Retour

imprimer l'article Imprimer

dossier

Enroulement viral de la vigne

Jean LE MAGUET* et ** - Phytoma - n°654 - mai 2012 - page 19

Le rôle des cochenilles dans sa dispersion se précise, sans oublier les risques liés aux plants contaminés.
Femelles adultes de Phenacoccus aceris, espèce vectrice de l'enroulement. Ci-contre sur lierre, ci-dessous, dénichées sous l'écorce d'un cep. Photos : J. Le Maguet

Femelles adultes de Phenacoccus aceris, espèce vectrice de l'enroulement. Ci-contre sur lierre, ci-dessous, dénichées sous l'écorce d'un cep. Photos : J. Le Maguet

Enroulement dû au GLRaV-1, à Bonzon, le 4 octobre 2010.      Le virus a été transmis par des cochenilles disséminées depuis les parcelles voisines. ph. J. Le Maguet

Enroulement dû au GLRaV-1, à Bonzon, le 4 octobre 2010. Le virus a été transmis par des cochenilles disséminées depuis les parcelles voisines. ph. J. Le Maguet

L'épidémiologie de l'enroulement viral est étudiée depuis une quinzaine d'années en France. Les premières enquêtes effectuées par des partenaires régionaux viticoles ont montré que l'enroulement pouvait être diffusé rapidement au sein d'une parcelle. Les recherches effectuées à l'INRA ont ensuite contribué à prouver que des espèces de cochenilles vivant sur vigne étaient des insectes vecteurs de l'enroulement. Bilan sur les recherches menées jusqu'ici en France.

L'épidémie d'enroulement viral

Les cochenilles

Les cochenilles (Hemiptera : Coccoidea), insectes piqueurs-suceurs de sève à distribution mondiale, provoquent de notables pertes économiques sur de nombreuses cultures tempérées et tropicales.

Elles entravent la croissance des plantes en se nourrissant du phloème et en excrétant du miellat qui conduit à l'apparition de fumagine sur les organes des végétaux, réduisant leur croissance et la qualité de la production.

Les cochenilles jouent également un rôle majeur sur de nombreuses cultures par leur capacité à transmettre des maladies virales, notamment sur la vigne (Sforza et Greif, 2000).

Le pathosystème vigne-enroulement-cochenille

L'une des maladies virales les plus dommageables sur vigne est provoquée par l'enroulement, diffusé par propagation de matériel végétal infecté ou par des cochenilles vectrices (Boudon-Padieu et al., 2000).

Cette maladie fait partie des six viroses graves dommageables à la vigne (Martelli et Candresse, 2010). Présente dans tous les pays viticoles du monde, elle affecte tous les cépages de Vitis vinifera et toutes les variétés de porte-greffe. Les symptômes sont caractéristiques : décoloration des limbes qui s'enroulent vers l'intérieur, ainsi qu'un gaufrage des feuilles (Bovey et al., 1980). L'enroulement est associé à plusieurs espèces de virus appelés Grapevine leafroll-associated virus (GLRaV-1, GLRaV-2, etc.) (voir Phytoma : Le Maguet et al., 2010).

De nombreuses espèces de cochenilles sont capables de transmettre ces virus de plante à plante (Le Maguet et al., 2012 ; Mahfoudhi et al., 2009 ; Sforza et al., 2003).

En France, sept des neuf espèces régulièrement signalées sur vigne (Sforza, 2008) sont vectrices de l'enroulement viral : les cochenilles farineuses Phenacoccus aceris (Signoret) (photos ci-dessus) mais aussi Heliococcus bohemicus (Sulc), Planococcus citri (Risso) et Planococcus ficus (Signoret), ainsi que la cochenille à coque Parthenolecanium corni (Bouché) et les cochenilles floconneuses Neopulvinaria innumerabilis (Rathvon) et Pulvinaria vitis (Linnaeus). Les deux autres espèces [la cochenille à bouclier Targionia vitis (Signoret) et la cochenille à coque Parthenolecanium persicae (Fabricius)] ne sont pas connues comme vectrices de la maladie.

Cas de diffusion de l'enroulement viral

L'espèce d'enroulement prédominante dans les vignobles mondiaux est le GLRaV-3. Les cas de diffusion naturelle de ce virus au vignoble sont nombreux. Plusieurs études ont été menées pour comprendre pourquoi et comment l'épidémie d'enroulement progresse au sein d'une parcelle.

En Espagne et en Californie, des travaux de long terme ont démontré la diffusion de plante à plante du GLRaV-3 par les cochenilles farineuses P. citri et Pseudococcus maritimus (Ehrhorn) (Cabaleiro et al., 2008 ; Golino et al., 2008). Dans le nord-est de l'Italie, la détection des virus de l'enroulement dans le corps de plusieurs espèces de cochenilles farineuses a prouvé le fort risque de transmission et de diffusion de l'enroulement dans ces vignobles (Bertin et al., 2010). En Nouvelle-Zélande, le suivi d'une jeune parcelle a permis de distinguer trois types de diffusion de l'enroulement en fonction de la dispersion des larves de P. longispinus (Targioni & Tozzetti) (Charles et al., 2009).

L'enroulement viral en France

Nos vignobles sont concernés par trois espèces d'enroulement viral : les GLRaV-1, -2 et -3. Une première enquête épidémiologique a montré que la Bourgogne et le Beaujolais sont particulièrement touchés (Grenan et Boidron, 2001). Les prospections dans ces vignobles ont permis d'y recenser quatre espèces de cochenilles : P. corni, P. vitis, H. bohemicus et P. aceris (Phytoma : Sforza et Greif, 2000) et de montrer au laboratoire que les trois dernières sont vectrices de l'enroulement.

Plus récemment, les recherches se sont concentrées sur un suivi de l'épidémie d'enroulement et des espèces de cochenilles dans un réseau de parcelles et sur l'évaluation des capacités vectrices des cochenilles (Phytoma : Le Maguet et al., 2010). Les résultats obtenus ont prouvé le grand rôle de P. aceris dans la contamination d'un vignoble. Ils ont précisé la capacité de cette espèce à transmettre plusieurs espèces d'enroulement : GLRaV-1, -3, -5, et -9.

L'heure est au bilan après deux nouvelles années d'études sur l'épidémiologie de la maladie et les capacités vectrices des cochenilles.

Étude de la dispersion de la maladie

Dispositif de suivi

Deux parcelles situées en Bourgogne, Marsannay-la-Côte et Bonzon, ont fait l'objet de suivis réguliers (Tableau non montré, voir « Pour en savoir plus » p. 23).

De 2006 à 2009, les espèces de cochenilles présentes ont été recherchées lors de leur période d'émergence au printemps entre fin avril et début mai. La population de chaque espèce a été évaluée par contrôle systématique des bourgeons, jeunes feuilles, rameaux et écorce de chaque cep.

Les deux parcelles ont également fait l'objet de notations de symptômes d'enroulement depuis la détection du GLRaV-1 sur les parcelles. La présence de ces symptômes a été repérée au vignoble chaque année à l'automne sur l'ensemble des ceps des deux parcelles de 2004 à 2011.

L'ensemble des données récoltées a permis, pour chaque parcelle :

– d'évaluer la présence des espèces de cochenilles vectrices et étudier leur répartition spatiale,

– d'analyser la dynamique temporelle et spatiale de l'enroulement viral,

– d'y tester la corrélation spatiale entre la présence de cochenille et la maladie.

Analyse de la présence de cochenilles

La composition et le niveau des populations de cochenille sont très différents entre les deux parcelles (Figure 1).

À Bonzon, quatre espèces différentes de cochenilles ont été observées, infestant chaque année plus de la moitié des ceps. P. aceris, espèce prédominante, a été retrouvée sur un cumul de 73,8 % des ceps sur toute la période de suivi.

À Marsannay-la-Côte, les relevés effectués au printemps n'ont pas permis de détecter de cochenilles sur vigne. Des suivis supplémentaires conduits l'été ont permis d'observer des larves de premier stade (L1), majoritairement de P. aceris, sur la face inférieure des feuilles de vigne. Les niveaux annuels de population correspondante sont réduits : cumul de 8,1 % de ceps avec cochenilles sur la période de suivi.

Les observations effectuées sur les abords des parcelles ont conduit à identifier les zones sources de P. aceris. À Bonzon, les deux parcelles contiguës plus anciennes présentaient un fort taux d'infestation alors qu'à Marsannay-la-Côte, aucune colonie de P. aceris n'a pu être observée sur vigne aux abords des rangs de la parcelle. La découverte d'une colonie de cochenilles vivant sur lierre commun (Hedera helix) a permis d'élucider la provenance des L1 trouvées à l'été sur la vigne.

Le cycle biologique de P. aceris est donc effectué complètement sur vigne à Bonzon, tandis qu'à Marsannay-la-Côte seules quelques larves L1 sont disséminées depuis le lierre à la fin du printemps.

L'étude de la répartition spatiale des ceps infestés par P. aceris confirme que les cochenilles retrouvées sur vigne dans les deux parcelles proviennent des zones de bordure (diagrammes 3D non montrés, voir p. 23). Les zones les plus infestées à Bonzon correspondent aux rangs situés en bordure de parcelle, près de parcelles de vigne voisines. À Marsannay-la-Côte, le foyer de P. aceris observé en bordure nord de parcelle est proche du lierre infesté.

Par ailleurs, seules quelques larves L1 ont été détectées sur les ceps à Marsannay-la-Côte alors qu'à Bonzon, l'effectif de femelles de P. aceris pouvait atteindre plus de 40 individus par cep.

Analyse de l'épidémie d'enroulement dans le temps

La prévalence de l'enroulement viral (taux annuel de ceps malades) a été estimée à partir des notations de symptômes. L'évolution temporelle de l'épidémie d'enroulement est très différente entre les deux parcelles (Figure 2).

A Bonzon, la progression est rapide : le taux de vignes malades (Figure 2a) passe de 5 % en 2004 à 86 % en 2011. À l'inverse, la prévalence de l'enroulement à Marsannay-la-Côte reste stable, autour de 5 %, même si un taux légèrement plus important de vignes malades (9 %) est noté pour 2011.

L'incidence de la maladie (taux annuel de nouveaux ceps malades) est représentée grâce à la courbe dy/dt en fonction de t (Figure 2b). Pour Bonzon, la courbe parabolique montre que l'incidence de l'enroulement croît fortement durant quatre ans puis atteint un plateau : le taux de nouveaux cas est le plus fort en 2008 et 2009 avec 20 % de ceps supplémentaires touchés. À Marsannay-la-Côte, la courbe indique une incidence de la maladie quasi nulle sur la période d'étude, sauf en 2011 avec 5 % de nouveaux cas.

L'incidence de l'enroulement a été linéarisée à l'aide d'une régression logistique (Figure 2c). Le coefficient directeur des courbes de tendances obtenues indique le taux d'infection pour chaque parcelle, et permet ainsi de comparer la vitesse de propagation. On note une vitesse de contamination à Bonzon (0,76 logit/année) très importante par rapport à Marsannay-la-Côte (0,06 logit/année). La progression rapide de l'enroulement à Bonzon est confirmée par la valeur du coefficient de détermination du modèle logistique (R2=0,98).

Et dans l'espace

La répartition spatiale annuelle des ceps symptomatiques illustre bien les tendances dégagées dans l'évolution temporelle de la maladie pour les deux parcelles.

À Bonzon, les cartographies successives montrent que la maladie s'est propagée rapidement sur l'ensemble de la parcelle en 8 années (Figure 3).

L'épidémie a débuté en 2004, plutôt en bordure nord du vignoble (zone b1). En 2006, deux zones particulièrement touchées sont apparues dans la partie sud (zone b2 et b3) et en 2007 une dernière zone près du chemin d'accès (zone b4). Durant cette période, de nombreux ceps répartis sur le reste de la parcelle étaient également atteints d'enroulement viral. Les patchs de contamination ont progressé chaque année jusqu'à représenter 86 % des ceps en 2011.

La distribution des ceps enroulés à Marsannay-la-Côte suit un schéma différent (Figure 4). L'expression des symptômes y est erratique avec très peu d'évolution entre années. Bien que le nombre de ceps symptomatiques soit plus important dans la partie nord de la parcelle (zone m1), aucune diffusion manifeste de la maladie n'est décelable sur la période d'étude.

Corrélation statistique entre enroulement et P. aceris

L'analyse spatiale de la présence d'enroulement viral et de la présence de cochenille a été réalisée grâce à une méthode de permutation, basée sur des tests de Monte-Carlo (Peyrard et al., 2005). Pour chaque test, on vérifie la randomisation des données avec une hypothèse d'indépendance H0 : les ceps enroulés (ou infestés de cochenilles) sont indépendants et identiquement distribués. L'analyse statistique a confirmé les constats effectués à partir des cartographies.

À Bonzon, la répartition des ceps malades en foyers est significative, tandis qu'à Marsannay, les ceps malades sont répartis de façon aléatoire dans la parcelle.

Concernant les cochenilles, seule P. aceris présente une infestation en foyer à Bonzon, alors que les autres espèces sont réparties de façon aléatoire. À Marsannay-la-Côte, l'analyse statistique a confirmé la présence d'un foyer de ceps infestés par P. aceris.

Enfin, l'analyse statistique a montré une corrélation spatiale entre foyers d'enroulement et de P. aceris très significative à Bonzon, mais non significative à Marsannay-la-Côte.

Deux dynamiques épidémiques différentes

Les parcelles de Marsannay-la-Côte et de Bonzon sont touchées par le même pathosystème virus/cochenille : GLRaV-1/P. aceris, mais avec deux dynamiques épidémiologiques très différentes.

À Marsannay-la Côte, la parcelle a été plantée au sein d'un vignoble présentant une source d'inoculum viral faible ainsi qu'une faible population en insecte vecteur. Les ceps enroulés ont été apportés à la plantation, d'où leur répartition aléatoire sur la parcelle. À ce jour, aucune diffusion naturelle de l'enroulement n'y a été montrée.

À Bonzon, la parcelle a été plantée dans un vignoble très touché par l'enroulement et très infesté par diverses espèces de cochenilles. Les rangs de bordure ont été colonisés rapidement par les cochenilles, principalement P. aceris, et celles-ci ont propagé efficacement le virus de l'enroulement depuis les parcelles contiguës.

On peut se demander pourquoi P. aceris reste inféodée au lierre commun à Marsannay-la-Côte sans s'installer durablement sur la vigne. À noter : ce fait n'est pas localisé à la parcelle d'étude mais a été observé dans de nombreuses parcelles du vignoble de Marsannay-la-Côte et Couchey. P. aceris étant cosmopolite et très polyphage, l'existence de populations génétiquement distinctes adaptées à une plante hôte serait une explication possible des différences entre Bonzon et Marsannay-la-Côte.

Étude des cochenilles vectrices d'enroulement

Deux espèces de cochenilles à l'étude

Les résultats d'expérimentations menées au laboratoire obtenus en 2010 (Le Maguet et al., 2010) ont motivé la poursuite de l'étude sur les capacités vectrices des espèces de cochenilles trouvées sur vigne dans le nord-est de la France. Selon la méthode décrite en 2010 (Phytoma : Le Maguet, 2010), les tests de transmission de virus ont porté sur deux espèces de cochenilles : P. aceris et N. innumerabilis (encadré ci-contre).

Spécificité vectrice de P. aceris, deux espèces de virus en plus

La capacité de P. aceris à transmettre plusieurs espèces d'enroulement viral a été testée en faisant acquérir des larves de premier stade (L1) sur des vignes sources infectées par diverses espèces d'enroulement.

Ces tests ont confirmé que P. aceris est vectrice de quatre espèces d'enroulement : GLRaV-1, -3, -5 et -9. De plus, nous avons confirmé que P. aceris peut transmettre d'autres virus à la vigne, les Grapevine virus A et B (GVA et GVB), associés aux maladies du complexe du bois strié.

Des expériences de transmission complémentaires ont ensuite prouvé que P. aceris était également capable de transmettre deux autres espèces : le GLRaV-4 et le GLRaV-6. Cette étude montre pour la première fois la vection du GLRaV-6, espèce d'enroulement pour laquelle aucun insecte vecteur n'avait été à ce jour découvert.

Enfin, aucune transmission n'ayant été constatée pour les GLRaV-2 et GLRaV-7, ces deux espèces d'enroulement n'ont toujours pas de vecteur associé.

Nos expériences de transmission permettent ainsi de compléter les données disponibles sur les spécificités vectrices des cochenilles trouvées sur vigne en France (Tableau 1).

Efficacité vectrice des stades de développement de P. aceris

Nous avons comparé les capacités vectrices des trois stades larvaires, L1, L2 et L3, ainsi que des femelles adultes de P. aceris vis-à-vis des GLRaV-1, GLRaV-3 et GVA. Les larves L3 ont été prélevées au stade hivernant sous l'écorce des vignes et extraites de leur cocon cireux pour l'expérience.

Les expériences menées en conditions contrôlées prouvent que les L1 possèdent une efficacité vectrice plus importante que les L2, quelle que soit l'espèce virale considérée. Ces résultats sont confirmés avec des transmissions effectuées à partir de cochenilles virulifères prélevées directement au vignoble sur des vignes enroulées. Aucun événement de transmission n'a été constaté pour les L3 (Tableaux non montrés, voir ci-après). Ces résultats tendent à prouver que P. aceris n'est pas virulifère à l'émergence immédiate des L3 au printemps (dès début mars). Mais ces larves, reprenant leur activité en restant sous l'écorce, redeviennent potentiellement virulifères dès les premières piqûres du cep. Nos résultats montrent enfin que les femelles de P. aceris ne constituent pas un stade efficace dans la transmission de la maladie.

Transmission comparée par N. innumerabilis et P. aceris

Notre expérience a permis de vérifier la capacité vectrice de N. innumerabilis et de comparer ses capacités avec P. aceris dans les mêmes conditions expérimentales.

Nous avons confirmé la transmission des GLRaV-1 et GVA à la vigne par les deux espèces, mais de façon plus efficace par P. aceris. On note que les taux de transmissions sont supérieurs lorsque les effectifs de larves sont plus importants. Enfin, il est intéressant de noter qu'un minimum de 5 L1 de P. aceris est suffisant pour transmettre les virus.

Conclusion

Les recherches exposées ici montrent la complexité de l'épidémiologie de l'enroulement viral. La compréhension d'une épidémie d'enroulement sur une parcelle de vigne exige la connaissance des trois partenaires du pathosystème vigne-enroulement-cochenille.

On peut ainsi proposer une hiérarchisation, non exhaustive, du statut sanitaire d'une parcelle en fonction des facteurs enroulement viral et cochenilles (Tableau 2).

La présence d'espèces de cochenilles vectrices et leur rôle dans la dissémination de l'enroulement dans une parcelle sont des éléments majeurs à prendre en compte. Mais, quelles que soient les méthodes de lutte utilisées, l'absence totale d'insecte est impossible à garantir. Or, on l'a vu, un nombre réduit de larves suffit à inoculer l'enroulement et le bois strié de vigne à vigne.

L'application de mesures prophylactiques permet toutefois de contribuer à éviter la diffusion des cochenilles d'une parcelle à l'autre (Charles et al., 2006).

Ainsi, la mise en place de haies basses ou de zones enherbées isolant une parcelle de vigne nouvellement plantée pourrait constituer une barrière à sa colonisation depuis les parcelles voisines, mais de telles méthodes exigent d'être vérifiées par des essais en plein champ. L'assainissement d'un vignoble touché par l'enroulement viral sera ainsi effectif s'il est raisonné au niveau d'un ensemble parcellaire ou d'un bassin viticole. La lutte contre l'enroulement viral doit être envisagée en amont, dès la plantation.

En France, le matériel végétal certifié issu de la sélection clonale répond à des critères très satisfaisants en termes de garantie sanitaire. Toutefois, la réglementation en vigueur appliquée aux parcelles de multiplication nécessite des améliorations pour garantir de façon irréprochable l'absence des viroses graves.

Le matériel de catégorie standard est, lui, un facteur de risque réel de propagation de l'enroulement. La présence de viroses sur les parcelles de pieds-mères n'est en effet soumise qu'à simple inspection visuelle avec tolérance de 10 % de souches avec symptômes d'enroulement viral.

Ainsi, le remplacement progressif des parcelles enroulées avec du matériel végétal certifié semble être la principale mesure à mettre en œuvre pour limiter au mieux la propagation de l'épidémie.

Remerciements : Ces travaux de recherche ont été effectués avec les financements de FranceAgriMer et des interprofessions viticoles régionales (CIVC, BIVB, CIVA). L'auteur souhaite remercier les propriétaires des parcelles de Marsannay-la-Côte et de Bonzon pour leur collaboration.

Fig.1 : Cochenilles, les populations varient davantage entre parcelles qu'entre années.

Pourcentage de ceps infestés par des cochenilles pendant la période de suivi sur les deux parcelles d'étude.

Fig. 2 : Maladie de l'enroulement viral, évolution dans le temps.

(a) Evolution de la prévalence (taux de ceps malades) à Bonzon (rouge) et Marsannay-la-Côte (violet) entre 2004 et 2011.

(b) Incidence annuelle (nouveaux cas de l'année) sur les deux parcelles d'étude.

(c) Régression logistique de l'incidence de l'enroulement en fonction du temps.

Fig. 3 : Répartition spatiale à Bonzon : foyers plus ceps isolés, puis généralisation.

Cartographie des ceps contaminés par l'enroulement viral. Chaque carré correspond à une souche et signale son statut : blanc (sans symptôme), rouge (symptômes d'enroulement).

Fig. 4 : Répartition spatiale à Marsannay-la-Côte : ceps isolés... jusqu'ici.

Cartographie des ceps contaminés par l'enroulement viral. Chaque carré correspond à une souche et signale son statut : blanc (sans symptôme), rouge (symptômes d'enroulement).

Neopulvinaria innumerabilis, dite cochenille floconneuse de l'érable, infeste la vigne

 ph. J. Le Maguet

ph. J. Le Maguet

Neopulvinaria innumerabilis Rathvon (Hemiptera, Coccidae) pose un problème sanitaire émergeant en viticulture.

En France, on note des infestations importantes depuis quelques années dans le sud Mâconnais et en Beaujolais : les centaines de femelles colonisant les baguettes donnent naissance à une quantité impressionnante de larves occasionnant un dépérissement progressif des ceps infestés et des pertes de récolte notables dues à la grande quantité de miellat et de fumagine souillant les raisins. L'observation des femelles avant la ponte permet de distinguer cette espèce d'une autre cochenille floconneuse, Pulvinaria vitis (Sforza, 2008).

N. innumerabilis est polyphage mais affectionne particulièrement Vitis vinifera. Vraisemblablement d'origine nord-américaine mais connue en France depuis 1966 en Languedoc (Canard, 1966), elle a été signalée pour la première fois dans le vignoble mâconnais (La Roche Vineuse) en 1989 (Hodgson, 1994). De fortes infestations sont signalées dans divers vignobles de l'arc méditerranéen, en Croatie, Slovénie et Italie par exemple.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

RÉSUMÉ

- CONTEXTE

L'enroulement viral de la vigne, une des viroses les plus dommageables à cette culture dans le monde et présente en France, est dû à un complexe de virus diffusés par des cochenilles vectrices et/ou par du matériel végétal infecté. Cet article fait suite à une publication de 2010 dans Phytoma.

- TRAVAUX

Deux parcelles de vigne bourguignonnes ont été suivies :

– l'une très touchée à Bonzon (rappel du suivi 2004/2009 présenté en 2010 + résultats 2010 et 2011) ;

– l'autre à Marsannay-la-Côte, peu touchée jusqu'en 2011.

L'analyse montre que le pathosystème met en œuvre les mêmes acteurs : le virus GLRaV-1 et la cochenille farineuse Phenacoccus aceris, principale espèce présente. En revanche les dynamiques diffèrent dans le temps et l'espace, pour la diffusion du virus et l'infestation par les cochenilles.

Le rôle des plants contaminés et de la colonisation par des cochenilles depuis d'autres vignes voire d'autres végétaux (lierre) est analysé.

Des tests de transmission au laboratoire confirment la vection par P. aceris de plusieurs variants du GLRaV (GLRaV-1 et GLRaV-3 notamment) et montrent, c'est nouveau, la vection des GLRaV-6 (première identification mondiale d'un insecte vecteur pour cette espèce virale) et GLRaV-4.

Ils confirment aussi que Neopulvinaria innumerabilis, cochenille floconneuse émergente en France, est vectrice des virus GLRaV-1 et GVA.

- CONCLUSION

Ce pathosystème complexe est mieux connu. Une hiérachisation du statut sanitaire des parcelles est proposée, et des suggestions sont faites : « isolement » des nouvelles parcelles et surtout matériel végétal certifié.

- MOTS-CLÉS

Vigne, enroulement viral, virus, GLRV (Grapevine leafroll-associated virus), GLRaV-1, vecteur, cochenilles, Phenacoccus aceris, Neopulvinaria innumerabilis, matériel végétal.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : J. LE MAGUET : * Institut national de la recherche agronomique UMR 1131, Santé de la Vigne et Qualité du Vin, 68000 Colmar. ** Comité interprofesionnel du vin de Champagne (CIVC), 5, rue Henri-Martin, 51200 Epernay.

CONTACT : jean.le-maguet@orange.fr

VERSION INTÉGRALE, BIBLIOGRAPHIE, DIAGRAMMES 3D et TABLEAUX non montrés, disponibles à la rédaction : phytoma@gfa.fr

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :