annexe I de la Directive européenne 91/414/CE, est de ce fait approuvé selon le Règlement européen 1107/2009. Par ailleurs, il est inscrit sur la liste positive européenne des substances actives utilisables en AB depuis mai 2008.

La spécialité Armicarb (AMM n° 2110059) est exemptée de classements, toxicologique comme écotoxicologique (catégorie réglementaire la plus « douce »). Elle peut être appliquée jusqu'à 8 fois par cycle de culture. Son délai de ré-entrée est de 6 heures en plein champ ou 8 heures sous abris ou serres (minimum réglementaire).

Son DAR (délai avant récolte) est seulement d'un jour. En effet, la substance n'a pas de limite maximale de résidus (LMR) dans les fruits. Le produit peut donc être appliqué en deuxième moitié de saison jusqu'à la veille de la récolte.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

Figure 1 - Mode d'action du bicarbonate de potassium.

A gauche, aspect des spores et du mycelium d'oïdium normal. A droite, effet du bicarbonate de potassium

Figure 2 - Essai BPE 2011 sur fraisier.

 ph. De Sangosse

ph. De Sangosse

Évolution de la surface foliaire oïdiée.

Figure 3 - Essai BPE 2011 sur fraisier.

Efficacité moyenne observée sur 9 notations

Figure 4 - Essai BPE sur cassissier : notation de maladie

(FREDON Bourgogne 2008). Effet des programmes de traitement sur l'intensité d'attaque d'oïdium

Figure 5 - Essai BPE sur cassissier : efficacité.

Témoin non traitié (ph. Fredon Bourgogne)

Témoin non traitié (ph. Fredon Bourgogne)

Efficacité des programmes dans l'essai BPE FREDON Bourgogne 2008.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :